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le dandysme


Patrick Smets

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Posté

Je suis en train de lire l'extraordinaire "portrait de Dorian Gray" (probablement le livre le plus pervers que je n'ai jamais ouvert) et je vous en sort cette description du dandysme qui aura surement l'heur de plaire à certains sur ce forum. (spéciale dédicace à Lucillo)

Il y en avait beaucoup, parmi les jeunes gens, qui virent ou crurent voir dans Dorian Gray, la vraie réalisation du type qu'ils avaient souvent rêvé jadis à Eton ou à Oxford, le type combinant quelque chose de la culture réelle de l'étudiant avec la grâce, la distinction ou les manières parfaites d'un homme du monde. Il leur semblait être de ceux dont parle le Dante, de ceux qui cherchent à se rendre «parfaits par le culte de la Beauté». Comme Gautier, il était «celui pour qui le monde visible existe»…

Et certainement, la Vie lui était le premier, le plus grand des arts, celui dont tous les autres ne paraissent que la préparation. La mode, par quoi ce qui est réellement fantastique devient un instant universel, et le Dandysme, qui, à sa manière, est une tentative proclamant la modernité absolue de la Beauté, avaient, naturellement, retenu son attention.

Sa façon de s'habiller, les manières particulières que, de temps à autre, il affectait, avaient une influence marquée sur les jeunes mondains des bals de Mayfair ou des fenêtres de clubs de Pall Mall, qui le copiaient en toutes choses, et s'essayaient à reproduire le charme accidentel de sa grâce ; cela lui paraissait d'ailleurs secondaire et niais.

Car, bien qu'il fût prêt à accepter la position qui lui était offerte à son entrée dans la vie, et qu'il trouvât, à la vérité, un plaisir curieux à la pensée qu'il pouvait devenir pour le Londres de nos jours, ce que dans l'impériale Rome de Néron, l'auteur du Satyricon avait été, encore, au fond de son coeur, désirait-il être plus qu'un simple Arbiter Elegantiarum, consulté sur le port d'un bijou, le noeud d'une cravate ou le maniement d'une canne.

Il cherchait à élaborer quelque nouveau schéma de vie qui aurait sa philosophie raisonnée, ses principes ordonnés, et trouverait dans la spiritualisation des sens, sa plus haute réalisation.

Le culte des sens a, souvent, et avec beaucoup de justice, été décrié, les hommes se sentant instinctivement terrifiés devant les passions et les sensations qui semblent plus fortes qu'eux, et qu'ils ont conscience d'affronter avec des formes d'existence moins hautement organisées.

Mais il semblait à Dorian Gray que la vraie nature des sens n'avait jamais été comprise, que les hommes étaient restés brutes et sauvages parce que le monde avait cherché à les affamer par la soumission ou les anéantir par la douleur, au lieu d'aspirer à les faire les éléments d'une nouvelle spiritualité, dont un instinct subtil de Beauté était la dominante caractéristique. Comme il se figurait l'homme se mouvant dans l'histoire, il fut hanté par un sentiment de défaite… Tant avaient été vaincus et pour un but si mesquin.

Il y avait eu des défections volontaires et folles, des formes monstrueuses de torture par soi-même et de renoncement, dont l'origine était la peur, et dont le résultat avait été une dégradation infiniment plus terrible que cette dégradation imaginaire, qu'ils avaient, en leur ignorance, cherché à éviter, la Nature, dans son ironie merveilleuse, faisant se nourrir l'anachorète avec les animaux du désert, et donnant à l'ermite les bêtes de la plaine pour compagnons. Certes, il pouvait y avoir, comme lord Harry l'avait prophétisé, un nouvel Hédonisme qui recréerait la vie, et la tirerait de ce grossier et déplaisant puritanisme revivant de nos jours. Ce serait l'affaire de l'intellectualité, certainement ; il ne devait être accepté aucune théorie, aucun système impliquant le sacrifice d'un mode d'expérience passionnelle. Son but, vraiment, était l'expérience même, et non les fruits de l'expérience quels qu'ils fussent, doux ou amers.

Il ne devait pas plus être tenu compte de l'ascétisme qui amène la mort des sens que du dérèglement vulgaire qui les émousse ; mais il fallait apprendre à l'homme à concentrer sa volonté sur les instants d'une vie qui n'est elle-même qu'un instant.

Posté

Tu lis un roman ????

Sinon, tu as bien du mérite de lire un roman de Wilde, autant ses bons mots sont amusants, autant ses livres sont lourdingues et laissent un poids sur l'estomac.

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…spéciale dédicace à Lucillo…

Pourquoi donc ? Moi, qui fuis le dandysme comme la peste.

…ses livres sont lourdingues et laissent un poids sur l'estomac.

Je dirais ayant mal vieillis.

Posté
Tu lis un roman ????

Sinon, tu as bien du mérite de lire un roman de Wilde, autant ses bons mots sont amusants, autant ses livres sont lourdingues et laissent un poids sur l'estomac.

Pourtant Dorian Gray est un des rares mythes contemporains original (on peut à la rigueur le rapprocher du mythe de Narcisse). L'allégorie sur l'art est géniale. Rien que ça en fait une oeuvre magistrale de la littérature.

Posté
Je suis en train de lire l'extraordinaire "portrait de Dorian Gray" (probablement le livre le plus pervers que je n'ai jamais ouvert) et je vous en sort cette description du dandysme qui aura surement l'heur de plaire à certains sur ce forum. (spéciale dédicace à Lucillo)

Barbey a écrit cet essai :

(et Lucilio est trop sympa pour être un dandy)

"The picture of Dorian Gray" n'est pas pervers. Lis plutôt "Les liaisons dangereuses" pour savoir ce qu'est la perversité.

C'est juste, toutefois je trouve que le fond des Liaisons dangereuses est assez moral.

Posté
Tu lis un roman ????

Sinon, tu as bien du mérite de lire un roman de Wilde, autant ses bons mots sont amusants, autant ses livres sont lourdingues et laissent un poids sur l'estomac.

Cet extrait n'y échappant pas.

Posté

Des goûts et des couleurs…mon cher Schnappi, n'écoutez pas ses ignares et continuer de lire cet excellent roman (le seul de Wilde dont les autres oeuvres sont essentiellement de la poésie et du théâtre : le théâtre ne se lit pas).

La plupart des bons mots de Wilde sont en fait des répliques extraites de ses pièces (certaines sont dans Dorian Gray).

Posté

Dorian Gray est un très bon bouquin en effet. A voir également "The importance of being earnest" et "An ideal husband". Je crois que les films sont pas mal, je sais pas trop ce que les puristes en disent.

C'est juste, toutefois je trouve que le fond des Liaisons dangereuses est assez moral.

Tout à fait, le vice entrainant la déchéance des principaux acteurs. J'ai vu le film avec John Malkovitch, et Michelle Pfeiffer, il retranscrit bien l'esprit du bouquin. Généralement, je suis déçu par les adaptations ciné, mais là, ça n'a pas été le cas, et je crois n'avoir pas été le seul dans ce cas.

Barbey a écrit cet essai :

En effet, en France, ce fut Barbey d'Aurevilly, dont il faut absolument lire les diaboliques, qui introduisit le concept. Encore un bouquin sur la perversité, féminine notamment.

Posté

001a.jpg

La version de 1947 (en technicolor,comme ne l'indique pas cette photo) est très supérieure à la plus récente.

Posté
Rappelons que le dandy n'est pas une personne élégante (exception faite, bien sûr, du premier dandy, le Beau Brummel).

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Non seulement, il était élégant mais en plus il était beau, Brummel.

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Rocou si tu passes par là, quand je disais que RH est l'anti-Rocou, je ne voulais pas dire que tu étais tout vieux et tout moche :icon_up: Je voulais dire que l'un est jeune et veut être vieux, l'autre est "vieux" et veut être jeune :doigt:

Posté
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Non seulement, il était élégant mais en plus il était beau, Brummel.

Chacun ses goûts, moi je vois un type jouflu qui semble petit, même trappu. Bof bof bof, si on ajoute à ça le look de l'époque, ça devient même beurk, il me fait pensser à Truman Capote (orth?), tellement laid mais tellement distingué.

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Chacun ses goûts, moi je vois un type jouflu qui semble petit, même trappu.

Le physique n'est pas en cause. Et les faits sont là : Brummel est le mec qui a, pratiquement, codifié le costume masculin moderne et posé les canons de l'élégance qui sont en vigueur encore actuellement, à savoir : se vêtir avec discrétion en portant les habits appropriés à l'occasion.

Posté
Chacun ses goûts, moi je vois un type jouflu qui semble petit, même trappu. Bof bof bof, si on ajoute à ça le look de l'époque, ça devient même beurk, il me fait pensser à Truman Capote (orth?), tellement laid mais tellement distingué.

Ce n'est pas parce qu'on ne porte pas un pantalon très bas sur les hanches que l'on est petit et joufflu.

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Ce n'est pas parce qu'on ne porte pas un pantalon très bas sur les hanches que l'on est petit et joufflu.

Si l'on voit le petit joufflu, c'est que le pantalon est trop bas sur les hanches.

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