walter-rebuttand Posté 22 mai 2008 Signaler Posté 22 mai 2008 L'historien d'art Jean Clair a été élu jeudi à l'Académie française au premier tour de scrutin, au siège de l'écrivain Bertrand Poirot-Delpech.Décimée par les décès, l'Académie française vit au rythme des élections depuis quelques mois. Jeudi, c'est l'historien d'art et ancien directeur du musée Picasso Jean Clair qui a été élu au fauteuil de l'écrivain Bertrand Poirot-Delpech, au premier tour de scrutin. Parmi les 28 immortels qui avaient pris part au vote, le nouvel académicien a bénéficié de 16 voix contre 7 à l'homme d'affaires et mécène Pierre Bergé. L'institution a dû s'y prendre à deux fois pour trouver un remplaçant au fauteuil de Bertrand Poirot-Delpech, décédé en novembre 2006. Le 7 février, un premier vote s'était ainsi soldé par une «élection blanche», aucun candidat n'ayant recueilli suffisamment de voix. Jean Clair (de son vrai nom Gérard Régnier), âgé de 67 ans,occupe actuellement le poste de Conservateur général du patrimoine. Il est notamment connu pour avoir pris la direction du musée Picasso à Paris de 1989 à 2005. Egalement auteur de livres sur l'art, il a publié en 2006 un «Journal atrabilaire» dans lequel il fulmine contre la dévastation de la culture. Candidat malheureux, Pierre Bergé, 77 ans, a fondé ou dirigé en plus de 50 ans de nombreuses sociétés et institutions dans le domaine des arts ou de la mode, d'Yves Saint-Laurent Haute couture à l'Opéra de Paris. L'Académie française a connu un nombre inhabituel de décès depuis 18 mois. L'année 2007 a ainsi vu la disparition de six immortels. Outre Bertrand Poirot-Delpech, Henri Troyat, Alain Robbe-Grillet, le cardinal Jean-Marie Lustiger, Pierre Messmer et Pierre Moinot sont en effet décédés. Deux nouveaux membres ont donc fait leur entrée en avril dernier, le scénariste et parolier Jean-Loup Dabadie, 69 ans, et l'évêque d'Angoulême, Claude Dagens, 67 ans. Une autre élection est également programmée le 19 juin au fauteuil d'Henri Troyat. Deux candidats sont en lice : l'écrivain et diplomate Jean-Christophe Rufin, 55 ans, Prix Goncourt 2001 pour «Rouge Brésil» et actuel ambassadeur à Dakar, et le romancier et essayiste Olivier Germain-Thomas. Deux autres sièges resteront donc encore à pourvoir sur les quarante que compte l'Académie française.
Wallace Posté 22 mai 2008 Signaler Posté 22 mai 2008 Olalala, ils vont quand même pas mettre Rufin à l'accadémie.
Harald Posté 22 mai 2008 Signaler Posté 22 mai 2008 Ils ont déjà blackboulé Bergé, ne boudons pas notre plaisir.
walter-rebuttand Posté 22 mai 2008 Auteur Signaler Posté 22 mai 2008 Jean Clair, Le surréalisme et la démoralisation de l'OccidentLe Monde, 21/11/2001 En ces temps où de grandes expositions, à Londres et bientôt à Paris, célèbrent le surréalisme, il vaut la peine de s'attarder sur le curieux atlas du monde qu'en 1929 les disciples de Breton avaient publié dans la revue Variétés. La méthode de projection utilisée n'obéissait pas à des paramètres géographiques : chaque pays s'y voyait représenté en fonction de l'importance que le surréalisme lui accordait dans la genèse de ses idées. Deux "corrections" sont frappantes : les Etats-Unis ont disparu, engloutis sous une frontière qui coud directement le Mexique au Canada. Et un petit pays y couvre un espace démesuré : l'Afghanistan… Coïncidence ? Non. L'idéologie surréaliste n'avait cessé de souhaiter la mort d'une Amérique à ses yeux matérialiste et stérile et le triomphe d'un Orient dépositaire des valeurs de l'esprit. Extra-lucide comme elle se plaisait à croire qu'elle l'était, l'intelligentsia française est ainsi allée très tôt et très loin dans la préfiguration de ce qui s'est passé le 11 septembre. Les textes sont là pour souligner, entre 1924 et 1930, cette imagination destructrice. Aragon en 1925 : "Nous ruinerons cette civilisation qui vous est chère… Monde occidental tu es condamné à mort. Nous sommes les défaitistes de l'Europe… Voyez comme cette terre est sèche et bonne pour tous les incendies." Ne manque pas même à la péroraison sa dimension oraculaire, ou plutôt "pythique" comme aurait dit Breton, si féru d'occultisme : "Que les trafiquants de drogue se jettent sur nos pays terrifiés. Que l'Amérique au loin croule de ses buildings blancs…" (La Révolution surréaliste, n° 4, 1925). Le rêve d'Aragon s'est réalisé. Nous y sommes. L'outrance n'était pas seulement verbale. Si l'acte surréaliste le plus simple, comme on sait, c'était descendre dans la rue et tirer sur le premier venu, cette folie meurtrière n'aurait pas dédaigné, si les appuis politiques lui avaient été fournis, de s'en prendre à un Occident tout entier voué à l'exécration. Le gentil Robert Desnos lui-même voyait dans l'Asie "la citadelle de tous les espoirs", appelait de ses vœux les barbares capables seuls de marcher sur les traces des "archanges d'Attila". La lutte se terminera par la victoire d'un Orient en qui les surréalistes voient "le grand réservoir des forces sauvages", la patrie éternelle des grands destructeurs, des ennemis éternels de l'art, de la culture, ces petites manifestations ridicules des Occidentaux. Au nom d'un "mysticisme" confus et d'une "fureur" sans frein - pour reprendre les termes qui reviennent dans leurs écrits - c'est bien à une attaque en règle contre la logique, contre la raison, contre les Lumières que se livrent, au milieu des années 1920, derniers héritiers du romantisme noir, les jeunes surréalistes. Ce qu'ils veulent, c'est la destruction radicale de tout ce qui a donné à l'Occident sa suprématie. Bien sûr, pareils appels au meurtre furent des lieux communs de toutes les avant-gardes. Marinetti a servi de modèle rhétorique à Mussolini, et le futurisme, en manipulant avec brio les instruments de la propagande de masse, cinéma, mises en scène, décorum, manifestations de rue, devait fournir les clés d'une esthétisation de la politique qui aurait sur la foule une fascination dont le nazisme saurait tirer parti. Trotski, fin connaisseur, dans Littérature et Révolution, fut le premier à reconnaître en 1924 que, populaire auprès des masses italiennes, le futurisme avait ouvert la voie du fascisme. A l'autre bord, on commence de reconnaître, serait-ce à regret, que, disciples de Marinetti, les représentants de l'avant-garde soviétique, comme Ossip Brik et les "Kom-Fut" (futuristes-communistes), dans leurs appels à l'élimination des bourgeois, des vieux ("dont les crânes feront des cendriers"), des faibles, ou encore, comme Maïakovski dans son poème 150 000 000, par l'éloge de "la baïonnette -du- browning et -de- la bombe" avaient eux aussi préparé les esprits à accepter les massacres de masse commis par la Tchéka et par le Guépéou. Les mots sont responsables : il leur est répondu. Les paroles de haine des avant-gardes ont préparé la mort des individus. Feuilletons les écrits surréalistes : le ton ordurier, et les injures - "goujat", "cuistre", "canaille", "vieille pourriture", "étron intellectuel", "couenne faisandée" - adressées aux ennemis, aux écrivains bourgeois, aux traîtres, aux renégats, tels qu'on les trouve dans le Traité du style ou dans les lettres ouvertes, ne sont pas différents de ceux qu'on trouvait dans les brûlots des ligues fascistes et qu'on trouvera bientôt adressés aux "chiens enragés" dans les procès de Moscou. Ils signent une époque. Appel au meurtre, à la destruction, exaltation de la déraison et du romantisme noir, fascination des pulsions primitives des races demeurées pures du côté de l'Orient, antisémitisme : les manifestes surréalistes diffèrent peu, si l'on prend la peine de les lire froidement, des propos extrémistes tenus par les pousse-au-crime du temps, de gauche et de droite. Paroles en l'air, dira-t-on, dans lesquelles il faut faire la part de la provocation dadaïste. Je ne crois pas. C'est oublier que la compromission des surréalistes avec le communisme sera plus durable que celle des intellectuels de droite avec le fascisme. Dès 1933, Stefan George et Heidegger tournent le dos au national- socialisme, Jünger et Gottfried Benn s'enfoncent dans l'émigration intérieure. Il faudra attendre fin 1935 pour voir Breton rompre avec le stalinisme. Et que dire alors d'Eluard et d'Aragon ? On ne peut s'empêcher de penser que, contrairement aux autres avant-gardes, les surréalistes continuent de jouir d'une étrange indulgence. Aujourd'hui encore, ils passent pour les parangons d'un idéal libertaire qui, pêle-mêle, aurait conduit la jeunesse à la libération sexuelle, au merveilleux de la création automatique et spontanée - l'art fait pour tous et par tous -, à la réconciliation du rêve et de l'action, et autres fredons de la pensée unique. Il y a une autre raison à cette impunité. Le surréalisme se distingue radicalement des autres avant-gardes en cela que, n'ayant pas cru au paradigme du progrès, il est devenu furieusement "tendance". Le monde moderne n'est pas son fait. La machine, la vitesse, l'énergie - tout ce qui fascine les futuristes, les constructivistes, les puristes et tous les autres "istes" -,les surréalistes y sont indifférents. Leur domaine, c'est la nature, la folie, la nuit, l'inconscient, le primitif, l'originaire. C'est la volute modern style, non l'orthogonalité de Mondrian ou de Rodtchenko. C'est un mouvement en fait de régression et d'archaïsme. La ville, oui, à condition qu'elle s'ensauvage, le nouveau, oui, à condition qu'il soit cherché à l'intérieur de soi et non dans l'extérieur de la maîtrise du monde. Etc. Deux motifs, à cet égard, hantent l'imagerie futuriste. L'un est le gratte-ciel et l'autre l'avion. Ils sont présents chez Fillia et Prampolini comme chez Lissitzky et Malevitch, côte à côte, emblèmes simultanés de la gloire du monde technique. Les surréalistes sont les premiers à les imaginer l'un contre l'autre, préfigurant ce que les terroristes accompliront. En fait, les surréalistes, eussent-ils été plus cultivés, n'auraient pas mis Freud en exergue, qui les méprisait en retour, ne voyant en eux que de dangereux exaltés, mais Heidegger, le penseur critique de la technique et le maître du recours aux forêts. C'est de ce côté-là, du côté encore une fois du romantisme que se trouvent les sources du "merveilleux" surréaliste et de sa fascination pour l'Orient et ses mille et une nuits. Il en résulte que la fascination des surréalistes ne s'est jamais éteinte dans le petit milieu de l'intelligentsia parisienne de mai 1968 au maoïsme des années 1970. De l'admiration de Michel Foucault pour "l'ermite de Neauphle-le-Château" et pour la "révolution" iranienne à… Jean Baudrillard et à son trouble devant les talibans, trois générations d'intellectuels ont été élevées au lait surréaliste. De là notre silence et notre embarras. Nous avons tous appris à lire chez Eluard et chez Aragon. Comment tuer nos pères ? Héritiers du surréalisme, comment le condamner ? Nous restons donc sans voix quand nous voyons prendre corps sous nos yeux - et de quelle horrible façon ! - les textes que nous avons vénérés dans notre adolescence.
Taranne Posté 23 mai 2008 Signaler Posté 23 mai 2008 Olalala, ils vont quand même pas mettre Rufin à l'accadémie. Pour une fois qu'un "jeune" se présente, ils ne vont probablement pas le laisser passer, des fois qu'il en amène d'autres.
Wallace Posté 23 mai 2008 Signaler Posté 23 mai 2008 Pour une fois qu'un "jeune" se présente, ils ne vont probablement pas le laisser passer, des fois qu'il en amène d'autres. Est ce que tu as lu "Rouge Brésil" ? Enfin, maintenant certainement que l'académie ce n'est pas la représentation que j'en fais dans mon esprit naïf, mais bon, il y avait quand même des gens comme Troyat. Bah de toute façon, la réputation de cette institution a été inexorablement ruinée par la nomination de gens comme Giscard, alors bon, un Rufin, c'est vrai que ça pourra pas aggraver.
Dardanus Posté 25 mai 2008 Signaler Posté 25 mai 2008 Est ce que tu as lu "Rouge Brésil" ? Enfin, maintenant certainement que l'académie ce n'est pas la représentation que j'en fais dans mon esprit naïf, mais bon, il y avait quand même des gens comme Troyat.Bah de toute façon, la réputation de cette institution a été inexorablement ruinée par la nomination de gens comme Giscard, alors bon, un Rufin, c'est vrai que ça pourra pas aggraver. L'élection de VGE s'inscrit dans la tradition de l'Académie du type : fournée de maréchaux après la Grande Guerre. La réputation de l'Académie est ruinée quasiment depuis ses origines, de toute façon il faut soit en dire du mal soit en faire partie. Mais si on en dit du mal, il est difficile de s'y faire élire. On s'est toujours moqué des 40 immortels, la plupart d'entre eux ne survivant guère à leur décès dans la mémoire des hommes.
Taranne Posté 25 mai 2008 Signaler Posté 25 mai 2008 Mais si on en dit du mal, il est difficile de s'y faire élire. Pas forcément (cf. Jacques Laurent ou Jean-François Revel qui ont eu dans leur jeunesse des mots pas très tendres pour la Compagnie)
Dardanus Posté 25 mai 2008 Signaler Posté 25 mai 2008 Pas forcément (cf. Jacques Laurent ou Jean-François Revel qui ont eu dans leur jeunesse des mots pas très tendres pour la Compagnie) Difficile n'est pas impossible.
Apollon Posté 25 mai 2008 Signaler Posté 25 mai 2008 L'élection de VGE s'inscrit dans la tradition de l'Académie du type : fournée de maréchaux après la Grande Guerre. La réputation de l'Académie est ruinée quasiment depuis ses origines, de toute façon il faut soit en dire du mal soit en faire partie. Mais si on en dit du mal, il est difficile de s'y faire élire. On s'est toujours moqué des 40 immortels, la plupart d'entre eux ne survivant guère à leur décès dans la mémoire des hommes. Même la qualification d'immortels est une plaisanterie.
Harald Posté 25 mai 2008 Signaler Posté 25 mai 2008 Même la qualification d'immortels est une plaisanterie. Immortels au même titre que l'étaient les mélophores de l'armée achéménide. Pour ma part je ne les tourne pas en ridicule. Grâce à eux le dictionnaire de la langue française est exempt des termes "à la mode" que l'on trouve dans les ouvrages commerciaux tels le Larousse qui jouissent d'une réputation largement usurpée.
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