Aurel Posted March 16, 2010 Report Posted March 16, 2010 Tout s'arrange. La banque britannique Northern Rock vient de renouer avec les profits ; le club des milliardaires (en dollars) s'est enrichi de 218 membres en 2009 et les banques françaises ont distribué cette semaine 2 milliards d'euros de bonus à leurs 7 500 traders méritants. Quant aux dirigeants politiques européens, ils s'en prennent à la spéculation internationale et aux hedge funds anglo-saxons. Comme au bon vieux temps des attaques contre le franc et le SME, il y a plus de quinze ans. Les éditorialistes les plus illustres, tel Franz-Olivier Giesbert, renchérissent. Dans un éditorial du Point du 4 mars, FOG évoque " une mafia d' hedge funds, de spéculateurs et de forbans de basses eaux", avec "à leur tête, un affairiste de la pire espèce, George Soros, qui, depuis des lustres, s'enrichit du malheur des autres en réussissant à passer auprès des simplets des médias pour un philanthrope ou un bienfaiteur de l'humanité". Cela aussi, ça fait remonter quelques souvenirs. Ceux de la crise asiatique, à la fin des années 1990, quand le premier ministre malaisien Mohamad Mahathir, furieux de la chute du ringgit, avait dénoncé "le complot juif new-yorkais" ourdi par M. Soros, à qui il avait promis le sort des "vers qui se tortillent sous un soleil brûlant". Ceux aussi, plus récents, des campagnes présidentielles américaines, quand M. Soros - anti-Bush primaire et généreux financier du Parti démocrate -, était accusé par les républicains d'être financé par les cartels de la drogue. A force de côtoyer les hommes politiques et d'écrire sur la vie des présidents de la République française, peut-être a-t-on tendance à voir des complots, des coups tordus, des "affairistes" et des "forbans" partout. A se laisser aller, aussi, à un peu de démagogie. Car on est sûr d'émouvoir dans les chaumières en affirmant que des financiers américains plus ou moins véreux veulent détruire notre monnaie. Le problème est que ce sont les mêmes financiers américains véreux qui, pendant dix ans, avaient acheté de l'euro en telles quantités qu'il en était devenu hors de prix. Donc, quand un gestionnaire acquiert de la monnaie unique ou la dette d'un Etat de la zone euro, c'est un investisseur avisé. Quand il en vend, il devient un spéculateur voyou. C'est pourtant simple. Pour calmer la colère de la rue face aux mesures d'austérité, M. Papandréou dénonce aujourd'hui l'action de ces hedge funds qui ont propulsé les rendements des emprunts d'Etat grecs au-dessus de 6 %. C'est curieux, mais on n'a pas le souvenir d'un seul dirigeant, à Athènes, se plaignant des spéculateurs qui, durant des années, ont joué "la stratégie de la convergence", permettant aux taux grecs de fondre comme un glaçon dans un verre d'ouzo. Si les investisseurs spéculateurs réduisent aujourd'hui la part d'euros dans leurs portefeuilles, c'est probablement moins par idéologie que par simple application du principe de précaution. Il n'est pas besoin d'être anti-euro pour constater que l'Union monétaire européenne connaît des moments difficiles. Il suffit juste de voir la couverture du magazine allemand Focus avec la Vénus de Milo faisant un doigt d'honneur, où d'écouter des députés du Bundestag conseiller à Athènes de vendre quelques-unes des Cyclades pour se désendetter. Jusqu'à preuve du contraire, ce n'est pas non plus M. Soros qui a truqué les comptes publics grecs, mais les gouvernements successifs à Athènes, avec la bienveillance complice des autres pays de la zone. On se demande d'ailleurs pour quelles raisons mystérieuses aucun dirigeant politique européen ne songe à engager des poursuites judiciaires contre les anciens ministres des finances grecs et les responsables d'Eurostat. Pour mémoire, Jeffrey Skilling, le PDG d'Enron, ce courtier en énergie qui fit faillite après avoir pendant des années présenté de faux bilans aux investisseurs, a écopé de vingt-quatre années de prison. George Soros, donc, qui bien sûr agace avec ses pirouettes incessantes, sa façon de critiquer le pouvoir excessif des marchés tout en en tirant pour lui-même le plus grand profit. Mais voilà : avec ses milliards de dollars honteusement mais légalement gagnés, il a soutenu, en Europe centrale, les dissidents politiques, permis aux habitants assiégés de Sarajevo de disposer d'eau potable, financé des universités en Hongrie, des bibliothèques en Pologne, des chercheurs, des journaux indépendants, aidé à la démocratisation en douceur dans toute la région en y favorisant la formation d'élites. Quant à ses fondations, elles continuent, un peu partout dans le monde, à se battre pour la liberté d'expression et le droit des minorités - son Open Society Institute a, par exemple, financé cette étude de deux chercheurs du CNRS démontrant la réalité des contrôles policiers au faciès dans notre belle France. FOG a bien raison, ce Soros est un "affairiste de la pire espèce", et il n'y a que "les simplets des médias" pour penser le contraire. Pour terminer cette chronique sur une note moins grincheuse, citons… une lettre du bon Karl Marx, décrivant à son oncle son expérience de spéculateur. "Comme cette pénible maladie (une furonculose) me gênait beaucoup dans mon travail, je spécule (…) en partie sur des bons du Trésor américains, mais surtout des actions anglaises qui, cette année, poussent comme des champignons, que l'on fait grimper de façon inconsidérée et qui, ensuite, la plupart du temps, font la culbute. J'ai gagné de cette façon 400 livres. Ce genre d'opération ne prend pas beaucoup de temps et cela vaut la peine de prendre quelques risques pour soutirer de l'argent à ses ennemis." Au fond, Soros-Marx, même combat ! Lien
Ash Posted March 16, 2010 Report Posted March 16, 2010 Tout s'arrange. La banque britannique Northern Rock vient de renouer avec les profits ; le club des milliardaires (en dollars) s'est enrichi de 218 membres en 2009 et les banques françaises ont distribué cette semaine 2 milliards d'euros de bonus à leurs 7 500 traders méritants. La crise est derrière nous ? Ravi de l'apprendre. Cela aussi, ça fait remonter quelques souvenirs. Ceux de la crise asiatique, à la fin des années 1990, quand le premier ministre malaisien Mohamad Mahathir, furieux de la chute du ringgit, avait dénoncé "le complot juif new-yorkais" ourdi par M. Soros, à qui il avait promis le sort des "vers qui se tortillent sous un soleil brûlant". Anecdote non significative histoire de suggérer que derrière les anti-Soros se cache peut-être un certain antisémitisme. Les ficelles sont toujours aussi énormes. George Soros, donc, qui bien sûr agace avec ses pirouettes incessantes, sa façon de critiquer le pouvoir excessif des marchés tout en en tirant pour lui-même le plus grand profit.Mais voilà : avec ses milliards de dollars honteusement mais légalement gagnés, il a soutenu, en Europe centrale, les dissidents politiques, permis aux habitants assiégés de Sarajevo de disposer d'eau potable, financé des universités en Hongrie, des bibliothèques en Pologne, des chercheurs, des journaux indépendants, aidé à la démocratisation en douceur dans toute la région en y favorisant la formation d'élites. Quant à ses fondations, elles continuent, un peu partout dans le monde, à se battre pour la liberté d'expression et le droit des minorités - son Open Society Institute a, par exemple, financé cette étude de deux chercheurs du CNRS démontrant la réalité des contrôles policiers au faciès dans notre belle France. FOG a bien raison, ce Soros est un "affairiste de la pire espèce", et il n'y a que "les simplets des médias" pour penser le contraire. Les crapules ont pour coutume de s'acheter une respectabilité. M. Delhommais veut contredire FOG mais passe pour un simplet des médias. Quand Georges Soros explique publiquement qu'il ne faut pas acheter de l'or (devenu une bulle) et qu'il le fait en douce, comment on appelle ça ? Un winner ? Et ce qu'il a fait à la livre sterling, c'était bien joué aussi ? Enfin devinez qui est l'auteur de cette recommandation coïncidant avec l'idée d'un nouvel impôt européen : "unless the European Commission is given sweeping powers over taxation and spending, the single currency will always be vulnerable to financial turbulence in individual states. If member countries cannot take the next steps forward, the euro may fall apart" Si les libéraux commencent à défendre ce type, on est vraiment en dessous de tout.
Aurel Posted March 16, 2010 Author Report Posted March 16, 2010 La crise est derrière nous ? Ravi de l'apprendre. J'ai pris ça pour de l'ironie. Anecdote non significative histoire de suggérer que derrière les anti-Soros se cache peut-être un certain antisémitisme. Les ficelles sont toujours aussi énormes. Pourtant, l'anti-financiarisation et l'antisémitisme sont historiquement liés. Certes, on ne parle plus de la pieuvre Rotschild, mais on a évoqué les juifs de Goldman Sachs qui avaient eu la peau des protestants de Lehman (protestants qui ont, comme on le découvre, truqué leur bilan dans des proportions proches d'Enron). Les crapules ont pour coutume de s'acheter une respectabilité. M. Delhommais veut contredire FOG mais passe pour un simplet des médias.Quand Georges Soros explique publiquement qu'il ne faut pas acheter de l'or (devenu une bulle) et qu'il le fait en douce, comment on appelle ça ? Un winner ? Et ce qu'il a fait à la livre sterling, c'était bien joué aussi ? Soros a bien joué avec la livre, c'est un fait. L'économie anglaise a plutôt bien vécu pendant les 15 ans qui ont suivi. Enfin devinez qui est l'auteur de cette recommandation coïncidant avec l'idée d'un nouvel impôt européen : Là, un point pour toi. Si les libéraux commencent à défendre ce type, on est vraiment en dessous de tout. D'abord, nous sommes en dessous de tout, dans l'opinion des Français je veux dire. Mais il se trouve que je suis en accord avec la plupart de ses textes. Il n'est pas kasher sur tous les points (plus que Jacques Marseilles toutefois), c'est tout de même un allié de poids. Je ne vois aucune raison de s'en priver, ce qui n'interdit pas de ne pas partager tout ce qu'il dit. Au moins n'hésite-t-il pas à s'attaquer à des tabous comme celui des banques centrales, de l'efficience des marchés, etc.
Hidalgo Posted March 16, 2010 Report Posted March 16, 2010 D'abord, nous sommes en dessous de tout, dans l'opinion des Français je veux dire. Ce qui passe par la réhabilitation de la spéculation, dont très peu de personnes ont un avis favorable.
Aurel Posted March 16, 2010 Author Report Posted March 16, 2010 Pas plus que la concurrence, est-ce une raison pour l'ignorer complètement ? Pierre-Antoine Delhommais aborde des sujets épineux sous un angle original et vivant. Il est savoureux à lire, sa citation de Marx est juste jouissive. Surtout dans le Monde.
Ventura Posted March 16, 2010 Report Posted March 16, 2010 Il faut bien reconnaitre que Georges Soros, tout philantrope qu'il est, a quelque chose d'un peu decevant dans son attitude 'faites ce que je dis pas ce que je fais'. A mon avis une des origines principales de cette crise est la corruption des parlementaires americains qui est alle trop loin trop longtemps. Trop d'interets croises, trop de dependances entre politique et finance … dans un sens on peut dire que les politiques sont les premiers responsables de la crise car ils ont accepte de se laisser corrompre a un degre excessif. Mais comme la corruption est indissociable de la prise de pouvoir, la frontiere entre 'raisonnable' et 'excessif' est bien floue …
Aurel Posted March 16, 2010 Author Report Posted March 16, 2010 Un bon philanthrope a d'abord assuré sa fortune avant de la distribuer généreusement. Je ne sais pas quand Soros a dit quoi, et dans quel contexte. Je constate qu'il a les moyens de sa philanthropie, et qu'il n'a braqué personne pour les obtenir par la coercition. Ses goûts, ses choix ne sont peut-être pas les vôtres. Faites fortune et agissez à votre guise. En attendant, je vois là un cas de figure intéressant, même si je ne partage pas ses opinions et ses vues.
Ventura Posted March 16, 2010 Report Posted March 16, 2010 Un bon philanthrope a d'abord assuré sa fortune avant de la distribuer généreusement. Je ne sais pas quand Soros a dit quoi, et dans quel contexte. Je constate qu'il a les moyens de sa philanthropie, et qu'il n'a braqué personne pour les obtenir par la coercition. Ses goûts, ses choix ne sont peut-être pas les vôtres. Faites fortune et agissez à votre guise. En attendant, je vois là un cas de figure intéressant, même si je ne partage pas ses opinions et ses vues. J'ai une certaine admiration pour cet homme donc j'en parle sans complexe. Apres les voleurs de pommes peuvent toujours invoquer le fait que si le vol n'avait pas ete possible, il ne l'aurait pas commis -> donc ce n'est pas lui le responsable du vol … a partir du moment ou Soros prend la parole en public pour faire de la politique voire un peu de morale, il est tout a fait normal que l'on ait un droit de critique sur son discours en mettant dans la balance son oeuvre. Le systeme est pervers et meme si Soros agit dans la legalite il n'en reste pas moins que ce qu'il fait s'inscrit dans le cadre d'un systeme financier pervers pour les raisons que j'ai invoque: la collusion et la corruption excessive du systeme politique americain.
Aurel Posted March 16, 2010 Author Report Posted March 16, 2010 En soutenant Obama, il met un pied dans la politique. C'est le propre de la politique américaine de dépendre de ses généreux donateurs…et de leurs idées. Mais l'argent que Soros a gagné n'a pas été volé, il n'a pas violé les droits naturels d'autrui. Voler une pomme sur un terrain qui ne vous appartient pas, c'est du vol. Surfer sur des tendances lourdes de marché, c'est tout à fait légitime.
Ventura Posted March 16, 2010 Report Posted March 16, 2010 En soutenant Obama, il met un pied dans la politique. C'est le propre de la politique américaine de dépendre de ses généreux donateurs…et de leurs idées. Mais l'argent que Soros a gagné n'a pas été volé, il n'a pas violé les droits naturels d'autrui. Voler une pomme sur un terrain qui ne vous appartient pas, c'est du vol. Surfer sur des tendances lourdes de marché, c'est tout à fait légitime. D'accord avec toi, mais j'aurais plutot utilise legal que legitime, meme si en se definissant uniquement en pur acteur de la finance, le terme legitime convient. Es-tu d'accord pour dire qu'il y a trop grande collusion entre politique et finance aux USA ?
Aurel Posted March 16, 2010 Author Report Posted March 16, 2010 Oui, je suis d'accord sur ce point. Mais je pense que c'est davantage Goldman Sachs qui a depuis des générations un pied dans la place, que Soros. Le lobbying financier est très fort, c'est un fait. Mais ces relations ambigues entre le pouvoir et la finance, dont l'une des premières missions est de financer le premier, dates de la naissance de la finance. D'ailleurs, ce n'est pas un hasard si une famille de brigands de grand chemin, les Medicis, sont devenus banquiers…puis ont pris le pouvoir à Florence.
Ventura Posted March 16, 2010 Report Posted March 16, 2010 Oui, je suis d'accord sur ce point. Mais je pense que c'est davantage Goldman Sachs qui a depuis des générations un pied dans la place, que Soros. Le lobbying financier est très fort, c'est un fait. Mais ces relations ambigues entre le pouvoir et la finance, dont l'une des premières missions est de financer le premier, dates de la naissance de la finance. D'ailleurs, ce n'est pas un hasard si une famille de brigands de grand chemin, les Medicis, sont devenus banquiers…puis ont pris le pouvoir à Florence. On est d'accord sur le constat, tu vois boubou c'est pas un monstre En guise de conclusion personnelle je dirais que, pour ces histoires de collusions comme pour d'autres, il existe des frontieres invisibles dont on sait qu'elles ont ete franchies qu'a posteriori, en mesurant les consequences de type 'effet avalanche' ou 'effet catastrophe'. Meme si ces frontieres sont invisibles, elles existent, elles engendrent un effet de seuil. La collusion a ete trop loin trop longtemps, engendrant des exces de type catastrophe, et le devoir des politiques est de mettre fin a ces derives s'ils en ont encore le pouvoir, et s'ils ne l'ont plus ils perdent tout simplement leur legitimite a gouverner -> guerre civile.
Aurel Posted March 16, 2010 Author Report Posted March 16, 2010 La collusion a ete trop loin trop longtemps, engendrant des exces de type catastrophe, et le devoir des politiques est de mettre fin a ces derives s'ils en ont encore le pouvoir, et s'ils ne l'ont plus ils perdent tout simplement leur legitimite a gouverner -> guerre civile. Je crois surtout que les politiques veulent sauver leur peau en accusant leur prestataire de tous les maux. Dans l'ensemble, la finance ne fait que fournir aux gouvernements les moyens de leurs gabegies lorsque les impôts ne suffisent plus. Ce n'est pas elle qui a le pouvoir, mais elle tente d'en vivre comme toutes les entreprises qui passent contrat avec l'Etat (qui leur reprend bien en impôts et charges diverses). Heureusement, elle a aussi d'autres clients plus honnêtes.
Lameador Posted March 16, 2010 Report Posted March 16, 2010 Ce qui passe par la réhabilitation de la spéculation, dont très peu de personnes ont un avis favorable. La spéculation vend (ou achète) du risque, et permet à ceux qui n'aiment pas le risque de le transférer contre paiement à ceux qui l'acceptent. En France, l'état du Bisounoursland assure souvent ce service "gratuitement". Gratuitement, en le faisant payer par les contribuables ou par ceux qui ont fait l'effort de s'en prémunir, mais chut, c'est un secret. C'est le DROIT A tranférer ses emmerdes sur la collectivité qui cause cette haine de la spéculation. Haine volontiers renforcée par la propagande étatiste.
Ash Posted March 16, 2010 Report Posted March 16, 2010 Personne ne parle d'interdire toute forme de spéculation.
Guest jabial Posted March 16, 2010 Report Posted March 16, 2010 Personne ne parle d'interdire toute forme de spéculation. Seulement d'interdire celles dont ils ne sont pas capables de comprendre les tenants et les aboutissants NB : pour les communiste, ça veut dire effectivement toute forme de spéculation.
Chitah Posted March 16, 2010 Report Posted March 16, 2010 C'est marrant la manière dont des mots somme toute assez bénins ont acquis en France une connotation négative, comme spéculation.
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