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Conservatisme Et Libéralisme


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Posté
Ce n'est absolument pas incompatible ! Ce n'est pas parce que tu ne comprends rien à la notion de construction sociale, que je ne suis pas jusnaturaliste. J'aurais employé une expression du genre "acquis civilisationnel", personne n'aurait jamais rien eu à redire. Mais, évidemment, il suffit qu'il y ait "social" dans une expression pour que certains ait le poil qui se hérisse…

Le problème n’est pas le terme « social », mais celui de « construction », qui induit en l’occurrence une notion volontariste. Le problème du socialisme est qu’il détruit tout véritable lien social, en isolant les individus les uns des autres au bénéfice de la puissance tutélaire de l’Etat. La question posée ici est de voir par quel cheminement cela a pu être possible.

Et, de fait, nombre de libéraux du XIXe siècle ont créé les conditions de possibilité à l’essor du socialisme. Il est certain que « l’industrialisme » de Say, repris par Comte & Dunoyer (les pré-anarcaps de la Restauration), a aussi débouché sur le saint-simonisme. Du reste, libéraux comme pré-socialistes voulaient substituer le gouvernement des producteurs à celui des parasites - les seconds dans une optique clairement polytechnicienne, technocratique avant la lettre, en somme. C’est ce qui explique aussi le va-et-vient entre école saint-simonienne et libéralisme de certains économistes. Michel Chevalier garda ainsi de son passé socialiste le goût de l’utopie constructiviste. La politique coloniale française s’inscrit clairement dans cette optique d’ingénieurs sociaux partagée par les socialistes et plusieurs libéraux d’alors (Bastiat étant une exception).

Ensuite, que ce soit un libéral confirmé comme Constant, un Doctrinaire comme Guizot ou un orléaniste comme Thiers, se réclamaient tous, sans hésitation, de l’héritage de 1789. Fondamentalement, je crois que la question posée par melodius trouve son origine dans cet événement dramatique, cette tabula rasa anticipant les révolutions totalitaires du XXe siècle. Tous les libéraux ont condamné 1793, mais très peu se sont aperçus que les horreurs jacobines trouvaient leur source dès l’origine de la révolution. Mon post sur CPS ( http://chacun-pour-soi.blogspot.com/2006/0…-la-gauche.html ) était, au demeurant, un appel aux libéraux à s’intéresser aux problèmes posés par leur vision souvent trop angélique de 1789.

Apporter les lumières de la Raison pour éclairer le peuple, l’éduquer, le « délivrer de la superstition », tout cela participe du progressisme des Lumières, que l’on trouve par exemple chez un Condorcet (cité par Schnappi), de même que cette idée selon laquelle l’inégalité sociale (et pas seulement l’inégalité devant la loi) serait un mal à éradiquer ; l’argument libéral classique étant que le marché libre permet de diminuer les inégalités, comme si c’était un problème en soi. Apporter le commerce et « la civilisation » aux peuples indigènes n’est qu’une continuité de ce projet libéral-constructiviste.

Parmi les rares libéraux rejetant sans ambages l'héritage révolutionnaire, il y eut le Montalembert première période (qui s'inquiétait en particulier de l'esprit profondément antireligieux de la majorité des libéraux européens). Par après, il s'est résigné à l'avènement d'un monde démocratique, à l’instar de Tocqueville (mais en insistant sur la nécessité de la religion pour contenir les germes tyranniques de la démocratie). Je précise que Montalembert, tout en étant profondément catholique, n'était certainement pas ultramontain (cf. ses différents déboires avec Grégoire XVI et Pie IX).

En refusant de distinguer autorité légitime et autorité illégitime, les libéraux ont contribué à détruire - au nom du Progrès et de la Raison - des institutions qui empêchaient l’Etat de trop s’immiscer dans la vie d’autrui. A cet égard, je précise qu’il ne s’agit pas ici de séparation des pouvoirs (organisés par l’Etat), mais de l’exercice de contre-pouvoirs (extérieurs à lui).

Posté
Et, moi-même, je t'avais demandé

Ce qui était déjà une déformation de ce que j'avais écrit. :icon_up:

Il n'y pas que Marx, il n'y pas que les grands auteurs libéraux. On est en plein dans ton domaine là pourtant, avoue !

Le problème n’est pas le terme « social », mais celui de « construction », qui induit en l’occurrence une notion volontariste. Le problème du socialisme est qu’il détruit tout véritable lien social, en isolant les individus les uns des autres au bénéfice de la puissance tutélaire de l’Etat. La question posée ici est de voir par quel cheminement cela a pu être possible.

Et, de fait, nombre de libéraux du XIXe siècle ont créé les conditions de possibilité à l’essor du socialisme. Il est certain que « l’industrialisme » de Say, repris par Comte & Dunoyer (les pré-anarcaps de la Restauration), a aussi débouché sur le saint-simonisme. Du reste, libéraux comme pré-socialistes voulaient substituer le gouvernement des producteurs à celui des parasites - les seconds dans une optique clairement polytechnicienne, technocratique avant la lettre, en somme. C’est ce qui explique aussi le va-et-vient entre école saint-simonienne et libéralisme de certains économistes. Michel Chevalier garda ainsi de son passé socialiste le goût de l’utopie constructiviste. La politique coloniale française s’inscrit clairement dans cette optique d’ingénieurs sociaux partagée par les socialistes et plusieurs libéraux d’alors (Bastiat étant une exception).

Ensuite, que ce soit un libéral confirmé comme Constant, un Doctrinaire comme Guizot ou un orléaniste comme Thiers, se réclamaient tous, sans hésitation, de l’héritage de 1789. Fondamentalement, je crois que la question posée par melodius trouve son origine dans cet événement dramatique, cette tabula rasa anticipant les révolutions totalitaires du XXe siècle. Tous les libéraux ont condamné 1793, mais très peu se sont aperçus que les horreurs jacobines trouvaient leur source dès l’origine de la révolution. Mon post sur CPS ( http://chacun-pour-soi.blogspot.com/2006/0…-la-gauche.html ) était, au demeurant, un appel aux libéraux à s’intéresser aux problèmes posés par leur vision souvent trop angélique de 1789.

Apporter les lumières de la Raison pour éclairer le peuple, l’éduquer, le « délivrer de la superstition », tout cela participe du progressisme des Lumières, que l’on trouve par exemple chez un Condorcet (cité par Schnappi), de même que cette idée selon laquelle l’inégalité sociale (et pas seulement l’inégalité devant la loi) serait un mal à éradiquer ; l’argument libéral classique étant que le marché libre permet de diminuer les inégalités, comme si c’était un problème en soi. Apporter le commerce et « la civilisation » aux peuples indigènes n’est qu’une continuité de ce projet libéral-constructiviste.

Parmi les rares libéraux rejetant sans ambages l'héritage révolutionnaire, il y eut le Montalembert première période (qui s'inquiétait en particulier de l'esprit profondément antireligieux de la majorité des libéraux européens). Par après, il s'est résigné à l'avènement d'un monde démocratique, à l’instar de Tocqueville (mais en insistant sur la nécessité de la religion pour contenir les germes tyranniques de la démocratie). Je précise que Montalembert, tout en étant profondément catholique, n'était certainement pas ultramontain (cf. ses différents déboires avec Grégoire XVI et Pie IX).

En refusant de distinguer autorité légitime et autorité illégitime, les libéraux ont contribué à détruire - au nom du Progrès et de la Raison - des institutions qui empêchaient l’Etat de trop s’immiscer dans la vie d’autrui. A cet égard, je précise qu’il ne s’agit pas ici de séparation des pouvoirs (organisés par l’Etat), mais de l’exercice de contre-pouvoirs (extérieurs à lui).

Hahaaa, la charge de la cavalerie lourde a enfin eu lieu ! :doigt:

J'ajouterais qu'au-delà du libéralisme tel qu'il se décline dans les déclarations de principe et les ouvrages savants, il y a aussi le libéralisme vulgaire, celui qui a réellement été appliqué et la "culture" qu'il a créé. Et c'est tout particulièrement là que se situent une série de problèmes.

Posté

Je partage pleinement l'opinion de RH sur la question, je n'ai rien d'autre à dire.

Posté

Pour poursuivre sur ma lancée et éliminer un fantôme qui plane sur liberaux.org, je ne crois pas du tout à la réinstauration des institutions que la modernité a détruites, et je ne crois pas non plus qu'il sera possible de rechristianiser l'Europe (ni de l'islamiser ou de la judaïser d'ailleurs).

La Chrétienté européenne est morte et enterrée, qu'on le regrette ou qu'on s'en réjouisse.

Par contre, il me semble qu'on s'aperçoit aujourd'hui que le vide qu'elle a laissé n'a pas été comblé de manière très satisfaisante (ô doux euphémisme…) Pour l'instant, on ne voit pas des masses de réponses à ce qui est pourtant le grand défi de notre temps.

Posté
Pour poursuivre sur ma lancée et éliminer un fantôme qui plane sur liberaux.org,

:doigt:

Albert Li ?

:icon_up:

Posté

On ne peut effectivement jamais revenir en arrière, aussi la religion est quasiment morte. Ce n'est pas sans poser de problèmes, car les religions ont une justification y compris dans le monde moderne, celle de transmettre les valeurs traditionnelles (dont le respect de la propriété, etc.). Je ne sais pas trop comment on comblera le vide.

Posté
Le problème n’est pas le terme « social », mais celui de « construction », qui induit en l’occurrence une notion volontariste.
Pour poursuivre sur ma lancée et éliminer un fantôme qui plane sur liberaux.org, je ne crois pas du tout à la réinstauration des institutions que la modernité a détruites, et je ne crois pas non plus qu'il sera possible de rechristianiser l'Europe (ni de l'islamiser ou de la judaïser d'ailleurs).

Pour l'instant, on ne voit pas des masses de réponses à ce qui est pourtant le grand défi de notre temps.

:icon_up: Voilà pourquoi je parle de construction sociale. C'est typiquement ce genre de question qui est à l'origine d'une réflexion, d'un construction progressive de concept, etc. qui mène à des ensembles intellectuels comme le droit. Ce que propose Mélo, c'est de re-constuire quelque chose. Il est évident que ca ne va pas apparaître de façon spontanée, il y a de la volonté humaine là-derrière. Le fait que la construction ait eu lieu il y a un an, un siècle ou un millénaire (ou qu'elle soit progressive) ne change rien au fait que c'est une construction.

Sinon,

Apporter les lumières de la Raison pour éclairer le peuple, l’éduquer, le « délivrer de la superstition », tout cela participe du progressisme des Lumières,

Quitte à être chiant, j'aimerais savoir où une telle idée apparaît chez Marx, qui s'il n'est pas le seul auteur socialiste, n'en est quand même pas le moindre.

Posté
:icon_up: Voilà pourquoi je parle de construction sociale. C'est typiquement ce genre de question qui est à l'origine d'une réflexion, d'un construction progressive de concept, etc. qui mène à des ensembles intellectuels comme le droit. Ce que propose Mélo, c'est de re-constuire quelque chose. Il est évident que ca ne va pas apparaître de façon spontanée, il y a de la volonté humaine là-derrière. Le fait que la construction ait eu lieu il y a un an, un siècle ou un millénaire (ou qu'elle soit progressive) ne change rien au fait que c'est une construction.

C'est dingue comme tu parviens à me faire dire l'exact contraire de ce que j'ai dit; il n'y a PAS MOYEN de reconstruire cela et je ne le "propose" donc pas. Soyons de bon compte, ce n'est pas parce qu'on ne croit pas au constructivisme (=ordonner la société selon ses lumières personnelles) qu'on s'imagine que l'action humaine (=entre autres, participer à la vie de la société) est impossible.

Si ta compréhension de ce que j'écris fait apparaître une absurdité, 99/100 c'est que ta compréhension est fausse. :doigt::warez:

Sinon,

Quitte à être chiant, j'aimerais savoir où une telle idée apparaît chez Marx, qui s'il n'est pas le seul auteur socialiste, n'en est quand même pas le moindre.

Je ne connais pas Marx aussi bien que toi, mais ça découle en tout cas clairement de son analyse des superstructures idéologiques, qui se modifieront avec les infrastructures économiques et donc la révolution (antithèse) et l'état final de "communisme" (synthèse).*

*T'as vu, moi aussi je dialectise !

Posté
:icon_up: Voilà pourquoi je parle de construction sociale. C'est typiquement ce genre de question qui est à l'origine d'une réflexion, d'un construction progressive de concept, etc. qui mène à des ensembles intellectuels comme le droit. Ce que propose Mélo, c'est de re-constuire quelque chose. Il est évident que ca ne va pas apparaître de façon spontanée, il y a de la volonté humaine là-derrière. Le fait que la construction ait eu lieu il y a un an, un siècle ou un millénaire (ou qu'elle soit progressive) ne change rien au fait que c'est une construction.

L'organisation politique est une "construction"; pas les principes du droit.

Sinon,

Quitte à être chiant, j'aimerais savoir où une telle idée apparaît chez Marx, qui s'il n'est pas le seul auteur socialiste, n'en est quand même pas le moindre.

L'entreprise de "rééducation", l'arrachement aux "coutumes obscurantistes et réactionnaires", cela ne fait pas partie de la praxis des socialo-communistes ?

Posté
Ji counni, chokran mon z'ami.

En l'occurrence, le bon Friedrich était conservateur, mais bon, ça l'ennuyait le pôvre.

Je pense exactement la même chose, je crois qu'il avait un problème avec cette étiquette :icon_up: [mais ce texte est intéressant car il développe l'idée de deux traditions libérales]

Posté
Je ne connais pas Marx aussi bien que toi, mais ça découle en tout cas clairement de son analyse des superstructures idéologiques, qui se modifieront avec les infrastructures économiques et donc la révolution (antithèse) et l'état final de "communisme" (synthèse).*

Ben, justement non ! C'est absurde dans une logique de matérialisme historique. Et il vitupère contre ceux (feuerbach, stirner) qui veulent "empecher l'homme de se noyer en effacant de son esprit l'idée de la pesanteur" (de mémoire).

Le progrès de l'homme par l'enseignement est un absurdité idéologique parce qu'elle ne modifie en rien les réalités sociales de la production qui définissent la réalité de la vie humaine.

L'émancipation du prolétariat passe par la révolution pas par une idée abstraite comme "la raison" ou "les lumières".

Quant aux constructions sociales, on en reparlera un autre jour. Il doit vous suffir pour l'instant de savoir que vous vous trompez.

Posté
Ben, justement non ! C'est absurde dans une logique de matérialisme historique. Et il vitupère contre ceux (feuerbach, stirner) qui veulent "empecher l'homme de se noyer en effacant de son esprit l'idée de la pesanteur" (de mémoire).

Le progrès de l'homme par l'enseignement est un absurdité idéologique parce qu'elle ne modifie en rien les réalités sociales de la production qui définissent la réalité de la vie humaine.

L'émancipation du prolétariat passe par la révolution pas par une idée abstraite comme "la raison" ou "les lumières".

Encore une fois, tu fais mine de comprendre l'exact contraire de ce que j'ai écriit. Is there a pattern here ?

Pour Marx, dont je te rappelle qu'il est UN socialiste parmi d'autres (et sur lequel je te suspecte d'insister en raison de son économisme qui fait qu'il est le socialo qui donne le moins de prise aux critiques que j'ai développées…) l'économie entraine le reste; c'est EXACTEMENT ce que j'ai écrit. Ca implique évidemment que ces superstructures se "rationaliseront" de concert avec l'infrastructure économique, qui les entraine dans son sillage.

D'ailleurs, Marx n'est pas tout le marxisme, loin de là. J'en reviens à Gramsci, qui lui renverse carrément le rapport (enfin, c'est un peu plus compliqué que cela, mais soit). On en voit cependant déjà les prémices chez Lénine et Staline. Quant aux socialistes non marxistes, c'est encore plus net; il suffit de voir quelle était l'importance des activités culturelles des maisons du peuple, l'intérêt que la gauche a toujours eu pour la culture, ses prétentions scientifiques (tant qu'elle pouvait faire mine de croire que la science corroborait son idéologie évidemment, ce qui a commencé à merder dès la fin du 19ème), bref, comme elle a toujours prétendu incarner la modernité.

Quant aux constructions sociales, on en reparlera un autre jour. Il doit vous suffir pour l'instant de savoir que vous vous trompez.

Seulement tu es incapable de nous expliquer pourquoi, c'est ça ? :icon_up:

Posté
Ben, justement non ! C'est absurde dans une logique de matérialisme historique. Et il vitupère contre ceux (feuerbach, stirner) qui veulent "empecher l'homme de se noyer en effacant de son esprit l'idée de la pesanteur" (de mémoire).

Le progrès de l'homme par l'enseignement est un absurdité idéologique parce qu'elle ne modifie en rien les réalités sociales de la production qui définissent la réalité de la vie humaine.

L'émancipation du prolétariat passe par la révolution pas par une idée abstraite comme "la raison" ou "les lumières".

Oui, mais le marxisme n'est pas exempt de contradictions : sa fameuse dialectique charlatanesque en est la meilleure preuve. Ensuite, s'il y a bien eu un mouvement matérialiste avant Marx, c'est celui des Lumières… et pourtant beaucoup de ses penseurs étaient de grands défenseurs de l'enseignement public.

De plus, comme je l'ai écrit auparavant, une parenté est évidente dans la volonté d'extirper la "superstition", obsession que l'on a retrouvée dans tous les régimes socialistes et sociaux-démocrates. En outre, la question est plus générale, et ne s'attache pas exclusivement au marxisme. J'ai évoqué, par exemple, le socialisme de Saint-Simon.

EDIT : cf. aussi les remarques de Melo concernant le "Kulturkampf" mené par plusieurs courants marxistes.

Posté
J'avoue ne pas tout à fait comprendre; qui est honteux du capitalisme sur ce forum ?

Comment ne vois-tu pas que le discours dominant sur le forum ("être libéral-c'est-pas-défendre-le capitalisme-mais-adopter-une-philosophie-morale-top-cool-hyper-chébran-et-top-pas-contraignante") a quelque parenté avec celui des socialistes ???

Pour dire les choses autrement : OK le libéralisme n'est pas un économisme, mais à trop insister là-dessus on va droit vers la récup gauchiste (cf le texte de Sternhell posté il y a quelques temps).

Pour formuler cela en quelques mots, je dirais que les libéraux ont privilégié la Raison sur la liberté, et que ça explique en grande partie pourquoi nous devons faire face aujourd'hui à des états tout-puissants.

Non, ils ont souvent cédé à une conception naïve et tabularasiste de la raison qui est liberticide. Le rationnalisme critique (Popper, Hayek, M. Polanyi) prône l'expérimentation sociale parcellaire, qui présente beaucoup moins de dangers pour la liberté.

Quant aux liens du marxisme avec le conservatisme, ils sont affirmés par Marx lui-même. N'oublies pas que la vision marxiste de l'histoire n'est pas progressiste-progressive, terme primitivement libéral. L'histoire se concoit sous le forme de rupture où chaque époque, déterminée par ses contradictions (thèse et antithèse), est dépassée par l'époque suivante qui est une synthèse dialectique reprennant des éléments des deux forces antérieures pour produire quelque chose de neuf avec une impossibilité de retour en arrière. Le marxisme se concoit comme ce "quelque chose de neuf" issu de la syntyhèse dépassante du libéralisme et du conservatisme.

Marx est progressiste dans la mesure où il est historiciste. Etre progressiste, c'est essentiellement prétendre aller dans le sens de l'histoire, celle-ci étant censée acheminer les hommes vers le Progrès.

Sinon, sur la question du DN, c'est schnappi qui a raison (naturellement, si j'ose dire).

Posté

Ce fil pose beaucoup de questions.

Permettez-moi d'en ouvrir un ou deux autres.

Je n'aurai pas forcément le temps d'y participer, malheureusement.

Posté

L'article sur Burke était intéressant, je ne connaissais pas particulèrement sa philosophie.

C'était un libéral (apparemment), mais critiquait cet "autre" libéralisme continental, rationnel et abstrait. D'où sa "théorisation" de l'idée de conservatisme qui n'est pas une idéologie en tant que telle, mais juste une force contraire au progrès. Il est donc beaucoup plus important historiquement que ce qu'on pourrait penser, car il a théorisé en partie le bipartisme de la démocratie occidentale: le progressisme face au conservatisme, 2 forces moteurs dans l'élaboration des idées et qui animent la vie politique en Occident.

La séparation essentielle entre gauche et droite ne se fait pas sur des critères du temps, ce n'est pas une opposition entre des monarchistes et des républicains, entre démocrates et républicains, ou encore entre socialistes et libéraux. Rien de tout ça, la véritable séparation entre la gauche et la droite, c'est une séparation entre progressistes et conservateurs, entre une force qui veut réformer et une autre qui protège le statu quo. Je pense que depuis déjà plus de 200 ans ça n'a jamais vraiment changé, on en est toujours au même point.

(Le problème d'aujourd'hui, c'est de savoir qui sont vraiment progressistes et qui sont vraiment conservateurs! lol)

Donc, pour répondre à l'interrogation de Melodius sur un "programme positif conservateur", réponse simple: il n'y en a pas, car le conservatisme n'a pas de programme en tant qu'idéologie (car ce n'est pas une idéologie). Je pense que l'héritage du conservatisme politique burkien est la "bonne gouvernance" (terme politiquement correct pour dire pragmatisme), et qu'au fond nous vivons déjà presque tous plus ou moins dans des sociétés conservatrices. On a un peu de mal à s'en rendre compte et on ne s'est jamais posé la question car c'est une évidence. Le socialisme et le libéralisme ne sont que des abstrations très relatives, selon les repères individuelles, les USA dans un certain sens sont un Etat socialiste, ou la France un Etat libéral. Par contre le conservatisme burkien a au moins le mérite d'avoir un héritage "vrai", la bonne gouvernance, ça on est un peu près sûr que c'est du vrai.

Je pense que le débat entre la modernité et la tradition (sous-entendu dans ce débat sur le conservatisme), est depuis longtemps dépassé. D'après moi, ceux qui étaient vraiment "in" au 19e siècle ne sont pas ceux qui ont tenté de comprendre le libéralisme et de définir le socialisme. Marx et Engels, et en général tous les philosophes socio-économiques "post-révolutionnaires", tout en étant "relativement" révolutionnaires, n'ont fait que prolonger les réflexions de la fin du 18e siècle sur la rationnalité. Ce n'étaient pas de véritables découvreurs, tout juste des approfondisseurs.

Pour moi, les véritables penseurs du 19e siècle, ceux qui méritaient vraiment une certaine attention, sont ceux qui se sont interrogés sur le paradigme juste au-dessus, c'est-à-dire non plus une interrogation sur la rationalité, mais sur la volonté.

Les modernes qui se prétendaient véritables rationnels, à la fin du 18e siècle (libéraux universels et républicains), n'ont pas plus de légitimité que les traditionnalistes "éclairés" du 19e siècle qui sont eux aussi rationnels. Les 2 camps opposés ont chacun su élaborer leurs sciences cohérentes, d'un côté les sciences dures sur les aspects mécaniques de la vie (économie et autres sciences mathématiques), de l'autre les sciences humaines sur les aspects organiques de la vie (sociologie, ethnologie, histoire et autres sciences humaines plus ou moins pertinentes). Une fois qu'on a dit ça, le débat sur la rationnalité est clos.

La véritable légitimité, c'est la volonté. Nous ne souhaitons pas limiter le rôle de l'Etat, centrer les débats sur l'individu, supprimer toutes les différentes frontières et tous les corporatismes parce que ça répond à une logique rationnel et efficace, parce que c'est universel ou encore parce que c'est humaniste. Rien de tout ça. Nous sommes libéraux parce que nous le voulons, point. C'est la volonté qui détermine le destin de l'Humanité, qui guide l'action de l'Homme et qui forge l'Histoire. Les Révolutionnaires français ont fait la guerre en France et à l'Europe toute entière parce qu'ils le voulaient, les Asaciens (exemple maintes fois repris) sont français et non pas allemand parce qu'ils l'ont voulu et parce que les Français le voulaient.

C'est pour ça que je pense que le meilleur philosophe du 19e siècle n'est pas Marx (en toute relative "objectivité", non pas parce que je n'aime pas sa philosophie), mais Nietzsche car il a su poser des questions sur l'Humanité beaucoup plus pertinentes. Qu'est-ce qui pousse l'homme à agir? La Morale est-elle définissable? Nietzsche a tout sapé, la morale n'est qu'une conséquence historique, la liberté est conditionnée par le biologique (corps, sexe, instinct primitif, etc.), bref toutes les sciences "humanoïdes" ne sont que du vent.

Si on voulait être vraiment rationnel, selon Nietzsche, il faudrait commencer par détruire la Culture. Il n'est pas normal qu'un individu parle français à Strasbourg, alors que si il était né à seulement quelques kilomètres de là outre-Rhin, il parlerait allemand. Le meilleur pour lui-même, si on était purement rationnel à 100%, c'est de le laisser tout seul parler sa propre et unique langue, former ses propres syllabes qui seraient une conséquence de l'interaction entre son corps et son environnement. Après tout pourquoi est-ce qu'on dit "aïe" quand on a mal en France, alors qu'en GB on dit "ouch"? Le vrai son pour exprimer la douleur devrait être individuel, laissons un individu grandir tout seul dans la jungle et tapons-le, le son de douleur qu'il exprimera sera le sien et ce sera lui le vrai son. C'est en laissant l'individu seul face à ses propres plaisirs qu'il découvrira le vrai "moi" qu'il y a en lui. Etre en harmonie avec ce qu'on est "vraiment", c'est un autre sens de la liberté, d'où sa fameuse phrase "devient ce que tu es". Je pense qu'en voyant tout ce monde prendre le métro chaque jour comme du bétail, toutes ces guerres nationalistes à n'en plus finir, Nietzsche serait dégoûté du monde d'aujourd'hui.

Alors voilà, rationnalisme, rationnalisme, il y en a plein des "rationnalismes".

Posté
Il est donc beaucoup plus important historiquement que ce qu'on pourrait penser, car il a théorisé en partie le bipartisme de la démocratie occidentale: le progressisme face au conservatisme, 2 forces moteurs dans l'élaboration des idées et qui animent la vie politique en Occident.

La séparation essentielle entre gauche et droite ne se fait pas sur des critères du temps, ce n'est pas une opposition entre des monarchistes et des républicains, entre démocrates et républicains, ou encore entre socialistes et libéraux. Rien de tout ça, la véritable séparation entre la gauche et la droite, c'est une séparation entre progressistes et conservateurs, entre une force qui veut réformer et une autre qui protège le statu quo. Je pense que depuis déjà plus de 200 ans ça n'a jamais vraiment changé, on en est toujours au même point.

Ce propos - bipolarité - est en contradiction avec toutes les études politiques que j'ai pu lire, qu'elles soient celles de René Rémond, Gauchet, Dupuy, Hayek, etc. Et le passage que j'ai cité résume, à mon sens, très bien, le véritable apport du libéralisme, et pourrait-on dire, son sens profond pour tenter de résoudre le problème du pouvoir et de l'origine de la loi, qui, en plus d'être un problème complexe, peut avoir des conséquences très facheuses. J'en serai presque à dire que qui n'a pas compris ça n'a pas compris la rupture qu'introduit le libéralisme avec les autres idéologies politiques.

Qu'est-ce qui pousse l'homme à agir? La Morale est-elle définissable? Nietzsche a tout sapé, la morale n'est qu'une conséquence historique, la liberté est conditionnée par le biologique (corps, sexe, instinct primitif, etc.), bref toutes les sciences humanoïdes ne sont que du vent.

Que quelque chose qui soit issu d'un processus historique n'empêche pas qu'il est un sens (transcendant ?) qui soit d'un autre ordre qu'historique. Penser le contraire est un point de vue qui ne peut concevoir les normes que comme le produit d'une volonté qu'elle soit elle-même transcendant ou "rationnelle". Un point de vue qui n'a pas compris qu'un troisième terme - libéral, mais l'appellation est surement absive - pouvait (devait ?) exister.

Après tout pourquoi est-ce qu'on dit "aïe" quand on a mal en France, alors qu'en GB on dit "ouch"?

Je dis "ouch". :icon_up:

Posté

Bonsoir Etienne.

Je ne connais pas du tout les auteurs que tu as cité (sauf Hayek), ça fait toujours plaisir de découvrir quelque chose. Mais je ne crois pas que ma petite "analyse" de l'article dédié à Burke soit complètement fausse pour autant. Certes, la politique ne se résume pas qu'à une bipolarité, à un combat entre une force progressiste et une force conservatrice de manière évidente, la politique est je l'espère plus complexe que cela. Néanmoins, en tant que spectateur on constate que cette perception de la politique n'est pas totalement remise en cause aujourd'hui. La politique, ça reste toujours en grande partie une opposition entre ceux qui veulent changer et ceux qui veulent maintenir le statu quo, alors certes ça peut se faire de manière plus ou moins complexe et dynamique, ça peut transcender le clivage gauche/droite, mais fondamentalement cette opposition progressistes/conservateurs reste quand même un moteur de la démocratie. Pas besoin de faire Science Po pour se rendre compte de ces évidences.

J'ai lu un passage que t'as cité (Jean-Pierre Dupuy, Libéralisme et Justice Sociale à la page 4, j'espère que c'est de ce passage là dont tu parles, n'ayant pas suivi vos débats…). Je l'ai trouvé plutôt excellent, il dit avec de bons mots de manière claire et concise ma vision des choses que je n'arrive pas forcément à bien exprimer. C'est surtout le passage en gras que j'ai apprécié:

Comme les réactionnaires, les libéraux affirment l'indépendance et l'antériorité de l'ordre social par rapport à la volonté des hommes. Mais ce n'est pas parce que cet ordre serait le reflet d'une volonté supérieure et extérieure. C'est parce qu'il est le produit spontané de la dynamique sociale elle-même, et que celle-ci se déroule indépendamment de la conscience et de la volonté de ses propres acteurs. Du point de vue du libéralisme de Constant, la prétention révolutionnaire ou moderne de construire la société, d'une part, et la soumission archaïque à un ordre extra-humain, à laquelle veulent revenir les réactionnaires, d'autre part, ont une caractéristique commune en deçà de leur opposition manifeste. L'une et l'autre font de l'ordre collectif le produit d'un pouvoir, d'une volonté consciente et agissante, toute la différence étant qu'elle s'exerce ici de l'extérieur et là de l'intérieur.

Or il existe une manière radicalement différente de penser la question. C'est de faire du pouvoir, et de la loi, non la cause de l'ordre social, mais son expression - l'ordre social, lui, ne renvoyant qu'à lui-même, qu'à son organisation interne.

C'est le passage que j'ai mis en gras que j'ai trouvé excellent, il montre en fait de manière claire que sans pour autant adhérer à la "volonté" traditionnaliste, le libéralisme ne rejette pas pour autant les "sciences humaines", à nier la nature sociale de l'Homme. Un "produit de la dynamique sociale elle-même", c'est un peu près tout ce que j'ai voulu dire et que je n'ai pas su dire. C'est pour cette raison que je ne tolère pas trop les libéraux "ultra-individualistes", car justement si on devait raisonner de manière rationnelle, je peux alors dire que la philosophie de Nietzsche est aussi un aboutissement possible de cet ultra-individualisme, comme je l'ai cité plus haut. Mais tout en comprenant en grande partie les traditionnalistes et la philosophie qui émane des contre-révolutionnaires, attaqués de manière un peu injuste par l'Histoire, je n'adhère pas pour autant à ce "conservatisme traditionnelle" et au maintien forcé de la Tradition. La Culture étant avant tout un produit humain, elle est donc susceptible de changer au cours du temps, et justement dans cette citation de Jean-Pierre Dupuy, on fait bien la différence entre la pensée libérale et la pensée réactionnaire: pour l'une la Culture se fait à l'intérieur de la société, pour l'autre de l'extérieur.

Jean-Pierre Dupuy a aussi bien défini ce que devrait être le pouvoir, c'est-à-dire une expression. C'est aussi la conception que je me suis fait de la politique, c'est-à-dire non pas une gouvernance mais une gestion, de la démocratie et non du républicanisme.

Donc voilà, je me suis retrouvé dans cette personne, ça fait toujours plaisir de voir que je ne suis pas seul :doigt:

Sinon oui bien sûr qu'un processus historique n'empêche pas qu'il soit transcendant. Je suis moi aussi persuadé que peu de gens accepterait à nouveau que des Juifs soient à nouveau battus pour servir des Egyptiens et qu'on trouve ça normal (quoique pour certains j'ai des doutes lol). Pour autant, comme je l'avais dit dans un autre post, je crois que ce qui nous semble transcendant et universel est un mirage. C'est par l'expérience qu'on a l'impression que ces choses sont prétendus universels et transcendants, et parce que cette expérience est une expérience partagée par un très grand nombre d'individus. Mais un très grand nombre d'individus ne signifie pas que c'est inhérent à l'humanité. Qui nous dit que tous les Hommes de ce monde considère le vol comme un crime? L'Etat vole tous les jours et il y en a pour dire que l'impôt sur le revenu est une bonne idée, dans ce cas comment prétendre que le droit à la propriété est un droit universel? Des incohérences morales il y en a plein de par le monde, le monde est un vrai bazar de systèmes moraux, et encore aujourd'hui croire qu'un système de valeurs est transcendantal et non-historique ne me semble pas très juste (pour ne pas être impoli…).

Enfin bon.

Moi de mon côté c'est "ahhh" quand j'ai mal, à mon avis je pense que même socialisé dans une autre vie, si on me tape fort j'aurais crié "ahhh" aussi :icon_up:

Posté
… ce qui correspond exactement à l'idée de HHH sur le fédéralisme, idée que tu contestes.

Cette idée n'est pas "celle de HHH" : on peut la retrouver chez quasiment tous les auteurs de la tradition libérale ! Exemple : Hayek, DLL 3, pp.173-175 . Relisez-le, il est on ne peut plus clair.

Invité jabial
Posté
Par contre, si on accepte l'idée que la collaboration entre individus et l'expérience permettent d'arriver à plus que ce à quoi on parvient tout seul dans son coin, l'équidistance qu'affecte Jabial entre la coûtume et la raison individuelle est indéfendable.

L'idée que la collaboration entre individus et l'expérience permettent systématiquement d'arriver à plus que ce à quoi on parvient tout seul dans son coin est complètement fausse dès le départ, et elle est démentie par les faits. De plus, tu oublies que seule la collaboration entre individus faisant usage de leurs raisons individuelles aboutit à quelque chose qui a la moindre chance de fonctionner.

Je n'ai jamais dit qu'il y a équidistance entre coutume et raison : la coutume ne vaut rien (donc, rien en négatif non plus), la raison vaut tout.

Le Goulag a été une nouveauté à un moment donné; donc ton exemple n'est pas très pertinent.

Tout a été une nouveauté à un moment donné. Il n'empêche qu'en 2006 ce n'est plus une nouveauté depuis longtemps, et que l'emprisonnement à usage politique est une institution qui a fait ses preuves et perdure. Toutes proportions gardées, l'impôt sur le revenu aussi.

tout ce que je dis pour ma part est que ce qui existe mérite d'être examiné plus attentivement et avec plus de respect que ce qui n'existe pas, quitte à finalement le rejeter.

Et bien je ne suis pas d'accord. Si on appliquait ce principe jusqu'au bout, on en serait encore à l'éclairage aux chandelles.

Pour formuler cela en quelques mots, je dirais que les libéraux ont privilégié la Raison sur la liberté, et que ça explique en grande partie pourquoi nous devons faire face aujourd'hui à des états tout-puissants.

Comme Faré, je pense au contraire que la Raison a été laissée de côté, et que les libéraux ont été tout simplement débordés par une réaction messianiste qui s'est rabattue sur un dieu athée, le Peuple Ouvrier, incarné plus tard par plusieurs messies successifs : Marx, Lénine, Staline, Mao, etc…

Posté
L'idée que la collaboration entre individus et l'expérience permettent systématiquement d'arriver à plus que ce à quoi on parvient tout seul dans son coin est complètement fausse dès le départ, et elle est démentie par les faits. De plus, tu oublies que seule la collaboration entre individus faisant usage de leurs raisons individuelles aboutit à quelque chose qui a la moindre chance de fonctionner.

1. je ne l'oublie pas, elle va de soi; tu enfonces une porte ouverte

2. "systématiquement" est un straw man d'autant plus déplaisant que j'ai insisté sur le fait que ce n'est pas systématique.

Je n'ai jamais dit qu'il y a équidistance entre coutume et raison : la coutume ne vaut rien (donc, rien en négatif non plus), la raison vaut tout.

"La coûtume ne vaut rien", c'est l'essence du progressisme et donc une attitude que tu ferais bien de réexaminer, à moins de vouloir jouer aux compagnons de route du socialisme. Et surtout, ce n'est pas un argument valable à opposer aux raisons que je t'ai données pour défendre l'idée contraire. Pour un amant de la "Raison", ça la fout un peu mal quand même.

"La raison", ça n'existe pas hors du monde des concepts; il s'agit en réalité du fruit des réflexions de x, y ou z. Or, j'ai la faiblesse de croire que tout le monde ne dispose pas des mêmes capacités, et surtout que facultés intellectuelles, justice, morale, etc. ne sont pas nécessairement liées.

Tout a été une nouveauté à un moment donné. Il n'empêche qu'en 2006 ce n'est plus une nouveauté depuis longtemps, et que l'emprisonnement à usage politique est une institution qui a fait ses preuves et perdure. Toutes proportions gardées, l'impôt sur le revenu aussi.

Si tout est pareil à tout, évidemment que tout a toujours existé. Si tu consentais à examiner les choses de manière un peu plus fine, tu constaterais qu'un siècle n'est pas grand chose au regard de l'histoire de l'humanité et que le XXème siècle a vu apparaître une oppression tellement plus importante quantitativement qu'on ne peut nier qu'il y ait eu un saut qualitatif.

Et bien je ne suis pas d'accord. Si on appliquait ce principe jusqu'au bout, on en serait encore à l'éclairage aux chandelles.

Je crois qu'il était assez évident que je ne parlais pas de technologie, mais de structures légales et institutionnelles.

Comme Faré, je pense au contraire que la Raison a été laissée de côté, et que les libéraux ont été tout simplement débordés par une réaction messianiste qui s'est rabattue sur un dieu athée, le Peuple Ouvrier, incarné plus tard par plusieurs messies successifs : Marx, Lénine, Staline, Mao, etc…

Ils ont été "débordés", comme tu dis très justement, parce qu'ils ont ouvert la boîte de Pandore.

A ton tour de me répondre : qu'est-ce qui te semble le plus important, la Raison ou la liberté ?

Pour ma part, je pense de plus en plus que si le libéralisme historique a échoué et a même pavé la route du socialisme triomphant, c'est parce qu'on a voulu imposer la "Raison" en oubliant la liberté. En d'autres termes, parce qu'on a voulu changer la nature de l'être humain. Et la meilleure, c'est qu'en poursuivant cet objectif, il a sapé les fondements de son programme institutionnel (séparation des pouvoirs).

Posté
"La raison", ça n'existe pas hors du monde des concepts; il s'agit en fait du fruit des réflexions de x, y ou z

Ce qui me chagrine dans la distinction et l'opposition que vous faîtes entre la raison et la liberté, c'est que vous restez prisonniers d'une conception classique et naïve de la raison. La raison n'est ni une chose (le "fruit" des réflexions), ni une faculté (une "partie" du cerveau ou de l'âme) mais une norme. Partant de là, pas plus la Raison hégélienne que la raison mécaniste des Lumières ne sont des appréhensions convenables de la rationalité. La rationalité est un critère discursif, ayant trait aux descriptions d'actions ou d'actes de pensée (les fameux "raisonnements"). C'est un critère de jugement, pas une chose du monde.

Par ces considérations un peu abstruses, ce que je veux souligner c'est que le distinguo entre la tradition et la raison est tout bonnement inopérant. Il peut y avoir des raisons dans une organisation traditionnelle comme dans une organisation rationaliste. Il faut trouver d'autres critères pour séparer le conservatisme du constructivisme.

Posté

Je suis entièrement d'accord avec les propos de Melodius. Je m'égare peut-être mais cela me fait penser à ce passage tiré du Libéralisme de Mises.

La plus grande illusion du libéralisme classique fut son optimisme quant à la direction que devait nécessairement prendre l'évolution de la société. Pour les défenseurs du libéralisme — sociologues et économistes du XVIIIe siècle et de la première moitié du XIXe siècle, ainsi que leurs adeptes — il semblait certain que l'humanité devait avancer vers des stades sans cesse plus perfectionnés et que rien ne pouvait empêcher ce processus. Ils étaient intimement persuadés que la connaissance rationnelle des lois fondamentales de la coopération et de l'interdépendance sociales, lois qu'ils avaient découvertes, serait bientôt courante et que, par la suite, les liens sociaux unissant pacifiquement l'humanité se resserreraient, qu'il y aurait une amélioration progressive du bien-être général et que la civilisation atteindrait des niveaux de culture sans cesse plus élevés. Rien ne pouvait ébranler cet optimisme. Lorsque l'attaque portée contre le libéralisme commença à devenir plus intense, lorsque les idées politiques libérales furent contestées de tous côtés, ils pensaient que ce à quoi ils assistaient n'étaient que les dernières salves d'un système moribond, battant en retraite, et qu'elles ne méritaient ni une étude sérieuse ni une contre-attaque, parce que ce système s'effondrerait rapidement de lui-même.

Les libéraux estimaient que tous les hommes possédaient les capacités intellectuelles leur permettant de raisonner correctement quant aux problèmes de coopération sociales et qu'ils agissaient en conséquence. Ils étaient tellement impressionnés par la clarté et l'évidence du raisonnement par lequel ils étaient arrivés à leurs idées politiques qu'ils étaient incapables de comprendre comment quelqu'un pouvait ne pas le saisir. Deux faits leur ont toujours échappé : premièrement, les masses n'ont pas la capacité de penser de manière logique et, deuxièmement, aux yeux de la plupart des gens, même s'ils sont capables de reconnaître la vérité, un avantage passager spécifique dont ils peuvent jouir immédiatement leur apparaît plus important qu'un avantage durable plus grand dont ils ne pourront bénéficier que plus tard. La plupart des individus n'ont même pas les capacités intellectuelles leur permettant de réfléchir sur les problèmes — somme toute très compliqués — de la coopération sociale.

Posté

Entièrement d'accord avec ce passage qui exprime bien comment les libéraux se sont faits entuber au point de vue institutionnel, sans postuler de liens intellectuels entre le libéralisme et le socialisme.

Posté
Ils étaient tellement impressionnés par la clarté et l'évidence du raisonnement par lequel ils étaient arrivés à leurs idées politiques qu'ils étaient incapables de comprendre comment quelqu'un pouvait ne pas le saisir.

D'où l'importance de la communication "extérieure"… si tant est qu'elle ne dérape comme c'est le cas à 90%.

Posté
Je constate par ailleurs que lorsqu'il s'agit de certains sujets sensibles, comme l'Islam ou les Palestiniens, bon nombre de libertariens n'attachent pas une importance énorme aux droits de personnes dont les valeurs leurs déplaisent pour une raison x ou y.
D'où l'importance de la communication "extérieure"… si tant est qu'elle ne dérape comme c'est le cas à 90%.

A ce propos, voici une bonne opération de comm pour les démocrates-libéraux anglais. (Je ne connais pas leur programme mais je suppose qu'ils sont plus libéraux que les autres…)

Reportage vidéo d'Euronews :

http://fr.news.yahoo.com/26082006/342/rien-ne-va-plus-au-labour.html

Si cela se produisait dans les mêmes conditions en France, cela ferait assurément gagner pas mal de voix !

Posté
A ce propos, voici une bonne opération de comm pour les démocrates-libéraux anglais. (Je ne connais pas leur programme mais je suppose qu'ils sont plus libéraux que les autres…)

Loupé ! C'est le plus interventionniste des trois grands partis anglais (Tory, Labour, Lib-Dems.) :icon_up:

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