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Le contrat contrariant


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Quelques fils de discussions ont encore une fois mis en avant la rigueure toute mécanique d'intervenants formalistes pour lesquels non seulement la connaissance objective existe mais qu'en plus elle est atteignable en matière de décision judiciaire. Cela m'inspire la petite histoire suivante :

Ca se passe à Rothbard city, dans le quartier orthodoxe, tout va pour le mieux. Les contrats cliquettent entre eux, la croissance économique et la concorde civile règnent. Un jour, A décide de partir à l'aventure et comme il est très formaliste il veut mettre les choses au point avant son départ. Il va voir son meilleur ami B et lui dit :

A-"écoute comme je vais partir pour l'aventure il faudrait qu'on se libère des contrats mutuels qui nous lient"

B-"pas de soucis on va faire un contrat qui résilie tous les autres"

A-"Super ça simplifiera les démarches, en plus on avait prévu qu'en cas d'accord mutuel on pouvait supprimer nos contrat. C'est nickel !"

Emporté par l'élan il rédige le contrat suivant un peu rapidement :

——————————————————————————————————————

CONTRAT G

CONTRACTANTS : A,B

Les contractants sous-signés déclarent que le présent contrat annule tous les contrats sans

exception aucune, et sans limites, passés entre A,B

Fait à Rothbard city, le blabla…

——————————————————————————————————————

Mais avant de partir définitivement pour son voyage A revois B et joue avec lui une partie de poker lors d'une soirée arrosée.

Par réflexe ils rédigent un contrat (contrat P) pour fixer les montants en jeu (le perdant verse 10€ au gagnant).

On les retrouve le lendemain chez le juge très ennuyés. Ils lui expliquent la situation et concluent qu'ils ne savent pas si le contrat

signé pour la partie de poker est valide ou non. On a alors le dialogue suivant :

A- Je ne vais pas verser les 10€ car le contrat G annule le contrat P qui n'est qu'un contrat particulier entre A et B

Juge - Effectivement, où est le problème alors ?

B- Ben moi qui ait gagné je veux les 10€ et je dis que le contrat G s'apppliquant à tous les contrats il s'applique à lui même et donc il est nul et non avenu et donc le contrat P est valide.

Juge - hum, c'est vrai aussi…

A- mais si G s'applique alors il s'applique à tous les contrats (pourquoi ne le limiter qu'à lui) ? donc à P

B- etc…

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Le contrat G annule les contrats PASSES entre A et B.

A ce moment, le contrat P n'est pas encore passé. Il est donc valide.

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Quelques fils de discussions ont encore une fois mis en avant la rigueure toute mécanique d'intervenants formalistes pour lesquels non seulement la connaissance objective existe mais qu'en plus elle est atteignable en matière de décision judiciaire. Cela m'inspire la petite histoire suivante :

C'est pour ça qu'il y a un juge, et non une mécanique. Il jugera plus ou moins arbitrairement mais comme A et B l'ont accepté comme juge, tant qu'il ne dépasse pas le perimetre pour lequel on l'apelle a juger, son jugement arbitraire sera normalement accepté.

"L'argument récursif est une insulte a l'intelligence de cette cour, si vous recommencez avec un argument aussi minable, je vous colle une amande, dehors, j'ai d'autres affaires a régler !"

Posté
Le contrat G annule les contrats PASSES entre A et B.

A ce moment, le contrat P n'est pas encore passé. Il est donc valide.

Exact. Le mot important dans le contrat est "passés".

Si le contrat avait prévu une nullité des contrats passés et futurs, la solution aurait été différente, et le contrat P nul.

Posté
Exact. Le mot important dans le contrat est "passés".

Si le contrat avait prévu une nullité des contrats passés et futurs, la solution aurait été différente, et le contrat P nul.

si tu veux (même si le "sans exception et sans limites" était là pour ça).

Supposons qu'on ait écrit "contrats passés, présent et futurs". Comment réponds tu à l'objection que P n'est pas nul car G n'existe pas vu qu'il s'auto dissout en s'appliquant à lui même ?

Posté

D'une part, le "sans exception et sans limite" indique plutôt que tous les contrats passés deviennent nuls par le présent contrat même si le "sans limites" est ambigu : limite de temps? Et d'autre part, si l'on inclut les contrats passés, futurs et présents, le contrat est P est valide puisqu'il est conclu après que G devienne nul.

Posté
D'une part, le "sans exception et sans limite" indique plutôt que tous les contrats passés deviennent nuls par le présent contrat même si le "sans limites" est ambigu : limite de temps? Et d'autre part, si l'on inclut les contrats passés, futurs et présents, le contrat est P est valide puisqu'il est conclu après que G devienne nul.

+1

Posté

Il faut juger de ce que les partis entendaient dans le contrat G, il est clair qu'ils font reference aux anciens contrat passes. Par ailleurs, le fait d'initier le contrat P montre bien l'accord implicite des deux partis pour que contrat ne soit pas soumis a G. Exemple pas specialement pertinent, c'est de la justice, pas de logique formelle.

Posté
si tu veux (même si le "sans exception et sans limites" était là pour ça).

Supposons qu'on ait écrit "contrats passés, présent et futurs". Comment réponds tu à l'objection que P n'est pas nul car G n'existe pas vu qu'il s'auto dissout en s'appliquant à lui même ?

J'ai du mal à comprendre la logique d'un contrat qui s'appliquerait à lui même. Cet élément du contrat ne signifierait-il pas que G devient le seul et unique contrat?

Posté
c'est de la justice, pas de logique formelle.

Voilà.

Le truc du "libéralisme à donf = logique pure & parfaite appliquée au droit", c'est de la fumette.

Posté
Quelques fils de discussions ont encore une fois mis en avant la rigueure toute mécanique d'intervenants formalistes pour lesquels non seulement la connaissance objective existe mais qu'en plus elle est atteignable en matière de décision judiciaire. Cela m'inspire la petite histoire suivante :

Tiens, l'argument d'Epiménide. Les mathématiciens utilisent toujours les mêmes ficelles. :icon_up:

Posté
J'ai du mal à comprendre la logique d'un contrat qui s'appliquerait à lui même. Cet élément du contrat ne signifierait-il pas que G devient le seul et unique contrat?

Le fait est que les contrats peuvent sans doute regorger de paradoxes linguistiques et logiques, c'est très intéressant en soit mais je ne pense pas que ce soit pertinent pour le droit.

Posté
Voilà.

Le truc du "libéralisme à donf = logique pure & parfaite appliquée au droit", c'est de la fumette.

C'est très exactement pour ça que je prenais cet exemple tiré par les cheveux : pour le montrer concrêtement aux thuriféraires de la "cohérence"…

Le fait est que les contrats peuvent sans doute regorger de paradoxes linguistiques et logiques, c'est très intéressant en soit mais je ne pense pas que ce soit pertinent pour le droit.

Cool que même les habitants de longue date du quartier orthodoxe le reconnaissent…

Tiens, l'argument d'Epiménide. Les mathématiciens utilisent toujours les mêmes ficelles. :icon_up:

Epiménide pour les philosophes, Cantor, ou Godel (d'où le G) ou Turing pour les mathématiciens :doigt:

Posté
Cool que même les habitants de longue date du quartier orthodoxe le reconnaissent…

On peut être orthodoxe sans avoir un tropisme mathématique, point n'est nécessaire de changer la façon d'agir normale des humains pour avoir une ancapie orthodoxe, la majorité des échanges interpersonnels actuels sont contractuels et non agressifs malgré l'état et non grace a lui, et sans avoir, pour la majorité des cas, de contrat écrit formel, d'ailleurs les contrats écrits formels servent plutôt quand on cherche a utiliser la contrainte étatique pour le faire respecter (exemple: contrat de travail) que quand on cherche une relation mutuellement positive "commerciale" (acheter une barquette de frites a une friterie au coin de la route, en général totalement hors la loi d'ailleurs :icon_up:).

Posté
Epiménide pour les philosophes, Cantor, ou Godel (d'où le G) ou Turing pour les mathématiciens :doigt:

C'est bien ce que je dis, aucune originalité. Sauf Cantor, qui lui a vraiment inventé autre chose avec son argument diagonal. :icon_up:

Posté
C'est très exactement pour ça que je prenais cet exemple tiré par les cheveux : pour le montrer concrêtement aux thuriféraires de la "cohérence"…

Tu préfères donc les éventuels "incohérents".

Je ne sais pas comment l'interpréter.

Posté
Tu préfères donc les éventuels "incohérents".

Je ne sais pas comment l'interpréter.

Non ce n'est pas ça. J'en avais parlé une fois : la cohérence n'est pas franchement quelque chose qui en soit ait un quelconque intérêt. Tout au plus peut on la voir comme une sorte de garde fou.

Je réagissai contre ce réflexe orthodoxe de certains anarcaps de tout axiomatiser et de faire remonter chaque raisonnement aux axiomes en jetant le bon sens aux orties.

Posté
Je réagissai contre ce réflexe orthodoxe de certains anarcaps de tout axiomatiser et de faire remonter chaque raisonnement aux axiomes en jetant le bon sens aux orties.

C'est mal d'avoir de grands principes et de s'y tenir peu importe la situation? (c'est comme ça que je l'interprète)

Posté
C'est mal d'avoir de grands principes et de s'y tenir peu importe la situation? (c'est comme ça que je l'interprète)

Le bon sens sers a juger les cas particuliers, les grands principes sont la pour encadrer et contrôler le bon sens, le principe de subsidiarité n'est pas que pour les états…

Invité jabial
Posté

Quel branlette intellectuelle… C'est quoi, l'intérêt de ce genre de discussions? La carte n'est pas le territoire, ni le texte du contrat, le contrat.

Posté
Quel branlette intellectuelle… C'est quoi, l'intérêt de ce genre de discussions? La carte n'est pas le territoire, ni le texte du contrat, le contrat.

Et en quoi un contrat ne pourrait porter sur lui même ?

Sinon tu as tout à fait saisi l'intérêt du débat comme le montre ta réaction. D'ailleurs il ne t'échappera pas qu'il fait écho à nombres d'autres discussions du même type :icon_up:

  • 5 months later...
Posté

Une fois de plus, on réinvente l'eau chaude:

1. on ne peut disposer que de droits existants

2. les dettes de jeu ne sont pas des obligations légales faute de cause légitime

3. de minimis non curat praetor

soit 3 excellentes raisons de constater que le méga-problème n'en est point un.

Posté
Une fois de plus, on réinvente l'eau chaude:

1. on ne peut disposer que de droits existants

2. les dettes de jeu ne sont pas des obligations valables faute de cause légitime

3. de minimis non curat praetor

soit 3 excellentes raisons de constater que le méga-problème n'en est point un.

Je suis déçu je pensais à une exégèse un peu moins terre à terre. :icon_up:

Posté

Mais le droit c'est terre-à-terre mon ami, précisément. Il n'y a guère que des documents à la "déclaration des droits de l'homme et du citoyen", ou encore la constitution de l'Union Soviétique qui touchent au sublime.

Posté
Mais le droit c'est terre-à-terre mon ami, précisément. Il n'y a guère que des documents à la "déclaration des droits de l'homme et du citoyen", ou encore la constitution de l'Union Soviétique qui touchent au sublime.

Je ne m'étais pas focalisé sur l'aspect "Droit" en songeant à cet exemple mais sur une méthode de réflexion (le réductionisme axiomatique) dont on peut prouver les limites. Chacun son tropisme hein :icon_up:

Posté
Exact. Le mot important dans le contrat est "passés".

Si le contrat avait prévu une nullité des contrats passés et futurs, la solution aurait été différente, et le contrat P nul.

Non sur ce fondement la solution aurait été la même. On ne peut annuler un contrat futur.

Posté
Non sur ce fondement la solution aurait été la même. On ne peut annuler un contrat futur.

Et les clauses de non concurrence ou les trucs de ce genre ?

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