Chitah Posté 18 octobre 2007 Signaler Posté 18 octobre 2007 Un livre qui s'annonce tout à fait intéressant : Le marché, la démocratie et la haine Il y a une quinzaine d'années, l'auteur de ce livre - une juriste enseignant aux Etats-Unis, originaire de la communauté chinoise des Philippines - apprend que sa tante, vivant à Manille, vient d'être égorgée par son chauffeur. Motif du meurtre, selon les autorités : la vengeance. Une vengeance non pas personnelle, mais « ethnique » : à côté des 80 millions de Philippins, dont les deux tiers vivent avec moins de 2 dollars par jour, les Chinois (guère plus de 1 % de la population) contrôlent 60 % de l'économie privée du pays. Si Amy Chua a placé ce récit personnel au début de son ouvrage, c'est qu'il illustre dramatiquement son idée centrale. Une grande partie de la violence du monde, dit-elle, naît aujourd'hui du choc entre trois forces : « le marché, la démocratie et la haine ethnique ». La présence de minorités ethniques économiquement dominantes n'est pas un phénomène marginal : on pourrait même dire que leur absence constitue une exception. Elles existent dans toute l'Asie du Sud-Est (Chinois), en Afrique (Libanais sur les côtes occidentales, Indiens à l'Est, Kikuyus au Kenya, Ibos au Nigeria et au Cameroun, Blancs en Afrique australe), en Russie, en Amérique latine, au Moyen-Orient… Le mécanisme que décrit l'auteur est le suivant : la généralisation de l'économie de marché et le développement des échanges favorisent surtout ces minorités, plus ouvertes sur le monde que le reste de la population. Les inégalités, déjà fortes, s'accentuent encore et attisent le ressentiment des autochtones. En même temps, l'extension de la démocratie, sous la forme du suffrage universel, renforce le poids politique des majorités déshéritées, et « devient le moteur d'un ethno-nationalisme potentiellement catastrophique ». Mettre en cause le marché et la démocratie, utiliser sans précaution oratoire des catégories ethniques : voilà des audaces qui sentent le soufre - mais la vérité oblige parfois à contredire les vulgates bien-pensantes. A la fois économiste, ethnologue, historienne, Amy Chua livre un étonnant reportage sur la face cachée de la mondialisation. Les clivages ethniques peuvent être historiques, par exemple en Asie du Sud-Est entre les populations d'origine et les Chinois. En Birmanie, ces derniers contrôlent à la fois l'économie « officielle » (notamment l'exploitation du teck) et l'économie souterraine (drogue…). A lire, dans ce livre publié aux Etats-Unis en 2003, la description des liens entre ces magnats et le pouvoir politique local, on comprend pourquoi la Chine se montre si réticente, aujourd'hui, à condamner le régime dictatorial de Rangoun, contesté par les manifestations populaires. Mais l'accroissement des inégalités et la persistance de la misère peuvent aussi provoquer la redécouverte ou parfois la construction pure et simple d'identités ethniques, exploitées par des leaders populistes. En Amérique latine, les appartenances maya, quechua, inca, aymara ont resurgi dans le paysage politique. Le président vénézuélien Hugo Chavez s'est fait élire en 1998 en se proclamant le défenseur de la majorité « pardoà », la peau brune. Et, en Bolivie - autre confirmation a posteriori de la thèse du livre -, Evo Morales, élu en 2006, se glorifie d'être le premier président d'origine aymara. A vrai dire, ce ne sont pas la démocratie et l'économie de marché en elles-mêmes que vise l'auteur, mais les formes particulières qu'elles ont prises dans beaucoup de pays en développement, formes souvent prescrites par les organisations internationales sous l'impulsion des Etats-Unis. Economiquement, les programmes mis en oeuvre comportaient les privatisations, l'ouverture aux échanges et aux investissements étrangers, la libéralisation des marchés et une orthodoxie budgétaire qui bridait ou excluait les politiques sociales : un « capitalisme sauvage » que les nations occidentales avaient abandonné depuis longtemps au profit de systèmes largement redistributifs. Politiquement, les conversions « démocratiques » se sont le plus souvent limitées à l'établissement du suffrage universel, en oubliant les droits de l'homme - notamment la protection des minorités. Ces lacunes criantes ont dessiné le paysage actuel : des alliances plus ou moins durables, fondées sur la corruption, entre les minorités riches et les pouvoirs politiques, scandées d'explosions populaires. La victoire (apparente) de la démocratie et du marché n'a pas conduit à la « fin de l'histoire », saluée par Francis Fukuyama, mais à des impasses qui obligent, précisément, à reconsidérer l'histoire.
Ash Posté 18 octobre 2007 Signaler Posté 18 octobre 2007 La Chine ne veut pas de présence Américaine en Birmanie, tout comme elle ne veut pas de la course au nucléaire entre Corée, Japon et Taiwan. Corée du Sud et Japon qui possèdent tous deux des bases américaines, ce qui est déjà de trop pour la Chine qui craint d'être encerclée. D'où son besoin d'apaisement et son côté "négociateur" dans les conflits de la région.
Rincevent Posté 18 octobre 2007 Signaler Posté 18 octobre 2007 Ca a en effet l'air passionnant. A vrai dire, ce ne sont pas la démocratie et l'économie de marché en elles-mêmes que vise l'auteur, mais les formes particulières qu'elles ont prises dans beaucoup de pays en développement, formes souvent prescrites par les organisations internationales sous l'impulsion des Etats-Unis. A ce sujet, je conseille l'excellent texte de Fareed Zakaria : The Rise of Illiberal Democracy.
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