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Tribune De Pascal Salin Dans Le Figaro


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J'ai déja dit plus haut que j'étais le premier à recourir, par commodité, a des termes que je sais dénués de toute signification véritable, comme celui de société. Ce qui ne veut pas dire qu'on ne puisse pas s'en passer.
Le langage étant une convention il repose toujours sur la commodité.

La société c'est un ensemble d'individu qui interagissent entre eux. C'est très concret. Ou alors le concept d'individu lui même est une abstraction. En effet définit moi "individu"? C'est sur le plan biologique un ensemble de cellules qui interagissent ensemble, cellules qui ne sont elle même qu'un ensemble de molécules qui interagissent ensemble. Sur le plan psychologique c'est, encore une fois, un ensemble de d'idées qui interagissent (voir Locke). La seule chose qui donne une impression de continuité entre ses pensées c'est la mémoire, autrement dit une simple impression subjective (Un amnésique est-il un individu différent?).

(Je suis pour ma part un ardent conceptualiste.)

Posté
Le langage étant une convention il repose toujours sur la commodité.

La société c'est un ensemble d'individu qui interagissent entre eux. C'est très concret. Ou alors le concept d'individu lui même est une abstraction. En effet défini moi "individu"? C'est sur le plan biologique un ensemble de cellule qui interagissent ensemble, cellule qui ne sont elle même qu'un ensemble de molécule qui interagissent ensemble. Sur le plan psychologique c'est, encore une fois, un ensemble de d'idées qui interagissent (voir Locke). La seule chose qui donne une impression de continuité entre ses pensées c'est la mémoire, autrement dit une simple impression subjective (Un amnésique est-il un individu différent?).

(Je suis pour ma part un ardent conceptualiste.)

Le langage parlé impose de toute façon des approximations. De plus on est sur un forum et on ne peut pas renvoyer à un glossaire ou à des notes de bas de page pour dire attention état, groupe, société, individu etc… cela veut dire ça. Si on n'accepte pas d'être inexact d'abord on ne peut pas faire court et à la limite on n'écrit plus rien car chaque mot peut prêter le flanc à une critique.

Je trouve ta définition :

La société c'est un ensemble d'individu qui interagissent entre eux

très acceptable formulée comme ça, mais ce qui va faire problème c'est quand tu vas voir un quidam opposer "la société" aux individus. Ou quand "la société" sera perçu comme un contenant. Ce sont toutes ces utilisations annexes qui sont gênantes.

Pour l'individu ok mais le niveau d'intégration psychophysiologique de l'ensemble "individu" est tout de même beaucoup plus fort que le machin "société française" car cet ensemble d'individus n'est nullement intégré (d'ailleurs ils n'interagissent pas tous entre eux loin de là). D'un côté on a un ensemble perceptible concrêtement de l'autre une opération de l'esprit.

Posté
J'ai déja dit plus haut que j'étais le premier à recourir, par commodité, a des termes que je sais dénués de toute signification véritable, comme celui de société. Ce qui ne veut pas dire qu'on ne puisse pas s'en passer.

C'est quand même un petit peu embêtant d'employer des termes que vous considérez comme dénués de toute signification véritable. A votre place, je ne les emploierais pas du tout. Comme ça, je me sentirais beaucoup mieux dans ma peau.

Ainsi pour répondre à ton affirmation :

Nul besoin de recourir au concept de société pour dire qu'il existe deux catégories d'individus ; ceux qui vivent de l'échange et ceux qui vivent de la contrainte.

De Gaulle (un grand étatiste) a dit une fois : "Voyez-vous, de Boissieu, il y a deux catégories de gens". Aussitôt son aide de camp et toutes les personnes présentes ont sorti leur petit calepin pour ne pas rater la pensée qui allait sortir de la bouche de l'oracle. Et de Gaulle a poursuivi tranquillement : "Il y a ceux qui disent qu'il y a deux catégories de gens, et puis les autres…"

En matière "sociale" une bonne partie des confusions proviennent du fait qu'on suppose implicitement qu'un signifiant fait nécessairement référence à un signifié réel. Ce qui est loin d'être toujours le cas. Les politiques le savent bien et en usent et en abusent.

En matière sociale, nous vivons dans un monde d'abstractions. Seuls les individus existent réellement, et je suis d'accord avec la réponse que vous avez donnée à Arno. Je lui dirais de la même façon que si je me penche à ma fenêtre, ce n'est pas "la société" que je vois passer, mais bien des individus.

Toutefois, et c'est un point capital qui semble vous échapper, si les individus considèrent une de ces abstractions comme réelle, alors elle devient réelle à travers ses effets. Si par exemple ils considèrent la nation comme réelle, alors ils peuvent aller se faire tuer pour elle comme en 14.

Pour ne pas être trop long. L'interventionnisme économique des étatistes est non nseulement inefficace mais illégitime (il n'apparaît comme légitime que dans LEUR droit).

Il faut bien voir que lorsque Weber dit "l' Etat est l'organisation qui dispose sur un territoire donné du monole de la violence légitime", il faut entendre "considérée comme légitime". La légitimité de l'intervention étatique n'est pas quelque chose que vous pouvez décider tout seul, comme ça, derrière votre bureau : si une majorité des gens (certes abusés) la considère comme légitime, alors elle le devient.

Si un jour la majorité des gens trouve leur Etat illégitime, alors il se produit ce qu'on appelle une révolution. Mais curieusement, les gens s'empressent de reconstruire aussitôt une autre autorité qu'ils puissent considérer comme légitime. Ils sont bêtes, les gens, n'est-ce-pas ?

Revenons encore une fois sur la science économique, puisqu'elle semble vous donner des boutons. Si je mets à part l'économie du développement, une discipline un peu marginale qui a connu beaucoup de misères, l'essentiel de la science économique se pratique dans les pays de l'OCDE, c'est à dire dans des pays à économie de marché pourvus d'Etats modérément interventionnistes. C'est comme ça, et personne ne s'en cache.

Alors les néo-marxistes disent : ces salauds cautionnent l'économie de marché. Vous, vous dites : ces salauds cautionnent l'interventionnisme étatique. Mais en réalité, ils ne font que rendre compte de la réalité dans laquelle ils baignent.

Posté
En matière sociale, nous vivons dans un monde d'abstractions. Seuls les individus existent réellement, et je suis d'accord avec la réponse que vous avez donnée à Arno. Je lui dirais de la même façon que si je me penche à ma fenêtre, ce n'est pas "la société" que je vois passer, mais bien des individus.

On a pas besoin de voir une chose pour qu'elle existe. Se référer à des vagues impressions pour justifier une postion épistémologique (voir presque métaphysique) ne tient pas.

Si on définit les sociétés humaines comme des ensembles d'individus humains alors les sociétés humaines existent. Elles existent tout court, pas plus mais pas moins que les individus. Ni le concept individu ni le concept société n'ont un statut épistémologique préférentiel l'un par rapport à l'autre. De ce point de vue il est strictement équivalent de définir une société comme un ensemble d'individu ou un individu comme la plus petite partie d'une société. Et les deux termes se rapportent à des entités bel et bien existante (et non à de simple construction linguistique). D'un point de vue pratique (méthodologique) il peut être préférable de définir la société par rapport à l'individu, mais ça sarrette là.

Après certaines propriété (comme la volonté) qu'on attribue aux sociétés par analogie aux individus sont évidemment inexistantes mais c'est un autre problème.

Posté
C'est quand même un petit peu embêtant d'employer des termes que vous considérez comme dénués de toute signification véritable. A votre place, je ne les emploierais pas du tout. Comme ça, je me sentirais beaucoup mieux dans ma peau.

Il y a des cas ou on peut utiliser ces mots à bon escient voir la définition ci dessus d'arno pour "société". Quand il sont employés à contre sens on peut légitimement prétendre que la "société" n'existe pas quand quelqu'un pense qu'il s'agit d'une entité distincte et supérieure aux individus.

De Gaulle (un grand étatiste) a dit une fois : "Voyez-vous, de Boissieu, il y a deux catégories de gens". Aussitôt son aide de camp et toutes les personnes présentes ont sorti leur petit calepin pour ne pas rater la pensée qui allait sortir de la bouche de l'oracle. Et de Gaulle a poursuivi tranquillement : "Il y a ceux qui disent qu'il y a deux catégories de gens, et puis les autres…"

Cette distinction est précisément celle de Salin. Elle revient notamment dans "l'arbitraire fiscal" ou il détaille par le menu l'immoralité de la fiscalité non seulement au sujet des successions, mais aussi l'irrationnalité de l'impôt sur les sociétés ou il démontre que les étatistes ne savent même pas ce qu'ils taxent… entre autres choses.

Quant à de Gaulle, "'le grand étatiste", puisque les archives de lib org, n'ont plus de secrets pour toi, je te laisse le soin de découvrir ce que je pense à son sujet.

En matière sociale, nous vivons dans un monde d'abstractions. Seuls les individus existent réellement, et je suis d'accord avec la réponse que vous avez donnée à Arno. Je lui dirais de la même façon que si je me penche à ma fenêtre, ce n'est pas "la société" que je vois passer, mais bien des individus.

Toutefois, et c'est un point capital qui semble vous échapper, si les individus considèrent une de ces abstractions comme réelle, alors elle devient réelle à travers ses effets. Si par exemple ils considèrent la nation comme réelle, alors ils peuvent aller se faire tuer pour elle comme en 14.

Il faut bien voir que lorsque Weber dit "l' Etat est l'organisation qui dispose sur un territoire donné du monole de la violence légitime", il faut entendre "considérée comme légitime". La légitimité de l'intervention étatique n'est pas quelque chose que vous pouvez décider tout seul, comme ça, derrière votre bureau : si une majorité des gens (certes abusés) la considère comme légitime, alors elle le devient.

Voir à ce sujet ma réponse au clown, quelques posts plus hauts, sur le rôle que joue l'imaginaire. Mais les abstractions ne sont pas à proprement parler de l'imaginaires. Je suis d'autant plus d'accord que l'essentiel de la mystification politique consiste précisément à élaborer des abstractions arbitraires à jet continu pour désaisir les individus de leur prérogatives. Pratiquement toutes les catégories politiques s'avèrent vides de sens quand on essaye de les préciser : la société, l'état, la gauche, la droite, la nation, le contrat social, l'intérêt général, la justice sociale c'est qu'un défilé interminable d'âneries conceptuelles…. A ma connaissance c'est max stirner qui a le plus vigoureusement dénoncé le rôle joué par ces fantômes intellectuels dont le rôle est in fine d'asservir l'individu.

Si un jour la majorité des gens trouve leur Etat illégitime, alors il se produit ce qu'on appelle une révolution. Mais curieusement, les gens s'empressent de reconstruire aussitôt une autre autorité qu'ils puissent considérer comme légitime. Ils sont bêtes, les gens, n'est-ce-pas ?

Les révolutions n'ont jamais été faites par des majorités de gens mais par des minorités politisées qui ont seulement besoin de circonstances favorables pour que leur agitation débouche sur un changement de régime. Et de toute façon, c'est vrai, les révolutions ne débouchent pas sur l'abolition de l'état. Comme dirait Revel on change de locataire mais pas l'architecture de l'immeuble.

Si l'étatisme perdure c'est tout simplement parce que c'est mode d'organisation indispensable à la domination des individus du secteur privé par les politiques.

Revenons encore une fois sur la science économique, puisqu'elle semble vous donner des boutons. Si je mets à part l'économie du développement, une discipline un peu marginale qui a connu beaucoup de misères, l'essentiel de la science économique se pratique dans les pays de l'OCDE, c'est à dire dans des pays à économie de marché pourvus d'Etats modérément interventionnistes. C'est comme ça, et personne ne s'en cache.

Ce qui me donne des boutons ce sont ceux qui n'y connaissent rien en économie et qui pensent qu'il est possible d'isoler l'économie de sa composante juridique et éthique. Ceux qui croient qu'il y a d'un côté un Pikety qui aurait une approche scientifique de l'économie parce qu'il affiche une vision vaguement matheuse ou en tout cas comptable (et donc sérieuse) des choses et de l'autre un Salin dont les formulations littéraires et éthiques signeraient leurs caractères non scientifiques. Alors qu'il y a simplement d'un côté un fumiste qui s'imagine que l'économie est le simple prolongement des sciences naturelles et de l'autre un individu qui sait qu'il existe une différence épistémologique entre les sciences dites dures et les science humaines.

Il faudrait que tu prolonges ta lecture d'Hayek par "Scientisme et sciences sociales"

Posté

antiétat, bonjour

Et bien voilà un bon débat ! D’autant plus que ne vous êtes pas fâché de ma causticité. C’est sans doute que vous avez saisi que nous avons beaucoup de choses en commun , à commencer par une conception fondamentalement individualiste du monde, et une antipathie profonde vis à vis des visions collectivistes. En même temps, nous avons des désaccords profonds, que sans doute nous n’arriverons pas à dissiper en quelques posts. Ce serait déjà beau si nous arrivions à nous comprendre.

Cette distinction est précisément celle de Salin. Elle revient notamment dans "l'arbitraire fiscal" ou il détaille par le menu l'immoralité de la fiscalité non seulement au sujet des successions, mais aussi l'irrationnalité de l'impôt sur les sociétés ou il démontre que les étatistes ne savent même pas ce qu'ils taxent… entre autres choses.

J'ai beaucoup d'estime pour Salin et je l'ai défendu sur d'autres forums quand il a été scandaleusment attaqué par des pignoufs pour sa désignation comme président du jury d'agreg. (un de mes meilleurs amis a passé l'agreg avec l'étatiste Cotta comme président. Il n'y a pas eu d'article dans la presse : c'était normal). Mais vous avez compris que je ne suis pas un disciple de Salin.

J’ai bien sûr entendu parler de Max Stirner, mais je ne l’ai jamais lu. Quel était sa position par rapport à l’économie ? Plutôt socialiste (c’était un peu la mode à l’époque) ou franchement pour l’économie de marché ?

J’ai lu par contre « Scientisme et sciences sociales ». Je pense que dans ce livre Hayek s’est égaré. Ou BIEN il a été égaré par une tradition germanique lourde qui veut que , puisque dans les sciences sociales il s’agit de NOUS, alors elles relèvent d’une épistémologie différente des autres sciences (attention , surtout pas mélanger les hommes et les toutous !) .

A l’opposé, la conception durkheimienne, « les faits sociaux sont des choses »? est également erronée. La question n’est pas ce que sont les faits sociaux. La question est, comme l'a très bien vu Popper, celle de la méthode . Et la méthode (il l’a montré) est identique dans les sciences naturelles et dans les sciences sociales: elle consiste à formuler des hypothèses, et a imaginer des situations cruciales où ces hypothèses pourraient être mises en défaut. A Londres (plus précisément à la London School of Economics), nos deux Autrichiens se sont rencontrés. Hayek a considérablement évolué sous l’influence de Popper après l'écriture de l'ouvrage cité). Malheureusement, Hayek n’a pas réussi à expliquer l’économie à Popper, mais ça c’est une autre affaire.

Les révolutions n'ont jamais été faites par des majorités de gens mais par des minorités politisées qui ont seulement besoin de circonstances favorables pour que leur agitation débouche sur un changement de régime.

Sur ce point vous avez tout à fait raison. Le rôle des minorités agissantes est capital dans toutes les révolutions. Mais s’il n’y avait pas un certain consentement dans la masse, alors cette masse susciterait en son sein une minorité tout aussi agissante pour s’y opposer .

Si l'étatisme perdure c'est tout simplement parce que c'est mode d'organisation indispensable à la domination des individus du secteur privé par les politiques.

Cela ne fait que déplacer le problème : pourquoi perdurent les « politiques » ? En plus, pour revenir sur un terrain plus concret, entre les « individus du secteur privé » et les « politiques », il y a de nombreuses… transmutations. Faut-il citer des noms ?

Ce qui me donne des boutons ce sont ceux qui n'y connaissent rien en économie et qui pensent qu'il est possible d'isoler l'économie de sa composante juridique et éthique.

Je pense au contraire que c’est tout à fait possible. Mais si l’on parle des acteurs, alors c’est autre chose : les « bons » juristes et les « bons » moralistes peuvent parfois être moins incultes en économie qu’on pourrait le croire. Les « bons économistes » peuvent avoir la tentation de se jeter dans l’arène publique.

La raison de tout cela est que nos opinions se forment dans un creuset où se mélangent pême-mêle à la fois les valeurs auxquelles nous adhérons et les croyances auquelles nous adhérons (croyances qui peuvent être scientifiques, idéologiques, mythologiques ou autres). Nous vivons dans ce magma. mais de temps en temps, il faut savoir prendre ses distances par rapport à soi-même. Dans ces moments là, le vieux Descartes peut être de bon conseil.

Cordialement

Libérus

Posté
J’ai bien sûr entendu parler de Max Stirner, mais je ne l’ai jamais lu. Quel était sa position par rapport à l’économie ? Plutôt socialiste (c’était un peu la mode à l’époque) ou franchement pour l’économie de marché ?

Sans avoir de position sur l'économie, qui ne l'intéresse pas beaucoup, il est pour l'association libre entre "égoïstes"…

Posté
Mais vous avez compris que je ne suis pas un disciple de Salin.

Moi je l'aime bien. Il est tout de même extraordinaire de devoir découvrir sous la plume d'économistes autrichiens des notions qui devraient être inscrites dans n'importe quel manuel d'introduction à la sociologie.

J’ai bien sûr entendu parler de Max Stirner, mais je ne l’ai jamais lu. Quel était sa position par rapport à l’économie ? Plutôt socialiste (c’était un peu la mode à l’époque) ou franchement pour l’économie de marché ?

C'est probablement la plus grande tentative philosophique de désaliénation de l'individu, enfin du Moi, pour reprendre la terminologie de Stirner. Le problème c'est qu'on ne voit pas très bien comment ce Moi pourrait cohabiter avec les autres. Dès qu'il sort de la philosophie il pose mal les problèmes économiques.

Ex : page 308.

La libre concurrence n'est pas libre parce que les moyens de concourir, les choses nécessaires à la concurrence me font défaut. Contre ma personne on n'a rien a objecter mais comme je n'ai pas la chose il faut que ma personne renonce. Et qui est en possession des moyens ? Est ce peut être tel ou tel fabricant ?

Non, car dans ce cas je pourrai les lui prendre ! Le seul propriétaire c'est l'Etat; le fabricant n'est pas propriétaire; ce qu'il posséde il ne l'a qu'à titre de concession de dépôt.

etc..

J’ai lu par contre « Scientisme et sciences sociales ». Je pense que dans ce livre Hayek s’est égaré. Ou BIEN il a été égaré par une tradition germanique lourde qui veut que , puisque dans les sciences sociales il s’agit de NOUS, alors elles relèvent d’une épistémologie différente des autres sciences (attention , surtout pas mélanger les hommes et les toutous !) .

Je ne crois pas moi. Quand tu vois une transaction économique s'effectuer tu constates plusieurs choses :

1 Un bien est échangé contre une certaine quantité de monnaie (le plus souvent)

2 Cette transaction ne peut s'effectuer que si les deux parties s'accordent sur un prix.

3 Il y a un transfert de propriété.

Toute "science" économique pour mériter ce terme doit prendre en compte ces trois éléments. Or seul le premier est habituellement considéré comme économique. Le second est du ressort de la liberté des individus car personne en dehors d'eux, n'est à même de décider (et à quel titre d'ailleurs) si la transaction doit avoir lieu ou pas. Et le troisième appartient au droit.

La méthode scientifique traditionnelle ne peut apréhender que le point 1.

Et méthodologiquement comment fais tu pour appréhender les points 2 et 3 ?

Que les économistes bien en cour s'en tiennent au point 1 n'a rien d'étonnant car la prise en compte des autres points fait apparaitre l'illégitimité de l'action politique.

Cela ne fait que déplacer le problème : pourquoi perdurent les « politiques » ?

Pour les mêmes raisons que le vol. L'appropriation par la force des richesses élaborées par d'autres est moins "coûteuse" que de se lancer soi même dans le jeu de la fabrication et de l'échange.

Posté
J’ai lu par contre « Scientisme et sciences sociales ». Je pense que dans ce livre Hayek s’est égaré. Ou BIEN il a été égaré par une tradition germanique lourde qui veut que , puisque dans les sciences sociales il s’agit de NOUS, alors elles relèvent d’une épistémologie différente des autres sciences (attention , surtout pas mélanger les hommes et les toutous !) .

A l’opposé, la conception durkheimienne, « les faits sociaux sont des choses »? est également erronée. La question n’est pas ce que sont les faits sociaux. La question est, comme l'a très bien vu Popper, celle de la méthode . Et la méthode (il l’a montré) est identique dans les sciences naturelles et dans les sciences sociales: elle consiste à formuler des hypothèses, et a imaginer des situations cruciales où ces hypothèses pourraient être mises en défaut. A Londres (plus précisément à la London School of Economics), nos deux Autrichiens se sont rencontrés. Hayek a considérablement évolué sous l’influence de Popper après l'écriture de l'ouvrage cité). Malheureusement, Hayek n’a pas réussi à expliquer l’économie à Popper, mais ça c’est une autre affaire.

C'est le seul point sur lequel je ne suis pas d'accord. La distinction entre sciences de la nature et sciences sociales (ou de la "culture" comme on disais à l'époque), qui est l'héritage de la philosophie néo-kantienne allemande, est pour moi essentielle. Seulement, il y a plusieurs façons de faire la distinction, et sur ce point je crois que l'approche de Weber, héritée de Rickert, est la plus pertinente. Les sciences sociales comme les sciences de la nature ont pour projet d'expliquer causalement les phénomènes observés. La différence, c'est que les sciences sociales (dont l'économie) passent par la compréhension de l'action, pas les sciences de la nature : on explique pas de la même façon le fait qu'un bucheron coupe du bois et le fait qu'un objet lancé tombe nécessairement à terre. Même les phénomènes macroéconomiques doivent, in fine , pouvoir s'expliquer de manière compréhensive (ex : pourquoi l'accumulation de "capital humain" est source de croissance).

Tout ça ne remet pas en cause l'approche poppérienne de la falsification. Seulement, et même si Popper a fait faire d'incontestable progrès à la science et à la compréhension de la science, son falsificationnisme est frappé de dogmatisme. On peut notamment facilement montrer que même les sciences de la nature (et cela est bien plus évident dans les sciences sociales) n'ont pas progressées de la manière cumulative telle que Popper l'a décrit. On s'aperçoit surtout que le critère de la falsification dans sa forme "rigide" est :

1/ Extrêmement difficile à mettre en oeuvre en sciences sociales (cf. Quine par exemple sur le problème de savoir quelle hypothèse est réellement testée);

2/ Ne permet pas forcément de déterminer la pertinence heuristique d'une théorie : beaucoup de théories "fausses" ont permis à la science de progresser, en raison de leur intérêt analytique et heuristique. Par exemple, on sait que certaines des propositions issues des travaux de Weber sur l'éthique économique des religions sont erronées (notamment concernant le confucianisme en Chine, et il y a débat concernant le protestantisme). Mais même si elle débouche sur des propositions fausses, ça n'empêche que cette approche a incontestablement fait faire un grand pas en avant à l'ensemble des sciences sociales.

Posté
Sans avoir de position sur l'économie, qui ne l'intéresse pas beaucoup, il est pour l'association libre entre "égoïstes"…

comment expliquer qu'il soit le premier traducteur de Smith en allemand, et ses traductions de Say également? Est ce que c'était purement alimentaire? j'ai essayé de faire des recherches sur la question et je n'ai pas trouvé grand chose, surtout que je ne parle pas allemand, j'ai seulement trouvé cette remarque:

In Stirner's yet untranslated Lesser Writings, he has

a few thoughts on economics. Of particular interest is

the piece "On the forerunner of the love-State" (I think

that is the correct translation). Here Stirner rebukes

contemporary German Social Economics, in that it views

"macro" quantities as the primary, rather than those

which actually matter, "micro" quantities - the economy

of the household.

This piece is definitely of interest to those with a

libertarian leaning who want an understanding of what

Stirner might contribute to libertarian thought. For

here we see Stirner's "personalism" as it expresses

itself in the area of greatest interest to most libertarians,

namely economic politics. By understanding this expression;

how Stirner emphasizes the personal versus the generic,

the universal and the common; it will be easier to see

how this emphasis is at the core of the whole of Stirner's

philosophy, and how Stirner's philosophy is the consistent

working-out of this principle of the primacy of the

personal in all areas.

Svein Olav

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La société c'est un ensemble d'individu qui interagissent entre eux. C'est très concret.

Alors soyons concrets. J' ai acheté ce matin une chemise made in China. Les boutons ont été cousus par Mlle Cheng, que j'imagine, toute mignonne, derrière sa machine à coudre. Je suis bien entré en interaction avec elle. Une (petite) partie du prix que j'ai payé atterrira dans la poche de Mlle Cheng.

Est-ce que Mlle Cheng et moi faisons partie ou non de la même "société" ? Si vous me répondez non, alors il vous faut répondre à la question : "Quand peut-on dire que deux personnes appartiennent à la même société ? "

Posté
Les sciences sociales comme les sciences de la nature ont pour projet d'expliquer causalement les phénomènes observés. La différence, c'est que les sciences sociales (dont l'économie) passent par la compréhension de l'action, pas les sciences de la nature : on explique pas de la même façon le fait qu'un bucheron coupe du bois et le fait qu'un objet lancé tombe nécessairement à terre.

l'éthologie n'est-elle pas une science de la nature?

Les sciences sociales ne sont-elles pas qu'une branche de l'éthologie, et par là même, une branche de la biologie?

Posté
. La différence, c'est que les sciences sociales (dont l'économie) passent par la compréhension de l'action, pas les sciences de la nature : on explique pas de la même façon le fait qu'un bucheron coupe du bois et le fait qu'un objet lancé tombe nécessairement à terre.

Oui, c'est bien ce que je disais. Faut pas confondre le bucheron avec son chien, qui lui, n'est-ce pas, ne pense pas. Je suis un grand admirateur de Weber, mais il a été un peu trop marqué par cette tradition néo-kantienne.

La compréhension empathique de l'acteur est certainement un des objectifs profonds des sciences sociales. Mais il faut le voir comme un idéal à atteindre et non comme une condition dirimante de scientificité. Sinon on tombe très vite sur des difficultés insurmontables du genre "Qu'est-ce que Mahomet a réellement voulu dire quand il a dit ….". Il ya une phrase de Wittgenstein fort ironique que j'aime beaucoup : "Après avoir interprété, nous pourrions envisager de décrire".

On s'aperçoit surtout que le critère de la falsification dans sa forme "rigide" est :

1/ Extrêmement difficile à mettre en oeuvre en sciences sociales

Vous avez tout à fait raison. Les sciences sociales sont attaquées , au point,vous l'avez vu, que certains leur dénient toute validité. Pourquoi? Parce qu'elles ont très en en retard par rapport aux sciences de la nature. Et pourquoi sont elles très en retard ? Justement pour la raison que vous venez d'indiquer !

Sur la falsifiabilité en éco, voir ce qu'il est possible de faire dans Blaug "La méthodologie économique". Bien sûr, je ne dis pas "faucon yaqua".

2/ Ne permet pas forcément de déterminer la pertinence heuristique d'une théorie : beaucoup de théories "fausses" ont permis à la science de progresser, en raison de leur intérêt analytique et heuristique. Par exemple, on sait que certaines des propositions issues des travaux de Weber sur l'éthique économique des religions sont erronées (notamment concernant le confucianisme en Chine, et il y a débat concernant le protestantisme). Mais même si elle débouche sur des propositions fausses, ça n'empêche que cette approche a incontestablement fait faire un grand pas en avant à l'ensemble des sciences sociales.

Mais Popper n'a jamais dit qu'il ne fallait pas d'abord laisser libre cours à l'imagination! Bien au contraire, il a dit que c'est ainsi que naissent les nouvelles théories! Il y a débat sur la thèse de Weber concernant le protestantisme parce qu'il n' a pas pu ou pas voulu formuler dans le cadre de cette thèse des théories testables. D'autres l'ont plus ou moins bien fait depuis. Vous savez très bien, je crois que vous l'avez dit plus haut, que si on la précise avec trop de force, elle est réfutée. Mais que des formulations plus modestes ont très bien résisté.

Cordialement,

Posté
Alors soyons concrets. J' ai acheté ce matin une chemise made in China. Les boutons ont été cousus par Mlle Cheng, que j'imagine, toute mignonne, derrière sa machine à coudre. Je suis bien entré en interaction avec elle. Une (petite) partie du prix que j'ai payé atterrira dans la poche de Mlle Cheng.

Est-ce que Mlle Cheng et moi faisons partie ou non de la même "société" ? Si vous me répondez non, alors il vous faut répondre à la question : "Quand peut-on dire que deux personnes appartiennent à la même société ? "

Ben la réponse est oui. Ça fait longtemps (17° siècle?) que les sociétés du monde entier n'en forme qu'une grande (pas totalement intégré mais de plus en plus).
Posté
Ben la réponse est oui. Ça fait longtemps (17° siècle?) que les sociétés du monde entier n'en forme qu'une grande (pas totalement intégré mais de plus en plus).

Ben moi aussi, je suis assez tenté de répondre oui. Je ne remonterai pas jusqu'au 17 ème siècle. Mais je constaterait que les échanges économiques et culturels se développent de façon exponentielle depuis une vingtaine d'années.

Maintenant si on considère le discours ambiant, il s'agit implicitement de sociétés nationales (c'est-à-dire enfermées dans un périmètre national). Expression qu'on n'emploie jamais (sauf dans un tout autre sens), comme si on voulait dissimuler honteusement cet implicite. S'agissant des journalistes, on ne doit s'étonner de rien. Mais chez des théoriciens comme Rawls ou Giddens, c'est plus ennuyeux.

Posté
Mais chez des théoriciens comme Rawls ou Giddens, c'est plus ennuyeux.

Probablement parce qu'ils considèrent comme "naturel" le cadre politique de l'Etat-nation (ce qui est pour le moins contestable, mais c'est une autre affaire). Ca n'a pas, chez eux, une portée simplement descriptive en fonction des phénomènes d'échange, mais aussi en fonction de ce qu'ils considèrent comme des données d'ordre politique…

Posté
l'éthologie n'est-elle pas une science de la nature?

Les sciences sociales ne sont-elles pas qu'une branche de l'éthologie, et par là même, une branche de la biologie?

Ben non, ou alors c'est faire un réductionnisme comparable à celui que faisait Spencer au 19ème siècle et qui tenait exactement ce raisonnement. Par conséquent, il ambitionnait de créer une grande théorie explicative générale ou tout était réductible à des phénomènes biologiques. Son projet est tombé aux oubliettes, et ce n'est pas pour rien à mon humble avis.

Sans compter que "avant" la biologique (sur le plan ontologique), il y a la physique, donc si l'on suit ce raisonnement tout devrait être réductible à la physique.

Ce genre de réductionnisme ne fonctionne pas, notamment à cause de la notion de propriété émergente qui fait qu'on ne peut pas amalgamer différents niveaux ontologiques. Dès lors, à partir du moment où l'on accepte de distinguer différents niveaux ontologiques, il n'y a aucun raison de supposer qu'on peut les traiter scientifiquement de la même manière.

Posté
Ce genre de réductionnisme ne fonctionne pas, notamment à cause de la notion de propriété émergente qui fait qu'on ne peut pas amalgamer différents niveaux ontologiques. Dès lors, à partir du moment où l'on accepte de distinguer différents niveaux ontologiques, il n'y a aucun raison de supposer qu'on peut les traiter scientifiquement de la même manière.

Ca me permet de redonner le lien passionnant que j'avais fourni sur les propriétés émergentes : http://www.scar.utoronto.ca/~seager/genepi2.pdf

Posté
Oui, c'est bien ce que je disais. Faut pas confondre le bucheron avec son chien, qui lui, n'est-ce pas, ne pense pas. Je suis un grand admirateur de Weber, mais il a été un peu trop marqué par cette tradition néo-kantienne.

La compréhension empathique de l'acteur est certainement un des objectifs profonds des sciences sociales. Mais il faut le voir comme un idéal à atteindre et non comme une condition dirimante de scientificité. Sinon on tombe très vite sur des difficultés insurmontables du genre "Qu'est-ce que Mahomet a réellement voulu dire quand il a dit ….". Il ya une phrase de Wittgenstein fort ironique que j'aime beaucoup : "Après avoir interprété, nous pourrions envisager de décrire".

Il me semble que tu as une "interprétation herméneutique" de Weber qui à mon avis n'est pas tout à fait juste. Il est vrai que c'est en Allemagne et à la même époque que l'herméneutique est apparue avec Dilthey, mais le fait que Weber n'oppose pas explication et compréhension va à l'encontre de cette interprétation. Il ne s'agit pas de savoir ce que x a voulu dire ou faire en tant que tel. La compréhension se fait par le prisme le l'idéaltype des différents types d'actions sociales : on ne cherche pas à comprendre empathiquement un individu, on cherche à dégager la logique d'action d'un type d'individus, à partir duquel émerge les phénomènes macro (bon cela dit, j'admet que l'exemple du bucheron prête à confusion). Du reste, il est un fait qu'un homme n'agit pas comme un chien (ne rentrons pas dans le débat de savoir si les animaux "pensent"), ni comme une pierre. C'est un fait incontestable, et il mérite d'être pris au sérieux.

Ensuite, la spécificité des sciences sociales se fondent à un autre niveau (étroitement lié au point précédent) qui est celui de la dualité action/structure. C'est d'ailleurs de là que vient tout le débat individualisme/holisme méthodologique. Il s'agit d'une spécificité ontologique qui indiquent qu'on ne peut pas réduire l'un à l'autre (ce que font les sciences de la nature, dans le sens où cette dualité n'existe pas).

Tour ça ne veut pas dire que le critère de réfutation est à rejeter. Et là, sur ce point, je pense qu'on est d'accord. Seulement, la nature même des propositions théoriques en sciences sociales signifie que la procédure de test est bien différente (pas d'expérimentation par exemple), ce qui rend l'utilisation de ce critère beaucoup plus délicat.

Vous avez tout à fait raison. Les sciences sociales sont attaquées , au point,vous l'avez vu, que certains leur dénient toute validité. Pourquoi? Parce qu'elles ont très en en retard par rapport aux sciences de la nature. Et pourquoi sont elles très en retard ? Justement pour la raison que vous venez d'indiquer !

Sur la falsifiabilité en éco, voir ce qu'il est possible de faire dans Blaug "La méthodologie économique". Bien sûr, je ne dis pas "faucon yaqua".

Je connais très bien l'ouvrage de Blaug, c'est même avec lui que j'ai commencé à m'intéresser aux questions d'épistémologie appliquées aux sciences sociales. Son ouvrage part d'une très bonne intention (inciter les économistes néoclassiques à soumettre leurs propositions théoriques à des tests) mais son poppérianisme forcené a tendance à l'aveugler sur certains points. Déjà, Blaug démontre une incompréhension totale de l'apriorisme autrichien (voir à ce sujet Homoeconomicus. Enquête sur la question d'un paradigme de P. Demeulenaere qui en une note de bas de page, p. 202 pour être exact, démontre à quel point Blaug ne comprend pas le projet de Mises), dont je ne suis par ailleurs pas moi-même un partisan total. Ensuite, il manque à son raisonnement épistémologique une interrogation ontologique (ou plus exactement il l'évacue sans justification en une ou deux pages). Or, c'est précisément à partir de ce raisonnement ontologique que l'on peut comprendre :

1/ pourquoi faire des prévisions en sciences sociales est extrêmement difficile et qu'une théorie ne peut être jugée d'abord la-dessus ;

2/ pourquoi la mise en place de tests est très délicate (ce qui renvoie à la thèse de Quine);

3/ pourquoi la méthode doit en conséquence être adaptée.

Du reste, ce manque d'interrogation ontologique est très fréquent chez les méthodologistes néoclassiques et il caractérise par exemple l'essai de Friedman de 1953 (et qui le rend par la même occasion bancale. Friedman arrive quand même à comparer les individus à des feuilles sur un arbre !!).

Je recommande à nouveau cet ouvrage qui traite abondamment de cette question :

Mais Popper n'a jamais dit qu'il ne fallait pas d'abord laisser libre cours à l'imagination! Bien au contraire, il a dit que c'est ainsi que naissent les nouvelles théories! Il y a débat sur la thèse de Weber concernant le protestantisme parce qu'il n' a pas pu ou pas voulu formuler dans le cadre de cette thèse des théories testables. D'autres l'ont plus ou moins bien fait depuis. Vous savez très bien, je crois que vous l'avez dit plus haut, que si on la précise avec trop de force, elle est réfutée. Mais que des formulations plus modestes ont très bien résisté.

Cordialement,

Il se trouve que la thèse de Weber était falsibiable (en théorie) et elle a été "testée empiriquement" à l'aide de données statistiques (voir les ouvrages de Gordon Marshall Presbyteries and Profits [1981] et In Search of the Spirit of Capitalism [1982]). Mais sans surprise, il est pour ainsi dire impossible de parvenir à une conclusion sur la validité de la proposition de Weber. En pratique, la thèse de Weber est donc infalsifiable. Doit on considérer qu'elle est pour autant "non scientifique" ?

Même avec les progrès de l'économétrie, l'économie et les sciences sociales ne peuvent parvenir à un degré de sophistication équivalent à celui des sciences de la nature (sur les problèmes de l'économétrie, cf. l'ouvrage mis en lien plus haut). Par conséquent, à celui qui critique les sciences sociales comme n'étant pas assez avancées, je lui répond qu'il ne faut les comparer aux sciences de la nature, car c'est une erreur ontologique. Ces deux types de sciences ont en commun l'exigence scientifique de comprendre le monde en se soumettant à la critique, mais elles ne peuvent y parvenir de la même façon car elles ne cherchent pas à comprendre la même chose.

Posté
Ben non, ou alors c'est faire un réductionnisme comparable à celui que faisait Spencer au 19ème siècle et qui tenait exactement ce raisonnement. Par conséquent, il ambitionnait de créer une grande théorie explicative générale ou tout était réductible à des phénomènes biologiques. Son projet est tombé aux oubliettes, et ce n'est pas pour rien à mon humble avis.

Sans compter que "avant" la biologique (sur le plan ontologique), il y a la physique, donc si l'on suit ce raisonnement tout devrait être réductible à la physique.

Ce genre de réductionnisme ne fonctionne pas, notamment à cause de la notion de propriété émergente qui fait qu'on ne peut pas amalgamer différents niveaux ontologiques. Dès lors, à partir du moment où l'on accepte de distinguer différents niveaux ontologiques, il n'y a aucun raison de supposer qu'on peut les traiter scientifiquement de la même manière.

évopsy et sociobiologie sont à mettre aux oubliettes en ce qui concerne l'animal humain, donc?

Et pour le chimpanzé, elles sont valides? Et si oui, pourquoi la limite serait entre ces deux espèces là et pas ailleurs? Quand Jane Goodall a constaté que le chimpanzé était la seule autre espèce que nous à pratiquer le génocide, on a classé ça dans la biologie, non? Mais pour l'humain, la pratique régulière du génocide ne relève pas de la biologie, c'est ça? Pourquoi? (je reprends ici une idée développée dans le troisième chimpanzé de Jared Diamond).

Le Spencer dont du parles, c'est le racialiste cité par Taguieff dans la couleur et le sang? Si oui, ça n'a pas grand rapport avec ce que j'écrivais. Les racialistes ont fait des raccourcis qui n'avaient rien de scientifique.

Il se trouve que l'éco s'intéresse de plus en plus à la psycho. Par exemple, on se rend compte que les gens surestiment la probabilité d'une issue positive (à un investissement par exemple) sauf les dépressifs, ce qui est une clé pour comprendre le rapport au risque, et par exemples les bulles spéculatives.

Si l'éco se rapproche de la psycho et et que la psycho se rapproche de l'évopsy, la frontière sera-t-elle éternellement étanche?

Je ne te cache pas que je n'en crois rien.

Je comprends qu'on continuera à appliquer des méthodes différentes à la primatologie et à l'analyse des systèmes monétaires, mais ça me semble une différence pratique plus qu'une rupture fondamentale dans un continuum.

Posté
Jane Goodall a constaté que le chimpanzé était la seule autre espèce que nous à pratiquer le génocide,

Ils sont loin d'être les seuls. Dans le règne animal, c'est une pratique courante. Comme la guerre, le vol, l'usurpation d'identité, …

Posté
Ils sont loin d'être les seuls. Dans le règne animal, c'est une pratique courante. Comme la guerre, le vol, l'usurpation d'identité, …

Animal animali homo ("l'animal est un homme pour l'animal")…

Posté
Il me semble que tu as une "interprétation herméneutique" de Weber qui à mon avis n'est pas tout à fait juste. Il est vrai que c'est en Allemagne et à la même époque que l'herméneutique est apparue avec Dilthey, mais le fait que Weber n'oppose pas explication et compréhension va à l'encontre de cette interprétation. Il ne s'agit pas de savoir ce que x a voulu dire ou faire en tant que tel. La compréhension se fait par le prisme le l'idéaltype des différents types d'actions sociales : on ne cherche pas à comprendre empathiquement un individu, on cherche à dégager la logique d'action d'un type d'individus, à partir duquel émerge les phénomènes macro (bon cela dit, j'admet que l'exemple du bucheron prête à confusion). Du reste, il est un fait qu'un homme n'agit pas comme un chien (ne rentrons pas dans le débat de savoir si les animaux "pensent"), ni comme une pierre. C'est un fait incontestable, et il mérite d'être pris au sérieux.

Je n’aurais pas du employer le mot « empathiquement », qui n'est pas très wébérien. Pour mettre les points sur les i, le néokantisme fut (sans se réduire à cela) une façon sophistiquée de réaffirmer le dualisme homme/nature, posé de façon ultra-naïve par Descartes et dont l’ultime avatar est l’opposition culture/nature chez Lévi-Strauss. Il en reste une trace dans nos vénérables institutions : l'Académie des sciences, d'une part, l'Académie des sciences morales et politiques d'autre part. C'est bientôt tout ce qu'il en restera.

Ensuite, la spécificité des sciences sociales se fondent à un autre niveau (étroitement lié au point précédent) qui est celui de la dualité action/structure. C'est d'ailleurs de là que vient tout le débat individualisme/holisme méthodologique. Il s'agit d'une spécificité ontologique qui indiquent qu'on ne peut pas réduire l'un à l'autre (ce que font les sciences de la nature, dans le sens où cette dualité n'existe pas).

Distinguons bien l’individualisme méthodologique et l’individualisme politique. Ils se différencient par leurs adversaires : dans un cas, c’est le holisme, dans l’autre le collectivisme. Bien qu’il y ait entre eux des affinités, on peut être individualiste dans un sens mais pas dans l’autre. Ceci étant , je ne vois pas pourquoi le débat individualisme/holisme ne se poserait pas pour les sociétés animales. Pour les sociétés d’abeilles, l’approche holiste me paraît très pertinente. Pour les sociétés de chimpanzés, elle est aussi inadéquate que pour les sociétés humaines.

Tour ça ne veut pas dire que le critère de réfutation est à rejeter. Et là, sur ce point, je pense qu'on est d'accord. Seulement, la nature même des propositions théoriques en sciences sociales signifie que la procédure de test est bien différente (pas d'expérimentation par exemple), ce qui rend l'utilisation de ce critère beaucoup plus délicat.

Il existe une économie expérimentale, en plein développement:

L'Économie expérimentale, Nicolas Eber et Marc Willinger, La Découverte, collection « Repères : économie » n° 423, Paris, 2005 .

Je connais très bien l'ouvrage de Blaug, c'est même avec lui que j'ai commencé à m'intéresser aux questions d'épistémologie appliquées aux sciences sociales. Son ouvrage part d'une très bonne intention (inciter les économistes néoclassiques à soumettre leurs propositions théoriques à des tests) mais son poppérianisme forcené

:icon_up:

Ensuite, il manque à son raisonnement épistémologique une interrogation ontologique (ou plus exactement il l'évacue sans justification en une ou deux pages). Or, c'est précisément à partir de ce raisonnement ontologique que l'on peut comprendre :

1/ pourquoi faire des prévisions en sciences sociales est extrêmement difficile et qu'une théorie ne peut être jugée d'abord la-dessus ;

2/ pourquoi la mise en place de tests est très délicate (ce qui renvoie à la thèse de Quine);

3/ pourquoi la méthode doit en conséquence être adaptée.

D’accord. Mais ce que vous dites relève de la méthodologie. Pourquoi faire intervenir l’ontologie dans cette affaire ? Quand j’entends le mot "ontologie", c’est un peu comme quand on prononçait devant Mises le mot « mathématique ». Vous êtes certainement ontologiquement plus compétent que moi.

Il se trouve que la thèse de Weber était falsibiable (en théorie) et elle a été "testée empiriquement" à l'aide de données statistiques (voir les ouvrages de Gordon Marshall Presbyteries and Profits [1981] et In Search of the Spirit of Capitalism [1982]). Mais sans surprise, il est pour ainsi dire impossible de parvenir à une conclusion sur la validité de la proposition de Weber. En pratique, la thèse de Weber est donc infalsifiable.

Une thèse ne peut pas être à la fois falsifiable « en théorie » et infalsifiable « en pratique ». Comme je vous l’indiqué plus haut, Weber n’a pas formulé de théorie qui soit testable. Sa thèse est donc infalsifiable. Ce n’est pas un crime. Comme je l’ai expliqué plus haut, le darwinisme est également infalsifiable. Cependant, il est possible d’en dériver des théories testables.

La théorie que je résumerai en disant : « La Réforme a été la cause principale de l’essor du capitalisme en Occident » est une théorie testable, et aujourd’hui réfutée. Personne ne la soutient plus.

Par contre, la théorie que je résumerai en disant « Le calvinisme a favorisé l’essor du capitalisme » est une théorie largement corroborée, au sens de Popper.

La thèse de Weber à inspiré d’autres théories testables. Il ne s’intéressait qu’aux entrepreneurs. On en sait maintenant un peu plus sur les travailleurs. Les usines qui faisaient l’admiration d’Adam Smith étaient peuplées de méthodistes bon teint, tandis que les irlandais catholiques ramassaient les ordures . Même un marxiste comme Hobsbawn a pu reprocher à Engels d’avoir loupé ce truc essentiel (1).

Je ne sais pas si les prédicateurs pentecôtistes états-uniens qui déferlent sur l’Amérique latine ont lu Weber, mais ils n’hésitent pas à brandir leur réussite matérielle comme le signe de leur élection. Et contre toute attente, ça marche ! De plus, ces prédicateurs exhortent les hommes à bosser dur pour améliorer le sort de la famille, plutôt que de folâtrer pour se prouver à eux-mêmes leur virilité. Sans être spécialement déterministe, on peut s’attendre à des effets économiques importants.

Vous avez raison. Ne faisons plus de prévisions! Même quand elles s'avèrent justes, personne ne nous en est reconnaissant.

(1) Mais les Irlandais ont aujourd'hui un PNB par habitant supérieur à celui du Royaume-Uni,comme quoi il faut se garder de tout fatalisme dans ce domaine.

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évopsy et sociobiologie sont à mettre aux oubliettes en ce qui concerne l'animal humain, donc?

Et pour le chimpanzé, elles sont valides? Et si oui, pourquoi la limite serait entre ces deux espèces là et pas ailleurs? Quand Jane Goodall a constaté que le chimpanzé était la seule autre espèce que nous à pratiquer le génocide, on a classé ça dans la biologie, non? Mais pour l'humain, la pratique régulière du génocide ne relève pas de la biologie, c'est ça? Pourquoi? (je reprends ici une idée développée dans le troisième chimpanzé de Jared Diamond).

Le Spencer dont du parles, c'est le racialiste cité par Taguieff dans la couleur et le sang? Si oui, ça n'a pas grand rapport avec ce que j'écrivais. Les racialistes ont fait des raccourcis qui n'avaient rien de scientifique.

Il se trouve que l'éco s'intéresse de plus en plus à la psycho. Par exemple, on se rend compte que les gens surestiment la probabilité d'une issue positive (à un investissement par exemple) sauf les dépressifs, ce qui est une clé pour comprendre le rapport au risque, et par exemples les bulles spéculatives.

Si l'éco se rapproche de la psycho et et que la psycho se rapproche de l'évopsy, la frontière sera-t-elle éternellement étanche?

Je ne te cache pas que je n'en crois rien.

Je comprends qu'on continuera à appliquer des méthodes différentes à la primatologie et à l'analyse des systèmes monétaires, mais ça me semble une différence pratique plus qu'une rupture fondamentale dans un continuum.

Le Spencer dont je parle c'est le sociologue (et incidemment - mais ça n'a aucun rapport - libéral) Herbert Spencer, qui est plus ou moins celui qui a initié le darwinisme social.

Je pense que le critère de démarcation qui permet bien de distinguer les sciences sociales de la biologie, c'est l'existence des institutions humaines, c'est à dire un ensemble de règles que les hommes suivent plus ou moins consciemment et sur lesquelles ils sont capables d'avoir une attitude réflexive à leur égard, en d'autres termes d'être capable d'expliquer pourquoi ils les suivent et de les faire évoluer consciemment. A ma connaissance, un chimpanzé n'est pas capable d'expliquer pourquoi il pratique le génocide.

Je ne prétend pas qu'il y a une rupture fondamentale, et je suis d'accord avec toi pour dire qu'il y a un continuum. Mais de même que la psychologie s'intéresse à un niveau ontologique qui résulte de phénomènes émergents de type biologique, les sciences sociales s'intéressent aux effets émergents de l'action humaine : les institutions. La méthode n'est pas la même car les différents niveaux ontologiques n'ont pas les mêmes propriétés. Bien sur, c'est aussi une démarcation pratique, et elle n'empêche pas qu'il doit y avoir coopération entre les sciences, mais tant que l'on ne sera pas capable d'expliquer tout par l'atome (je doute que l'on y parvienne un jour), elle aura son utilité.

L'exemple que tu prend du rapprochement entre l'économie et la psychologie pour expliquer les comportements sur les marchés financiers est intéressant car il me permet à merveille de préciser mon propos. Déjà, note que l'économie se sert de la psychologie, mais ne s'en remet pas totalement à elle. Il y a donc coopération, et c'est une très bonne chose. Mais surtout, et là il s'agit d'un argument déjà mobilisé par Weber (encore lui!) : l'utilisation de la psychologie pour comprendre les comportements sur les marchés financiers ne prend de sens que parce qu'au préalable, la théorie économique a produit une connaissance sur l'institution qu'est le marché boursier. Là, je ne peut que citer Weber (L'objectivité de la connaissance dans les sciences et la politique sociales, 1904 :

"Les essais, parfois brillants, d'interprétations psychologiques des phénomènes économiques dont nous avons connaissance jusqu'à présent montrent en tout cas une chose, c'est qu'on ne fait pas de progrès en allant de l'analyse psychologique des qualités humaines vers celles des institutions sociales, mais qu'au contraire l'éclaircissement des conditions et des effets psychologiques des institutions présuppose la parfaite connaissance de ces dernières et l'analyse scientifique de leur relations. L'analyse psychologique signifie alors tout simplement un approfondissement extrêmement intéressant, dans chaque cas concret, de la connaissance de leur conditionnalité historique et de leur signification culturelle.

Bref, la psychologie ne remplacera jamais l'économie, mais elle la complète. L'analyse des marchés financiers supposent au préalable de comprendre leur rôle dans l'ensemble d'une économie, leurs règles formelles de fonctionnement, leur genèse etc. L'apport de la psychologie sur cette question n'a de sens qu'en bout de course.

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Il existe une économie expérimentale, en plein développement:

L'Économie expérimentale, Nicolas Eber et Marc Willinger, La Découverte, collection « Repères : économie » n° 423, Paris, 2005 .

Je sais. Mais je pense que vous serai d'accord pour dire (et à ma connaissance les économistes expérimentalistes en sont parfaitement conscient) que la procédure d'expérimentation en sciences sociales est de nature bien différente et qu'elle ne peut surtout pas prétendre au même statut que dans les sciences de la nature

D’accord. Mais ce que vous dites relève de la méthodologie. Pourquoi faire intervenir l’ontologie dans cette affaire ? Quand j’entends le mot "ontologie", c’est un peu comme quand on prononçait devant Mises le mot « mathématique ». Vous êtes certainement ontologiquement plus compétent que moi.

Disons que j'ai eu l'occasion de pas mal réfléchir à cette question récemment et surtout de lire pas mal la-dessus, et qu'il apparait que ontologie et méthodologie sont intimement liées. C'est par une réflexion sur la nature des choses que l'on peut déterminer quelle est la meilleur méthode pour étudier ces choses. Un homme (en tant qu'acteur social) n'est pas un chimpanzé, ce n'est pas non plus une pierre, ni un atome. Une "société" humaine, c'est un ensemble d'interactions individuelles qui font émerger des institutions, ces dernière en retour conditionnenent les comportements individuels, les individus ayant néanmoins une capacité réflexive sur ces institutions. Peut on comparer ça à une "société" d'abeilles (peut-on dire que les abeilles ont des institutions et qu'elles peuvent les modifier consciemment ?) ?

La théorie que je résumerai en disant : « La Réforme a été la cause principale de l’essor du capitalisme en Occident » est une théorie testable, et aujourd’hui réfutée. Personne ne la soutient plus.

Par contre, la théorie que je résumerai en disant « Le calvinisme a favorisé l’essor du capitalisme » est une théorie largement corroborée, au sens de Popper.

Il faudrait que je relise la préface de L'éthique protestante mais il me semble justement (peut être que ma mémoire me joue des tours) que Weber précise explicitement qu'il n'entend pas montrer que la Réforme a été la cause principale de l'essor du capitalisme en Occident, mais plutôt qu'il l'a "seulement" favorisé, parmi multitude d'autres facteurs.

Mais du coup, j'ai une question : qu'appelez-vous une "théorie" ? Et la thèse de Weber est-elle une théorie ?

Posté
Je pense que le critère de démarcation qui permet bien de distinguer les sciences sociales de la biologie, c'est l'existence des institutions humaines, c'est à dire un ensemble de règles que les hommes suivent plus ou moins consciemment et sur lesquelles ils ont capables d'avoir une attitude réflexive à leur égard, en d'autres termes d'être capable d'expliquer pourquoi ils les suivent et de les faire évoluer consciemment. A ma connaissance, un chimpanzé n'est pas capable d'expliquer pourquoi il pratique le génocide.

Zidane n'est pas davantage capable de comprendre pourquoi l'institution arbitrale l'a sanctionné.

Posté
Zidane n'est pas davantage capable de comprendre pourquoi l'institution arbitrale l'a sanctionné.

Je pense sincèrement que si. Mais (autre capacité spécifiquement humaine) il le cache (?) parce qu'il a de l'amour propre (mal placé probablement).

Posté
Je pense sincèrement que si. Mais (autre capacité spécifiquement humaine) il le cache (?) parce qu'il a de l'amour propre (mal placé probablement).

Citation (devant Claire Chazal, sur TF1) :

"Je ne suis pas là pour pardonner mon geste".

Posté
Citation (devant Claire Chazal, sur TF1) :

"Je ne suis pas là pour pardonner mon geste".

Ce qui ne veut pas dire pour autant qu'il pense qu'il n'a pas à se faire pardonner.

Il n'a pas dit "Je ne suis pas là pour pardonner mon geste (sic!) parce qu'il n'y a rien à pardonner", ce qui est différent, non ? :icon_up:

Enfin, tout ça atteste bien que l'enjeu de l'interprétation de l'action humaine est important en sciences sociales… Mais je n'aurai jamais pensé me référer à Zidane pour illustrer la dimension compréhensive des sciences sociales !!! :doigt:

Posté
Peut on comparer ça à une "société" d'abeilles (peut-on dire que les abeilles ont des institutions et qu'elles peuvent les modifier consciemment ?) ?

Nous avons le plus grand mal à changer consciemment nos institutions. Il sera bientôt plus facile de changer nos gènes que de changer nos institutions. Et quand nous essayons de changer nos institutions, il arrive souvent que, comme le dit Pascal, qui feut faire l'ange fait la bête. :icon_up:

Il faudrait que je relise la préface de L'éthique protestante mais il me semble justement (peut être que ma mémoire me joue des tours) que Weber précise explicitement qu'il n'entend pas montrer que la Réforme a été la cause principale de l'essor du capitalisme en Occident, mais plutôt qu'il l'a "seulement" favorisé, parmi multitude d'autres facteurs.

Relisez-moi : j'ai pris soin de ne pas attribuer ma première "théorie" à Weber lui même. Il y a eu certainement autour de son livre pas de malentendus. mais sans ces malentendus, il n'aurait pas atteint ce niveau de célébrité.

Mais du coup, j'ai une question : qu'appelez-vous une "théorie" ? Et la thèse de Weber est-elle une théorie ?

Vous pouvez sans problème intervertir dans mon laïus les mots "thèse" et "théorie", sans changer le fond du message. Mais pour qu'une théorie (ou une thèse) soit falsifiable, il faut qu'elle ait une forte articulation logique. Si par exemple elle comporte deux propositions contradictoires, alors elle ne l'est pas. En effet d'une telle théorie on peut déduire, par simple application de la logique formelle, absolument n'importe quoi. Il n'y aura donc aucun test possible.

Lorsque vous écrivez un livre sur quelque sujet que ce soit, sauf s'il s'agit de mathématique, il est bien rare que vous ne laissiez pas passer quelques petites contradictions. C'est pourquoi un livre constitue rarement une "théorie falsifiable". Sa structure logique est trop lâche. Le principal intérêt de la mathématisation, ce n'est pas de faire joli comme le croient certains, c' est de faire une chasse impitoyable aux contradictions.

Encore un mot. Si une théorie n'est pas falsifiable, cela ne veut pas dire qu'il faut la jeter aux orties(l'interprétation du poppérisme par ceux qui n'ont pas lu Popper). On peut souvent argumenter en sa faveur. Elle peut éventuellement servir de matrice à des sous-théories qui, elles, seront falsifiables.

Mais il existe, c'est vrai, des cas désespérés, comme l'astrologie.

Je m'aperçois qu'on a beaucoup dévié par rapport aux droits de succession. Il est peut être temps d'arrêter.

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