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Qu'est-ce que la raison ?


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Tout est dans le titre.

On parle très souvent de "raison", de "rationalité", alors qu'il me semble que chacun donne un sens différent au terme.

Mises l'utilise beaucoup: http://mises.org/story/2535 et en général son concept de raison me paraît naturel.

Néanmoins, lorsque par exemple il semble exclure les émotions du domaines de la raison, je suis moins sûr d'être d'accord avec lui:

If somebody were eager to distill at any cost a grain of truth out of the Marxian teachings, he could say that emotions influence a man's reasoning very much. Nobody ever ventured to deny this obvious fact, and Marxism cannot be credited with its discovery. But it is without any significance for epistemology. There are many sources both of success and of error. It is the task of psychology to enumerate and to classify them.

Pour moi, les émotions n'influencent pas le raisonnement, elles en sont une partie intégrante.

La question est importante en économie, puisqu'elle est souvent au coeur de la définition de l' "homo économicus" et de la notion de "choix".

Pour moi, la raison est ce dont l'homme se sert pour décider d'agir d'une façon ou d'une autre. Toutes les composantes de l'esprit, y compris donc les émotions, y participent.

Posté

il y a une analogie avec la logique mathematique.

Les sentiments introduisant des reflexes d'apparence illogique, on aime a les ecarter comme improductifs (ou contre-productif) - pourtant comme tu dis ils contiennent leur part de logique, cachee.

c'est d'ailleurs pour cela qu'il est techniquement preferable d'etre capable de lire et analyser les motivations des gens en tenant compte de leurs sentiments et egos, ce qui permet de predire efficacement leurs actions, de meme qu'il est preferable lorsqu'on agit soi-meme de faire la difference entre nos pulsions (motivees par l'ego et les sentiments) et la suite d'action la plus logique et efficace (donc 'mathematiquement logique') necessaire pour resoudre un probleme.

je ne sais pas si c'est clair.

pour moi l'apparence illogique des reactions sentimentale vient du fait que les sentiments repondent a des logiques internes resultant de calculs comportant enormement de variables pas toujours nettement definies.

Posté

Seul l'archer sans désir est capable de viser la cible sans frémir.

Posté
il y a une analogie avec la logique mathematique.

Les sentiments introduisant des reflexes d'apparence illogique, on aime a les ecarter comme improductifs (ou contre-productif) - pourtant comme tu dis ils contiennent leur part de logique, cachee.

c'est d'ailleurs pour cela qu'il est techniquement preferable d'etre capable de lire et analyser les motivations des gens en tenant compte de leurs sentiments et egos, ce qui permet de predire efficacement leurs actions, de meme qu'il est preferable lorsqu'on agit soi-meme de faire la difference entre nos pulsions (motivees par l'ego et les sentiments) et la suite d'action la plus logique et efficace (donc 'mathematiquement logique') necessaire pour resoudre un probleme.

je ne sais pas si c'est clair.

pour moi l'apparence illogique des reactions sentimentale vient du fait que les sentiments repondent a des logiques internes resultant de calculs comportant enormement de variables pas toujours nettement definies.

C'est bien la problématique oui.

Pour bien des gens, les sentiments & émotions n'ont rien d' "illogique", et peuvent être perçus très précisément. Réduire la raison à la construction de systèmes "logiques", représentations du monde en vue de la prise de décision, c'est à mon avis laisser de côté une bonne partie des gens.

Si la "logique" de la raison est avant tout de permettre à la personne d'agir dans un sens qui favorise sa vie, il ne me semble pas "irrationnel" de prendre une décision sur la base de mes émotions seules, pour autant que le contexte se prête à cette forme de prise de décision.

En excluant les émotions de la prise de décision rationelle, Mises s'interdit de comprendre certains phénomènes humains via la praxéologie.

Posté
Pour bien des gens, les sentiments & émotions n'ont rien d' "illogique", et peuvent être perçus très précisément. Réduire la raison à la construction de systèmes "logiques", représentations du monde en vue de la prise de décision, c'est à mon avis laisser de côté une bonne partie des gens.

Si la "logique" de la raison est avant tout de permettre à la personne d'agir dans un sens qui favorise sa vie, il ne me semble pas "irrationnel" de prendre une décision sur la base de mes émotions seules, pour autant que le contexte se prête à cette forme de prise de décision.

Comment définir l'irrationalité alors?

Il me semble qu'il y a dans la raison une notion de contrôle, de maîtrise.

Cf la citation de Poe.

Posté
En excluant les émotions de la prise de décision rationelle, Mises s'interdit de comprendre certains phénomènes humains via la praxéologie.

Sauf que Mises ne s'intéresse pas aux mécanismes de prise de décision, mais uniquement aux résultats, à l'action elle même, indépendamment de son origine (que l'origine de l'action soit un calcul savant d'un Homo economicus omniscient ou de la satisfaction immédiate d'une pulsion primaire est totalement hors de propos).

Bon, impossible de retrouver une bonne citation pour illustrer cela sans relire toute l'Action Humaine, mais j'ai quelque chose d'assez explicite là dessus au Mises Institute: http://www.mises.org/journals/qjae/pdf/qjae2_4_1.pdf (page 2, The essence of praxeologicial analysis: "The answer is that, strictly speaking, Austrian economics do not explain human action at all. They do not relate human action to other facts which it would be sequel or corollary.")

PS: finalement, j'ai trouvé une bonne citation de Mises, suffisait de chercher un peu:

Le domaine de notre science est l'action de l'homme, non les événements psychologiques qui aboutissent à une action. C'est précisément cela qui distingue la théorie générale de l'activité humaine, la praxéologie, de la psychologie. Le thème de la psychologie est constitué par les événements intérieurs qui aboutissent, ou peuvent aboutir, à un certain acte. Le thème de la praxéologie est l'action en tant que telle.

(L'Action humaine, chapitre 1)

Invité jabial
Posté
La raison, c'est, tu vois, un truc que, tu vois, tu utilises pour réfléchir. C'est ça qui, tu vois, te permet de donner un sens à l'univers.

Tu vois.

Posté
Sauf que Mises ne s'intéresse pas aux mécanismes de prise de décision, mais uniquement aux résultats, à l'action elle même, indépendamment de son origine (que l'origine de l'action soit un calcul savant d'un Homo economicus omniscient ou de la satisfaction immédiate d'une pulsion primaire est totalement hors de propos).

Bon, impossible de retrouver une bonne citation pour illustrer cela sans relire toute l'Action Humaine, mais j'ai quelque chose d'assez explicite là dessus au Mises Institute: http://www.mises.org/journals/qjae/pdf/qjae2_4_1.pdf (page 2, The essence of praxeologicial analysis: "The answer is that, strictly speaking, Austrian economics do not explain human action at all. They do not relate human action to other facts which it would be sequel or corollary.")

PS: finalement, j'ai trouvé une bonne citation de Mises, suffisait de chercher un peu:

(L'Action humaine, chapitre 1)

Bonjour Sloonz. Avec un nom de pseudo pareil, il va absolument falloir te présenter dans le fil Taverne dédié :icon_up:

Posté

Je n'ai pas lu le livre de Von Mises, mais en se limitant aux résultats de l'action humaine plus qu'aux formes que prennent la raison, il me semble reprendre à son compte le type de rationalité instrumentale ou paramétrique d'usage en situation de concurrence pure et parfaite. David Gauthier propose à son tour (Gauthier est plus modéré que Von Mises) une distinction entre rationalité paramétrique et rationalité stratégique, pour différencier les modes de raison propres au marché et à l'ensemble de l'association politique. Le second type de rationalité, qu'on trouve par exemple dans la théorie des jeux, repose sur les calculs d'intérêts d'individus cherchant à maximiser leur utilité, mais pris dans des situtations où d'autres individus opèrent les mêmes calculs concernant des situations communes. En conséquences, chaque acteur doit prendre en compte dans ses calculs propres les calculs des autres acteurs et envisager d'obtenir non pas des gains maximums, mais simplement optimums (ils intègrent la notion de bargain dans leurs calculs). Un exemple : jean-luc veut aller à une soirée pour voir Germaine. Mais il sait que Germaine, qui rêve de s'envoyer du ponch gratos avec Jean Luc, ne se pointera pas si gertrude s'y trouve. Jean-Luc doit faire un choix stratégique, il doit intégrer à ses propres calcul le degré de probabilité de présence de Gertrude pour ensuite déterminer sa propre position. En situation de marché, pas de problème, on ne fait pas ce genre de calculs de proba, l'individu maximise son utilité sans prendre en compte les motivations des autres acteurs (puisque le marché agit comme une main invisible).

ceci étant dit, je ne crois pas que la rationalité instrumentale résume à elle seule le principe de raison.

Posté

Débat très intéressant. Dans mes souvenirs lointains d'économie, les notions de rationnalité et d'utilité ont beaucoup évolué avec le temps. Les développements de la notion d'utilité ont permis d'introduire la subjectivité du consommateur.

- On a eu au commencement les néo-classiques qui considéraient que l'homme était pleinement rationnel. L'homme est capable de noter les choix qu'il a sa disposition (utilité cardinale). Par exemple, je rentre dans une boulangerie et je suis capable de donner une note précise à chaque gâteau.

- Ensuite, la notion devient plus souple avec Pareto. Selon lui, le choix peut être seulement ordinal. Je suis capable de classer par ordre de préférence les choix à ma disposition afin de prendre une décision optimale (utilité ordinale). Par exemple, je rentre dans une boulangerie et je suis capable d'ordonner les produits par ordre de préférence.

- Puis, la notion d'utilité évolue encore et on parle de rationalité limitée avec l'introduction de la subjectivité de l'individu. Par exemple, je rentre dans une boulangerie, je prends un tout nouveau type de gâteau créé par le boulanger. Ce gâteau permet de satisfaire un besoin utilitaire (manger) mais me permet également de me différencier de mes voisins, de montrer que j'aime la nouveauté… Ces nouvelles théories développées par Becker et Lancaster permettent d'aller plus loin et de comprendre les choix et préférences des consommateurs.

Après, on peut également développer les théories sur la rationnalité limitée des consommateurs avec entre autres la notion d'asymétrie d'information d'Akerlof.

Posté
Je n'ai pas lu le livre de Von Mises, mais en se limitant aux résultats de l'action humaine plus qu'aux formes que prennent la raison, il me semble reprendre à son compte le type de rationalité instrumentale ou paramétrique d'usage en situation de concurrence pure et parfaite.

Au risque de répéter des bêtises, mes souvenirs pas si vieux de Mises sont que pour lui le débat de rationalité "limitée" ou non, "paramétrique" ou "stratégique" n'avait aucune influence sur sa théorie économique.

Les quelques fois où il faisait des digressions sur la raison, voici ce que j'en retiens sur sa conception de la raison: tout d'abord, il est pour une rationalité limitée (et, en filigramme, stratégique). Il définit la rationalité comme le processus de choix des moyens en fonction des différentes fins. Son exemple préféré était:

En cherchant pour quelles causes une vache ne donne pas de lait, un vétérinaire moderne écartera d'emblée les racontars sur le mauvais œil de la sorcière ; sa façon de voir aurait été différente il y a trois cents ans.

(bon, j'admet que la citation est hors-contexte ici, mais c'était juste pour retrouver l'exemple)

Ainsi, pour lui, l'explication du "mauvais œil" n'est pas irrationelle ; c'était la meilleure explication possible en fonction des connaissances de l'époque, et ainsi le meilleur moyen d'action connu pour arriver à la fin "que la vache donne du lait".

Ce que je n'aime pas beaucoup dans sa conception de la raison (et il l'admet), c'est que l'irrationalité n'existe pas, et que du coup le concept perd tout son sens et devient tautologique. Poussé jusqu'au bout, on pourrait dire qu'un animal qui suit son insinct est "raisonnable".

- On a eu au commencement les néo-classiques qui considéraient que l'homme était pleinement rationnel. L'homme est capable de noter les choix qu'il a sa disposition (utilité cardinale). Par exemple, je rentre dans une boulangerie et je suis capable de donner une note précise à chaque gâteau.

- Ensuite, la notion devient plus souple avec Pareto. Selon lui, le choix peut être seulement ordinal. Je suis capable de classer par ordre de préférence les choix à ma disposition afin de prendre une décision optimale (utilité ordinale). Par exemple, je rentre dans une boulangerie et je suis capable d'ordonner les produits par ordre de préférence.

- Puis, la notion d'utilité évolue encore et on parle de rationalité limitée avec l'introduction de la subjectivité de l'individu. Par exemple, je rentre dans une boulangerie, je prends un tout nouveau type de gâteau créé par le boulanger. Ce gâteau permet de satisfaire un besoin utilitaire (manger) mais me permet également de me différencier de mes voisins, de montrer que j'aime la nouveauté… Ces nouvelles théories développées par Becker et Lancaster permettent d'aller plus loin et de comprendre les choix et préférences des consommateurs.

Dans mes pas-lointains-mais-flous-quand-même souvenirs de lecture néoclassique, la rationalité (pas limitée, c'était un vieux bouquin, mais avec des échelles de valeur ordinales) était la capacité d'un agent à discriminer le choix optimal dans un ensemble de choix possibles (la subjectivité étant que cette optimalité est relative à cette échelle de valeurs propre à l'agent), et n'avait pas grand chose à voir avec la modélisation de cette échelle de valeurs (cardinale ou ordinale, utilitariste ou non).

Posté
Comment définir l'irrationalité alors?

Il me semble qu'il y a dans la raison une notion de contrôle, de maîtrise.

Cf la citation de Poe.

En effet, si la raison couvre l'ensemble du processus de décision, comment peut-on être irrationnel ?

Je vais me risquer sur une piste: on appellerait en général "irrationnel", non pas l'absence totale de raison, mais une raison imparfaite, un raisonnement qui ne prend pas en compte une dimension essentielle de la situation, par exemple la composante émotionnelle (Rand serait une habituée de cette sorte d'"irrationnalité"). Cette raison "pas réaliste" pousse à prendre des décisions "pas réalistes" (qui peuvent néanmoins permettre d'atteindre l'objectif).

La citation de Poe exclue par exemple la dimension "désir" de la raison. Il ne s'agit pas de "rationaliser" le désir, mais de le comprendre tel qu'il est, par lui-même, par les sens mêmes qui lui correspondent, et par là de prendre en compte le désir dans nos décisions.

L'homme de maîtriserait sa situation que s'il fait usage juste de sa raison, suivant toutes ses dimensions.

Posté
Sauf que Mises ne s'intéresse pas aux mécanismes de prise de décision, mais uniquement aux résultats, à l'action elle même, indépendamment de son origine (que l'origine de l'action soit un calcul savant d'un Homo economicus omniscient ou de la satisfaction immédiate d'une pulsion primaire est totalement hors de propos).

Je suis bien d'accord. L'avantage de la praxéologie, c'est de poser les bonnes hypothèses, qui lui définissent un domaine indépendant de tout autre, en particuliers de la psychologie.

Néanmoins, l'extrait de Mises que j'ai cité - et bien d'autres de Mises - montre qu'il sort parfois de ce domaine, et de mauvaises façon.

Je serait bien plus critique vis à vis de l'école néoclassique, qui me semble faire des hypothèses très spécifiques concernant la raison, et très régulièrement "oublie" (en ont-ils bien conscience ?) que leurs conclusions ne s'appliqueraient que lorsque l'homme use de la raison de cette façon spécifique.

La raison, c'est, tu vois, un truc que, tu vois, tu utilises pour réfléchir. C'est ça qui, tu vois, te permet de donner un sens à l'univers.

Tu vois.

Les "tu vois" ou "you know" me semblent être un outil de ceux qui ne comprennent pas clairement.

Posté
Je n'ai pas lu le livre de Von Mises, mais en se limitant aux résultats de l'action humaine plus qu'aux formes que prennent la raison, il me semble reprendre à son compte le type de rationalité instrumentale ou paramétrique d'usage en situation de concurrence pure et parfaite. David Gauthier propose à son tour (Gauthier est plus modéré que Von Mises) une distinction entre rationalité paramétrique et rationalité stratégique, pour différencier les modes de raison propres au marché et à l'ensemble de l'association politique. Le second type de rationalité, qu'on trouve par exemple dans la théorie des jeux, repose sur les calculs d'intérêts d'individus cherchant à maximiser leur utilité, mais pris dans des situtations où d'autres individus opèrent les mêmes calculs concernant des situations communes.

Je trouve qu'il est intéressant de faire cette distinction au sein du concept de raison utilisé chez les néoclassiques.

Il me semble que le concept de "raison" de Mises est plus large, complexe et précis que celui de la rationalité instrumentale, néanmoins.

ceci étant dit, je ne crois pas que la rationalité instrumentale résume à elle seule le principe de raison.

:icon_up:

C'est bien la limite des études qui prennent cette définition comme hypothèse.

Posté
Débat très intéressant. Dans mes souvenirs lointains d'économie, les notions de rationnalité et d'utilité ont beaucoup évolué avec le temps. Les développements de la notion d'utilité ont permis d'introduire la subjectivité du consommateur.

- On a eu au commencement les néo-classiques qui considéraient que l'homme était pleinement rationnel. L'homme est capable de noter les choix qu'il a sa disposition (utilité cardinale). Par exemple, je rentre dans une boulangerie et je suis capable de donner une note précise à chaque gâteau.

- Ensuite, la notion devient plus souple avec Pareto. Selon lui, le choix peut être seulement ordinal. Je suis capable de classer par ordre de préférence les choix à ma disposition afin de prendre une décision optimale (utilité ordinale). Par exemple, je rentre dans une boulangerie et je suis capable d'ordonner les produits par ordre de préférence.

- Puis, la notion d'utilité évolue encore et on parle de rationalité limitée avec l'introduction de la subjectivité de l'individu. Par exemple, je rentre dans une boulangerie, je prends un tout nouveau type de gâteau créé par le boulanger. Ce gâteau permet de satisfaire un besoin utilitaire (manger) mais me permet également de me différencier de mes voisins, de montrer que j'aime la nouveauté… Ces nouvelles théories développées par Becker et Lancaster permettent d'aller plus loin et de comprendre les choix et préférences des consommateurs.

Après, on peut également développer les théories sur la rationnalité limitée des consommateurs avec entre autres la notion d'asymétrie d'information d'Akerlof.

Je trouve cela intéressant: cela montre combien le concept, d'une part évolue sans cesse d'un auteur d'une école d'un domaine à l'autre, d'autre part est souvent "tronqué" pour simplifier le raisonnement. Il semble très difficile de ne pas faire d'hypothèse cachée sur la nature de la "raison". Je pense que les autrichiens puristes sont ceux qui parviennent le mieux à éviter cet écueil.

Quel serait le lien entre raison (au meilleur sens possible) & utilité ?

Posté
Tout est dans le titre.

On parle très souvent de "raison", de "rationalité", alors qu'il me semble que chacun donne un sens différent au terme.

Mises l'utilise beaucoup: http://mises.org/story/2535 et en général son concept de raison me paraît naturel.

Néanmoins, lorsque par exemple il semble exclure les émotions du domaines de la raison, je suis moins sûr d'être d'accord avec lui:

Pour moi, les émotions n'influencent pas le raisonnement, elles en sont une partie intégrante.

La question est importante en économie, puisqu'elle est souvent au coeur de la définition de l' "homo économicus" et de la notion de "choix".

Pour moi, la raison est ce dont l'homme se sert pour décider d'agir d'une façon ou d'une autre. Toutes les composantes de l'esprit, y compris donc les émotions, y participent.

Hello

Selon moi, et je partage l'opinion du bon Mises, la logique derriere toute action humaine est d'éliminer des gênes. Bourdieu estimait que l'action humaine est avant tout impregné de strategies. Personnellement je ne le pense pas. L'action immédiate n'a pas de stratégie en elle-même et je pense que la capacité de l'homme à se projeter vers l'avenir, à anticiper, est relativement limité. C'est peut-être pour cela que les émotions jouent un grand rôle dans l'action humaine, mais ces émotions sont une réponse à l'environnement, à ce que l'environnement renvoie à l'individu.

Personnellement, travaillant dans le social et ayant à analyser le comportement humain au quotidien j'ai vraiment du mal à imaginer un homme calculateur, qui fait tout par stratégie. Donc oui, les émotions, l'état d'esprit de l'individu joue un grand rôle dans la prise de décision.

Posté

Pour le compte, l'article de Wikipedia est pas trop mal fait sur ce sujet

http://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_…o-%C3%A9conomie)Je me souviens bien du passage néo-classique de base puis Pareto (merveilleux cours de micro-économie). Certes chaque agent a bien son échelle de valeur subjective mais rationnelle. Le passage de l'utilité cardinale à l'utilité ordinale est une première étape vers la rationalité limitée à mon avis. L'utilité cardinale s'est avérée impraticable car nécessitant un calcul trop complexe. D'où l'invention de l'utilité ordinale plus simple et plus pratique. Mais on reste sur une estimation de la valeur rationnelle.

Ensuite, les nouvelles théories du consommateur puis la notion d'asymétrie d'information ont totalement remis en cause cette notion de rationalité avec le concept de rationalité limitée. L'analyse du marché des voitures d'occasion par Akerlof est intéressante d'ailleurs.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Akerlof

Je suis bien d'accord. L'avantage de la praxéologie, c'est de poser les bonnes hypothèses, qui lui définissent un domaine indépendant de tout autre, en particuliers de la psychologie.

Néanmoins, l'extrait de Mises que j'ai cité - et bien d'autres de Mises - montre qu'il sort parfois de ce domaine, et de mauvaises façon.

Je serait bien plus critique vis à vis de l'école néoclassique, qui me semble faire des hypothèses très spécifiques concernant la raison, et très régulièrement "oublie" (en ont-ils bien conscience ?) que leurs conclusions ne s'appliqueraient que lorsque l'homme use de la raison de cette façon spécifique.

Les "tu vois" ou "you know" me semblent être un outil de ceux qui ne comprennent pas clairement.

Le problème de fond des néo-classiques c'est la volonté de faire de l'économie une science exacte comme la physique ou les mathématiques. Ce sont les néo-classiques qui ont lancé la mathématisation de l'économie. D'où des hypothèses très restrictives pour permettre à leur modèles mathématiques de fonctionner.

Posté
Certes chaque agent a bien son échelle de valeur subjective mais rationnelle. Le passage de l'utilité cardinale à l'utilité ordinale est une première étape vers la rationalité limitée à mon avis. L'utilité cardinale s'est avérée impraticable car nécessitant un calcul trop complexe. D'où l'invention de l'utilité ordinale plus simple et plus pratique. Mais on reste sur une estimation de la valeur rationnelle.

Je n'ai pas compris ça. Pour moi, les puristes autrichiens traite de l'utilité sur un mode odinal.

Ensuite, les nouvelles théories du consommateur puis la notion d'asymétrie d'information ont totalement remis en cause cette notion de rationalité avec le concept de rationalité limitée.

[…]

Le problème de fond des néo-classiques c'est la volonté de faire de l'économie une science exacte comme la physique ou les mathématiques. Ce sont les néo-classiques qui ont lancé la mathématisation de l'économie. D'où des hypothèses très restrictives pour permettre à leur modèles mathématiques de fonctionner.

Oui, je pense qu'il s'agit d'un pb de méthode: faire des maths plutôt que faire de la science.

Dans un sens, je ne crois pas que la théorie autrichienne soit moins "exacte" que les sciences physiques. Elle ne permet pas de prévoir les phénomènes de façon aussi précise que les sciences physiques … mais ce n'est qu'une conséquence du libre arbitre des êtes humains.

Posté

En fait, à propos de la praxéologie, je ne comprends toujours pas de quoi il s'agit, quelle est son utilité, son application.

Posté

Juste une remarque au passage sur le rapport entre irrationnel / rationnel et passions ou émotions/ raison dans le domaine de l'activité pratique. La science politique classique (Aristote) subordonne les passions à la raison, la partie irrationnelle de l'âme à la raison (pratique et technique). Toutefois, cette partie irrationnelle ne doit pas, comme chez les stoiciens par exemple, être à proprement parler réprimée, mais polie (ou éduquée) pour soutenir l'activité rationnelle : le thumos que la vertu éduque doit être orienté pour soutenir les parties les plus élevées de l'âme. Dans la république de Platon, c'est le rôle des gardiens (thumoides) que de se comporter comme des chiens de garde, aimer leurs maitres et se montrer hostiles aux ennemis, bref de soutenir la partie rationnelle de l'âme par une activité propre conforme à la vertu.

A l'opposé, on a Hume, qui explique que la raison est l'esclave des passions, et qu'il ne peut en être autrement (c'est une conception de la raison qu'on trouve aussi chez Hobbes et Locke) : la raison a l'acception instrumentale que j'évoquais dans mon post précédent, celle de traduire au mieux les intérêts des individus dans un but de maximisation de l'utilité.

Bon la prochaine fois, je parlerai du principe de raison chez Schopenhauer (parce qu'il est très kantien, et plus bêtement parce que je suis en train de lire en ce moment "le monde comme volonté et représentation") qui étend la juridiction de la raison au domaine de l'intuition et des représentations (bref en cherchant à montrer que le domaine des intuitions pures est aussi gouverné par le principe de raison). En d'autres termes, la simple activité consciente (différente de celle réfléchie) demande aussi l'usage de la raison, même si elle n'est pas consciente d'elle-même. Bon, je dois faire la vaisselle, je m'expliquerai plus clairement un peu plus tard. :icon_up:

Posté
En fait, à propos de la praxéologie, je ne comprends toujours pas de quoi il s'agit, quelle est son utilité, son application.

Même chose pour moi. J'ai trouvé cette définition mais je pense que ceci mérite de plus amples explications :icon_up:

«La praxéologie traite de l'action humaine en tant que telle, d'une façon universelle et générale. Elle ne traite ni des conditions particulières de l'environnement dans lequel l’homme agit ni du contenu concret des évaluations qui dirigent ses actions. Pour la praxéologie, les données sont les caractéristiques psychologiques et physiques des hommes agissants, leurs désirs et leurs jugements de valeur, et les théories, doctrines, et idéologies qu’ils développent pour s’adapter de façon intentionnelle aux conditions de leur environnement et atteindre ainsi les fins qu'ils visent. » (Ludwig von Mises, L'Action humaine, 1949)

Posté
Juste une remarque au passage sur le rapport entre irrationnel / rationnel et passions ou émotions/ raison dans le domaine de l'activité pratique. La science politique classique (Aristote) subordonne les passions à la raison, la partie irrationnelle de l'âme à la raison (pratique et technique). Toutefois, cette partie irrationnelle ne doit pas, comme chez les stoiciens par exemple, être à proprement parler réprimée, mais polie (ou éduquée) pour soutenir l'activité rationnelle : le thumos que la vertu éduque doit être orienté pour soutenir les parties les plus élevées de l'âme. Dans la république de Platon, c'est le rôle des gardiens (thumoides) que de se comporter comme des chiens de garde, aimer leurs maitres et se montrer hostiles aux ennemis, bref de soutenir la partie rationnelle de l'âme par une activité propre conforme à la vertu.

A l'opposé, on a Hume, qui explique que la raison est l'esclave des passions, et qu'il ne peut en être autrement (c'est une conception de la raison qu'on trouve aussi chez Hobbes et Locke) : la raison a l'acception instrumentale que j'évoquais dans mon post précédent, celle de traduire au mieux les intérêts des individus dans un but de maximisation de l'utilité.

En fait, je ne vois pas pourquoi les émotions seraient moins "rationnelles" que la "raison pratique, technique". Par "passion", on entend souvent l'absence de raison, justement. Je ne vois donc pas non plus comment subordonner la passion à la raison.

Tous ces auteurs font de la psychologie finalement.

Bon la prochaine fois, je parlerai du principe de raison chez Schopenhauer (parce qu'il est très kantien, et plus bêtement parce que je suis en train de lire en ce moment "le monde comme volonté et représentation") qui étend la juridiction de la raison au domaine de l'intuition et des représentations (bref en cherchant à montrer que le domaine des intuitions pures est aussi gouverné par le principe de raison). En d'autres termes, la simple activité consciente (différente de celle réfléchie) demande aussi l'usage de la raison, même si elle n'est pas consciente d'elle-même. Bon, je dois faire la vaisselle, je m'expliquerai plus clairement un peu plus tard. :doigt:

Cela me semble plus proche du concept de raison que j'utilise.

Même chose pour moi. J'ai trouvé cette définition mais je pense que ceci mérite de plus amples explications :icon_up:

«La praxéologie traite de l'action humaine en tant que telle, d'une façon universelle et générale. Elle ne traite ni des conditions particulières de l'environnement dans lequel l’homme agit ni du contenu concret des évaluations qui dirigent ses actions. Pour la praxéologie, les données sont les caractéristiques psychologiques et physiques des hommes agissants, leurs désirs et leurs jugements de valeur, et les théories, doctrines, et idéologies qu’ils développent pour s’adapter de façon intentionnelle aux conditions de leur environnement et atteindre ainsi les fins qu'ils visent. » (Ludwig von Mises, L'Action humaine, 1949)

Définir une science par son domaine d'étude, cela peut être suffisant, mais j'imagine que la question porte aussi sur "à quoi ça sert ?".

Pour moi, avoir conscience des lois qui régissent l'action humaine, cela permet d'une part d'agir consciemment soi-même, et d'autre part de mieux comprendre les inter-actions entre les autres personnes, avec soi-même ou entre-elles.

Posté
Définir une science par son domaine d'étude, cela peut être suffisant, mais j'imagine que la question porte aussi sur "à quoi ça sert ?".

Pour moi, avoir conscience des lois qui régissent l'action humaine, cela permet d'une part d'agir consciemment soi-même, et d'autre part de mieux comprendre les inter-actions entre les autres personnes, avec soi-même ou entre-elles.

La praxéologie ne peut être une science, ou bien il faut qu'on m'indique les travaux qu'elle a produit en tant que science, les théories qu'elle a élaborée, et son utilisation concrète et pratique.

La praxéologie, selon ce que tu en dis, ressemble davantage à une philosophie de vie, un mode d'emploi de la vie en terme pratique.

Posté
En fait, je ne vois pas pourquoi les émotions seraient moins "rationnelles" que la "raison pratique, technique". Par "passion", on entend souvent l'absence de raison, justement. Je ne vois donc pas non plus comment subordonner la passion à la raison.

Tous ces auteurs font de la psychologie finalement.

Définir une science par son domaine d'étude, cela peut être suffisant, mais j'imagine que la question porte aussi sur "à quoi ça sert ?".

Pour moi, avoir conscience des lois qui régissent l'action humaine, cela permet d'une part d'agir consciemment soi-même, et d'autre part de mieux comprendre les inter-actions entre les autres personnes, avec soi-même ou entre-elles.

Quand on parle d'un geste passionné par exemple, c'est d'un geste qui n'a pas été réfléchi (on cède à l'emportement, à des passions non maîtrisées). Une action essentiellement motivée par la peur ou la colère peut nous porter à agir contre nos intérêts, même les plus immédiatement visibles (par exemple, quand on donne un coup de pied dans la porte contre laquelle on vient de se cogner). D'ailleurs, la définition classique du barbare, pour les grecs, correspond tout à fait à cette idée d'esclavage des passions (par opposition à leur maîtrise médiée par la raison), à savoir "céder à l'immédiateté de son être" pour parler comme Rémi Brague.

On peut voir dans ces séparations de la psychologie (après tout, la division entre pyschologie, sociologie, histoire etc ne sont que des divisions modernes qui n'existent pas dans la philosophie socrato-platonicienne), sans que cela ne résume l'ensemble de la science politique classique.

En ce sens, les passions n'ont pas simplement une définition négative, mais influent (ici pour le pire) sur l'usage de la raison.

Posté
La praxéologie ne peut être une science, ou bien il faut qu'on m'indique les travaux qu'elle a produit en tant que science, les théories qu'elle a élaborée, et son utilisation concrète et pratique.

Les sciences fondamentales n'ont pas d'utilisation concrète et pratique per se. Elles doivent être appliquées.

La praxéologie, selon ce que tu en dis, ressemble davantage à une philosophie de vie, un mode d'emploi de la vie en terme pratique.

En effet, l'application d'un savoir qui concerne l'action humaine (vu que je suis moi-même un humain) va se faire dans le cadre de sa propre vie. C'est très pratique, très concret, au jour le jour.

Posté

La séparation stricte raison/passion est un grand classique de la pensée occidentale… Les passions sont considérés comme des "forces" qui soumettent l'homme… Ca me parait plutôt incompatible avec une conception libérale de l'homme, agent rationnel.

Les émotions sont pour moi au contraire un puissant outil rationnel.

Exemple

Entre sauver une personne et cinq personne? Cinq personne évidemment.

Tuer un jeune homme pour sauver 5 personnes? La réponse est non, alors que le rapport mathématique est identique.

Qu'est ce qui a changé? L'émotion. On voit donc qu'elle est très utile pour les décisions rationnelles.

Posté

Drôle d'exemple.

Le choix ne parait pas si évident s'il s'agit de sauver une personne qu'on connait plutôt que cinq inconnus. Tuer une personne agée pour en sauver 5 autres.

Est-ce que cela en fait des décisions non rationnelles ?

Posté
Je ne comprends vraiment pas ces exemples…

Entre outre, le choix ne parait pas si évident s'il s'agit de sauver une personne qu'on connait plutôt que cinq inconnus. Tuer une personne agée pour en sauver 5 autres.

Une personne que tu connais? Donc avec laquelle tu as un lien émotionnel? Cela va dans le sens d'une profonde influence de l'émotion dans la décision rationnelle.

Quant à tuer un vieux… C'est profondément antilibéral! Sacrifier un individu pour la collectivité…

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