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Identité, biométrie et autres


0100011

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Je ne crois pas avoir vu de sujet sur la proposition de loi Thierry Mariani sur l'utilisation de tests ADN dans le cadre des regroupements familiaux (voir par exemple http://www.lepoint.fr/content/sciences/article?id=201003).

Les arguments avancés pour cet amendement sont connus : facilité, sûreté, volontariat etc. On voit d'ailleurs dans l'interview dont je met le lien que les aspects éthiques sont complètements passés sous silence. Il y a pourtant une masse d'objections qu'on peut faire à ce type de réglementation. Par exemple et de manière non exhaustive : quid des enfants dit "naturels" (par ce que s'il faut aller chercher le facteur en plus…), est ce que le côté "volontariat" est vraiment crédible quand on connaît le goût de l'administration de foutre son nez partout une fois la porte ouverte, je passe aussi sur les cas limites type mères porteuses (une femme qui enfante d'un ovule qui n'est pas le sien).

Je pense que cette réductio ad salivam, la reduction d'un être humain a son capital génétique, est profondément contraire au libéralisme. D'une part il s'agit d'une approche de l'identité de type essentialiste/platonicienne : votre identité existe en dehors de votre existence, en dehors de ce que vous faites (et là pour le cas c'est la préfecture qui dit qui vous êtes : vous êtes le chiffre résumant les mesures biométriques reconnues comme identifiantes). Il me semble que les libéraux devraient opter pour une approche existentialiste : votre identité se définit par vos actions, vos connaissances (vos factures, vos connaissances, les associations auxquelles vous appartenez etc.). Je ne vais pas commencer ici un essai philosophique sur le fait que l'essentialisme débouche sur le collectivisme mais c'est tout à fait soutenable comme position. Fondamentalement, en ce qui concerne l'identité, l'essentialisme est une prison : vous ne pouvez pas sortir du numéro qu'on vous a attribué, partir "recommencer une nouvelle vie". C'est le droit à l'oubli, à l'anonymat, qui est bafoué, droit dont on ne parle pas mais qui me semble fondamentale pour avoir une société qui fonctionne.

La vision du document "le temps des biomaîtres" ( http://www.arte.tv/fr/connaissance-decouve…ce/1674774.html ), plutôt moyen, confirme cet état de fait. Il semble de plus en plus normal d'accepter cette prison individuelle et vous êtes classé comme rétrogade si vous la rejetez. Ca me rend triste comme ce jour de pluie :icon_up:

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Je ne vois guère le rapport avec l'essentialisme.

Le rapport est qu'on suppose qu'il existe un "toi essentiel" et que la biométrie permet d'une part de le prouver et ensuite de le cerner.

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Je croyais que ce qui fondait la paternité était la reconnaissance de l'enfant par le père, avec tout ce que cela implique au point de vue du droit quant aux devoirs du père.

Dans ces conditions, le test ADN pourra se réveler négatif alors que le père est bien le père du point de vue du droit.

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Le rapport est qu'on suppose qu'il existe un "toi essentiel" et que la biométrie permet d'une part de le prouver et ensuite de le cerner.

On suppose qu'il existe un "toi essentiel" ? Où a-tu lu ça ? Qui a parlé de ça ?

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On suppose qu'il existe un "toi essentiel" ? Où a-tu lu ça ? Qui a parlé de ça ?

C'est très exactement le présupposé qui est derrière les techniques biométriques élevées au rang de "preuve infalsifiables" de l'identité et c'est la philosophie générale qui est derrière cet amendement. Bref on passe sous silence la notion de famille humaine (c'est à dire est mon enfant celui que je reconnais comme tel) au profit d'une vision animale (mon enfant c'est celui que j'ai pondu). C'est bien de l'essentialisme (tu es celui que tes gènes définissent) plutôt que de l'existentialisme (un être humain c'est toute une histoire intersubjective).

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Il est évident que ton vrai père est le biologique, le reste c'est des médailles en chocolat pour les bêtes à cornes et les membres de familles "recomposées". D'ailleurs, à la fin de la puberté, les caractéristiques acquises laissent la place aux innées (au moins du point de vue intellectuel).

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C'est très exactement le présupposé qui est derrière les techniques biométriques élevées au rang de "preuve infalsifiables" de l'identité et c'est la philosophie générale qui est derrière cet amendement. Bref on passe sous silence la notion de famille humaine (c'est à dire est mon enfant celui que je reconnais comme tel) au profit d'une vision animale (mon enfant c'est celui que j'ai pondu). C'est bien de l'essentialisme (tu es celui que tes gènes définissent) plutôt que de l'existentialisme (un être humain c'est toute une histoire intersubjective).

Ce sont les lois actuelles sur l'immigration qui fixerai le cadre dans lequel on pourrai utiliser la biométrie pour identifier des personnes. La biométrie n'est pour rien là-dedans. Ce ne sont pas les biomaîtres qui ont décidé de ces lois. La biométrie ne servirait qu'éventuellement à accélérer un processus déjà prévu par les lois sur l'immigration.

Tu dis qu'"un être humain c'est toute une histoire intersubjective". Et bien des acteurs de l'histoire intersubjective de la France ont décidé que des personnes n'ont rien à faire dans ce pays. Je ne vois vraiment pas le rapport avec l'essentialisme, sinon un rapport vague et non essentiel. Personne n'a jamais pensé qu'un individu se résume à un code génétique (ou rares sont celles qui le pensent aujourd'hui).

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Il est évident que ton vrai père est le biologique, le reste c'est des médailles en chocolat pour les bêtes à cornes et les membres de familles "recomposées". D'ailleurs, à la fin de la puberté, les caractéristiques acquises laissent la place aux innées (au moins du point de vue intellectuel).

Les romains, par exemple, ne pensaient pas que c'était si évident que ça. La fonction impériale bien qu'héréditaire incluait aussi les enfants adoptés…

En gros tu refuses le principe de l'adoption : celui que j'ai adopté n'est pas pleinement mon enfant ? Pourtant comme le faisait remarquer POE, en France c'est comme ça que ça marche, c'est la reconnaissance (automatique dans le cadre du mariage) qui fonde la paternité et non le contenu ADN des cellules.

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Les romains, par exemple, ne pensaient pas que c'était si évident que ça. La fonction impériale bien qu'héréditaire incluait aussi les enfants adoptés…

En gros tu refuses le principe de l'adoption : celui que j'ai adopté n'est pas pleinement mon enfant ? Pourtant comme le faisait remarquer POE, en France c'est comme ça que ça marche, c'est la reconnaissance (automatique dans le cadre du mariage) qui fonde la paternité et non le contenu ADN des cellules.

N'importe qui peut adopter n'importe qui, mais l'adopteur se ment lorsqu'il dit qu'il est le père ou la mère de l'adopté. Par ailleurs, je ne parle pas de la situation étatique, mais de la réalité.

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Il est évident que ton vrai père est le biologique, le reste c'est des médailles en chocolat pour les bêtes à cornes et les membres de familles "recomposées". D'ailleurs, à la fin de la puberté, les caractéristiques acquises laissent la place aux innées (au moins du point de vue intellectuel).

Juste une question de definition. Pour ce qui est du regroupement familiale, la notion de "pere biologique" ne sert a rien. Ce qui est important dans ce contexte c'est qui s'occupe de l'enfant, avec qui il vit. Je vois pas bien ce qu'un pere biologique, qui peut tres bien etre mort avant meme la naissance de l'enfant, viens faire dans la decision d'autoriser un enfant a vivre avec les gens qui s'occupe de lui.

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Les romains, par exemple, ne pensaient pas que c'était si évident que ça.

Attention : chez les Romains, l'adoption avait seulement une fonction religieuse et juridique trouvant sa source dans la préoccupation pour un homme sans héritier de pouvoir compter sur quelqu'un pour perpétuer le culte des ancêtres. Rien à voir avec notre adoption.

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Attention : chez les Romains, l'adoption avait seulement une fonction religieuse et juridique trouvant sa source dans la préoccupation pour un homme sans héritier de pouvoir compter sur quelqu'un pour perpétuer le culte des ancêtres. Rien à voir avec notre adoption.

C'était pour montrer que la notion de famille (car on parle de regroupement familial) ne peut pas se confondre avec celle de "descendance génétique" chez l'homme. Il s'agit donc d'une construction sociale (que ce soit l'état ou la religion ou les us et coutumes cela importe peu). Et en l'occurrence en France c'est la reconnaissance en paternité qui compte (et même avec l'accouchement sous X la mère peut refuser sa descendance !). Cette conception est en effet en opposition avec ce que Gadrel nomme "la réalité" (et qui pour moi est une illusion mentale), qui est fondamentalement une approche essentialiste : il existerait derrière les apparences, dont cette reconnaissance en paternité par exemple, une réalité (une essence) qui serait plus réelle en quelques sortes que ce que toute expérience me permet de découvrir (et dont la génétique formerait l'approximation la plus juste)…

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Cette conception est en effet en opposition avec ce que Gadrel nomme "la réalité" (et qui pour moi est une illusion mentale), qui est fondamentalement une approche essentialiste : il existerait derrière les apparences, dont cette reconnaissance en paternité par exemple, une réalité (une essence) qui serait plus réelle en quelques sortes que ce que toute expérience me permet de découvrir (et dont la génétique formerait l'approximation la plus juste)…

C'est selon toute apparence que le pêre est celui qui a mis fournis un de ses spermatozoïdes. Il n'y a rien de caché là-dedans, ce n'est pas une réalité "obscure". C'est tellement clair que la technique de la biométrie permet de le prouver !

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C'est selon toute apparence que le pêre est celui qui a mis fournis un de ses spermatozoïdes. Il n'y a rien de caché là-dedans, ce n'est pas une réalité "obscure". C'est tellement clair que la technique de la biométrie permet de le prouver !

Je parlais de manière générale, philosophique oserai-je dire, et non d'un cas spécifique.

Mais puisque tu y tiens considérons le scénario suivant : madame X et monsieur Y sont heureux en ménage. Un jour ils se font livrer une machine à laver et madame X faute avec le livreur de chez Darty. Le soir madame et monsieur remplissent leur devoir conjugal comme il se doit. 9 mois plus tard un petit w naît.

1- Je me fous du fait que ce scénario soit fréquent ou pas, moral ou pas : il est possible (il y a même eu des cas de jumeaux de deux pères différents naissant de la même mère).

2- Supposons que Y élève w comme son fils pendant 15 ans.

La question qui tue est : qui est le père ? Tiens juste pour t'embêter on va dire que le livreur de chez Darty est le jumeau homozygote de Y. Comme ça à part Dieu personne (même avec une analyse ADN) ne pourra dire qui est l'ascendant biologique.

Voila une histoire de 3 lignes qui montrent que même derrière le truc le plus con du monde "la réalité" est un concept évanescent quand on tente de la définir trop finement. Ca ne veut pas dire qu'elle n'existe et que tout est relatif, mais qu'a un moment donné il faut arrêter de courrir après une définition trop précise : tout cela par ce que la réalité n'a pas de double, elle est une. Tu ne peux la saisir comme un objet et le duppliquer. Il y a juste des "observations" qui te permettent d'en deviner les contours. Dans le cadre familial cette "observation" est la reconnaissance en paternité jusqu'à aujourd'hui. On peut dire que l'ADN c'est mieux mais ça me semble être un comportement semblable à celui de ces chiens (et ne me faites de procès d'intention c'est bien l'image qui m'intéresse et non une crypto-insulte) qu'on voit tenter de mordre un jet d'eau.

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C'est curieux que tu aies besoin de ce détour métaphysique (fort intéressant d'ailleurs) pour dire que ce projet de loi c'est de la merde.

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Je parlais de manière générale, philosophique oserai-je dire, et non d'un cas spécifique.

Mais puisque tu y tiens considérons le scénario suivant : madame X et monsieur Y sont heureux en ménage. Un jour ils se font livrer une machine à laver et madame X faute avec le livreur de chez Darty. Le soir madame et monsieur remplissent leur devoir conjugal comme il se doit. 9 mois plus tard un petit w naît.

1- Je me fous du fait que ce scénario soit fréquent ou pas, moral ou pas : il est possible (il y a même eu des cas de jumeaux de deux pères différents naissant de la même mère).

2- Supposons que Y élève w comme son fils pendant 15 ans.

La question qui tue est : qui est le père ?

Le pêre biologique c'est le livreur, pas la peine d'épiloguer là-dessus

Tiens juste pour t'embêter on va dire que le livreur de chez Darty est le jumeau homozygote de Y. Comme ça à part Dieu personne (même avec une analyse ADN) ne pourra dire qui est l'ascendant biologique.

Il ne sert à rien de complexifier ton exemple. Encore une fois personne ne pense qu'un individu se réduit à son code génétique. Le pêre biologique c'est le livreur qu'il ait ou non le même code génétique que Y.

Et de toute façon le droit est toujours imparfait. On peut certe le critiquer mais certainement pas au nom d'une perfection utopique. Le remède serait pire que le mal.

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Le pêre cbiologique c'est le livreur, pas la peine d'épiloguer là-dessus

Ah bon ça marche comme une FIFO ? Renseignes toi un peu sur la fécondation et tu verras que le premier arrivé n'est pas forcément le premier servi… Je n'irais pas plus loin en te proposant des expériences de pensées qui tourneraient à la bacchanale la plus échevelée.

Et de toute façon le droit est toujours imparfait. On peut certe le critiquer mais certainement pas au nom d'une perfection utopique. Le remède serait pire que le mal.

Je n'ai jamais dit que la loi actuelle est parfaite. Mais elle fonctionne depuis quelques siècles et de manière assez correcte. De plus elle ne prétend pas être parfaite par construction (la reconnaissance est un acte social avec tout ce que ça implique) alors que pour la génétique on nous fait le coup du "c'est sûr à 99,99%" ce qui s'approche de la Vérité Absolue pour pas mal de gens (ça fait quand même une erreur pour 10 000 personnes soit 6000 erreurs judiciaires potentielles pour un pays comme la France).

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Il y aurait énormément plus de cas de mosaïcisme et de chimérisme humain qu'on l'imagine. Ça pourrait toucher jusqu'à 10% de la population

Est ce que tu as une source précise là dessus ?

Si c'est vrai, il faut voir de quelle manière cela peut remettre en question la fiabilité des tests qui est prétendue très élevée.

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Kassad je pense que tu te casses trop la tête sur ce genre de questions qui sont en réalité relativement simple à trancher. Je suis en grande partie d'accord avec toi sur le fond mais je ne suis pas d'accord pour dire que les libéraux ne devraient tenir compte que de la part existentialiste d'un individu. Un individu est un tout, il n'y a pas une part de l'individu qui devrait être privilégiée sur une autre. Tout comme toi je ne suis pas un existentialiste, pour la culture par exemple je défends ceux qui vivent la culture mais pas ceux qui s'en servent comme d'un étendard. Mais malgré tout, ce qui fait ton identité c'est certes ce que tu fais, mais aussi l'image que renvoie le miroir de l'autre, comme les individus ne sont pas des atomes mais des êtres sociaux tu es obligé d'en tenir compte, et cette essence construit malgré toi une grande partie de ce que tu es. Que ce soit dans les rapports familiaux comme ici, que ce soit chez les minorités visibles, ou même chez les collégiens avec plein de boutons d'acné sur la gueule, l'image que tu diffuseras aux autres décidera une partie de ta place dans la tribu et de ton avenir, c'est comme ça.

Posté

J'ai ça sous la main: les tests génétiques ne comparent qu'un millionième de l'ADN avec une certitude inférieure à 99,67%.

cell swapping and genetic mutation are as natural as crooked teeth or double-jointed fingers
Twins researcher Charles Boklage, a biologist at East Carolina University, says chimerism is underdiagnosed: "The great majority of people who are spontaneous chimeras will never be detected by any means whatever. It's a spooky thing. It's very difficult to find when it's there." He estimates that about 15 percent of people were conceived alongside a twin who was then lost. As multiple conceptions grow with the rising popularity of fertility drugs, the percent of the population with double DNA may increase.

Le chimérisme est aussi très courant dans certaines espèces de chats, ce qui est connu sous le nom "calico" pour désigner l'aspect curieux que ça donne à leur pelage.

Le problème est que les cas connus de chimérisme sont détectés par des situations judiciaires de ce genre, ou des complications médicales. Ils sont probablement très sous-estimés. Je suis sûr que n'importe quel test génétique de grande envergure remontera des grosses surprises à cause de ça.

Ah, et encore un cas pour le fil: un procès de divorce pour établir qui doit la pension du petit avec un test génétique qui échoue à déterminer le père car les deux candidats sont jumeaux homozygotes.

Reality is stranger than fiction.

Posté
Ah, et encore un cas pour le fil: un procès de divorce pour établir qui doit la pension du petit avec un test génétique qui échoue à déterminer le père car les deux candidats sont jumeaux homozygotes.

Reality is stranger than fiction.

:icon_up:

J'y crois pas ! A chaque fois que je me dis que j'ai de l'imagination pour raconter des conneries, il se trouve que ça a déjà existé quelque part sur le globe. C'est énorme ce procès :doigt:

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Ah bon ça marche comme une FIFO ? Renseignes toi un peu sur la fécondation et tu verras que le premier arrivé n'est pas forcément le premier servi… Je n'irais pas plus loin en te proposant des expériences de pensées qui tourneraient à la bacchanale la plus échevelée.

Autant pour moi, je croyais que dans ton exemple il était sous-entendu que le livreur est le pêre biologique, alors qu'en fait il n'en était rien.

Je n'ai jamais dit que la loi actuelle est parfaite. Mais elle fonctionne depuis quelques siècles et de manière assez correcte. De plus elle ne prétend pas être parfaite par construction (la reconnaissance est un acte social avec tout ce que ça implique) alors que pour la génétique on nous fait le coup du "c'est sûr à 99,99%" ce qui s'approche de la Vérité Absolue pour pas mal de gens (ça fait quand même une erreur pour 10 000 personnes soit 6000 erreurs judiciaires potentielles pour un pays comme la France).

Mais qu'est-ce qui te fait penser que la loi actuelle ne sera plus appliquée ? En quoi serait-elle dénaturée ? Ce que propose Mariani, est-ce une modification de la loi ou une simplification de son application ?

(c'est une vrai question, d'autant plus que je ne connais pas les loi applicables actuellement)

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