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Classe Et Lutte


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Je profite de deux ou trois mots de Fredo sur le bouquin de Louis Chauvel (que je n'ai pas encore lu) pour lancer le sujet : les classes sociales existent-elles ? Objectivement, on peut toujours désigner une classe "pauvre", une classe "moyenne" et une classe "supérieure" en terme de capital social, culturel, économique, etc. (pour reprendre la typologie de Bourdieu, en fait), certes. Mais la réelle question est : la conscience de classe existe-t-elle ?

Je dirais (je me trompe peut-être, bien sûr), que les libéraux ignorent ou plutôt rejettent cette réalité ou cette vision des choses, les individus ayant un intérêt commun face à l'Etat. Je ne suis pas ici pour vous narrer les turpitudes de ma médiocre existence, mais, de fait, j'ai pris plaisir à étudier la jungle estudiantine dans laquelle je me démène… La chose la plus frappante est encore le découpage net entre classes sociales : les pauvres en fac de lettres, les riches en fac d'éco/droit. La classe moyenne étant quant à elle quelque peu écartelée entre ces deux pôles. Le découpage est net en terme d'image mais aussi en terme d'idéologie politique (gauche/extrême-gauche chez la classe inférieure, classe moyenne écartelée entre droite et gauche, classe supérieure en partie bien ancrée à droite, en partie "gauche caviar") Je me défend de tout déterminisme absolu : on peut trouver des riches comme des pauvres de part et d'autres, et, en ce qui concerne les idéologies politiques, on peut trouver de tout, même si l'on dégage facilement des orientations générales.

Je lance la discussion en espérant que ça plaise (si c'est nul, je supprime de suite) :icon_up:

EDIT : en l'absence de sous-forum "sociologie" je poste ici

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Les classes principales de Marx ce sont les capitalistes et les prolétaires. Ce qu'on pourrait garder de Marx (mais il n'a rien inventé là dessus, c'est du simple bon sens), c'est que certains groupes de population ont des intérets communs qui divergent des autres groupes. Par contre il n'y a aucune unité d'intéret à l'intérieur des classes définies par Marx. Les communautés d'intérét se définissent d'une façon plus complexe que la simple dichotomie possesseur du capital et possesseur de sa seule force de travail. C'est également plus complexe que la simple dichotomie riche/pauvre (est ce que l'intéret d'un haut fonctionnaire est le même que celui d'un patron dans le textile, et celui du patron dans le textile est il le même que celui du trader?). Après, est ce que les intérets de chaque sous classe qu'on aura pu définir va déterminer l'idéologie de chacun de ces groupes? Evidemment pas totalement, mais il est certain qu'il y aura une corrélation importante. Certaines personnes ont un intéret à l'intervention de l'Etat et il est certain que les individus ont facilement tendance à confondre ce qui est leur intéret et ce qui est juste.

Posté

La lutte des classes marxienne est une transposition socialiste de la lutte des classes (groupes spoliés vs. classe spoliatrice) telle que décrite par plusieurs libéraux sous la Restauration. Il en a déjà été question sur le forum à plusieurs reprises.

Posté
Les classes principales de Marx ce sont les capitalistes et les prolétaires. Ce qu'on pourrait garder de Marx (mais il n'a rien inventé là dessus, c'est du simple bon sens), c'est que certains groupes de population ont des intérets communs qui divergent des autres groupes. Par contre il n'y a aucune unité d'intéret à l'intérieur des classes définies par Marx. Les communautés d'intérét se définissent d'une façon plus complexe que la simple dichotomie possesseur du capital et possesseur de sa seule force de travail. C'est également plus complexe que la simple dichotomie riche/pauvre (est ce que l'intéret d'un haut fonctionnaire est le même que celui d'un patron dans le textile, et celui du patron dans le textile est il le même que celui du trader?). Après, est ce que les intérets de chaque sous classe qu'on aura pu définir va déterminer l'idéologie de chacun de ces groupes? Evidemment pas totalement, mais il est certain qu'il y aura une corrélation importante. Certaines personnes ont un intéret à l'intervention de l'Etat et il est certain que les individus ont facilement tendance à confondre ce qui est leur intéret et ce qui est juste.

+1 :icon_up:

Posté

Je pense comme Erik von Kuehnelt Leddihn qui distribue les classes selon leurs caractère et non leur richesse. Un membre de la classe inférieure peut exercer un métier très rémunérateur (plombier, agriculteur, etc) tandis qu'un membre de la classe moyenne peut gagner des miettes comme prof. (Au passage c'est ce que Rothbard soulignait en critiquant l'université comme étant une subvention des classes moyennes par les classes des travailleurs.) Les classes moyennes vont s'intéresser à la politique, lire les revues sur le sujet, etc, tandis que les inférieures seront plutôt attirées par les tabloïds.

On peut voir aussi les classes par la façon dont les gens sont rémunérés. La classe moyenne déteste le risque et préfère les emplois à salaire fixe, tandis que la classe supérieure sera plus portée vers l'entreprise et les professions libérales, même si au final ils ne gagnent peut-être pas plus que les salariés.

EvKL contraste donc les classes moyennes, qui ont un désir de sécurité et d'égalité, avec les classes supérieures "aristocratiques" qui ont un désir d'aventure et de liberté.

On peut voir d'ou les conflits de classe peuvent émerger.

Posté

Lutte des places :

"Lorsque la machine à créer des emplois se grippe, lorsque l'ascenseur social est en panne, chacun combat pour sa place, la conquérir ou la garder. C'est la "lutte des places". Dans une économie en stagnation, ce qui est gagné par les uns est perdu par les autres : la société se divise alors en groupes hostiles qui s'entre-déchirent au lieu de s'échanger les fruits de leur travail. Confusément, tout le monde sent bien que l'on ne peut continuer ainsi. Les Français les plus actifs supportent des charges et des contraintes croissantes qui découragent l'initiative, l'effort et le risque."

Alain Madelin, Le Figaro Magazine 09/04/94

Posté

il n'y a plus vraiment de classes sociales, on sens strict du terme, selon moi. Une classification est possible quand il y a 2-3-4 classes possibles à distinguer.

Mais on voit très bien aujourd'hui qu'il en existerait beaucoup plus:

entre les très pauvres, les pauvres (rmistes, certains retraités…), la classe moyenne pauvre (smic), la classe moyenne (2à3 fois le smic), la classe moyenne aisée (4-6 fois le smic), les riches (7 à 10 fois le smic) les très riches….. et encore meme en faisant comme ca les différences entre les bornes peuvent être très grandes…si tu rajoutes à cela la fiscalité…

Donc NON, perso, je ne pense pas qu'il y ait de lutte des classes. L'ascenceur social est peut être en panne mais il faut voir le nombre d'étages qu'il y a..car pour passer de pauvre à riche de la classe moyenne, faut avoir une sacrée augmentation… :icon_up:

il y a d'ailleurs 2 membres de ce forom, qui se reconnaitront, qui sont en fac de lettre à Aix et pourtant sont libéraux :doigt: , meme si je dois te l'accorder la fac de lettre est un nid à socialo-comunistes (voir meme anarchistes communistes)… Enfin le contre exemple c'est quand meme Sorbonnes qui historiquement s'oppose à ASSAS …la première n'étant pas idéologiquement libérale… tu peux y rajouter les IEP de province qui sont plutot socialistes surtout à Aix… A Sciences Po Paris y a les 2, mais c'est plutot de "droite" (je n'ose pas dire libéral…).

Posté

Concernant les IEP (en particulier celui que je connais, Bordeaux), putain c'est hallucinant la stratification sociale qu'il peut exister dans ces trucs. Les pauvres avec les pauvres, les riches avec les riches, le tout parfaitement naturellement, comme si chaque classe avait sa façon de penser les choses…

Posté
Je dirais (je me trompe peut-être, bien sûr), que les libéraux ignorent ou plutôt rejettent cette réalité ou cette vision des choses, les individus ayant un intérêt commun face à l'Etat.

Détrompe-toi. Il y a sur ce forum beaucoup de libéraux (anarcaps) qui adhèrent au concept de lutte des classes. Gadrel en est l'un des principaux défenseurs, il me semble. Voir par exemple ICI et ICI.

En fait, il y a deux façons d'envisager la notion de classe :

1) Tout d'abord, elle peut être envisagée comme simple synonyme de catégorisation.

Il est toujours possible de répartir les individus d'une population donnée dans différentes catégories en fonction de critères définis préalablement (en fonction de leur niveau économique, culturel, etc.). Il est bien sûr possible d'en déterminer statistiquement des valeurs/comportements/intérêts moyens.

Des exemples de ce type de classification nous sont donnés dans le post de Stranger :

Je pense comme Erik von Kuehnelt Leddihn qui distribue les classes selon leurs caractère et non leur richesse. Un membre de la classe inférieure peut exercer un métier très rémunérateur (plombier, agriculteur, etc) tandis qu'un membre de la classe moyenne peut gagner des miettes comme prof. (Au passage c'est ce que Rothbard soulignait en critiquant l'université comme étant une subvention des classes moyennes par les classes des travailleurs.) Les classes moyennes vont s'intéresser à la politique, lire les revues sur le sujet, etc, tandis que les inférieures seront plutôt attirées par les tabloïds.

On peut voir aussi les classes par la façon dont les gens sont rémunérés. La classe moyenne déteste le risque et préfère les emplois à salaire fixe, tandis que la classe supérieure sera plus portée vers l'entreprise et les professions libérales, même si au final ils ne gagnent peut-être pas plus que les salariés.

Mais ce type de classe est l'oeuvre d'un savant. Elle est extérieure aux individus dans le sens où elle est constituée indépendamment de leurs sentiments réels d'identité collective. Rien ne dit que les individus catégorisés ainsi de l'extérieur développeront entre eux une conscience de classe, tout simplement parce qu'ils n'auront pas nécessairement le sentiment d'appartenir à cette même classe.

2) La notion de classe peut être aussi utilisée pour définir quelque chose de beaucoup plus fort que cette simple catégorisation en désignant une communauté d'individus partageant une identité commune.

Dans ce cas, la classe préexiste à l'oeuvre du savant (dont le travail ne devrait plus consister à construire des catégories abstraites en fonction de ses propres critères, mais de la découvrir telle qu'elle existe dans la réalité puis d'en dégager les principaux traits et ressorts d'action). Ce sont les individus qui se choisissent et qui développent par leurs échanges réciproques une communauté d'intérêts et une conscience de classe. Autrement dit, la classe émerge d'un processus d'interactions interindividuels qui ne peut être compris par une méthodologie holiste de catégorisation beaucoup trop simpliste.

Donc oui, les classes (dans la 2e acception du terme) existent : des individus peuvent se regrouper spontanément, partager des opinions et des centres d'intérêt communs jusqu'à développer, peu à peu, une réelle communauté, prête à entrer en opposition avec d'autres en vue de défendre leurs intérêts ou valeurs partagées (lutte de classe).

Mais non, il est faux de croire qu'il est possible de constituer une théorie de lutte des classes fondée sur une catégorisation simpliste (1e acception du terme) qui partagerait une population de millions d'individus (voire l'humanité tout entière) en deux classes.

Waldganger l'explique très bien :

Les classes principales de Marx ce sont les capitalistes et les prolétaires. Ce qu'on pourrait garder de Marx (mais il n'a rien inventé là dessus, c'est du simple bon sens), c'est que certains groupes de population ont des intérets communs qui divergent des autres groupes. Par contre il n'y a aucune unité d'intéret à l'intérieur des classes définies par Marx. Les communautés d'intérét se définissent d'une façon plus complexe que la simple dichotomie possesseur du capital et possesseur de sa seule force de travail. C'est également plus complexe que la simple dichotomie riche/pauvre (est ce que l'intéret d'un haut fonctionnaire est le même que celui d'un patron dans le textile, et celui du patron dans le textile est il le même que celui du trader?). Après, est ce que les intérets de chaque sous classe qu'on aura pu définir va déterminer l'idéologie de chacun de ces groupes?

La "lutte de classes libertarienne" procède exactement de la même erreur méthodologique : croire qu'on peut tirer une théorie de la lutte des classes (sens 2 du terme de classe) d'une simple catégorisation (sens 1 du terme).

Posté
Lutte des places :

"Lorsque la machine à créer des emplois se grippe, lorsque l'ascenseur social est en panne, chacun combat pour sa place, la conquérir ou la garder. C'est la "lutte des places". Dans une économie en stagnation, ce qui est gagné par les uns est perdu par les autres : la société se divise alors en groupes hostiles qui s'entre-déchirent au lieu de s'échanger les fruits de leur travail. Confusément, tout le monde sent bien que l'on ne peut continuer ainsi. Les Français les plus actifs supportent des charges et des contraintes croissantes qui découragent l'initiative, l'effort et le risque."

Alain Madelin, Le Figaro Magazine 09/04/94

:icon_up:

Quand l'individu n'a plus d'autre horizon que son petit monde, duquel il veut sortir (comme chacun d'entre nous), que peut il penser d'autre que la lutte de classe ? Quand l'ensemble des informations que son cerveau reçoit lui dit qu'il ne peut espérer gravir d'échelon, que peut-il penser d'autre que "injustice" ?

D'un autre côté, il doit y en avoir qui tombent dans la lutte des classes par feignantise, immobilisme ou malhonnêteté…

La lutte des classes marxienne est une transposition socialiste de la lutte des classes (groupes spoliés vs. classe spoliatrice) telle que décrite par plusieurs libéraux sous la Restauration. Il en a déjà été question sur le forum à plusieurs reprises.

:doigt:

Exemple parfait du risque de créer des concepts imprécis. Les classes n'existant pas, pourquoi ne pas avoir alors simplement parlé d'absence liberté ?

Certaines personnes ont un intéret à l'intervention de l'Etat et il est certain que les individus ont facilement tendance à confondre ce qui est leur intéret et ce qui est juste.

Je ne sais pas. Je veux dire "oui s'ils sont malhonnêtes, ou défaillants d'une sorte ou d'une autre"… mais "non dans l'absolu". Mieux vaut essayer d'être libre que vivre asservi.

Posté
…les libéraux ignorent ou plutôt rejettent cette réalité ou cette vision des choses…

Rien de plus faux, bien sûr. Il suffit de relire le papier d'Hans-Hermann Hoppe : "L'analyse de classe marxiste et celle des Autrichiens".

Le reproche principal que l'on peut faire aujourd'hui au marxisme c'est d'avoir, par ses erreurs, ses crimes et son effondrement final, presque complètement discrédité une vision conflictuelle de l'histoire sociale et une dénonciation des classes exploiteuses qui sont pourtant plus pertinentes et plus urgentes que jamais. Cette analyse de classe, cette dénonciation des exploiteurs appartiennent à la tradition de la liberté naturelle. Marx n'a fait que la neutraliser et la pervertir au profit de l'oppression, en l'asservissant à une définition absurde de l'exploitation et à une méprise tragique sur l'identité des exploiteurs et la nature du pillage.

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