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Le lit de Procuste


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Posté
(…)

C'est inhabituel. Les gens qui croient en l'évopsy se reproduisent en général moins. On peu dire que l'évopsy est contre-adaptive.

Oui et non : l'investissement parental (moins d'enfants, plus de ressources par enfants) peut être la bonne stratégie à long terme, donc être adaptative par rapport à lus d'enfants (et moins de resources). Mais dans le cadre moderne, c'est devenu douteux en effet puisque tous les enfants ou presque parviennent à l'âge reproductif grâce à diverses allocations et soins gratuits. A la grande joie des natalistes, qui préfèrent en ce domaine la quantité à la qualité… Sinon, la corrélation négative avec la fertilité concerne le QI (le facteur g) en général, pas spécialement l'évopsy.

Non, je répondais "pas vrai" à l'affirmation que l'altruisme s'apparente à un calcul sur l'origine duquel "on peut construire des explications intellectuelles".

Ah je n'avais pas saisi, désolé.

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…Il faut aussi relativiser : l'hyper-altruisme (altruisme au-delà des membres de ma parenté génétique ou de mon groupe culturel, au-delà d'une réciprocité possible de la part du bénéficaire) existe, certaines personnes y consacrent leur vie, mais dans l'ensemble, il représente une infime partie des dépenses réelles des humains en temps, énergie et ressources (qui se font pour leur famille, leurs proches ou leur groupe élargi, mais pas pour des inconnus ou des étrangers). Il est symboliquement fort (parce que nous sommes programmés à être altruiste et à reconnaître dans l'altruiste des qualités potentielles), mais pratiquement faible.

Certes, mais les cas rares où des gens risquent tout (leur vie) en une fraction de seconde pour des quelqu'un qu'ils ne connaissent ni d'Eve ni d'Adam paraissent un phénomène non négligeable.

… Sinon, la corrélation négative avec la fertilité concerne le QI (le facteur g) en général, pas spécialement l'évopsy.

Oui, mais la il y a une forte corrélation.

Sinon, je n'étais pas 100% sérieux sur ce point particulier.

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Certes, mais les cas rares où des gens risquent tout (leur vie) en une fraction de seconde pour des quelqu'un qu'ils ne connaissent ni d'Eve ni d'Adam paraissent un phénomène non négligeable.

Je l'ignore (la fréquence de ces événements dans une vie), mais cela n'a rien d'étonnant (puisque notre ami se demandait d'où venait ce genre de choses). Quand je conduis et que je dois freiner brusquement, j'ai observé que j'ai le réflexe de détendre mon bras pour retenir la personne à ma droite (place du mort). Ce qui ne sert à rien, mais c'est ainsi. Je suppose que ce réflexe a été pour l'essentiel acquis en transportant ma famille. Mais si je transporte un inconnu, je ne vais pas l'abandonner (ce réflexe) pour autant. Pour tout ce qui relève ainsi de la "fraction de seconde", comme tu dis, il n'y a pas incompatibilité entre un comportement dicté à l'origine par la proximité génétique et un comportement ensuite adressé à n'importe qui, mais simplement devenu automatique dans le répertoire d'un individu.

Sinon, je n'étais pas 100% sérieux sur ce point particulier.

Mince, cela va renforcer ma réputation de rationaliste buté qui prend tout au sérieux. :icon_up:

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Mince, cela va renforcer ma réputation de rationaliste buté qui prend tout au sérieux. :icon_up:

Vite, déconne un bon coup !

Posté

Je reviens sur ce point mineur et développe un peu.

Ça, par contre, c'est un vrai raisonnement circulaire : tu me dis qu'il faut obéir à la loi parce que celle-ci le dit. C'est un peu peu. N'est-ce pas ? Tu comprendras bien que la justification de la loi, sa raison d'être ne se trouve pas en elle-même. (Sinon, quid d'une loi qui m'interdirait de porter secours à des Juifs persécutés ? Pourquoi serais-je obligé de la respecter ?)

Pas tout à fait circulaire, non. Le fait est que l'on obéit à des tas de choses sans questionner leur nature, simplement parce qu'il est convenu d'y obéir. Pense aux expériences célèbres sur le respect de l'autorité (Stanley Milgram et les électrochocs aux cardiaques) ou sur la conformité au groupe (Solomon Asch et les participants préférant se dédire de l'évidence). L'exemple que tu cites fut hélas une expérience à granche échelle de cela, Arendt a noirci des pages là-dessus, mais l'histoire en est remplie : ce qui rétrospectivement nous semble horrible, aux antipodes de l'idée présente et dominante du juste, mais qui ne fut pas vécu ainsi par les acteurs, au moins pour ce que l'on en sait des témoignages disponibles. D'un point de vue évolutionniste, l'interprétation n'est pas très difficile : le cerveau humain est câblé au respect formel des règles dominantes du groupe où il a grandi, pas à la sélection substantielle de certaines règles au détriment d'autres. Dans certaines limites bien sûr, mais je n'ai jamais lu de démonstration convaincante que ces limites ne sont pas assez triviales, c'est-à-dire que le socle commun des croyances humaines en matière de règles de co-existence (= un hypothétique droit naturel) n'est pas très très mince.

Et si l'on parle du respect de l'individu, qui est à la base de la modernité et la distingue des époques antérieures où le groupe est privilégié sur l'individu, c'est encore plus flagrant : pour le coup, l'individualisme moderne et occidental apparaît comme une exception, la moins naturelle des expériences. Le pauvre individu qui avait le tort de s'écarter de certaines règles de son groupe d'appartenance a été partout chassé, exilé, dépouillé de ses biens, enfermé à vie, massacré, torturé, lynché, écartelé, brûlé, etc. L'idée qu'il avait un droit à la vie ou une liberté d'opinion n'effleurait ni ses bourreaux, ni les foules qui se pressaient régulièrement à ce genre de spectacles ou qui acclamaient la vindicte. Je ne dis pas que ces excès formaient la vie quotidienne, bien sûr, mais l'histoire antique et médiévale aussi bien que l'ethnologie témoignent du caractère assez anodin de ce qui heurte aujourd'hui la sensibilité moderne et occidentale. Il est dans ces conditions très difficile de postuler une "naturalité" (biologique ou psychologique) sur des règles dont des hommes tout à fait "naturels" se sont volontiers écartés à toutes époques et en tous lieux.

D'où mon propos initial sur Gauchet : nos croyances morales actuelles me semblent la résultante d'un processus historiquement situé, qui a produit une individualisation sans précédent (pas seulement intellectuelle, mais aussi bien physique, par le travail, la technique, l'habitat, les règles d mariage, bref la séparation effective des communautés de vie), qui a éduqué la raison et la sensibilité des masses d'individus comme jamais auparavant (pas seulement par l'alphabétisation et l'éducation obligatoire, mais aussi bien par le roman, l'art, les médias, le zeitgeist, etc.), qui a mobilisé des quantités prodigieuses d'intelligence pour justifier philosophiquement ses assises (la valorisation de l'individu, de la rationalité, de la tolérance, etc.), qui a permis une abondance matérielle sans précédent (laquelle favorise les comportements pacifiques et altruistes, mais une quelconque crise de grande ampleur provoquant la rareté et le manque verrait resurgir toutes sortes de vieux démons eux aussi inscrits dans la nature humaine, où la nécessité de survivre rend légitime toutes sortes de choses).

En cela, je parle des droits de l'homme comme d'une construction historique et politique, pas d'une sorte de révélation d'un droit naturel qui aurait été mystérieusement caché aux hommes pendant deux millions d'années (ou 200 000 ans si l'on prend H sapiens seul, mais il n'y a pas de raison, notre cerveau est bien plus ancien dans la plupart de ses composantes), et qui l'est encore à quantité d'humains sur Terre.

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Pas vrai.

Quand on demande à des gens qui sont allé sauver des inconnus complets d'une voiture en feu ou de la noyade dans des eaux glacée: pourquoi avez-vous fait ça, au risque d'y perdre la vie, eh bien ils sont incapables de répondre. Ils disent avoir été poussé par une compulsion et avoir cessé de penser. Il semble exister, au moins chez certains, un irrésistible instinct altruiste.

Il y aurait des explications plausibles en évopsy.

On qualifie leur attitude d'altruiste, à postériori, mais il ne s'agit pas d'un sentiment, plutôt d'un jugement moral sur l'acte(d'ailleurs porté par autrui, pas par l'auteur de l'acte).

D'autre part, je ne vois pas bien comment on peut assimiler un sentiment (la compassion) à un instinct, ni, en le supposant, comment certains en seraient pourvus et d'autres dépourvus.

Posté
Mince, je croyais en avoir fini avec la foi-inaccessible-à-l'examen-scientifique, et voilà que vous semblez poser la même inaccessibilité pour la compassion :icon_up: Mais je suppose que je dois comprendre : la compassion est un phénomène qui échappe à tout contrôle rationnel. Et vous avez raison bien sûr.

Compatir, cela signifie "ressentir avec" et c'est généralement sous le label d'empathie (signifiant la même chose) que ce trait psychologique est analysé (vous avez raison pour l'atruisme, celui-ci n'est qu'une conséquence possible de la compassion). Une recherche PubMed sur "empathy" donne 10.061 résultats, cela donne une première indication de l'abondance des travaux à ce sujet.

Un point cependant : que l'empathie (ou la compassion) soit naturelle ne signifie absolument pas que nous l'éprouvons tous de la même manière et pour les mêmes situations. La mémoire et l'intelligence sont naturelles, nous n'avons pas pour autant les mêmes capacités mémorieles ou cognitives. Il existe un exemple tristement connu, celui des psychopathes (troubles de la personnalité antisociale), dont on sait qu'ils sont quasiment incapables d'éprouver la souffrance d'autrui (et donc des remords ou des regrets pour leurs actes de violence ou de barbarie). D'après ce que javais lu, l'étiologie est variable, plutôt neurodéveloppementale que génétique d'ailleurs, mais il faudrait que je vérifie. Dans un autre registre, les autistes ne parviennent pas à forger ce que l'on appelle dans la littérature une "théorie de l'esprit", c'est-à-dire la capacité innée à se mettre à la place des autres (et notamment à éprouver immédiatement leur souffrance). Au-delà de ces cas considérés comme pathologiques, je ne pense pas que la compassion soit un trait également réparti, il y a probablement des personnes très empathiques et d'autres peu empathiques, cela doit se distribuer de manière gaussienne. Il existe des tests psychométriques (servant justement à diagnostiquer l'autisme et sa gravité) mais j'ignore s'il existe des études quantifiant le degré de compassion dans des populations (confronté à un même stimulus, par exemple un film éprouvant). Je vais chercher à l'occasion, c'est intéressant.

Pourquoi disposer d'une même nature devrait-il signifier même qualité et quantité de cette nature chez chacun? On peut imaginer qu'à partir d'un même substrat l'expérience vécue rende plus ou moins sensible. D'autre part, il est significatif que vous preniez les exemples de psychopathes et d'autistes: des dysfonctionnements d'origine organique sont invoqués par les spécialistes pour expliquer leurs comportements.

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Oulala, cela commence à déraper et dans les généralités…

Généralités que tu as pourtant parfaitement assumées en expliquant qu' « avoir un milieu prévisible, notamment minimiser la violence interindividuelle au sein du groupe, semble un besoin naturel (ou un penchant, un trait, une tendance, etc.) chez Homo sapiens… » Pour ma part, je ne fais que tirer les conséquences de tes découvertes réalisées lors d’une bonne séance de maïeutique.

Pour rappel, au début, tu as été incapable de dire pourquoi les êtres humains édictent des règles générales de conduites et pourquoi ils punissent ceux qui les enfreignent ; jusqu'à ce que tu fasses justement appel à la nature de l'homme. Alors, tu pourras botter en touche autant que tu voudras en nous jetant à la figure mille études savantes, tu ne pourras éviter ce fait : toutes ces études tentent d’expliquer le comportement de l'homme par sa nature, en montrant que les êtres humains sont bien soumis à une Loi naturelle, objectivement connaissable, qui les poussent à se comporter de certaines manières, comme adopter des règles contraignantes de vie commune afin de, comme tu l’as toi-même bien reconnu, minimiser et canaliser au maximum la violence dans les relations humaines. Dès lors, partant du fait que le droit s’entend comme la mesure par laquelle les êtres humains s’ajustent entre eux dans leurs relations, le Droit naturel se comprend comme la mesure inhérente à l’ajustement envisagé qui se dégage très objectivement de la nature même des êtres humains et des relations qui les régissent conformément à la Loi naturelle.

…les personnes n'ont pas naturellement les mêmes fins, en dehors des quelques éléments généraux dont nous parlons (survivre). Une fois que tu as dit "on ne va pas se taper sur la gueule au sein du groupe" (tendance évolutive observable), tu n'as absolument rien dit sur tout le reste, c'est-à-dire l'essentiel de la vie humaine au-delà de la survie.

Figure-toi que ces « quelques éléments généraux » - la vie, la liberté, la propriété, la sûreté, la résistance à l'oppression, etc. - que les Pères fondateurs américains ou les rédacteurs de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen posèrent comme fondement de toute législation, forment très précisément le Droit naturel, c’est-à-dire les règles de vie commune naturelles aux êtres humains qu’ils se doivent de respecter afin, comme tu le dis si bien, d’avoir un milieu prévisible et de minimiser la violence interindividuelle au sein du groupe. Le Droit naturel n’a pas vocation à être une exhaustive législation multifacette s’étendant sur des centaines de milliers de pages et réglementant tous les aspects de la vie humaine, mais bien d’être le principe d’équité qui doit légitimer toute législation positive en tenant compte du meilleur ajustement possible entre les êtres humains compte tenu des circonstances propres à l’espèce et de la Loi naturelle. Et cela est valable à travers le temps et l’espace. En effet, le Droit naturel évolue dans la mesure même où il y a du changement au sein des sociétés humaines : pour chaque nouvel ajustement qui se produit dans une société, il n’y a qu’une seule juste mesure. Dire que l’on constate que le droit change selon les lieux et les époques n’est pas une objection sérieuse contre le Droit naturel car chaque fois que les circonstances changent, ce qui est naturellement juste peut être amené à changer également. Par contre, tant que les circonstances restent les mêmes, le Droit naturel est immuable. Thomas d’Aquin admet sans problème que l’on puisse ajouter de nouvelles prescriptions au Droit naturel, alors que l’on ne peut revenir sur ce qui est naturellement juste dans un cas déterminé. C’est ainsi qu’au fur et à mesure de l’évolution des sociétés humaines et des êtres humains, de nouvelles règles de Droit naturel pourront être recherchées en tenant compte de la nature de l’évolution.

Le fait est que l'on obéit à des tas de choses sans questionner leur nature, simplement parce qu'il est convenu d'y obéir.

Ceci relève de la problématique de l'obéissance, pas de la raison d'être de la règle, ni de son apparition ou de sa confection. La preuve, tu fais appel à des expériences portant sur l'autorité et la soumission à des règles déjà existantes, mais n'expliquant pas pourquoi les êtres humains édictent des règles et punissent les contrevenants. Au mieux, ces expériences sur l'autorité pourrait se comprendre comme explication de l'obéissance à la loi comme soumission à un Être suprême. Mais comme mon petit doigt me dit que tu ne crois pas plus que cela à une quelconque divinité, ces études ne sont donc pas pertinentes.

Posté
Généralités que tu as pourtant parfaitement assumées en expliquant qu' « avoir un milieu prévisible, notamment minimiser la violence interindividuelle au sein du groupe, semble un besoin naturel (ou un penchant, un trait, une tendance, etc.) chez Homo sapiens… » Pour ma part, je ne fais que tirer les conséquences de tes découvertes réalisées lors d’une bonne séance de maïeutique.

Pour rappel, au début, tu as été incapable de dire pourquoi les êtres humains édictent des règles générales de conduites et pourquoi ils punissent ceux qui les enfreignent ; jusqu'à ce que tu fasses justement appel à la nature de l'homme. Alors, tu pourras botter en touche autant que tu voudras en nous jetant à la figure mille études savantes, tu ne pourras éviter ce fait : toutes ces études tentent d’expliquer le comportement de l'homme par sa nature, en montrant que les êtres humains sont bien soumis à une Loi naturelle, objectivement connaissable, qui les poussent à se comporter de certaines manières, comme adopter des règles contraignantes de vie commune afin de, comme tu l’as toi-même bien reconnu, minimiser et canaliser au maximum la violence dans les relations humaines. Dès lors, partant du fait que le droit s’entend comme la mesure par laquelle les êtres humains s’ajustent entre eux dans leurs relations, le Droit naturel se comprend comme la mesure inhérente à l’ajustement envisagé qui se dégage très objectivement de la nature même des êtres humains et des relations qui les régissent conformément à la Loi naturelle.

Il y a semble-t-il consensus pour admettre la genèse "naturelle" de règles tendant à la minimisation des comportements d'agressions violents à l'intérieur du groupe. Mais cela n'explique pas pourquoi l'outsider devrait se voir reconnaître le bénéfice de ces règles de comportement pacifiques.

Posté
…cela n'explique pas pourquoi l'outsider devrait se voir reconnaître le bénéfice de ses règles de comportement pacifiques.

Simplement la prise de conscience, au fil des millénaires, que l'outsider est un être aussi humain que les membre de notre groupe et que, au final, nous sommes tous les outsiders d'autres groupes. Que l'outsider appartient généralement à un autre groupe et que refuser de faire lui profiter des règles du Droit naturel peut signifier un conflit avec un cet autre groupe, chose qui peut être négative pour tout le monde. Effectivement, au début, les groupes, qui vivaient éloignés les uns des autres, se mettaient régulièrement sur la gueule dès qu'ils se voyaient. Mais, l'augmentation démographique a fait que, au fur et à mesure, ces groupes, auparavant instinctivement hostiles, vu la nature des choses, ont été amené à se reconnaître peu ou prou les mêmes droits les uns aux autres s'ils ne voulaient pas vivre en état de conflit perpétuel puisque ne pouvant plus s'éviter.

Posté
Simplement la prise de conscience, au fil des millénaires, que l'outsider est un être aussi humain que les membre de notre groupe et que, au final, nous sommes tous les outsiders d'autres groupes. Que l'outsider appartient généralement à un autre groupe et que refuser de faire lui profiter des règles du Droit naturel peut signifier un conflit avec un cet autre groupe, chose qui peut être négative pour tout le monde. Effectivement, au début, les groupes, qui vivaient éloignés les uns des autres, se mettaient régulièrement sur la gueule dès qu'ils se voyaient. Mais, l'augmentation démographique a fait que, au fur et à mesure, ces groupes, auparavant instinctivement hostiles, vu la nature des choses, ont été amené à se reconnaître peu ou prou les mêmes droits les uns aux autres s'ils ne voulaient pas vivre en état de conflit perpétuel puisque ne pouvant plus s'éviter.

Entièrement d'accord, mais il s'agit là d'une explication historique, "positive", de la pacification des rapports humains (loin d'être achevée d'ailleurs et même perpétuellement remise en cause). Or le concept de droit naturel appartient au domaine normatif.

De cette discussion ressort me semble-t-il une confusion basée sur la polysémie du mot "naturel". Le droit naturel est généralement présenté comme le droit fondé sur la nature intangible de l'homme (son essence) en tant qu'être rationnel, social, mais aussi autonome, capable de se doter de fins propres. On pourrait l'appeler "droit ontologique".

Lucilio semble se référer plus volontiers à un droit basé sur la nature au sens "le monde naturel" et sur l'évolution humaine saisie dans son historicité.

Posté
…mais il s'agit là d'une explication historique, "positive", de la pacification des rapports humains (loin d'être achevée d'ailleurs et même perpétuellement remise en cause). Or le concept de droit naturel appartient au domaine normatif.

Je ne vois pas où est le problème : j'ai montré plus haut comment le Droit naturel évolue avec les circonstances naturelles. Par ailleurs, le fait que le Droit naturel ne soit pas pleinement respecté depuis l'aube des temps par l'ensemble des êtres humains ne signifie nullement que celui-ci n'existe pas.

Le droit naturel est généralement présenté comme le droit fondé sur la nature intangible de l'homme (son essence) en tant qu'être rationnel, social, mais aussi autonome, capable de se doter de fins propres. On pourrait l'appeler "droit ontologique".

Lucilio semble se référer plus volontiers à un droit basé sur la nature au sens "le monde naturel" et sur l'évolution humaine saisie dans son historicité.

Encore une fois, je ne vois pas où se logerait la contradiction : le Droit naturel est la juste mesure qui se dégage objectivement de la Loi naturelle et de la nature de l'homme - être rationnel, social, autonome, capable de se doter de fins propres, mais aussi évoluant à travers les temps -, afin de régler un conflit qui opposent plusieurs êtres humains à un moment donné de leur évolution.

Posté
Enième caricature. Je débats avec vous en essayant de déchiffer vos propos sybillins. Si vous représentez le courant de réflexion philosophique moderne au sein de l'Eglise, cela m'inquiète en effet sur la clarté et la qualité de ce courant. Quant à moi, je ne prétends nullement représenter la science ou la raison, je développe une pensée que j'espère à peu près inspirée par elles, mais de toute façon propre, je parle ici en mon nom et en simple discussion.

Mea culpa pour mon manque de clarete, quoique je doute que cela soit la raison profonde de notre incomprehension.

En guise de resume, voici un extrait d'une encyclique que j'aime beaucoup et qui resume ma facon de pensee, de maniere un peu plus claire:

L'Eglise, pour sa part, ne peut qu'apprécier les efforts de la raison pour atteindre des objectifs qui rendent l'existence personnelle toujours plus digne. Elle voit en effet dans la philosophie le moyen de connaître des vérités fondamentales concernant l'existence de l'homme. En même temps, elle considère la philosophie comme une aide indispensable pour approfondir l'intelligence de la foi et pour communiquer la vérité de l'Évangile à ceux qui ne la connaissent pas encore.

Faisant donc suite à des initiatives analogues de mes prédécesseurs, je désire moi aussi porter mon regard vers cette activité particulière de la raison. J'y suis incité par le fait que, de nos jours surtout, la recherche de la vérité ultime apparaît souvent occultée. Sans aucun doute, la philosophie moderne a le grand mérite d'avoir concentré son attention sur l'homme. A partir de là, une raison chargée d'interrogations a développé davantage son désir d'avoir une connaissance toujours plus étendue et toujours plus profonde. Ainsi ont été bâtis des systèmes de pensée complexes, qui ont donné des fruits dans les divers ordres du savoir, favorisant le développement de la culture et de l'histoire. L'anthropologie, la logique, les sciences de la nature, l'histoire, le langage…, d'une certaine manière, c'est l'univers entier du savoir qui a été embrassé. Les résultats positifs qui ont été atteints ne doivent toutefois pas amener à négliger le fait que cette même raison, occupée à enquêter d'une façon unilatérale sur l'homme comme sujet, semble avoir oublié que celui-ci est également toujours appelé à se tourner vers une vérité qui le transcende. Sans référence à cette dernière, chacun reste à la merci de l'arbitraire, et sa condition de personne finit par être évaluée selon des critères pragmatiques fondés essentiellement sur le donné expérimental, dans la conviction erronée que tout doit être dominé par la technique. Il est ainsi arrivé que, au lieu d'exprimer au mieux la tension vers la vérité, la raison, sous le poids de tant de savoir, s'est repliée sur elle-même, devenant, jour après jour, incapable d'élever son regard vers le haut pour oser atteindre la vérité de l'être. La philosophie moderne, oubliant d'orienter son enquête vers l'être, a concentré sa recherche sur la connaissance humaine. Au lieu de s'appuyer sur la capacité de l'homme de connaître la vérité, elle a préféré souligner ses limites et ses conditionnements.

Fides et ratio

Cela ecrit, il n'y a pas lieu de continuer cette bataille de tranchee. Je vous invite tout de meme a etudier avec du recul la situation actuelle qui est tres pre-occupante, notamment au niveau du respect de la vie, et qui est bien le resultat d'un rationalisme dont vous semblez partager le combat qu'il mene contre le surnaturel.

La Foi a au minimum construit 2000 ans d'une histoire mouvementee mais tournee vers le progres. La science (et ses plus virulents defenseurs la voyant comme le nouvel absolu) est quant a elle en passe de mettre en danger toute la civilisation et ce depuis quelques decennies a peine. Cela me fait opter pour une nette preference pour la premiere option. Sauf a bien sur nier le fait de l'existence d'une loi naturelle, ce qui revient a relativiser l'ensemble de l'evolution et a perdre tout repere.

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Généralités que tu as pourtant parfaitement assumées en expliquant qu' « avoir un milieu prévisible, notamment minimiser la violence interindividuelle au sein du groupe, semble un besoin naturel (ou un penchant, un trait, une tendance, etc.) chez Homo sapiens… » Pour ma part, je ne fais que tirer les conséquences de tes découvertes réalisées lors d’une bonne séance de maïeutique.

Je reprends ma citation en mettant en gras l'élément que tu refoules.

Pour rappel, au début, tu as été incapable de dire pourquoi les êtres humains édictent des règles générales de conduites et pourquoi ils punissent ceux qui les enfreignent ; jusqu'à ce que tu fasses justement appel à la nature de l'homme. Alors, tu pourras botter en touche autant que tu voudras en nous jetant à la figure mille études savantes, tu ne pourras éviter ce fait : toutes ces études tentent d’expliquer le comportement de l'homme par sa nature, en montrant que les êtres humains sont bien soumis à une Loi naturelle, objectivement connaissable, qui les poussent à se comporter de certaines manières, comme adopter des règles contraignantes de vie commune afin de, comme tu l’as toi-même bien reconnu, minimiser et canaliser au maximum la violence dans les relations humaines.

Je préfère mille études savantes à la répétition fermée d'un concept. Ta réponse n'apporte aucun nouvel élément à la précédente.

A nouveau, et en l'état de ces études, la seule chose que l'on peut fonder solidement sur la nature de l'homme est la propension à accepter des règles dans un groupe. Ces règles peuvent très bien passer par l'écrasement de l'individu au nom du groupe, ce qui est même le cas le plus fréquent dans l'histoire connue des hommes, et par l'écrasement du groupe voisin, ce qui est également le cas le plus fréquent et qui semble même avoir été une condition d'émergence de cette acceptation des règles au cours de l'hominisation.

Dès lors, partant du fait que le droit s’entend comme la mesure par laquelle les êtres humains s’ajustent entre eux dans leurs relations, le Droit naturel se comprend comme la mesure inhérente à l’ajustement envisagé qui se dégage très objectivement de la nature même des êtres humains et des relations qui les régissent conformément à la Loi naturelle.

Non, les droits de l'homme sont une solution (bonne à mon avis) trouvé dans un cadre culturel et matériel précis, qui valorise la raison, l'individu et la liberté. J'ai dit au commencement de toute cette discussion que le principe de réciprocité (ne pas faire à autrui…) me semblait bien adapté à ce cadre. Pour autant, je ne le crois pas inscrit dans la nature humaine, mais dans une évolution locale de la raison. D'ailleurs, ce principe ne plaît pas à un grand nombre d'hommes, qui préfèrent obliger autrui à suivre leur croyances plutôt que laisser autrui croire ce qu'il veut.

Figure-toi que ces « quelques éléments généraux » - la vie, la liberté, la propriété, la sûreté, la résistance à l'oppression, etc. - que les Pères fondateurs américains ou les rédacteurs de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen posèrent comme fondement de toute législation, forment très précisément le Droit naturel, c’est-à-dire les règles de vie commune naturelles aux êtres humains qu’ils se doivent de respecter afin, comme tu le dis si bien, d’avoir un milieu prévisible et de minimiser la violence interindividuelle au sein du groupe.

Mais pourquoi vouloir naturaliser le principe de liberté individuelle alors que toute l'histoire montre sa grande rareté et que même dans nos sociétés, on passe son temps sur ce forum à observer combien la liberté de l'individu est en permanence niée ou rognée au profit des impératifs de groupe. Il faudrait tout de même s'interroger cette schizophrénie du libéral convaincu que son libéralisme est dans l'ordre naturel des choses mais observant partout autour de lui qu'il ne l'est pas. Si je prends la "résistance à l'oppression", c'est typiquement une donnée historique des Pères Fondateurs (refoulés pour beaucoup de l'Europe en raison de leurs croyances) dont l'importance se comprend dans ce contexte historique, pas dans la nature humaine.

De surcroît, tu ne comprends pas que ce qui est valorisé par tous les hommes (la vie, la sûreté) n'implique rien sur les règles permettant d'y parvenir. Cela permet aussi bien d'asseoir un régime totalitaire qui garantira aux hommes de rester en vie et d'avoir un milieu stable, prévisible, sûr, etc. De Hobbes à Tocqueville, il y a tout de même eu nombre de réflexions pertinentes là-dessus. Et sous nos yeux, il y a nombre d'expériences montrant que les hommes sont prêts à tolérer une oppression et une sujétion en échange d'une sécurité.

Le Droit naturel n’a pas vocation à être une exhaustive législation multifacette s’étendant sur des centaines de milliers de pages et réglementant tous les aspects de la vie humaine, mais bien d’être le principe d’équité qui doit légitimer toute législation positive en tenant compte du meilleur ajustement possible entre les êtres humains compte tenu des circonstances propres à l’espèce et de la Loi naturelle. Et cela est valable à travers le temps et l’espace. En effet, le Droit naturel évolue dans la mesure même où il y a du changement au sein des sociétés humaines : pour chaque nouvel ajustement qui se produit dans une société, il n’y a qu’une seule juste mesure.

Il faudrait peut-être commencer par redéfinir le DN précisément. Est-ce uniquement le principe d'équité (ci-dessus) ou bien toute une série de droits fondamentaux qui seraient naturellement attachés à l'individu (plus haut).

Dire que l’on constate que le droit change selon les lieux et les époques n’est pas une objection sérieuse contre le Droit naturel car chaque fois que les circonstances changent, ce qui est naturellement juste peut être amené à changer également. Par contre, tant que les circonstances restent les mêmes, le Droit naturel est immuable. Thomas d’Aquin admet sans problème que l’on puisse ajouter de nouvelles prescriptions au Droit naturel, alors que l’on ne peut revenir sur ce qui est naturellement juste dans un cas déterminé. C’est ainsi qu’au fur et à mesure de l’évolution des sociétés humaines et des êtres humains, de nouvelles règles de Droit naturel pourront être recherchées en tenant compte de la nature de l’évolution.

Si tout droit existant est un droit naturel, évidemment, cela clôt le débat. Je ne t'ai pas seulement dit que le droit évolue en permanence, mais aussi que la plupart des règles observées dans les droits et les coutumes depuis qu'il existe des archives historiques ou ethnographiques vont à l'encontre de notre perception moderne et occidentale : le groupe a prééminence sur l'individu, la tradition est plus requise que la raison, la liberté individuelle est niée dans toutes sortes de domaines fondamentaux, l'étranger au groupe n'est pas concerné par les règles (même s'il bénéficie d'une hospitalité de principe), etc.

Ceci relève de la problématique de l'obéissance, pas de la raison d'être de la règle, ni de son apparition ou de sa confection. La preuve, tu fais appel à des expériences portant sur l'autorité et la soumission à des règles déjà existantes, mais n'expliquant pas pourquoi les êtres humains édictent des règles et punissent les contrevenants. Au mieux, ces expériences sur l'autorité pourrait se comprendre comme explication de l'obéissance à la loi comme soumission à un Être suprême. Mais comme mon petit doigt me dit que tu ne crois pas plus que cela à une quelconque divinité, ces études ne sont donc pas pertinentes.

Non, ces études montrent qu'une partie des humains, non négligeable, sont prêts à torturer un autre humain si une autorité leur assure que c'est nécessaire ou à nier ce qu'il croit être vrai si un groupe le nie. Je crois que toute l'ambiguité de cette discussion vient du mot "naturel" et "nature humaine". Si tu me dis, il y a plein de choses positives et négatives dans la nature humaine, le droit naturel consiste à valoriser ce qui est positif, je te comprends (mais tu dois bien sûr justifier ta valorisation). Mais si tu fondes ton droit naturel sur une négation de principe des éléments négatifs de la nature humaine, alors c'est simplement dogmatique, tu écartes ce qui ne colle pas avec ta théorie, mais qui existe pourtant bel et bien.

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Simplement la prise de conscience, au fil des millénaires, que l'outsider est un être aussi humain que les membre de notre groupe et que, au final, nous sommes tous les outsiders d'autres groupes. Que l'outsider appartient généralement à un autre groupe et que refuser de faire lui profiter des règles du Droit naturel peut signifier un conflit avec un cet autre groupe, chose qui peut être négative pour tout le monde. Effectivement, au début, les groupes, qui vivaient éloignés les uns des autres, se mettaient régulièrement sur la gueule dès qu'ils se voyaient. Mais, l'augmentation démographique a fait que, au fur et à mesure, ces groupes, auparavant instinctivement hostiles, vu la nature des choses, ont été amené à se reconnaître peu ou prou les mêmes droits les uns aux autres s'ils ne voulaient pas vivre en état de conflit perpétuel puisque ne pouvant plus s'éviter.

Comme le dit Bob, tu décris là une série de circontances historiques n'ayant plus grand chose à voir avec la nature humaine. Par ailleurs (mis en gras), tu sembles poser que les instints évolutifs forgés pendant quelques centaines de milliers d'années (quelques millions ou dizaines de millions avec notre passé primate et mammifère encore présent dans notre cerveau) ont été gommés par une courte histoire de quelques centaines ou milliers d'années. Cela n'a pas de sens du point de vue évolutif : si l'on parle bien de la nature humaine comme réalité et non comme idéal, le temps est bien trop court pour une sélection positive de certains traits, surtout dans le cadre d'un accroissement démographique (plus la population est nombreuse, plus l'expansion des mutations y est lente, c'est une application basique de Hardy-Weinberg).

Mais si l'on en reste à l'histoire, dans le monde actuel, où vois-tu objectivement que les groupes ont cessé de se taper dessus ? Trouves-tu que l'histoire des Etats-Unis, fondés dès le départ sur ce que tu sembles considérer comme des droits naturels, sont un exemple de pacifisme et de respect des autres groupes ? Penses-tu que les droits de l'homme n'ont jamais été invoqués pour légitimer des guerres de groupe à groupe ? Trouves-tu que le XXe siècle a été un modèle de paix entre les groupes ?

Posté

Lucilio a déjà répondu à celà, de mémoire : ce n'est pas parce que les Droits naturels n'ont guère été respectés qu'ils n'existent pas. Ce faisant , il démontre que sa conception du droit naturel emprunte de nombreux aller-retours entre normatif et positif, historicité et immutabilité. En tous cas le débat est intéressant.

Posté
(…)

Encore une fois, je ne vois pas où se logerait la contradiction : le Droit naturel est la juste mesure qui se dégage objectivement de la Loi naturelle et de la nature de l'homme - être rationnel, social, autonome, capable de se doter de fins propres, mais aussi évoluant à travers les temps -, afin de régler un conflit qui opposent plusieurs êtres humains à un moment donné de leur évolution.

La nature de l'homme : être social mais plus individualisé que tous les autres animaux sociaux, plus ou moins rationnel, plus ou moins passionnel, altruiste mais porté à tricher ou tromper, hétéronome plus souvent qu'autonome, capable de se doter de fins propres mais préférant généralement suivre le fins dictés par son milieu de vie, ayant comme objectif premier de survivre, trouver des partenaires sexuels, se reproduire, etc.

Un homme aussi rationnel que Kant va valoriser la rationalité et interpréter l'histoire des hommes à cette lueur. Un homme aussi passionné que Nietzsche va valoriser les passions et interpréter l'histoire des hommes à cette aune. Je ne dis pas que l'un a raison contre l'autre, simplement qu'il faut être assez lucide pour voir combien notre vision de l'homme est malléable, et combien l'homme lui-même est ouvert dans ses programmations génétiques. L'histoire est un laboratoire où la matière première de l'expérience est la diversité des penchants humains. Bref, il ne faut pas s'en tenir à un relativisme culturel, mais accepter d'abord un relativisme biologique : les mêmes qualités ne sont pas adaptatives dans tous les milieux, les hommes varient sur tous les traits et n'en déduisent pas les mêmes attentes / besoins, les fins que l'on se donne dépendent en partie de nos penchants innés et inconscients, etc.

Il faudrait en fait ouvrir une discussion sur l'anthropologie libérale, je suis de plus en plus persuadé que le coeur du problème est là.

Posté
Lucilio a déjà répondu à celà, de mémoire : ce n'est pas parce que les Droits naturels n'ont guère été respectés qu'ils n'existent pas. Ce faisant , il démontre que sa conception du droit naturel empruntent de nombreux aller-retours entre normatif et positif, historicité et immutabilité. En tous cas le débat est intéressant.

Sa réponse n'est pas très convaincante pour un naturaliste : comme tu le sais, la démarche de base consiste à observer des traits présents dans toutes les sociétés humaines (une société développés d'un milliard d'humains ayant le même poids que des sociétés de chasseurs-cueilleurs de quelques centaines d'individus), à identifier les traits universels (transculturels), à poser des hypothèses sur la naturalité de ces traits universels, hypothèses qui peuvent être infirmées ou confirmées par diverses procédures (comparer avec les sociétés primates si le trait est ancien, comme certaines émotions, analyser les bases génétiques / neurologiques des traits, placer les individus en conditions semblables de laboratoire pour observer la divergence ou la convergence de leur comportement / cognition, etc.).

Là, on a la démarche exactement inverse : des droits fondamentaux que l'on ne trouve guère dans l'histoire et pas toujours dans le présent, mais que l'on pose quand même comme "naturels" en postulant que l'histoire n'a pas encore eu assez de temps pour dévoiler leur naturalité. Si le mot naturel renvoie à la même chose que dans le paragraphe précédent, c'est intenable, ce qui doit être démontré est postulé dès le départ et ce qui le contredit dans l'expérience est écarté comme non pertinent.

PS : je ne comprends pourquoi poser les droits de l'homme comme une expérience historique plutôt qu'un penchant naturel pose autant de problème sur le principe. Cela n'exclut pas que les droits de l'homme se révèlent une expérience plutôt désirable par une majorité d'humains, car mieux adaptée à l'environnement matériel moderne et présentant au final plus d'avantages que d'inconvénients.

Posté
Je reprends ma citation en mettant en gras l'élément que tu refoules.

So what ? Tu m’apprends seulement qu’une société humaine est un groupe.

…la seule chose que l'on peut fonder solidement sur la nature de l'homme est la propension à accepter des règles dans un groupe.

Pas seulement accepter, mais créer en vue d’un but bien précis. C’est bien là le fondement du Droit naturel.

…les droits de l'homme sont une solution (bonne à mon avis) trouvé dans un cadre culturel et matériel précis, qui valorise la raison, l'individu et la liberté.

Le fait que le Droit naturel et les droits naturels qui en découlent aient été reconnus dans certains lieux à certaines époques plutôt qu’ailleurs en d’autres temps, ne déforce en rien le principe du Droit naturel et de son lien avec la Loi naturelle. Pour preuve, les droits naturels classiques (droit à la vie, liberté, propriété, sûreté, etc.) furent adoptés par chaque fois plus de personnes depuis l’aube des temps et tout au long de l’histoire humaine. Encore une fois, le Droit naturel est un processus de découverte de la justice en accord avec la Loi naturelle, pas un décalogue tombé du ciel il y a plusieurs milliers d’années.

Mais pourquoi vouloir naturaliser le principe de liberté individuelle…

On ne naturalise pas le principe de la liberté : l’être humain est naturellement libre, disposant de son libre arbitre.

Il faudrait tout de même s'interroger cette schizophrénie du libéral convaincu que son libéralisme est dans l'ordre naturel des choses mais observant partout autour de lui qu'il ne l'est pas.

Que voilà un beau strawman. Le libéral ne dit pas que le libéralisme relève de l’ordre naturel des choses, il dit seulement qu’il s’agit d’une doctrine philosophique, politique et économique qui permet à l’homme de vivre le plus en accord avec le Droit naturel, en se fondant sur la Loi naturelle.

Si je prends la "résistance à l'oppression", c'est typiquement une donnée historique des Pères Fondateurs (refoulés pour beaucoup de l'Europe en raison de leurs croyances) dont l'importance se comprend dans ce contexte historique, pas dans la nature humaine.

Justement non. Depuis les temps les plus reculés, les êtres humains, contrairement aux animaux qui se soumettent naturellement au plus fort de leurs congénères ou à celui que leur instinct indique, ont compris qu’il leur était possible de se révolter, c’est-à-dire vouloir changer un ordre qu’ils considéraient injuste, parce que, justement, ils sont les seuls êtres vivants dont la nature leur permet de se révolter. Une fourmi ne se révolte pas, ni un cerf, ni une lionne.

De surcroît, tu ne comprends pas que ce qui est valorisé par tous les hommes (la vie, la sûreté) n'implique rien sur les règles permettant d'y parvenir. Cela permet aussi bien d'asseoir un régime totalitaire qui garantira aux hommes de rester en vie et d'avoir un milieu stable, prévisible, sûr, etc.

Tiens donc ? Un régime totalitaire est donc un milieu stable, prévisible et sûr ? Il faudra que tu relises quelques relations historiques concernant les régimes communiste ou nazi. Sinon, bien sûr, le Droit naturel indique bien que cet objectif ne peut s’atteindre qu’en respectant les droits naturels dans leur ensemble et que la sûreté ne peut être privilégiée au détriment de la liberté.

Il faudrait peut-être commencer par redéfinir le DN précisément. Est-ce uniquement le principe d'équité (ci-dessus) ou bien toute une série de droits fondamentaux qui seraient naturellement attachés à l'individu (plus haut).

  1. La Loi naturelle se comprend comme le comportement observable des entités naturelles ainsi que des causes et des effets spécifiques qui résultent de leurs interactions.
  2. Cette Loi naturelle implique que, dans un premier temps, la nature de l'homme peut être soumis à l'observation rationnelle et à la réflexion et que, dans un second temps, une éthique peut être dégagée consistant à étudier ce qui est bon et convient le mieux à l'homme, c'est-à-dire ce qui favorise la réalisation de ce qui est le plus approprié à la nature humaine.
  3. Le Droit naturel se définit comme la mesure juste qui se dégage très objectivement de la relation entre les personnes, telle qu'elle est révélée par la Loi naturelle.
  4. Les droits naturels (vie, liberté, propriété, etc.) se définissent, eux, comme l'application concrète du Droit naturel dans le domaine politique.

De cette manière, les trois plans sont bien définis de même que l'articulation entre eux : la loi naturelle relève du plan du réel, de la nature, le Droit naturel relève du plan de la société humaine et les droits naturels (droit à la vie, propriété, liberté, sûreté, principe de non-agression, etc.) relève du plan politique.

Si tout droit existant est un droit naturel, évidemment, cela clôt le débat.

Non, tous les droits existants ne relèvent pas du Droit naturel. On dit seulement que le Droit naturel évolue parallèlement à la Loi naturelle.

Non, ces études montrent qu'une partie des humains, non négligeable, sont prêts à torturer un autre humain si une autorité leur assure que c'est nécessaire ou à nier ce qu'il croit être vrai si un groupe le nie.

C’est bien ce que je disais : ces expériences ne nous apprennent rien sur la question de savoir pourquoi les êtres humains édictent des règles et pourquoi ils punissent ceux qui les transgressent.

Si tu me dis, il y a plein de choses positives et négatives dans la nature humaine, le droit naturel consiste à valoriser ce qui est positif, je te comprends (mais tu dois bien sûr justifier ta valorisation).

Le Droit naturel consiste à accorder les êtres humains afin qu’ils se conforment à ce qui est le mieux pour eux au regard de la Loi naturelle, c’est-à-dire en valorisant certains comportements – positifs, car permettant d’atteindre cet objectif - et en prohibant d’autres – négatifs, car éloignant de celui-ci. Les autres êtres vivants n’ont pas besoin de Droit naturel car, naturellement, ils agissent en conformité avec la Loi naturelle qui les régit. Les êtres humains qui, non seulement n’agissent pas instinctivement de manière à être en conformité avec cette Loi naturelle, peuvent sciemment aller à l’encontre de celle-ci car ils sont libres. Ni l’instinct, ni le programme génétique ne pouvant plus les guider comme c’est le cas pour les animaux, les êtres humains doivent faire appel à la raison pour distinguer leurs actes entre ce qui est positif, bon et négatif, mauvais, en se fondant sur la nature humaine. Ce travail de la raison, voilà ce qu’est le Droit naturel.

Posté
Pourquoi disposer d'une même nature devrait-il signifier même qualité et quantité de cette nature chez chacun? On peut imaginer qu'à partir d'un même substrat l'expérience vécue rende plus ou moins sensible.

En effet, la nature dont nous parlons n'est pas une somme de propriétés strictement identiques, mais au contraire un assemblage de traits variables, et cela dès le substrat biologique (que l'on parle de la personnalité, des émotions ou de la cognition). De surcroît, comme vous le signalez, les expériences vécues font varier l'expression du substrat en question.

D'autre part, il est significatif que vous preniez les exemples de psychopathes et d'autistes: des dysfonctionnements d'origine organique sont invoqués par les spécialistes pour expliquer leurs comportements.

Je prenais ces exemples pour rappeler que l'empathie est, comme vous le notez, un trait organique capable en cela d'altérations organiques (innées ou acquises). Si c'est un trait organique, la variation est la règle. Ce que l'on accepte comme une évidence pour des traits physiques (la taille, le poids, la couleur des yeux, des cheveux, de la peau, etc.) est également une évidence pour les traits psychologiques, en raison de l'organicité dont vous parlez. (Concrètement, tout trait sous la dépendance de plusieurs gènes va présenter une variance d'expression en raison de la variation additive de ces gènes. La traduction la plus habituelle en distribution statistique sur une population sera une courbe en cloche. Vous pouvez considérer les autistes et les psychopathes comme une extrémité de cette courbe en cloche pour l'empathie. A l'opposé, vous trouverez des individus hypraltruistes et prosociaux, quoique je ne connaisse pas de travaux sur cet extrême-là, sans doute parce qu'ils ne sont pas considérés comme des cas pathologiques. Au milieu, autour de l'expression moyenne du trait, la majorité de la population).

Posté

Attendez…je n'ai nullement noté que la compassion était un trait organique, pour reprendre vos mots. On ne voit d'ailleurs pas bien en quoi elle serait organique.

D'autre part, votre raisonnement ultérieur semble souffrir d'un faiblesse: vous commencez par supposer l'origine organique pour ensuite répartir cette disposition dans une population…et trouver que ça colle bien! Toute disposition humaine pouvant se répartir dans la population suivant une courbe de Gauss, il s'en suivrait, par cette affirmation que toute disposition…est organique!

Petit canaillou…vous n'avez nullement besoin des socio-biologistes ni de Jean-Pierre Changeux!

Posté
(…)

1. La Loi naturelle se comprend comme le comportement observable des entités naturelles ainsi que des causes et des effets spécifiques qui résultent de leurs interactions.

2. Cette Loi naturelle implique que, dans un premier temps, la nature de l'homme peut être soumis à l'observation rationnelle et à la réflexion et que, dans un second temps, une éthique peut être dégagée consistant à étudier ce qui est bon et convient le mieux à l'homme, c'est-à-dire ce qui favorise la réalisation de ce qui est le plus approprié à la nature humaine.

3. Le Droit naturel se définit comme la mesure juste qui se dégage très objectivement de la relation entre les personnes, telle qu'elle est révélée par la Loi naturelle.

4. Les droits naturels (vie, liberté, propriété, etc.) se définissent, eux, comme l'application concrète du Droit naturel dans le domaine politique.

De cette manière, les trois plans sont bien définis de même que l'articulation entre eux : la loi naturelle relève du plan du réel, de la nature, le Droit naturel relève du plan de la société humaine et les droits naturels (droit à la vie, propriété, liberté, sûreté, principe de non-agression, etc.) relève du plan politique.

(…)

Le Droit naturel consiste à accorder les êtres humains afin qu’ils se conforment à ce qui est le mieux pour eux au regard de la Loi naturelle, c’est-à-dire en valorisant certains comportements – positifs, car permettant d’atteindre cet objectif - et en prohibant d’autres – négatifs, car éloignant de celui-ci. Les autres êtres vivants n’ont pas besoin de Droit naturel car, naturellement, ils agissent en conformité avec la Loi naturelle qui les régit. Les êtres humains qui, non seulement n’agissent pas instinctivement de manière à être en conformité avec cette Loi naturelle, peuvent sciemment aller à l’encontre de celle-ci car ils sont libres. Ni l’instinct, ni le programme génétique ne pouvant plus les guider comme c’est le cas pour les animaux, les êtres humains doivent faire appel à la raison pour distinguer leurs actes entre ce qui est positif, bon et négatif, mauvais, en se fondant sur la nature humaine. Ce travail de la raison, voilà ce qu’est le Droit naturel.

Merci de cet effort de précision. Il permet d'aller au coeur du désaccord, surtout le dernier paragraphe.

1. Comment peux-tu qualifier d'objective une construction dont tu reconnais qu'elle est une valorisation (en cela subjective, comme toute valorisation) : "ce qui est le mieux", "valorisant", "positifs", etc. ?

2. Comment peux-tu qualifier de "naturel" un trait humain alors que tu affirmes que la nature humaine est la liberté et que cette liberté peut aller à l'encontre de la loi naturelle ?

Si tu me dis dès le départ : l'usage de la raison critique me semble préférable pour régler les rapports humains, je suis entièrement d'accord avec toi. Mais l'important est le mot "préférable" : c'est un jugement de valeur parmi d'autres, donc un combat historique et politique.

Posté
Attendez…je n'ai nullement noté que la compassion était un trait organique, pour reprendre vos mots. On ne voit d'ailleurs pas bien en quoi elle serait organique.

D'autre part, votre raisonnement ultérieur semble souffrir d'un faiblesse: vous commencez par supposer l'origine organique pour ensuite répartir cette disposition dans une population…et trouver que ça colle bien! Toute disposition humaine pouvant se répartir dans la population suivant une courbe de Gauss, il s'en suivrait, par cette affirmation que toute disposition…est organique!

Petit canaillou…vous n'avez nullement besoin des socio-biologistes ni de Jean-Pierre Changeux!

Si vous observez qu'une variation biologique (par exemple, les versions différentes d'un même gène ou le développement différent d'une certaine aire cérébrale) fait varier un trait phénotypique (exprimé, mesuré), cela signifie que ce trait possède une base biologique. Imaginez-vous que l'empathie, dont vous avez noté la force et l'universalité, est à chaque fois acquise par chaque individu grâce à son milieu ? Ce milieu en fait varier l'expression, mais la capacité à ressentir les émotions des autres est innée et elle est un trait ayant connu une forte sélection dans l'évolution humaine, par rapport aux autres primates.

EDIT : si c'est inné, c'est sous la dépendance de gènes. Si c'est un trait complexe, il y a des dizaines à ds centaines de gènes. Et l'on retrouve dans ce cas la variance dont je parlais. D'ailleurs, vous parliez d'hommes et de femmes ayant des cerveaux différents. Pour le coup, on observe dès le plus jeune âge des différences d'empathie et de prosocialité entre les garçons et les filles, cela avant toute influence du milieu (sensibilité aux cris et aux pleurs peu après la naissance, etc.)

Posté

Sur des points plus secondaires.

On ne naturalise pas le principe de la liberté : l’être humain est naturellement libre, disposant de son libre arbitre.

De cela il faut débattre, mais ce fil est trop chargé.

Que voilà un beau strawman. Le libéral ne dit pas que le libéralisme relève de l’ordre naturel des choses, il dit seulement qu’il s’agit d’une doctrine philosophique, politique et économique qui permet à l’homme de vivre le plus en accord avec le Droit naturel, en se fondant sur la Loi naturelle.

Hum, c'est un peu rhétorique, non ? Si le libéralisme se pose comme la voie d'accès privilégiée à la loi naturelle, cela revient un peu à dire qu'il est dans l'ordre naturel des choses, contrairement à des doctrines opposées.

Justement non. Depuis les temps les plus reculés, les êtres humains, contrairement aux animaux qui se soumettent naturellement au plus fort de leurs congénères ou à celui que leur instinct indique, ont compris qu’il leur était possible de se révolter, c’est-à-dire vouloir changer un ordre qu’ils considéraient injuste, parce que, justement, ils sont les seuls êtres vivants dont la nature leur permet de se révolter. Une fourmi ne se révolte pas, ni un cerf, ni une lionne.

Ah. Mais ne penses-tu pas, à titre d'hypothèse, que tu idéalises l'histoire de l'humanité en fonction du lieu et de la doctrine d'où tu la juges ? L'histoire humaine est remplie de révoltes et révolutions, mais y en a-t-il tant que cela qui soient des insurrections d'individus en faveur d'un ordre plus juste pour l'individu, plutôt que des manoeuvres de faction au service de cette faction ? Il y a la magnifique Antigone, bien sûr, mais tu n'ignores pas que c'est une fiction et qu'en tout état de cause, la fiction s'achève sur la défaite de l'individu face à l'ordre établi.

On a beaucoup moqué l'historiographie marxiste qui cherchait partout des luttes de classe. Je ne voudrais pas que se développe une historiographie libérale inventant de toutes pièces des luttes individualistes et rationalistes là où il n'y en eut pas…

Tiens donc ? Un régime totalitaire est donc un milieu stable, prévisible et sûr ? Il faudra que tu relises quelques relations historiques concernant les régimes communiste ou nazi. Sinon, bien sûr, le Droit naturel indique bien que cet objectif ne peut s’atteindre qu’en respectant les droits naturels dans leur ensemble et que la sûreté ne peut être privilégiée au détriment de la liberté.

Si tu prends totalitaire stricto sensu (= communiste et nazi), non. Mais admets-tu le fait que les individus se sont contentés (et se contentent parfois encore) pendant des milliers d'années de régimes niant l'essentiel de leurs libertés individuelles mais leur offrant une certaine stabilité existentielle ? Et exclus-tu comme une hypothèse invraisemblable que nos régimes démocratiques actuels évoluent lentement vers un système de plus en plus étouffant où les libertés de pensée et d'action des individus seront de plus en plus limitées et encadrées par des impératifs de groupe ? Nous n'avons peut-être pas le même degré d'optimisme, après tout.

Posté
Si vous observez qu'une variation biologique (par exemple, les versions différentes d'un même gène ou le développement différent d'une certaine aire cérébrale) fait varier un trait phénotypique (exprimé, mesuré), cela signifie que ce trait possède une base biologique. Imaginez-vous que l'empathie, dont vous avez noté la force et l'universalité, est à chaque fois acquise par chaque individu grâce à son milieu ? Ce milieu en fait varier l'expression, mais la capacité à ressentir les émotions des autres est innée et elle est un trait ayant connu une forte sélection dans l'évolution humaine, par rapport aux autres primates.

EDIT : si c'est inné, c'est sous la dépendance de gènes. Si c'est un trait complexe, il y a des dizaines à ds centaines de gènes. Et l'on retrouve dans ce cas la variance dont je parlais. D'ailleurs, vous parliez d'hommes et de femmes ayant des cerveaux différents. Pour le coup, on observe dès le plus jeune âge des différences d'empathie et de prosocialité entre les garçons et les filles, cela avant toute influence du milieu (sensibilité aux cris et aux pleurs peu après la naissance, etc.)

Désolé, mais c'est encore une fois poser l'origine de la disposition comme organique… et lui trouver ensuite des correspondances organiques à travers la génétique. Je maintiens que vous avez fait la double faute de raisonnement que je signalais, i.e un double raisonnement circulaire: je dis que l'empathie (=compassion) est un trait organique, puis je me rends compte que cette disposition se répartit (sans le démontrer) dans la population suivant une loi de Gauss, d'où je déduis que ce ne peut être de ce fait qu'organique!

D'autre part, vous assimilez la compassion à l'empathie, ce qui n'est pas juste. Ca ne l'est pas d'abord par le type d'objet dans lesquels les ranger: la compassion est un sentiment éprouvé, l'empathie une faculté. Ensuite, ça ne l'est pas par leur définition respective: compatir c'est littéralement "souffrir avec", "prendre pitié", alors que l'empathie n'est pas affective mais est un effort de compréhension d'une situation sans ressentir le sentiment de l'autre.

L'association est celle-ci: compassion = empathie => neurociences(google est notre ami) => origine organique.

Mais la prémisse est fausse et insérait dès le départ la conclusion.

Posté
  1. La Loi naturelle se comprend comme le comportement observable des entités naturelles ainsi que des causes et des effets spécifiques qui résultent de leurs interactions.
  2. Cette Loi naturelle implique que, dans un premier temps, la nature de l'homme peut être soumis à l'observation rationnelle et à la réflexion et que, dans un second temps, une éthique peut être dégagée consistant à étudier ce qui est bon et convient le mieux à l'homme, c'est-à-dire ce qui favorise la réalisation de ce qui est le plus approprié à la nature humaine.
  3. Le Droit naturel se définit comme la mesure juste qui se dégage très objectivement de la relation entre les personnes, telle qu'elle est révélée par la Loi naturelle.
  4. Les droits naturels (vie, liberté, propriété, etc.) se définissent, eux, comme l'application concrète du Droit naturel dans le domaine politique.

De cette manière, les trois plans sont bien définis de même que l'articulation entre eux : la loi naturelle relève du plan du réel, de la nature, le Droit naturel relève du plan de la société humaine et les droits naturels (droit à la vie, propriété, liberté, sûreté, principe de non-agression, etc.) relève du plan politique.

(…)

Le Droit naturel consiste à accorder les êtres humains afin qu’ils se conforment à ce qui est le mieux pour eux au regard de la Loi naturelle, c’est-à-dire en valorisant certains comportements – positifs, car permettant d’atteindre cet objectif - et en prohibant d’autres – négatifs, car éloignant de celui-ci. Les autres êtres vivants n’ont pas besoin de Droit naturel car, naturellement, ils agissent en conformité avec la Loi naturelle qui les régit. Les êtres humains qui, non seulement n’agissent pas instinctivement de manière à être en conformité avec cette Loi naturelle, peuvent sciemment aller à l’encontre de celle-ci car ils sont libres. Ni l’instinct, ni le programme génétique ne pouvant plus les guider comme c’est le cas pour les animaux, les êtres humains doivent faire appel à la raison pour distinguer leurs actes entre ce qui est positif, bon et négatif, mauvais, en se fondant sur la nature humaine. Ce travail de la raison, voilà ce qu’est le Droit naturel.

Ces définitions et cet éclairant passage mériteraient d'être wikibéralisés, non ?

Posté
Désolé, mais c'est encore une fois poser l'origine de la disposition comme organique… et lui trouver ensuite des correspondances organiques à travers la génétique. Je maintiens que vous avez fait la double faute de raisonnement que je signalais, i.e un double raisonnement circulaire: je dis que l'empathie (=compassion) est un trait organique, puis je me rends compte que cette disposition se répartit (sans le démontrer) dans la population suivant une loi de Gauss, d'où je déduis que ce ne peut être de ce fait qu'organique!

D'autre part, vous assimilez la compassion à l'empathie, ce qui n'est pas juste. Ca ne l'est pas d'abord par le type d'objet dans lesquels les ranger: la compassion est un sentiment éprouvé, l'empathie une faculté. Ensuite, ça ne l'est pas par leur définition respective: compatir c'est littéralement "souffrir avec", "prendre pitié", alors que l'empathie n'est pas affective mais est un effort de compréhension d'une situation sans ressentir le sentiment de l'autre.

L'association est celle-ci: compassion = empathie => neurociences(google est notre ami) => origine organique.

Mais la prémisse est fausse et insérait dès le départ la conclusion.

Non, c'est simplement de l'observation et c'est ainsi que procède toute science expérimentale.

- j'observe un trait (que je nomme empathie par convention)

- je constate qu'il est universel (indépendant des cultures) et apparaît tôt dans le développement (indépendant de l'éducation)

- je recherche ses soubassements matériels (génétiques, neuronaux, hormonaux, etc.)

- je recherche ses modalités développementales d'expression (famille, pairs, cultures, croyanes, etc.)

- je recherche ses origines évolutives (analyse d'autres espèces, hypothèses prédictives et contrôle, etc.)

- je modélise de manière plus fine ce trait

Etc.

Un exemple parmi bien d'autres de chercheurs engagés dans ce genre de démarche :

http://www.bcn-nic.nl/txt/research/researc…of-Empathy.html

Sur la distinction empathie / compassion, cela me semble des jeux de langage un peu secondaires. On ne commence pas par la définition, elle arrive après l'observation (elle se précise à mesure que l'on progresse). Si vous observez une somme de petites variations n'entrant pas dans un cadre unique (que vous avez nommez au départ empathie en simple approximation), alors vous changez le cadre et vous divisez votre concpt initial en plusieurs concepts. Mais l'inverse, c'est de la spéculation lexicale sans référence précise dans le réel et ce n'est pas productif (scientifiquement s'entend).

L'empathie est en effet une faculté ou une aptitude : la manière dont elle se cristallise est un autre objet d'étude. Au tout départ de cette discussion, vous me demandiez pourquoi nous éprouvons de la compassion pour de parfaits inconnus, et non pas seulement pour des proches. La réponse est que notre cerveau possède une faculté d'empathie autonome des inscriptions culturelles des individus, qui se cristallise en souffrance ressentie qund on observe un autre souffrir. Si cette faculté ne dépend pas des inscriptions culturelles, c'est parce qu'elle fait appel à des zones anciennes du cerveau programmées pour identifier des émotions primaires, également présente quoique moins développée chez d'autres primates. D'ailleurs, nous sommes capables d'empathie (et de compassion) pour l'animal, du moins pour certains animaux. Peu de gens sont indifférents à un animal qui souffre lorsque cet animal exprime sa souffrance d'une manière qui nous est familière.

Posté
Ces définitions et cet éclairant passage mériteraient d'être wikibéralisés, non ?

A la fin de la discussion ? :icon_up: Je ne pense pas que cette discussion aboutira à un quelconque consensus, mais elle a le mérite de clarifier les mots employés et de lever les ambiguités évitables. Et à mon sens, il reste des ambiguités (ou des contradictions apparentes) dans la définition proposée, cf plus haut.

J'en profite d'ailleurs pour revenir sur ce qui me gêne la progression logique.

1 La Loi naturelle se comprend comme le comportement observable des entités naturelles ainsi que des causes et des effets spécifiques qui résultent de leurs interactions.

Admettons cette prémisse : la loi naturelle est une simple observation de régularités comportementales, neutre en tant que telle.

2. Cette Loi naturelle implique que, dans un premier temps, la nature de l'homme peut être soumis à l'observation rationnelle et à la réflexion (…)

Redite un peu inutile, nous sommes toujours d'accord et toujours en terrain neutre.

(…) et que, dans un second temps, une éthique peut être dégagée consistant à étudier ce qui est bon et convient le mieux à l'homme, c'est-à-dire ce qui favorise la réalisation de ce qui est le plus approprié à la nature humaine.

Stop ! Passage du neutre à l'axiologique, du jugement de fait au jugement de valeur, du descriptif au normatif, du is au ought, etc. etc.

Nous sommes partis d'une simple somme de comportements observés, nous arrivons ici à des choses "bonnes", qui conviennent "mieux que d'autres" à l'homme, qui sont "appropriées" à la nature humaine, etc. On introduit donc des valorisations. Mais d'où viennent-elles ?

Soit l'observation (1) montre que l'homme est naturellement bon dans la réalisation de sa nature, et je n'ai rien à ajouter, la nature fait bien les choses.

Soit l'observation (1) montre que l'homme est naturellement bon ou mauvais dans la réalisation de sa nature et je dois expliquer pourquoi et comment je distingue le bon du mauvais dans (1), pourquoi et comment ce que j'appelle "bon" est naturellement préférable alors que je reconnais qu'il existe aussi du mauvais tout aussi naturel que le bon.

Posté

C'est refaire le même raisonnement sans tenir compte des objections que l'on écarte en les qualifiant de secondaires.

La compassion n'est pas l'empathie pour les raisons que je donnais (affective pour l'une, imaginative pour l'autre). Il n'y a pas d'études scientifiques sur la compassion, seulement de la littérature romanesque et religieuse, parce qu'on peut très bien décrire les mécanismes de l'émotion mais pas ce qui en est à l'origine, ce qui en est la raison. Au contraire de l'empathie qui, du fait qu'il s'agit d'une faculté, peut être ramenée à un organe le produisant.

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