Domi Posté 13 mai 2010 Signaler Posté 13 mai 2010 Bon c'est trop long mais j'espère que cela correspondra en partie aux préoccupations de Pierre789. Nous entendons régulièrement des analyses Keynesiennes dans les médias. Me concernant, la dernière en date était une interlocutrice d'Ivan Rioufol qui lui objectait que la règle européenne limitant le déficit à 3 % du PIB était "dogmatique" et que 4/5 % serait bien préférable. La faiblesse d'un tel raisonnement me paraissait criante. Le pire est que je pourrais en dire autant de beaucoup de réflexions inspirées de la vulgate Keynesienne diffusées dans les médias. En fait, j'aurais tendance à dire que l'économie telle qu'on observe son fonctionnement ne peut pas correspondre dans bien des cas aux idées de Keynes telles qu'elles sont comprises par certains commentateurs. Cette affirmation ne repose pourtant pas sur une comprehension appronfondie des mécanismes économiques. Il me semble que c'est ce qui résulte de la simple observation. J'ai tenté ici de rationaliser cette intuition. Le point le plus important à ce stade est que les théories libérales et keynesiennes étant rigoureusement incompatibles, la réalité doit permettre de trancher nettement entre elles deux, si l'on suppose du moins qu'au moins l'une d'elle est vraie. Certes, il est possible que la comparaison de deux moyens différents susceptibles d'être utilisés pour parvenir à un objectif ( par exemple l'utilisation de deux moyens de transport pour se rendre d'un point à un autre) ne permette pas de démontrer nettement que l'utilisation de l'un des deux serait préférable. Cela ne peut être le cas des remèdes prescrits par les keynesiens et les libéraux face aux difficultés économiques puisque ces remèdes procèdent d'analyses non pas simplement différentes mais opposées de la réalité. Il en résulte que les remèdes prescrits sont tout aussi opposés. Dès lors que les théories sont autant en désaccord concernant les effets que telle cause doit produire, il est plausible que les faits permettant de trancher leur validité le feront avec une netteté particulière. Ainsi la réponse à ces questions, difficile d'un point de vue théorique, opposant des esprits brillants de chaque côté, pourraît être de l'ordre de l'évidence. Présentons rapidement ce qui oppose Keynesiens et libéraux en matière de croissance et d'emploi. La première idée des Keynesiens en matière de croissance et d'emploi est que le marché connais naturellement un déséquilibre entre l'offre et la demande, la deuxième étant insuffisante au regard de la première, ce qui provoque récessions et chômage. Les libéraux ne sont pas opposés en théorie à ce qu'une demande insuffisante soit susceptible de produire du chômage. Simplement, ils estiment qu'une économie de marché permettra justement à l'offre et à la demande d'être en équilibre grâce au mécanisme des prix. Ce n'est plus le cas lorsque des prescriptions réglementaires concernant le niveau des prix empêchent cette variable d'ajustement de faire son oeuvre. Les keynesiens vont parfois plus loin dans leur critique du fonctionnement d'une économie de marché en soulignant que les effets de l'insuffisance de la demande (chômage et récession) risquent de provoquer une nouvelle baisse de la demande entrainant ainsi l'économie dans une spirale dont seule une intervention bienfaisante de l'état pourra la faire sortir. Qu'ils conçoivent les problèmes économiques en terme plus statique ( première thèse) ou dynamique (seconde thèse), les keynesiens, puisqu'ils mettent au centre de leurs explications l'insuffisance de la demande, prescrivent un remède simple : le recours à la dépense publique en utilisant au besoin le déficit budgétaire. Les libéraux pensent à l'opposé que la croissance dépend d'une dépense publique aussi limitée que possible et ils recommandent de déréglementer le contrat de travail pour faire disparaître le chômage. Examinons maintenant si les analyses keynesiennes ainsi présentées correspondent aux faits. Analyse keynesienne statique J'ai résumé l'analyse de Keynes avec cette idée : " le marché produit un déséquilibre entre l'offre et la demande dans lequel l'insuffisance de la seconde entraîne récession (ou croissance molle) et chômage. " On peut formuler cette idée dans l'autre sens et dire : " le chômage et la croissance molle sont le produit d'un déséquilibre entre l'offre et la demande inhérente au marché." Ces deux affirmations peuvent sembler strictement synonimes mais elles sont en réalité différentes. On pourrait estimer par exemple que le marché produit systématiquement un taux de chômage élevé, mais que le chômage et la récession pourraient aussi avoir d'autres causes. A l'inverse on pourrait penser que si le chômage ou les récessions proviennent toujours des défauts du marché, ceux-ci n'apparaissent pas de manière systématique. Nous analyserons donc ces deux idées séparément. " le marché produit chômage et récession " Le meilleur moyen de répondre à cette question est d'examiner les économies qui se sont le plus approchés du modèle libéral. On peut mettre dans cette catégorie les principales économies occidentales du XIXème siècle, jusqu'à la première guerre mondiale ( Etats-unis, Angleterre, France, Allemagne, Hollande). Il est assez difficile d'évaluer les taux de chômage de l'époque. Peut-être des historiens s'y sont-ils essayé. En ce cas, je ne connais pas leurs évaluations. J'aurais tendance à comparer les taux de chômage de l'époque à ceux des pays développés qui en connaissent le moins aujourd'hui (période d'éclatement de la bulle immobilière mise à part). Je m'appuie sur le fait que les principales critiques opposées au capitalisme à l'époque concernaient avant tout la répartition des revenus dans le cadre du contrat de travail. On retrouve bien dans la littérature des exemples montrant que le chômage existait mais s'il avait connu les niveaux connus aujourd'hui, il aurait davantage été mis en avant (comme il a pu l'être à la suite de la crise de 1929). En effet, les périodes de chômage devaient être particulièrement difficiles à l'époque en l'absence de redistribution étatique des revenus (compensée en partie il est vrai par une générosité privée plus active qu'aujourd'hui). Ainsi, ce qui caractérise ces économies est un niveau de chômage comptant parmi les tranches basses des économies avec salariat. Si l'on voulait expliquer le chômage par une demande insuffisante, il faudrait reconnaître que les économies de marché sont finalement parmi les plus prôches de l'équilibre. Concernant la croissance, les choses sont moins nettes car le plus souvent les économies de l'époque connaissaient des taux de croissance équivalents à ceux des social-démocraties contemporaines à croissance molle. Néanmoins, elles n'ont pas connu de récessions généralisées équivalentes à celles que nous connaissons aujourd'hui. Il serait intéressant d'expliquer pourquoi les taux de croissance de l'époque sont moins important que ceux de la deuxième moitié du XXème siècle mais des éléments exposés dans partie suivante nous montrent qu'expliquer cela par une défaillance du marché laissé à lui-même n'est probablement pas une bonne piste. " le chômage et la récession sont les produits du marché." Cette fois-ci le raisonnement est inversé. Les taux de chômage important et les faibles taux de croissance dans les social-démocraties contemporaines sont expliqués par une insuffisance de la demande. Le problème est que l'on constate que lorsque la dépense publique, supposée pourtant être la solution, diminue, les choses s'améliorent sur le plan de la croissance et de l'emploi. Cela se constate avec une trés grande régularité, surtout en matière de croissance. Il faut donc admettre que soit l'explication du chômage par l'insuffisance de la demande dans une économie de marché, soit le remède préconisé ( le recours à la dépense publique) est erroné. Le plus simple et le plus probable est que le remède ne convient pas du fait d'une analyse fausse au départ. Conclusion : Les analyses keynesiennes ne conviennent pas dans la plupart des cas. D'une part, les économies les plus proches du modèle d'une économie de marché étaient caractérisées par un chômage assez faibles et étaient donc prôches d'un équilibre entre l'offre et la demande. D'autre part, les taux de chômage élevés et la croissance faible dans les économies développées ne s'expliquent pas par une insuffisance de la demande inhérente au marché. Les réflexes keynesiens ne correspondent pas à la réalité dans la plupart des cas. Il est néanmoins une hypothèse où je ne pourrais formuler de jugement aussi tranché en première analyse. C'est le cas des crises financières provoquant des récessions comme en 1929 et comme nous en connaissons une aujourd'hui. Le chômage et la récession ne sont-ils pas alors liés à une insuffisance de la demande ? Néanmoins, même si c'est le cas, nous constatons que cette insuffisance de la demande n'apparait pas comme un élément naturel et permanent du marché, mais comme la conséquence d'un événement de nature différente, la bulle financière. Il resterait à savoir si ces bulles proviennent des défaillances du marché ou de la réglementation. Toujours est-il que ces événements produisent de fortes récessions qui sont supposées susceptibles de s'aggraver indéfiniment. Dans ce cas, le recours à la dépense publique pour stopper le processus serait la seule solution. C'est le moment d'examiner l'analyse keynesienne dynamique. Analyse Keynesienne dynamique. Comment vérifier le rôle positif qu'aurait le recours à la dépense publique face aux grandes récessions ? Faut-il tenir compte davantage du déficit public ou de la dépense publique globale ? Faut-il comparer l'évolution de ces paramètres ( l'augmentation des dépenses publiques pendant la crise) ou plutôt leur niveau absolu ( niveau des dépenses publiques pendant la crise) ? Même la performance à examiner n'est pas évidente. Faut-il préter attention à la sortie la plus précoce de la récession ou au niveau de la chute durant une période donnée ? Apparemment des analyses empiriques ne montrent pas que le recours à la dépense publique améliore les choses. Pour ma part, je pense qu'elle ne hâte pas la sortie de la récession mais qu'elle la rend en revanche moins brutale. Ensuite, les pays dont la dépense publique est moins forte connaissent un rattrapage plus rapide. C'est surtout une impression de ma part et ne correspond pas à une analyse quantifiée. Sans pouvoir apporter de réponses définitives à ces questions je ferai plusieurs remarques : - si le marché se caractérise normalement par un équilibre entre l'offre et la demande, il est logique qu'il connaisse des mécanismes lui permettant de rétablir cet équilibre lorsqu'il a été rompu, - on suppose souvent que la grande dépression de 1929 n'aurait pu être combattue sans intervention publique. Je constate pour ma part qu'avant cela nous avions plusieurs siècles de libéralisme "sans entrave" si l'on cumule les expériences des différents pays et que s'il y eut des récessions, aucune d'elle n'a empêché une reprise par la suite. Cela ne peut s'expliquer par une faible financiarisation de l'économie car l'économie était fortement financiarisée à partir du dernier tiers du XIXème siècle (Txomin pourrait sans doute le confirmer). - de nombreux pays se sont ils me semblent sortis de récessions importantes avec une dépense publique faible et sans augmentation. On observerait de tels cas dans les récessions consécutives à l'éclatement de l'union soviétique, la crise asiatique de 1998 et quelques crises sud-américaines. En principe, de tels contre-exemples sont suffisants pour démonter une théorie. Il pourrait être cependant objecté que ces pays s'en sont sorti grâce à la politique monétaire. Il faudrait avoir des exemples de sortie de crise sans politique ni monétaire ni budgétaire keynesienne pour se prononcer.
Winsor Posté 13 mai 2010 Signaler Posté 13 mai 2010 Disons que les prix qui baissent selon une spirale infernale vient d'une conséquence directe qui est la perte de confiance dans l'avenir et dont la cause se trouve dans la non-rentabilité des investissements. Les gens ne dépensent plus non pas "parce qu'on pourra acheter moins cher demain", selon une logique spéculative, mais parce qu'ils reconstituent le capital gaspillé durant la phase d'expansion du cycle (crédit à la consommation, spéculation et financement des bulles etc.). Si l'inflation fait baisser le chômage et "libère" la croissance, c'est bien parce que d'abord, les règlementations bridaient alors la croissance. L'inflation, masquant illusoirement le faible rendement du capital, est une bombe à retardement. L'inflation cesse, et le chômage repart, mais avec plus de vigueur, à cause du gaspillage des uns et des autres. Ceux qui paient ce gaspillage, ce sont les salariés, tout ça… Tu as raison de dire que le marché crée sa propre demande (loi de Say), et donc on ne produit jamais trop, ni trop peu. S'il y a un "besoin", un signal sera envoyé aux entrepreneurs. Le problème, c'est qu'avec l'inflation on a tendance à produire trop; cela ne se voit pas tant que le prix de l'argent reste bas ou continue à baisser. C'est quand le taux revient à la normal, là on voit qu'en vérité ce n'était pas rentable du tout. Ce problème récurrent d'excès de confiance (boom) / excès de méfiance (bust), c'est un problème lié à la monnaie. Enfin ça, ce n'est plus un secret.
Jesrad Posté 13 mai 2010 Signaler Posté 13 mai 2010 Inutile d'essayer de trouver du sens dans ce qui n'en a pas
Hr77 Posté 14 mai 2010 Signaler Posté 14 mai 2010 Il faut surtout arrêter avec le spectre de la déflation. La déflation n'est pas une catastrophe. Le Japon vit une déflation depuis 15 ans, et je ne crois pas que les rues soient pleines de chomeurs et de sans-abris. La déflation peut être compétitive, la déflation peut être la conséquence logique d'un dégonflement sain d'une bulle de dettes, la déflation peut être source de destruction créatrice et donc d'innovation. Et surtout, la déflation récompense la fourmi plutôt que la cigale…
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