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Défense ou évolution de la langue française


melodius

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Posté
Le français est déjà en train de mourir.

Ce n'est pas parce que quelques djeunz en banlieue parisienne s'expriment comme des cochons et s'imaginent que le monde est à leur image que notre langue serait à l'article de la mort.

Posté

:icon_up:

Ce n'est pas plus malsain que l'exaltation d'un prétendu "âge d'or" de la langue française, au regard duquel la langue moderne serait décadente - j'admire simplement une époque différente.

Mais je n'exalte pas un âge d'or, justement, contrairement à toi qui crois le trouver avant la renaissance.

Moi j'accepte la langue telle qu'elle est et si je ne refuse pas par principe toute évolution, je n'accepte pas non plus qu'on tâche de la détruire. Avec la grammaire, c'est toute pensée structurée qui fout le camp. Et même si je me doute bien que ce n'est pas ton propos ou ton but, c'est par contre ce contre quoi j'entends t'avertir.

Posté
Taratata, on peut écrire les pire conneries même en latin classique. La langue est le reflet de la culture, pas l'inverse, si la langue évolue dans une direction jugée mauvaise, il ne faut pas craindre les retombées que cela peut avoir sur la culture, car c'est que le mal est déjà fait.

Bien sûr qu'on peut écrire des conneries en Latin - on ne s'en est d'ailleurs pas privé. Mais le Latin a aussi permis d'écrire des choses sublimes. Ma situation personnelle de polyglotte dès le plus jeune âge m'a bien fait comprendre à quel point la langue influe sur le mode de pensée.

Et si la langue est en effet un reflet de la culture, l'inverse est vrai également, tant il est vrai qu'on ne peut former et exprimer des idées complexes si on ne possède pas l'instrument ad hoc.

Posté
Ce n'est pas parce que quelques djeunz en banlieue parisienne s'expriment comme des cochons et s'imaginent que le monde est à leur image que notre langue serait à l'article de la mort.

Ce n'est pas à ça que je fais référence (voir la suite de mon message précédent). Le français se meurt dans ma bouche, encore que parfois je tente l'invention d'un mot, mais ça ne rencontre que peu de succès, ou alors j'utilise un mot anglais, en ajoutant "je sais pas le dire en français". Je devrais remplacer mon mot imaginaire par une dizaine de mots pour respecter la langue ; non merci.

Avec la grammaire, c'est toute pensée structurée qui fout le camp.

Je crois que tu n'as pas assez discuté avec des professeurs de français :icon_up:

Posté
Je crois que tu n'as pas assez discuté avec des professeurs de français :icon_up:

Ceux qui justement refusent d'encore enseigner la grammaire, préférant encourager "l'expression" ?

Ce n'est pas à ça que je fais référence (voir la suite de mon message précédent). Le français se meurt dans ma bouche, encore que parfois je tente l'invention d'un mot, mais ça ne rencontre que peu de succès, ou alors j'utilise un mot anglais, en ajoutant "je sais pas le dire en français". Je devrais remplacer mon mot imaginaire par une dizaine de mots pour respecter la langue ; non merci.

Qu'est-ce censé prouver, hors le fait que tu es conscient de tes lacunes et que plutôt que d'y remédier, tu te cherches des excuses ?

Posté
La pauvreté du vocabulaire, c'est un problème indépendant de l'évolution de la langue (ne serait-ce que parce que le vocabulaire culturel est généralement appris, plutôt que transmis).

J'imagine qu'à tes yeux, il y a une différence entre "transmis" et "appris", et je trouve cela tout à fait significatif, parce que cela dénote un refus de principe de tout ce qui peut s'apparenter à l'étude, au bénéfice de ce qui serait "naturel". C'est avec ce genre de théories qu'on a foutu en l'air l'enseignement.

Ensuite, ma remarque ne portait pas que sur le lexique.

Enfin, je me demande pourquoi tu critiques à peu près tout le lexique français postérieur au MA si tu estimes que le lexique est un problème sans rapport avec tes dadas linguistiques.

Posté
Ceux qui justement refusent d'encore enseigner la grammaire, préférant encourager "l'expression" ?

Non, des gens très pointus en grammaire mais très peu capables d'un raisonnement cohérent.

Qu'est-ce censé prouver, hors le fait que tu es conscient de tes lacunes et que plutôt que d'y remédier, tu te cherches des excuses ?

Ce que je dis depuis deux messages, de façon il me semble assez claire, c'est que la lacune vient du français actuel…

Invité jabial
Posté
Parce que c'est dans ses prérogatives de satisfaire les caprices de Melodius et de m'emmerder ?

Tu peux épargner la prétérition. Ce genre de phrase en public vaut normalement un averto. Je te suggère de te calmer.

Posté
Bon, un modo peut-il scinder ?

Cette conversation m'intéresse, autant la poursuivre ailleurs.

Voilà.

Posté
La langue, la base de la langue, ça se transmet - ce n'est pas quelque chose qu'on apprend dans les livres, on apprend à parler en écoutant parler ses parents, en écoutant les autres adultes.

C'est une vision très culturaliste de la langue, qui a 50 ans de retard sur les études anglophones en la matière. Depuis Chomsky (et même s'il s'est trompé en partie), il apparaît au contraire qu'une grosse partie de la base de la langue est innée, que son apprentissage est tout simplement impossible par la seule voie orale vu la pauvreté du stimulus parental, et que les enfants accordent d'ailleurs assez peu d'attention à ce que leur disent leurs parents (phénomène "fis"). Le produit de toutes ces recherches est ce qu'on appelle la "grammaire universelle", qui est très loin d'être une connerie puisqu'une étude de neurosciences récente (Musso et al, 2003) a montré que l'aire de Broca s'activait automatiquement lorsqu'une personne était confrontée à une structure syntaxique respectant cette grammaire universelle, même dans une langue qu'elle ne comprenait pas.

Tout cela, on l'apprend intuitivement et très rapidement (au regard de la quantité de choses à apprendre) durant la petite enfance, simplement en entendant nos parents et en faisant des essais, ça de fait, c'est transmis - ça ne peut pas s'apprendre dans un livre, et si un enfant est privé de contact humain à ce moment crucial, il ne pourra jamais vraiment apprendre à parler, même avec le meilleur professeur du monde. Ça fait 40.000 ans que la langue existe, ça fait 40.000 ans qu'on apprend à parler sa langue natale comme ça.

Il serait donc impossible d'apprendre à parler une autre langue que la sienne après l'âge de 18 ans ?

-De confondre l'écriture et la langue, d'oublier qu'on a, pendant des millénaires, parlé sans savoir écrire, d'oublier qu'on apprend à parler avant d'apprendre à écrire, d'oublier que même les plus nobles langues écrites ont d'abord du être parlées pour pouvoir ensuite être saisies sur le papier, d'inverser le rapport et de décréter que l'oral doit être modelé sur l'écrit - alors que le but originel de l'écrit et bel et bien de transcrire l'oral (certes en le magnigiant, en supprimant son aspect brouillon, ses hésitations, mais en restant malgré tout proche de lui - Ronsard ne faisait pas de différence entre language parlée et langue écrite).

Le but de l'écrit n'est pas de retranscrire l'oral - sauf dans les dialogues des films de gangsters. L'écriture n'est pas subordonnée à l'oral mais à la pensée. Tu crées une hiérarchie totalement fausse : l'expression, qu'elle soit écrite ou orale, n'est que l'outil de la pensée. L'expression écrite est son fruit pérenne, réfléchi et condensé, tandis que l'expression orale est son fruit momentané. S'il fallait écrire réellement comme on parle, on mettrait partout des "heu", des "tu vois", des blancs, des digressions, etc. L'instinctivisme de ta position repose sur une incompréhension totale de la vocation de l'écrit et une idéalisation de la langue parlée.

-De confondre le bon style avec l'ensemble de la langue, et de rejeter hors de la langue tout ce qui ne fait pas parti du bon style, de fixer le style une fois pour toute et donc de rejeter dans le domaine du barbarisme un nombre toujours plus grand d'innovations (dont nombre d'entre elles auraient pu trouver leurs lettres de noblesses sous la plume d'un grand auteur si on en avait pas de facto frappé l'usage d'anathème), et d'augmenter l'inconfort des utilisateurs de la langue en leur imposant un nombre croissant de tournures archaïques qu'ils ne maîtrisent pas, et qui ne peuvent pourtant que s'accumuler au fur et à mesure qu'augmente l'écart entre la langue telle qu'elle était au moment où on a fixé le style et telle qu'elle se trouve aujourd'hui.

Eh oui, il faut être plus intelligent pour écrire que pour parler. Et vu que la formation en la matière est de plus en plus mauvaise, les individus moyens maîtrisent en effet de moins en moins les formes complexes. Mais supprimer les difficultés n'a rien à voir avec un progrès.

-Au final, de rendre impossible l'expression littéraire dans une langue contemporaine et moderne, puisque toutes les tournures modernes sont bannies comme barbarisme, avec pour résultat que la majorité des écrivains s'expriment dans une langue hybride, qui cherche maladroitement à atteindre lex exigences du classique sans y arriver, tout en trahissant au détour de chaque phrase son côté moderne, mais sans jamais l'assumer.

Quels sont les derniers livres d'écrivains contemporains que tu as lus ?

Posté
Voilà.

Merci.

Sinon comme Gadrel, que je félicite au passage d'avoir si clairement exprimé pourquoi la langue écrite peut et doit être plus complexe que la langue parlée.

Peu de gens utilisent encore le passé simple dans la langue parlée, c'est vrai. Mais il n'en reste pas moins utile dans la langue écrite précisément parce qu'il permet d'apporter une nuance qui aide à développer une pensée précise. De plus, l'apprentissage des temps moins usités en Français permet d'apprendre plus facilement les autres langues romanes qui, souvent, les utilisent plus volontiers, en ce compris dans la langue parlée.

Posté

Je ne suis pas loin de penser, comme Légion, que les difficultés lexicales sont les pires. En effet elles empêchent non seulement d'exprimer avec la justesse nécessaire une pensée complexe (mais encore faut-il avoir une pensée complexe :icon_up: à exprimer) mais aussi d'en comprendre une qui passerait à portée.

Simple constat d'un prof désespéré. Ces chers petits ne sont pas trop arrêtés par les difficultés grammaticales, ni pour comprendre ni pour se faire comprendre, quoique ces difficultés soient la source de nombreuses "perles". Par contre un mot inconnu est un obstacle infranchissable, d'autant plus que l'abandon total du latin et du grec rend vain tout essai de dissection.

Posté
Je ne suis pas loin de penser, comme Légion, que les difficultés lexicales sont les pires. En effet elles empêchent non seulement d'exprimer avec la justesse nécessaire une pensée complexe (mais encore faut-il avoir une pensée complexe :icon_up: à exprimer) mais aussi d'en comprendre une qui passerait à portée.

Simple constat d'un prof désespéré. Ces chers petits ne sont pas trop arrêtés par les difficultés grammaticales, ni pour comprendre ni pour se faire comprendre, quoique ces difficultés soient la source de nombreuses "perles". Par contre un mot inconnu est un obstacle infranchissable, d'autant plus que l'abandon total du latin et du grec rend vain tout essai de dissection.

C'est l'évidence-même, mais ce n'est pas une raison suffisante pour jeter aux orties la grammaire française.

Si tant de gens ne la maîtrisent pas, c'est parce qu'ils sont sous-développés, pas parce qu'ils ont raison d'être ignorants.

Posté
Le plaidoyer d'Alain Rey pour un français ni pur ni soumis

LE MONDE DES LIVRES | 18.10.07 | 12h01 • Mis à jour le 18.10.07 | 12h01

Au sujet de l'emprunt lexical : "Qu'importe qu'un mot soit né dans notre pays, ou qu'il vienne d'un pays étranger ? La jalousie serait puérile, quand il ne s'agit que de la manière de mouvoir les lèvres, et de frapper l'air." Qui est l'auteur de ces propos scandaleusement laxistes, et de nature à déchaîner la foudre académique ? Un académicien, justement, qui plus est archevêque et l'un des plus grands prosateurs français : Fénelon ("Lettre à l'Académie française", 1714).

Non sans malice, Alain Rey se range à l'avis du "Cygne de Cambrai" : on appauvrit la langue à vouloir l'épurer, il convient d'encourager son expansion en tous sens. Le linguiste tend la main à ceux qui, de Rabelais à Céline, des écrivains baroques aux modernes terminologues, ont contribué à ses vertus les plus précieuses : sa richesse et sa mobilité.

Fort d'une oeuvre lexicographique admirable (les Robert, le Dictionnaire historique de la langue française, le Dictionnaire culturel en langue française), d'un savoir immense en matière d'histoire de la langue, de beaucoup de sagesse aussi et d'amour de sa langue maternelle, ce septuagénaire juvénile nous offre avec science et ardeur un essai personnel, percutant et salutaire.

Alain Rey entend combattre une illusion affective : l'amour porté à la langue, si intense chez les francophones car l'histoire l'a rendu identitaire, prend pour objet une chimère, faite de simplicité, de clarté, de rigueur. Illusion propre au désir sans doute, mais dont les effets sont ici la norme absurde et le purisme paralysant. Avec bon sens, le linguiste rappelle qu'il convient de distinguer la langue (système abstrait que décrivent les savants) et les réalisations orales ou écrites de ce système, seules observables aux locuteurs ordinaires, qui croient y voir l'essence, généralement malmenée, de l'idiome.

"LA GRANDE MÉTISSERIE"

Or tout est mouvant et disparate dans l'usage, d'un locuteur à l'autre ; c'est bien ainsi, car il s'agit de traduire le chatoiement du monde et de formuler l'inattendu. La vitalité linguistique est faite de souplesse, d'abondance et de mobilité, pas de rigueur.

Alain Rey s'en prend par la suite à ces "fables" en lesquelles se résume d'ordinaire l'amour de la langue : ce sont des opinions datées. Par exemple le bon usage, rabattu par le grammairien Vaugelas (1585-1650) sur celui de la "plus saine partie de la cour", s'apparente au dressage du courtisan sous la monarchie absolue. Ou encore la clarté, laquelle ne doit rien au système de la langue mais tout à l'éloquence classique. De même l'ordre "naturel" sujet-verbe-complément n'est en fait ni naturel ni universel, mais lié à la théorie cartésienne du signe, etc.

Sur ce champ de ruines, Alain Rey galope allégrement. Il nous révèle, en moins de cent pages, son histoire de la langue française, sous un intitulé au néologisme provocateur : "La grande métisserie". Il y insiste sur la créolisation dont résulte le français (latin parlé, celte, germain), sur l'apport constant d'éléments extérieurs (italien, espagnol, etc.), sur la fécondité des grandes périodes de floraison lexicale (Renaissance, XVIIIe siècle).

Il souligne aussi les effets heureusement limités de la réaction malherbienne. Malherbe (1555-1628), poète officiel sous Henri IV puis sous Louis XIII, qui, toute sa vie durant, a cherché à épurer et à discipliner la langue française. Ainsi, traitant du XVIIe siècle, Alain Rey minore la pratique classique, au profit de cette "langue de l'Autre" circulant de toutes parts (mazarinades, auteurs burlesques, paysans de Molière, etc.).

Se dessine alors, dans une dernière partie, ce qui constitue à ses yeux un amour vrai de la langue, informé et lucide, bienveillant. Conscient des bienfaits de l'emprunt lexical (un "emprunt" dont l'intérêt est considérable, dit-il joliment, puisqu'il permet de dire ce qui n'avait pas de nom) ; convaincu de l'impérieuse nécessité de créer des mots. Si la langue française veut continuer à parler du monde, il faut encourager sa néologique, vaincre une "paresse morphologique" (sous-emploi des suffixes pour la création lexicale), que ce spécialiste relève avec déplaisir et dont il blâme le purisme. S'ébauche ainsi une politique de la langue conforme à ses voeux. Devant plus au poète qu'au prince, elle serait nataliste et tolérante, mondiale dans son dessein, pluraliste dans sa démarche. En faveur d'une langue ni pure ni soumise : francophone.

Avec science, tendresse et malice, cet anarchiste gourmand fait sauter quelques idées reçues ; son anti-Malherbe jubilatoire est à mettre entre toutes les mains.

L'AMOUR DU FRANÇAIS. CONTRE LES PURISTES ET AUTRES CENSEURS DE LA LANGUE d'Alain Rey. Denoël, 314 p., 18 €.

Posté

Excellent texte, auquel je me range totalement. Voilà comment évolue réellement une langue: en fonction des besoins d'utilisateurs exigeants, pas pour complaire aux paresseux et aux idiots (au nombre desquels je ne range pas leur excellent champion).

D'ailleurs, remarquez qu'en matière de lexique, Légion plaide contre les emprunts à des langues étrangères.

Et pour l'usage des temps: :icon_up: Je crois que tu viens définitivement de te tirer dans le pied.

D'ailleurs, là on en arrive à des trucs qui ne sont plus spécifiquement liés à la langue française. Tu veux abolir toutes les langues indo-européennes ?

Posté

Je reviens sur l'idée d'antériorité de l'oral sur l'écrit, qui expliquerait sa supériorité normative selon Legion. Si l'on suit cette théorie, alors il faut immédiatement revenir aux cris, aux gémissements, aux râles et aux pleurs qui sont, tant à l'échelle de l'individu que de l'espèce, antérieurs aux sons articulés qui constituent la langue.

Je poursuis sur l'absence de hiérarchie langue parlée - langue écrite. Un salaud de prescriptiviste comme moi ne demande pas aux gens de parler comme on écrit, ce que je ne fais pas moi-même, mais d'écrire comme on écrit. L'écriture est un formalisme au même titre que les mathématiques, c-à-d une méthode d'expression distincte de l'expression articulée et poursuivant des objectifs également distincts. J'ai en fait l'énorme impression que Legion - qui répète en cela le contenu écrit de ses cours - est le fils spirituel des écrivains des années 30 et 40 (Céline, Fante, Joyce, Miller, …) qui ont tenté de transformer l'écrit en un miroir de l'oral (et le résultat est bien sûr à dix mille kilomètres de la langue parlée). Il ramène également l'écrit à son seul rôle romanesque, ce qui est une vision particulièrement appauvrissante. Enfin, je constate qu'aujourd'hui nous assistons à une explosion du moyen de communication qu'est l'écrit et que cette place se prend au détriment de l'oral, moyen de communication de l'homme à l'état de nature. Bref, la civilisation est en marche.

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