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Société de statuts et générations sacrifiées


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Posté

en passant sur le site de l'institut Hayek, je suis tombé sur le lien d'une interview publié dans Le Monde. Elle est très très intéressante.

Le sociologue interrogé dénonce une société figée par ses statuts protecteurs, d'autant plus chéris qu'ils sont difficiles à obtenir et reposent sur l'allégeance plutôt que sur le mérite, et n'exigent aucune contrepartie. Il remarque aussi que la classe moyenne du privé se paupérise, tandis que la classe moyenne du public vit de sa rente et que l'ascenseur social est complètement bloqué sauf curieusement pour les enfants d'agriculteurs. Les jeunes défendent le système car ils comptent bien en profiter et se gaver (dans la fonction publique, j'ajoute) comme leurs prédécesseurs, quitte à galérer 5-10 ans, plutôt que de le réformer afin qu'il soit plus juste. Il dit aussi que l'Education Nationale est plus inégalitaire que jamais. Jusque-là ça va.

Puis il embraye sur les pauvres fonctionnaires qu'on est trop injustes avec eux en les traitant de privilégiés, la précarité créée par les mesures de Raymond Barre, dénonce les inégalités sociales comme il se doit, affirme que la croissance permettra de résorber la dette en douceur, précise que selon lui la génération sacrifiée c'est celle de 68 contrairement à ce qu'on croyait, que l'Etat ne vient pas assez en aide aux jeunes, que les riches vivent dans des ghettos hyperprotégés tandis que se crééent des zones de pauvreté, et pour finir en beauté propose de taxer encore plus les héritages afin de remédier aux inégalités entre les générations.

Donc, un processus intellectuel typique de la France contemporaine: le sociologue, qui s'est calmé depuis sa jeunesse marxiste mais en garde quelques traces, dresse un portrait plutôt lucide de la situation sociale, même s'il dérape à l'occasion, puis lorsqu'on lui demande quoi faire il oublie prestement qu'il a un cerveau et aligne sans broncher les lieux-communs socialistes les plus navrants, à 10 000 bornes de la réalité et de ce qu'il faudrait faire au regard du diagnostic posé par lui-même.

L'interview vaut donc surtout pour sa première partie, quand le sociologue décrit les mécanismes de l'attachement à une société sclérosée, et de sa défense virulente, par ceux qui en profitent sur le dos des autres, normal, comme par ceux qui en sont les victimes immédiates. On vit dans une société vraiment vicieuse.

Il a cette phrase terrible sur la jeunesse française: "Chacun se vit comme un vieux en puissance".

http://www.lemonde.fr/societe/article/2010…82315_3224.html

Posté

Je te trouve injuste envers cet article. Et tu déformes un peu ses propos, aussi.

Par exemple sur le coup de 68, l'auteur n'a jamais dit ça. Il parle des générations du début des années 60 d'une part, et il dit que celles-ci vivent moins bien que les suivantes d'autre part. Il conteste également le sens de "génération sacrifiée" (il le fait tout au long de l'article d'ailleur) car pour lui le problème est moins générationnel que géographique et structurel. Par contre ses propos sur les générations qui ne veulent pas changer le système parce qu'elles veulent en profiter sonnent effectivement très justes.

Il ne dit pas non plus que l'Education est plus ingéalitaire que jamais, puisqu'il parle de progrès sur l'accès aux études supérieures.

Je ne vois absolument pas au nom de quoi tu parles de marxisme (toujours cette habitude d'extrémiser ce qui est un poil différent de nous, je suppose). La seule et unique mesure dont il parle dans l'article est sur le principe de l'héritage. Sauf que là, il faut citer le paragraphe entier pour bien comprendre ce qu'il en dit :

Cela devrait nous faire réfléchir sur la transmission de la richesse : aujourd'hui, les héritages familiaux interviennent très tard au cours de la vie. La richesse passe ainsi des très vieux aux vieux – alors que ce sont les jeunes qui en ont le plus besoin.

A part ce passage sur les héritages, l'article se contente d'analyser sans rien proposer. Donc j'ai du mal à trouver où tu vois des "eux-communs socialistes les plus navrants". :icon_up:

Invité jabial
Posté
Je ne vois absolument pas au nom de quoi tu parles de marxisme (toujours cette habitude d'extrémiser ce qui est un poil différent de nous, je suppose).

C'est marrant de voir à quel point les lunettes EdNat rendent aveugle au marxisme lorsque pourtant il crève les yeux.

Les gens normaux ne se demandent ce qu'on devrait faire avec ce qui est à autrui. C'est à autrui, point, c'est tout, la réflexion s'arrête là.

Donc non, ça ne relève pas de la constatation. Il y a une certaine façon de présenter des faits bien sélectionnés qui relève typiquement de la prédication. Si on écoute un évangéliste nous décrire le monde, tout est pêché. Le marxiste voit ce qu'il veut bien voir et montre ce qu'il veut bien montrer ; dans son monde, le bien commun est mis en péril par la répartition de la richesse, et ce qu'il cherche à exciter, c'est le désir de spolier.

Posté
Donc non, ça ne relève pas de la constatation. Il y a une certaine façon de présenter des faits bien sélectionnés qui relève typiquement de la prédication. Si on écoute un évangéliste nous décrire le monde, tout est pêché. Le marxiste voit ce qu'il veut bien voir et montre ce qu'il veut bien montrer ; dans son monde, le bien commun est mis en péril par la répartition de la richesse, et ce qu'il cherche à exciter, c'est le désir de spolier.

Pourtant, moi j'ai plutôt vu l'inverse : ici le type explique que les inégalités françaises sont structurelles (donc dues à un excès de règlementation) à l'inverse des USA où les inégalités certes plus marquées sont mouvantes et courtes, et que le problème est que chaque nouvelle génération défend son steak pour en profiter. De même il tâcle le système des retraites par répartition, totalement inégalitaire temporellement… Même sur le système scolaire, ses propos sur la hiérarchisation poussent à imaginer un système plus libre et plus respectueux des parcours individuels.

Bref, je ne vais pas résumer l'article en entier, mais il me semble être clairement une critique de l'immobilisme structurel français.

Posté
Pourtant, moi j'ai plutôt vu l'inverse : ici le type explique que les inégalités françaises sont structurelles (donc dues à un excès de règlementation) à l'inverse des USA où les inégalités certes plus marquées sont mouvantes et courtes, et que le problème est que chaque nouvelle génération défend son steak pour en profiter. De même il tâcle le système des retraites par répartition, totalement inégalitaire temporellement… Même sur le système scolaire, ses propos sur la hiérarchisation poussent à imaginer un système plus libre et plus respectueux des parcours individuels.

Bref, je ne vais pas résumer l'article en entier, mais il me semble être clairement une critique de l'immobilisme structurel français.

Les USA ? Il s'agit d'un pays socialiste. Tu t'es réveillé 97 ans trop tard.

D'ailleurs, comme je l'avais dit dans un précédent topic, les USA suivent actuellement le même chemin qui a transformé la France doucement socialiste en France durement socialiste. On constate que la mobilité sociale est finie, on met ça sur le dos du libéralisme, et on propose plus de socialisme encore pour y remédier, enclenchant ainsi un cercle vicieux sans fin.

Les pays vraiment libéraux n'ont pas ce problème. S'il y a des pays où la mobilité est réelle, c'est Hong Kong ou Singapour, pas les USA.

Le fait que les sociologues marxistes français prennent les USA comme exemple de pays libéral en dit très long sur leur biais psychologique. Il y a toujours cette tendance à déplacer le centre de gravité à leur avantage.

Posté
une critique de l'immobilisme structurel français.

bien critiquer c'est important pour un francais vu que c'est la-dessus qu'on le juge durant toute sa vie :icon_up:

puis lorsqu'on lui demande quoi faire il oublie prestement qu'il a un cerveau et aligne sans broncher les lieux-communs socialistes les plus navrants

bien sur, critiquer et agir sont deux choses differentes :doigt:

Posté
les inégalités françaises sont structurelles (donc dues à un excès de règlementation)

Oui il dit que ces inégalités sont structurelles mais je ne vois pas où il a dit que c'était un excès de réglementation.

Au contraire je trouve qu'il défend l'intervention de l'état, avec en fait le traditionnel message "les interventions précédentes n'ont pas été correctes ce qu'il aurait fallu faire c'est plutôt ça…", ça me parait assez clair dans le passage suivant :

Dans ce système, les jeunes sont traditionnellement les parents pauvres des politiques publiques, on laisse plutôt les familles s'en charger. Il y a une grande frilosité à mettre en place des politiques de soutien public, d'aide sociale en direction des jeunes.

Au pire il dit qu'il y a eu un excès de 'réglementations' (c'est pas vraiment le mot exact) envers les vieux en défaveur des jeunes et qu'il faut équilibrer ces réglementations.

Et certes il ne propose pas de mesures, mais quand on lit des trucs du genre "ghettos de riches hyperprotégés" on est censé comprendre qu'il faut faire quelque chose. Le "hyper" est bien là pour nous dire quelque chose, c'est classique, dans le même genre de "ultra" etc. D'ailleurs je connais pas le sens exact/strict de ghetto mais sa connotation est très claire.

Posté

le ghetto est un groupe de gens de meme obedience vivant dans le meme quartier.

Le ghetto est l'ennemi de la mixite sociale: riches, pauvres, vieux, jeunes, noirs, gays, palestiniens, israeliens, penis-humains-de-greenpeace et harpons doivent etre melanges en tout temps.

Posté
Le fait que les sociologues marxistes français prennent les USA comme exemple de pays libéral en dit très long sur leur biais psychologique. Il y a toujours cette tendance à déplacer le centre de gravité à leur avantage.

Parce que dans le monde réel tout n'est pas en blanc et noir, je suppose. Les USA ne sont pas un pays purement libéral, c'est clair; mais ils le sont tout de même bien plus que la France, championne du socialisme occidental.

De fait, comparer la mobilité aux USA et en France n'est pas incohérent, simplement on ne le fait pas avec l'extrémité

Oui il dit que ces inégalités sont structurelles mais je ne vois pas où il a dit que c'était un excès de réglementation.

Au contraire je trouve qu'il défend l'intervention de l'état, avec en fait le traditionnel message "les interventions précédentes n'ont pas été correctes ce qu'il aurait fallu faire c'est plutôt ça…", ça me parait assez clair dans le passage suivant :

Certes, c'est le seul passage incitatif, et je l'avais bien relevé.

Et certes il ne propose pas de mesures, mais quand on lit des trucs du genre "ghettos de riches hyperprotégés" on est censé comprendre qu'il faut faire quelque chose. Le "hyper" est bien là pour nous dire quelque chose, c'est classique, dans le même genre de "ultra" etc. D'ailleurs je connais pas le sens exact/strict de ghetto mais sa connotation est très claire.

Personnellement j'y lirais plutôt qu'il faut enlever cette "protection" sur les riches plutôt qu'en rajouter sur les autres, mais je dois être orienté. :icon_up:

Posté
Parce que dans le monde réel tout n'est pas en blanc et noir, je suppose. Les USA ne sont pas un pays purement libéral, c'est clair; mais ils le sont tout de même bien plus que la France, championne du socialisme occidental.

De fait, comparer la mobilité aux USA et en France n'est pas incohérent, simplement on ne le fait pas avec l'extrémité

Les USA sont un pays socialiste, point barre. Le fait qu'il subsiste 2 ou 3 Etats corrects au milieu de 51 n'est pas suffisant.

Quand on compare le socialisme au libéralisme, on le fait avec les deux extrêmes (car ils sont purs), pas un vulgaire mélange.

Posté
Et quelle est-elle ?

Rien d'autre que la règlementation actuelle. C'est pour ça que je l'ai mise entre guillemets ; par exemple dans l'impôt sur les hauts revenus, là où on voit une mesure répressive, les socialos y verront une protection (parce que selon eux ça devrait être plus élevé).

Le système entier peut être vu comme une accumulation de protections (code du travail, impôts…), et il diffère surtout par l'interprétation (beaucoup de gens pensant que le système protège les plus riches en délaissant les pauvres, donc).

Posté
Et quelle est-elle ?

Rien d'autre que la règlementation actuelle. C'est pour ça que je l'ai mise entre guillemets ; par exemple dans l'impôt sur les hauts revenus, là où on voit une mesure répressive, les socialos y verront une protection (parce que selon eux ça devrait être plus élevé).

Le système entier peut être vu comme une accumulation de protections (code du travail, impôts…), et il diffère surtout par l'interprétation (beaucoup de gens pensant que le système protège les plus riches en délaissant les pauvres, donc).

Posté
et que le problème est que chaque nouvelle génération défend son steak pour en profiter.

Je suis en train de lire La France injuste de Timothy Smith. Cet auteur n'est pas spécialement libéral et il présente pourtant les fonctionnaires français comme des "chasseurs de rentes" qui ont tout fait pour empêcher la réforme des retraites depuis plus de 15 ans.

Posté
Je suis en train de lire La France injuste de Timothy Smith. Cet auteur n'est pas spécialement libéral et il présente pourtant les fonctionnaires français comme des "chasseurs de rentes" qui ont tout fait pour empêcher la réforme des retraites depuis plus de 15 ans.

tiens tiens: je sens que je vais acheter ce livre sous peu. Tu l'as trouvé où ? Fnac, Virgin, Ombre blanche (ça m'étonnerait un peu), Amazon ?

bon sinon, je dois admettre que mon résumé était partial. Je l'ai fait à chaud, en fonction de ce que j'avais ressenti et ce dont je me souvenais, avec un brin de mauvaise foi, et j'aurais du prendre plus de recul.

Cela dit, il demeure que c'est une interview intéressante en ce qu'elle mélange analyses bien vues, analyses moins pertinentes, et pavlovisme socialiste. En ce qui me concerne, elle m'a beaucoup donné matière à réflexion. J'essaie de comprendre comment un système fondamentalement injuste, sclérosé et en faillite, arrive à se maintenir avec un soutien sincère de la population. Cette interview donne des éléments.

Posté

Je l'ai emprunté à la BUC. Il est intéressant mais les propos de l'auteur sur l'utilité de l'Etat providence sont exaspérants.

Posté
Je l'ai emprunté à la BUC. Il est intéressant mais les propos de l'auteur sur l'utilité de l'Etat providence sont exaspérants.

Quand on me vante les mérites de l'Etat-providence, j'ai une sorte de crispation, une tension involontaire dans les muscles, et ça finit toujours mal pour le livre.

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