saveanthony Posté 9 octobre 2009 Signaler Posté 9 octobre 2009 Anthony Mungin a été condamné à mort en Floride en 1993, à l’âge de 24 ans. Il n’a jamais cessé de maintenir son innocence. Au cours de son combat depuis ces seize dernières années, il a correspondu avec des gens du monde entier, dont un grand nombre de jeunes gens de toutes conditions sociales. Il a également mis son temps au profit d’une institution spécialisée de Floride pour tenter de ramener dans le droit chemin des adolescents en déroute. À l’occasion de la journée internationale de la peine de mort, il nous livre ses réflexions sur celle-ci et exprime son opinion sur des moyens alternatifs qui pourraient permettre d’aider à résoudre la délinquance juvénile. Emmanuelle Purdon - Anthony, vous travaillez avec la Victoria’s Higher Learning Academy, qui a attesté du changement positif que vous êtes parvenu à provoquer chez les jeunes en déroute dont ils ont la charge, et la source d’inspiration que vous êtes pour eux. Pouvez-vous nous parler de ce qui vous a amené à agir de la sorte ? Anthony Mungin - Autant vous le dire tout de suite: je n’ai pas de formation académique qui m’ait dit comment faire pour aider des jeunes en détresse. Mon intérêt pour eux vient des problèmes personnels que j’ai pu expérimenter moi-même dans ma jeunesse, et qui m’ont conduit depuis à opérer une transformation personnelle radicale, depuis que je suis incarcéré dans le couloir de la mort. En fait, j’ai reçu de nombreuses lettres de jeunes gens d’horizons variés tout au long de mon combat pour prouver mon innocence. Au début, j’étais réticent à leur répondre, cette réticence venant principalement de mon apitoiement sur mon propre sort, et d’un manque d’estime de moi. Je me disais: “Je n’ai pas le temps pour cela. J’ai déjà assez de problèmes ainsi, et je n’ai de toute façon pas les qualités nécessaires pour faire la moindre différence”. Toutefois, la façon dont ces jeunes se présentaient à moi dans leurs lettres personnelles, ainsi que leur attitude sans jugement à mon égard et leur message de compassion pour l’injustice que j’ai subie, m’a progressivement conduit à modifier mon comportement. J’ai fini par me dire que je pourrais sans doute utiliser les leçons tirées de ma propre expérience pour aider les autres à ne pas commettre les mêmes erreurs. C’est précisément ce que j’ai commencé à faire avec les jeunes gens qui correspondaient avec moi, et ce après qu’ils aient, bien entendu, obtenu l’accord de leurs parents. EP. Comment se fait-il que des jeunes gens se soient mis à vous écrire ainsi ? Quand j’ai commencé à correspondre avec le monde libre et tenter de trouver un soutien dans mon combat pour la justice, je pensais que ce serait des adultes qui m’écriraient. Mais, j’ai été impressionné par le nombre de jeunes gens qui m’ont écrit pour me dire qu’ils m’écoutaient et me portaient leur sympathie. En retour, je me suis moi-même intéressé à eux, et nous sommes progressivement devenus amis, en dépit de la différence d’âge. Ils se sont bientôt mis à se confier à moi. Certains viennent de pays dans lesquels je ne suis jamais allé, et dont je ne peux même pas prononcer le nom. Néanmoins, leurs expériences de jeunes (être confrontés à une multitude de choix, la pression qu’ils subissent de leurs semblables, le besoin de se rendre acceptables aux yeux de leur environnement et qui les pousse souvent à faire n’importe quoi), me rappelaient à bien des égards, ma propre jeunesse. Ils peuvent êtres facilement influencés, et cela est une arme à double tranchant, qui peut jouer pour ou contre eux. Ma démarche à leur égard a été de ne pas user d’ « autorité », mais plutôt de leur donner des conseils positifs, en tentant toujours de les encourager. Le fait de ne pas porter de jugement à leur égard, les a poussés à me faire confiance, comme moi-même j’ai d’ailleurs appris à leur accorder la mienne. Une des choses auxquelles ils répondent toujours positivement est : « Ne crois pas que le fait de corriger tes opinions soit une volonté quelconque d’autrui de changer qui tu es ». EP. Parlons des jeunes dont vous vous occupez à la Victoria's Higher Learning Academy. Voilà des enfants qui viennent de ghettos et qui ont été rejetés d’autres écoles ayant fini par baisser les bras. Certains pourraient penser qu’ils sont simplement de « mauvaises graines » qui deviendront inéluctablement les délinquants de demain ? AM Vous pouvez prendre un enfant de race blanche de 5 ans et le mettre dans un ghetto, je vous assure que dix ans plus tard, il agira simplement comme n’importe quel autre enfant du ghetto. De mon point de vue, les gens deviennent un produit de leur environnement. On ne peut pas s’attendre à ce que des gens pauvres faisant l’objet de discrimination, puissent agir comme une famille avec de hauts revenus. Ces gens sont pauvres parce que les gouvernements ne se sont pas comportés de manière juste avec eux. Ils doivent se battre pour survivre, joindre les deux bouts, parfois en cumulant les petits boulots, parfois en devenant trafiquants, quitte à faire un vrai pari sur leur liberté. La plupart des parents, à mon avis, se soucie de leurs enfants, mais cela leur est parfois difficile lorsqu’ils doivent cumuler deux ou trois boulots à la fois pour payer leur loyer. Dans ce contexte, la télé, Internet, et la vie des rues prennent une grande importance dans l’éducation de ces enfants. Et une fois que l’on commence à adopter une certaine mentalité, cela devient difficile, ensuite, de s’en débarrasser. EP. Etes vous en train de suggérer que l’on doit se contenter de blâmer les politiques gouvernementales et devenir plus tolérant vis à vis des jeunes qui quittent l’école et tombent dans la délinquance ? AM. Les adolescents sont exactement ce qu’ils sont : des adolescents ! Ils n’ont pas atteint une maturité mentale, spirituelle ou émotionnelle. Est-ce que je dis que les adolescents ne devraient pas supporter les conséquences de leurs actions ? Non. Il est normal de leur infliger une punition s’ils le méritent. Mais vraiment, condamner un adolescent à la même peine que celle dont on punirait un adulte, relève à mon sens d’ un abus administratif de pouvoir, du mépris de procureurs un peu trop zélés, et de l’aveuglement d’une justice sans cœur. EP. Quelle est selon vous la solution, alors ? Si vous avez un arbre malade, qui produit des fruits pourris, cela ne fait pas de sens de couper la branche pour résoudre les problèmes. De même, si je devais rencontrer face à face l’un de ces enfants des ghettos, et que je devais le faire asseoir et pousser une pile de livres à étudier devant lui, il me regarderait sans doute comme si j’avais perdu l’esprit. Exemple : J’ai fait un travail d’accompagnement avec l’un de mes voisins (du couloir de la mort – ndlr) depuis cinq ou six mois. Il est Porto Ricain. C’est un type plein de haine, qui a l’habitude de dire les choses les plus folles que vous ne pourriez jamais imaginer. Il a trente-neuf ans. Lorsqu’il m’a parlé de la manière dont il a été élevé, il m’a presque fait pleurer. Je me sentais vraiment touché par son histoire, et je me suis vite rendu compte à quel point ce type n’avait jamais eu la moindre opportunité de mener une vie décente. Lorsqu’il avait cinq ans, son oncle lui payait un dollar pour lui rouler des joints, et à l’âge de huit ans, il était déjà en possession d’un pistolet. Lorsqu’un autre enfant le battait et qu’il revenait en pleurant chez lui, ses parents se mettaient à le battre à leur tour parce qu’ils ne voulaient pas le voir pleurer. Entre son enfance et son adolescence, le monde dans lequel il a vécu était la violence, la drogue, les malfrats. Il a grandi dans l’idée que cette vie-là était normale. La première fois que je lui ai parlé, je suis devenu fou de rage à cause de la manière dont il s’adressait à moi, jusqu’à ce que je le remettre à sa place. Lorsqu’on a commencé à discuter, et que je lui ai posé des questions précises, j’ai réalisé à quel point il ne connaissait pas de manière décente pour s’adresser aux autres. En fait, il ne faisait aucune différence entre le bien et le mal. Peu à peu, ma rage s’est transformée en sympathie et je me suis mis à essayer de l’aider. Il faut lui faire comprendre que ses parents ont eu tort, sans l’offenser. Parfois, il reste plusieurs jours silencieux, et puis il me dit : « Mungin, j’ai réfléchi à ce que tu m’as dit et tu sais quoi, tu as raison ». Peu à peu, je vois bien qu’il est en train d’évoluer. Chaque livre que je lis, je lui donne ensuite. Et quand il a fini, on discute du livre. J’essaie de l’aider à modifier sa mentalité. Voilà ce que les gens devront faire avec les délinquants juvéniles.Les étudiant de la Victoria's Academy ont été exclus des écoles traditionnelles parce que les professeurs ne savent pas atteindre leur cœur. Ce ne sont pas les monstres que l’on pense. Ce sont des enfants qui ont un bon cœur, ils sont simplement perdus. EP. Ils semblent vous toucher. La Victoria's Higher Learning Academy a dit que vous avez un talent particulier pour retenir leur attention, grâce aux lettres et aux poèmes que vous leur écrivez. Pensez-vous que vous pourriez aider davantage la société ? AM- Ces enfants me touchent. Mon cœur va vers ces jeunes parce que je peux me voir en eux. Et je souhaite les aider parce que suis confiant dans le fait de pouvoir y arriver. C’est ce que j’aimerais faire de ma vie. Je peux aider ces jeunes à comprendre comment de mauvaises décisions peuvent les mener sur le chemin de la prison. Je sais que je peux les influencer et les encourager à faire de meilleurs choix et à poursuivre leur éducation. Je peux utiliser mes erreurs passées comme exemple. Je peux les aider à croire davantage en eux-mêmes et poursuivre des carrières légitimes. Je peux le faire parce que je peux m’identifier à ces jeunes en difficulté : J’ai été un jour comme eux. Peut-être qu’un jour, je pourrai persuader des organisations créées pour aider ces jeunes en difficulté, à me donner une chance de travailler avec eux et de parler avec ces enfants. Ils verront comment il serait possible d’obtenir des résultats. EP Que pensez-vous d’un système de justice autorisant la peine de mort pour les mineurs ? AM Condamner des mineurs à la peine de mort et les exécuter ensuite est un acte d’une barbarie extrême. Il est courant de voir les choses de manière absolue et superficielle lorsque l’on est jeune, il n’y a vraiment que le temps qui puisse nous enseigner la folie de nos perceptions. Quiconque lisant cet article ne pourra dire en toute honnêteté qu’il aurait commis les erreurs de sa jeunesse s’il avait possédé, à l’époque, la connaissance, la sagesse, et la maturité qu’il a maintenant. Parler aux enfants, encourager les enfants, et accompagner l’enseignement des enfants. Si je peux le faire avec quelques-uns, d’ici, du fin fond du couloir de la mort, songez donc à ce que pourraient accomplir d’autres, qui sont dans une position tellement plus enviable que la mienne? Condamner des enfants à la peine de mort et les exécuter des années plus tard ne fait qu’aller à l’encontre de l’objectif de toute loi : éviter le meurtre d’un être humain. Anthony Mungin 288322, Union Correctional Institution P5228S, 7819 NW 228th street, 32026 – 4450 Raiford, Florida, USA www.save-anthony.com contact@save-anthony.com http://saveanthony.wordpress.com
Nirvana Posté 9 octobre 2009 Signaler Posté 9 octobre 2009 Quand on parle de ça, c'est toujours pour des innocents (si possible victimes de racisme). Que fait-on des vrais coupables ? On a le droit de les tuer ?
Lancelot Posté 9 octobre 2009 Signaler Posté 9 octobre 2009 Il n'y a pas d'argument pour ou contre la peine de mort là dedans… Le sujet à été abordé récemment ici.
Glockinette Posté 9 octobre 2009 Signaler Posté 9 octobre 2009 Quand on parle de ça, c'est toujours pour des innocents (si possible victimes de racisme). Que fait-on des vrais coupables ? On a le droit de les tuer ? Exactement. Chacun a son avis là-dessus, mais je pense que dans certains cas, la peine de mort se justifie. e.g.: Fofana (de l'affaire Halimi), pour prendre un exemple concret et connu.
Randian shithead Posté 10 octobre 2009 Signaler Posté 10 octobre 2009 Exactement. Chacun a son avis là-dessus, mais je pense que dans certains cas, la peine de mort se justifie. e.g.: Fofana (de l'affaire Halimi), pour prendre un exemple concret et connu. Glockinette, je vous en prie, je sais que vous pouvez faire mieux que de reprendre cet éternel phrase-réflexe qui sort si régulièrement quand on parle de peine de mort. "Je pense que c'est parfois juste car [insérez un cas chargé en émotion ici]." La gravité de cas judiciaires particuliers n'est pas un argument pour la peine de mort, dont la finalité n'est pas de satisfaire la soif de sang des foules en colère.
Glockinette Posté 10 octobre 2009 Signaler Posté 10 octobre 2009 Glockinette, je vous en prie, je sais que vous pouvez faire mieux que de reprendre cet éternel phrase-réflexe qui sort si régulièrement quand on parle de peine de mort."Je pense que c'est parfois juste car [insérez un cas chargé en émotion ici]." Désolée mon cher Randian Shithead, c'est pourtant bel et bien mon avis sur la question… La peine de mort me parait justifiée dans certains cas particulièrement "gores"; l'affaire Fofana n'est pas uniquement un cas chargé en émotion, c'est aussi un exemple de barbarie pure et simple.
Ash Posté 10 octobre 2009 Signaler Posté 10 octobre 2009 Un cas particulièrement gore, ça signifie un cas particulièrement médiatisé et/ou émotif.
Barem Posté 10 octobre 2009 Signaler Posté 10 octobre 2009 Il n'y a pas d'argument pour ou contre la peine de mort là dedans…Le sujet à été abordé récemment ici. +1
Glockinette Posté 11 octobre 2009 Signaler Posté 11 octobre 2009 Un cas particulièrement gore, ça signifie un cas particulièrement médiatisé et/ou émotif. Les deux sont souvent liés en effet, et c'est plutôt logique, non?
Ash Posté 11 octobre 2009 Signaler Posté 11 octobre 2009 Oui, on appelle ça succomber au sentimentalisme.
Randian shithead Posté 12 octobre 2009 Signaler Posté 12 octobre 2009 Disons qu'en droit, fort heureusement, la peine n'est pas et n'a pas à être proportionnelle au dégoût qu'inspire le crime.
Glockinette Posté 12 octobre 2009 Signaler Posté 12 octobre 2009 Oui, on appelle ça succomber au sentimentalisme. Appellez ça comme vous voulez, Ash. Si pour vous, penser qu'un monstre du calibre d'un Youssouf Fofana (pour prendre un exemple connu de tous) mérite la peine de mort, c'est forcément succomber au sentimentalisme, alors soit… Que voulez-vous, nul n'est parfait, après tout.
Nirvana Posté 12 octobre 2009 Signaler Posté 12 octobre 2009 Je n'ai pas spécialement d'opinion sur la question. C'est une question délicate qu'on ne peut pas trancher à la légère. D'une manière générale, je n'aime pas voir un individu seul à la merci d'une foule, ou d'un bourreau quoi qu'il ait fait et peu importe son identité. Si je devais accepter la peine de mort, je voudrais que le condamné soit armé et ait le droit de se défendre.
Ash Posté 12 octobre 2009 Signaler Posté 12 octobre 2009 Oui on faisait ça à l'époque. Ca s'appelle un combat d'arène. La nouveauté ce sera les caméras et pourquoi pas un présentateur aussi. Je propose Hondelatte. Juste après son émission si c'est possible. Appellez ça comme vous voulez, Ash. Si pour vous, penser qu'un monstre du calibre d'un Youssouf Fofana (pour prendre un exemple connu de tous) mérite la peine de mort, c'est forcément succomber au sentimentalisme, alors soit… Que voulez-vous, nul n'est parfait, après tout. Bien sur que c'est du sentimentalisme. D'ailleurs pour Fofana il y eu un consensus pour dire qu'il n'a pas eu assez de prison. Juste comme ça, parce qu'il fallait marquer le coup.
Fenster Posté 12 octobre 2009 Signaler Posté 12 octobre 2009 Moi y'a un truc qui me gêne avec la peine de mort c'est qu'on peut pas différencier la peine concernant un criminel qui a tué une personne d'un autre qui en a tué plusieurs.
Nirvana Posté 12 octobre 2009 Signaler Posté 12 octobre 2009 "On tue un homme, on est un assassin. On tue des millions d'hommes, on est un conquérant. On les tue tous, on est Dieu."
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