Alliterator Posté 23 avril 2011 Signaler Posté 23 avril 2011 J’aimerais revenir avec vous sur la loi de Say et ses divergences avec les écrits de Keynes. Petit récapitulatif : La loi de Say, résumée (à tort) par « l’offre crée sa propre demande », dit que « c’est la production qui ouvre des débouchés aux produits. » Ou encore : « « un produit terminé offre, dès cet instant, un débouché à d’autres produits pour tout le montant de sa valeur. » Les travailleurs produisent des marchandises, et en échange reçoivent des revenus égaux à la valeur de la production totale, pour dépenser ses revenus dans la consommation ensuite. Comme la monnaie, selon Say, n’est « qu’un voile jeté sur les échanges », il résume le tout par « les produits s'échangent contre des produits ». Il ne peut donc y avoir de crise de surproduction générale. Oui, mais une fois les revenus sont distribués, ceux-ci peuvent soit être consacrés à la consommation, soit à l’épargne. On l’a vu, pour Say la monnaie n’est qu’un voile jeté sur les échanges et ne peut donc être détenue pour elle-même. L’épargne est donc égale à l’investissement. Donc pas de problème. On résume la loi de Say ainsi : Cette loi a été critiquée par Malthus, Keynes et Marx. Malthus décrit trois classes de demandeurs : - Les salariés qui dépensent l’équivalent du coût salarial. - Les landlords, qui vivent somptueusement, dépensant toute leur rente foncière. - Les bourgeois qui tendent à épargner le plus possible leurs profits. Ces derniers investissent, donc dépensent en machines, en matières premières etc., mais ils tendent à épargner au-delà des possibilités d’investir. La demande tendrait donc à être structurellement insuffisante. L'argument : Etant donné que la monnaie peut être détenue pour elle-même, toute épargne ne se transforme pas en investissement, ce qui peut causer une insuffisance de la demande. Autre remarque : Say suppose que les prix sont flexibles. Donc si sur un marché les prix sont flexibles et diminuent, il faut que les salaires en fassent autant. Mais les salaires nominaux ne sont-ils pas rigides à court terme ? Les entreprises ne pourraient bientôt plus payer leurs salariés et tomberaient en faillite, en mettant leurs employés au chômage également. Si ce n’est pas une crise de débouchés par sous-consommation, ça y ressemble vachement. Z’en pensez quoi ?
gdm Posté 23 avril 2011 Signaler Posté 23 avril 2011 A mon avis, il faut comprendre que le "voile sur la monnaie" signifie une absence de crédit, et absence de thésaurisation. C'est ainsi que j’interprète le cycle de Say. Chaque entrepreneur dispose d’argent pour sa production. Chaque entrepreneur dépense cet argent pour produire des marchandises. Les salariés et les fournisseurs reçoivent cet argent. Cet argent est alors dans les mains des salariés et des fournisseurs. Les marchandises produites sont mises en vente. Les salariés et les fournisseurs achètent ces produits. Les vendeurs reçoivent l’argent. L’argent revient ainsi dans les mains des entrepreneurs. L’argent a fait un cycle complet. Il a été, d’abord, versé par les entreprises. Après le cycle, l’argent revient aux entreprises. Dans un tel cycle, le montant de l’offre est égal au montant de la demande. On peut dire que c’est l’offre qui crée la demande. Ou bien ou peut dire que c’est la connaissance de la demande qui a guidé l’entreprise à produire une offre. Le point crucial d’un tel cycle est la capacité de l’entreprise à deviner la demande. La condition de ce cycle est que l’entreprise dispose d’un capital suffisant. Un tel cycle économique schématique suppose une zone économique fermée. - l’argent versé aux salariés et aux fournisseurs est utilisé en totalité pour acheter les marchandises produites. - chaque entrepreneur connait son marché. Il produit donc la quantité qui lui sera achetée. - les salariés achètent uniquement dans la zone économique. - les salariés et les fournisseurs des entrepreneurs sont dans la zone économique. - l’argent possédé est aussitôt dépensé dans la zone économique.
Alliterator Posté 23 avril 2011 Auteur Signaler Posté 23 avril 2011 A mon avis, il faut comprendre que le "voile sur la monnaie" signifie une absence de crédit, et absence de thésaurisation. C'est ainsi que j’interprète le cycle de Say. Non, la citation exacte est " La monnaie n'est qu'un voile jeté sur les échanges". Bref un intermédiaire et rien d'autre, donc ne peut pas être détenue pour elle-même. Ce que vous dites ensuite est l'énoncé de la loi de Say mais il n'y a pas de réponse à la critique de Malthus, Keynes, etc.
gdm Posté 23 avril 2011 Signaler Posté 23 avril 2011 Vous dites que "la monnaie ne peut pas être détenue pour elle-même". C'est donc que, dans l'hypothèse de Say, il n'existe pas de thésaurisation. Et a fortiori, il n'existe donc pas de crédit.
Alliterator Posté 23 avril 2011 Auteur Signaler Posté 23 avril 2011 Vous dites que "la monnaie ne peut pas être détenue pour elle-même". C'est donc que, dans l'hypothèse de Say, il n'existe pas de thésaurisation. Et a fortiori, il n'existe donc pas de crédit. Certes. Mais il me semble que cela ne répond pas au problème que pose la monnaie quand elle est détenue pour elle-même (et elle l'est, puisque la monnaie est une marchandise).
gdm Posté 23 avril 2011 Signaler Posté 23 avril 2011 Certes. Mais il me semble que cela ne répond pas au problème que pose la monnaie quand elle est détenue pour elle-même (et elle l'est, puisque la monnaie est une marchandise). une "monnaie détenue pour elle-même", ça s’appelle de la thésaurisation. non? ou alors, faites vous allusion aux usages non monétaires de la monnaie, comme marchandise non monétaire?
Alliterator Posté 23 avril 2011 Auteur Signaler Posté 23 avril 2011 une "monnaie détenue pour elle-même", ça s’appelle de la thésaurisation. non? ou alors, faites vous allusion aux usages non monétaires de la monnaie, comme marchandise non monétaire? La monnaie détenue pour elle-même signifie que la monnaie est une marchandise, qui n'est pas forcément thésaurisée. Mais qui ne correspond pas strictement à l'investissement. Comme toute l'épargne ne correspond pas à l'investissement, il se peut que la demande soit structurellement insuffisante/en décalage avec l'offre.
xavdr Posté 24 avril 2011 Signaler Posté 24 avril 2011 Je propose que nous laissions la phrase portant sur la monnaie pour un débat ultérieur. Fondamentalement Say dit que chaque production attendue par le marché permet à d'autres productions de s'écouler. Il montre ainsi magistralement que la richesse est celle de l'offre à partir du moment où l'offre est attendue. Si tout le monde produit plus, alors tout le monde aura à échanger plus, pour peu que la production soit variée et appréciée. Au besoin tous les prix nominaux baisseront si la quantité de monnaie reste stable. Pas besoin de subventionner la demande. Si celle-ci est frémissante, les prix s'ajusteront pour la susciter pour peu que l'offre reste rentable au nouveau prix. S'il y a surcroit de production à l'échelle d'un pays dont la population est stable, c'est qu'il y a surcroit de productivité. Selon la nomenclature de Malthus les salariés et le capital produiront plus en volume. Le travail des salariés et le capital des bourgeois (et landlords ?) seront l'un et l'autre plus rémunérateurs en volume. La consommation des salariés augmentera donc en volume car leur pouvoir d'achat aura augmenté en volume, que cela prenne la forme d'une hausse des salaires nominaux ou d'une déflation des prix. Ceci répond à l'angoisse malthusienne (une de plus, quel morbide ce Malthus !) rapportée par Alliterator. Evidemment les hausses de productivité d'une époque sont souvent thématiques et induisent des réajustements de la structure des prix, et des salaires. Les pessimistes pensent souvent à ceux qui perdent leur emploi à la suite d'une hausse de la productivité. Ainsi les machines de filatures ont jeté à la rue nombre de tisserands. Se lamenter politiquement de ce progrès technologique, c'est oublier qu'il a permis à des millions de paysans et d'ouvriers de bien mieux s'habiller qu'auparavant, apportant bien plus de bonheur au monde que la douleur des tisserands ruinés.
Vincemobile Posté 24 avril 2011 Signaler Posté 24 avril 2011 Evidemment les hausses de productivité d'une époque sont souvent thématiques et induisent des réajustements de la structure des prix, et des salaires. Les pessimistes pensent souvent à ceux qui perdent leur emploi à la suite d'une hausse de la productivité. Ainsi les machines de filatures ont jeté à la rue nombre de tisserands. Se lamenter politiquement de ce progrès technologique, c'est oublier qu'il a permis à des millions de paysans et d'ouvriers de bien mieux s'habiller qu'auparavant, apportant bien plus de bonheur au monde que la douleur des tisserands ruinés. Analyse intéressante. Sur la tentation du luddisme, lisez donc les commentaires de cet article sur Rue 89. C'est confondant de bêtise (certains affirment que les Mayas ont été avisés de ne pas utiliser la roue ).
Tortue joviale Posté 24 avril 2011 Signaler Posté 24 avril 2011 Analyse intéressante. Sur la tentation du luddisme, lisez donc les commentaires de cet article sur Rue 89. C'est confondant de bêtise (certains affirment que les Mayas ont été avisés de ne pas utiliser la roue ). Muahaha, bien vu, les sophismes économiques ont la vie longue… Voici le commentaire exact de l'hurluberlu: name='mezneth']Le progrès n'apporte pas le bonheur, c'est ce que les mayas avaient compris voilà plusieurs milliers d'années en découvrant la roue et en refusant de l'utiliser pour ne pas mettre tous les porteurs de pierre au chomage. Force est de constater que cette façon de voir les choses nous est bien étrangère dans nos sociétés consuméristes où l'innovation - le plus souvent totalement inutile- est la clé de la vente à grande échelle. Quoiqu'il en soit, ca fait plaisir de voir pour une fois une mobilisation qui aboutit à quelque chose.
xavdr Posté 24 avril 2011 Signaler Posté 24 avril 2011 Il n'y a pas que les Mayas. Si je me souviens bien les Romains eux aussi avaient refusé certaines améliorations techniques, exactement pour le même genre de raisons corporatistes ou "sociales".
Chitah Posté 24 avril 2011 Signaler Posté 24 avril 2011 Analyse intéressante. Sur la tentation du luddisme, lisez donc les commentaires de cet article sur Rue 89. C'est confondant de bêtise (certains affirment que les Mayas ont été avisés de ne pas utiliser la roue ). Et celui qui s'est fait chier à faire des recherches pour inventer la roue et pris du temps pour la fabriquer et la promouvoir, il va se faire foutre bien sûr? Même si on est bienveillant envers cette affirmation, elle ne tient pas la route (sic) deux secondes. C'est de la merde, il faut arrêter de lire ces commentaires.
Vincemobile Posté 24 avril 2011 Signaler Posté 24 avril 2011 Et celui qui s'est fait chier à faire des recherches pour inventer la roue et pris du temps pour la fabriquer et la promouvoir, il va se faire foutre bien sûr? Même si on est bienveillant envers cette affirmation, elle ne tient pas la route (sic) deux secondes. C'est de la merde, il faut arrêter de lire ces commentaires. Oui mais celui-là est gratiné. Et j'ai la bizarre impression que ce type d'âneries prolifère. A moins que je sois juste plus vigilant.
Alliterator Posté 24 avril 2011 Auteur Signaler Posté 24 avril 2011 Évitons le HS. Xavdr merci de ta réponse mais il me semble que ça ne répond pas vraiment au problème évoqué. La remise en cause de la neutralité de la monnaie est bien au coeur de la contestation de la loi de Say. L'épargne, détenue pour elle-même, peut être supérieure à l'investissement ; cela ne peut-il pas causer une insuffisance structurelle de la demande ? Une sorte de fuite permanente qui affaiblit la demande.
Chitah Posté 24 avril 2011 Signaler Posté 24 avril 2011 Oui mais celui-là est gratiné. En gros, il faut savoir que sur le oueb 2.0, sur 100 personnes qui voient un truc, 30 le like ou le like pas, et 1 apporte une contribution (ici, faire un commentaire sous l'article), tous les autres étant des lecteurs passifs. Je constate que le commentaire que tu cites est celui qui est considéré comme de loin le meilleur (voir le nombre de votes) par les 30/100, sur un total de 144 commentaires. Sans même les lire, ça donne une idée sur la qualité des 141 autres. Dire que c'est merdique était en fait un euphémisme bienveillant.
Rincevent Posté 24 avril 2011 Signaler Posté 24 avril 2011 L'épargne, détenue pour elle-même, peut être supérieure à l'investissement ; cela ne peut-il pas causer une insuffisance structurelle de la demande ? Une sorte de fuite permanente qui affaiblit la demande. Non. Elle provoque une modification de la balance commerciale, par la formule (comptable, et non économique) S - I = X - M.
Alliterator Posté 24 avril 2011 Auteur Signaler Posté 24 avril 2011 Non. Elle provoque une modification de la balance commerciale, par la formule (comptable, et non économique) S - I = X - M Je ne vois pas en quoi l'augmentation de l'épargne entraînerait une augmentation des exportations ou une diminution des importations. A moins que vous preniez le problème en partant de la balance commerciale. Mais est-ce que les équations comptables ont vraiment un sens ? Et quel serait-il dans ce cas.
Rincevent Posté 24 avril 2011 Signaler Posté 24 avril 2011 Je ne vois pas en quoi l'augmentation de l'épargne entraînerait une augmentation des exportations ou une diminution des importations. C'est mathématique : ça découle des définitions mêmes des termes, et non de théories incertaines. Appelons R la quantité totale des biens disponibles dans un pays. Ces biens ont soit été produits localement (Y), soit ont été importés (M). Voilà pour les inputs ; quant aux outputs, ces mêmes biens peuvent soit être consommés (C), investis (I) ou exportés (X). Ajoutons un petit raffinement : les biens produits (Y, donc) peuvent soit être consommés (C), soit être épargnés (S). L'on se retrouve ainsi avec les égalités suivantes : R = Y + M = C + I + X. C + S + M = C + I + X. S + M = I + X. Et donc S - I = X - M, voilà tout. A moins que vous preniez le problème en partant de la balance commerciale. Mais est-ce que les équations comptables ont vraiment un sens ? Et quel serait-il dans ce cas. Ces équations comptables ont un sens plus fort en ce sens qu'elles toujours vraies, à l'inverse des modèles économiques. En revanche, elle ne sont pas très informatives, au sens où si elles donnent une vérité impossible à falsifier, elles ne disent rien sur quelle variable fait bouger telle autre. En fait, la manière dont Keynes a cru réfuter Say, c'est en négligeant le commerce international, et en posant que toujours S = I, ce qui est bien entendu faux.
Alliterator Posté 24 avril 2011 Auteur Signaler Posté 24 avril 2011 C'est mathématique : ça découle des définitions mêmes des termes, et non de théories incertaines. Appelons R la quantité totale des biens disponibles dans un pays. Ces biens ont soit été produits localement (Y), soit ont été importés (M). Voilà pour les inputs ; quant aux outputs, ces mêmes biens peuvent soit être consommés ©, investis (I) ou exportés (X). Ajoutons un petit raffinement : les biens produits (Y, donc) peuvent soit être consommés ©, soit être épargnés (S). L'on se retrouve ainsi avec les égalités suivantes : R = Y + M = C + I + X. C + S + M = C + I + X. S + M = I + X. Et donc S - I = X - M, voilà tout. Oui je connais ce raisonnement. Ces équations comptables ont un sens plus fort en ce sens qu'elles toujours vraies, à l'inverse des modèles économiques. En revanche, elle ne sont pas très informatives, au sens où si elles donnent une vérité impossible à falsifier, elles ne disent rien sur quelle variable fait bouger telle autre. Oui. Mais je ne vois pas l'explication économique de notre problème. En fait, la manière dont Keynes a cru réfuter Say, c'est en négligeant le commerce international, et en posant que toujours S = I, ce qui est bien entendu faux. Dans un monde fermé, sa théorie marcherait alors ? Et s'il pose S=I, il ne réfute pas Say, au contraire. (Puisque ça voudrait dire que la demande de biens de production est parfaitement comblée par l'épargne.) Il me semble que la "réfutation" par Keynes se trouve dans la fuite de l'épargne de l'économie, car celle-ci est détenue pour elle-même. Et ça nous ramène à notre problème principal..
Vincemobile Posté 24 avril 2011 Signaler Posté 24 avril 2011 C'est mathématique : ça découle des définitions mêmes des termes, et non de théories incertaines. Appelons R la quantité totale des biens disponibles dans un pays. Ces biens ont soit été produits localement (Y), soit ont été importés (M). Voilà pour les inputs ; quant aux outputs, ces mêmes biens peuvent soit être consommés ©, investis (I) ou exportés (X). Ajoutons un petit raffinement : les biens produits (Y, donc) peuvent soit être consommés ©, soit être épargnés (S). L'on se retrouve ainsi avec les égalités suivantes : R = Y + M = C + I + X. C + S + M = I + X. S + M = I + X. Et donc S - I = X - M, voilà tout. Ces équations comptables ont un sens plus fort en ce sens qu'elles toujours vraies, à l'inverse des modèles économiques. En revanche, elle ne sont pas très informatives, au sens où si elles donnent une vérité impossible à falsifier, elles ne disent rien sur quelle variable fait bouger telle autre. En fait, la manière dont Keynes a cru réfuter Say, c'est en négligeant le commerce international, et en posant que toujours S = I, ce qui est bien entendu faux. Il n'y a pas un problème dans l'équation ? Je ne comprends pas où passe C lors du saut de : C + S + M = I + X à S + M = I + X.
Alliterator Posté 24 avril 2011 Auteur Signaler Posté 24 avril 2011 Il n'y a pas un problème dans l'équation ? Je ne comprends pas où passe C lors du saut de : C + S + M = C + I + X à S + M = I + X. Il y a une petite erreur. Il a simplement oublié un C un moment. Plus rapidement : Y = C + I + X - M Y = C + S Les richesses produisent valent les revenus distribués. Le revenu est soit consommé soit épargné. C + I + X - M = C + S On enlève les C qui se trouvent des deux côtés. S - I = X - M
Rincevent Posté 24 avril 2011 Signaler Posté 24 avril 2011 Il n'y a pas un problème dans l'équation ? Je ne comprends pas où passe C lors du saut de :C + S + M = I + X à S + M = I + X. J'ai oublié C à la deuxième ligne dans le terme de droite. J'ai corrigé dans mon message. Merci de faire attention à ce que j'écris.
Vincemobile Posté 24 avril 2011 Signaler Posté 24 avril 2011 Dans un monde fermé, sa théorie marcherait alors ? Et s'il pose S=I, il ne réfute pas Say, au contraire. (Puisque ça voudrait dire que la demande de biens de production est parfaitement comblée par l'épargne.) Il me semble que la "réfutation" par Keynes se trouve dans la fuite de l'épargne de l'économie, car celle-ci est détenue pour elle-même. Et ça nous ramène à notre problème principal.. Plus exactement, la réfutation de Keynes consiste à dire que les agents économiques peuvent vouloir posséder de l'épargne (et donc de la monnaie) pour elle-même. Cette thésaurisation serait particulièrement palpable durant des périodes troubles. Dans le débat, la notion d'épargne est trop vague car l'épargne peut recouvrer des formes multiples : monnaie, créances (dont obligations), titres de propriété (dont actions)… Dans l'équation, le S est égal à la seule épargne monétaire ? Ou recouvre t-il tout le reste ?
Alliterator Posté 24 avril 2011 Auteur Signaler Posté 24 avril 2011 Plus exactement, la réfutation de Keynes consiste à dire que les agents économiques peuvent vouloir posséder de l'épargne (et donc de la monnaie) pour elle-même. Cette thésaurisation serait particulièrement palpable durant des périodes troubles. Dans le débat, la notion d'épargne est trop vague car l'épargne peut recouvrer des formes multiples : monnaie, créances (dont obligations), titres de propriété (dont actions)… Dans l'équation, le S est égal à la seule épargne monétaire ? Ou recouvre t-il tout le reste ? Pour les classiques l'épargne est seulement sous forme de titres il me semble. Pour Keynes il y a trois motifs de détention de monnaie : - Motif de transaction (le seul motif chez les classiques) - Motif de précaution - Motif de spéculation. Donc je pense que la monnaie peut être sous plusieurs formes chez Keynes, formes qui dépendent notamment du taux d'intérêt. Le taux d'intérêt étant le prix de renoncement à la liquidité, plus le taux est faible, plus la préférence pour la liquidité est forte.
Arturus Posté 24 avril 2011 Signaler Posté 24 avril 2011 C'est mathématique : ça découle des définitions mêmes des termes, et non de théories incertaines. Appelons R la quantité totale des biens disponibles dans un pays. Ces biens ont soit été produits localement (Y), soit ont été importés (M). Voilà pour les inputs ; quant aux outputs, ces mêmes biens peuvent soit être consommés ©, investis (I) ou exportés (X). Ajoutons un petit raffinement : les biens produits (Y, donc) peuvent soit être consommés ©, soit être épargnés (S). L'on se retrouve ainsi avec les égalités suivantes : R = Y + M = C + I + X. C + S + M = C + I + X. S + M = I + X. Et donc S - I = X - M, voilà tout. Je ne comprends pas l'égalité Y=C+S Pourquoi les 2 C seraient égaux (et pourraient donc s'annuler ensuite)? Pourquoi n'y aurait-il pas d'investissement possible venant de Y?
Rincevent Posté 24 avril 2011 Signaler Posté 24 avril 2011 Je ne comprends pas l'égalité Y=C+SPourquoi les 2 C seraient égaux (et pourraient donc s'annuler ensuite)? Pourquoi n'y aurait-il pas d'investissement possible venant de Y? Pour les détails, un bon manuel d'économie devrait répondre à tes interrogations.
Alliterator Posté 24 avril 2011 Auteur Signaler Posté 24 avril 2011 Je ne comprends pas l'égalité Y=C+S Pourquoi les 2 C seraient égaux (et pourraient donc s'annuler ensuite)? Pourquoi n'y aurait-il pas d'investissement possible venant de Y? Dans cette équation, Y représente tous les revenus. Il peut être soit consommé, soit épargné. La somme des revenus est égale à la valeur de la production. Les deux C sont égaux puisque toute consommation vient du revenu… Et on sait que C + I + G représentent les emplois de la production Y.
xavdr Posté 24 avril 2011 Signaler Posté 24 avril 2011 Évitons le HS. Xavdr merci de ta réponse mais il me semble que ça ne répond pas vraiment au problème évoqué. Il me semble mon message répondait de façon probante à l'angoisse formulée dans ton paragraphe malthusien. La loi de Say est une loi qui traite des volumes. Say ne s'attarde pas sur le jeu de billard des prix (la monnaie est "un voile jeté sur les échanges") et se contente de mentionner son principe des débouchés portant de façon pertinente sur les volumes. Il rejette ainsi les revendications corporatistes de contraintes raréfiant l'offre pour soutenir les prix corporatistes. Ce que tu évoques dans ce fil, c'est un autre débat : l'angoisse malthusienne d'un défaut structurel de la demande. En réponse à cette angoisse malthusienne que tu rapportes, je dis que dans un marché libre et fluide, la structure des prix s'ajuste. Et l'épargne de ce point de vue, on s'en fout. Malthus commet l'erreur de considérer l'existence d'une épargne en numéraire comme étant une non demande globale en volume. Seule la rigidité des prix typique des démocraties sociales induit éventuellement une relation entre épargne et non consommation. Et de toutes façon épargner ad nauseam n'a aucune utilité. Un jour ou l'autre un individu converti sa capacité d'épargne en consommation ou en investissement. A cela on peut ajouter un autre cas de non consommation globale temporaire : dans le cas de grande incertitude, notamment la pagaille lorsque l'économie se réajuste pour tenir compte de la capacité soutenable de production après l'éclatement de bulles financières, généralement couplées à une évolution collectivement non soutenables du crédit. Bref, rien qui remette en question la loi de Say. Au passage voici deux documents intéressants : Le chapitre dédié aux débouchés dans le traité de Jean Baptiste SAY un support de cours détaillé mais que je l'estime porteur de confusion sur le sujet qui nous intéresse, qui propose exactement tes graphiques et conclue par "Autour de l'affirmation ou de la négation de la possibilité théorique des crises de surproduction générale, se situent les enjeux beaucoup plus vastes des capacités des marchés à s'autoréguler, de la nécessité de l'intervention de l'État… voire de l'abolition du capitalisme". J'ajoute que la présentation de Keynnes par cet article est parfaitement spécieuse. Concernant le "chômage anglais" qui stupéfia l'opinion entre les deux 1ères guerres mondiales, j'adhère à l'interprétation proposée par Jacques RUEFF dès 1925, qu'il confirmait en 1979 : la rigidité démocrate sociale, en l'occurrence l'importance des assurances chômage à l'issue d'une réévaluation de la Livre Sterling alors que les syndicats avaient empêché une dévaluation symétrique des prix, notamment les salaires et avantages sociaux.
James V Posté 24 avril 2011 Signaler Posté 24 avril 2011 L'argument : Etant donné que la monnaie peut être détenue pour elle-même, toute épargne ne se transforme pas en investissement, ce qui peut causer une insuffisance de la demande. Autre remarque : Say suppose que les prix sont flexibles. Donc si sur un marché les prix sont flexibles et diminuent, il faut que les salaires en fassent autant. Mais les salaires nominaux ne sont-ils pas rigides à court terme ? Les entreprises ne pourraient bientôt plus payer leurs salariés et tomberaient en faillite, en mettant leurs employés au chômage également. Si ce n’est pas une crise de débouchés par sous-consommation, ça y ressemble vachement. Z’en pensez quoi ? Mais la thésaurisation (ce que tu appelles l'épargne qui ne se transforme pas en investissement) c'est une demande, une demande de marchandise, à savoir la monnaie ; une marchandise que les gens désirent car elle rend des services. Et cette marchandise, sur un marché libre, c'est un bien "présent", c'est l'or (ou l'argent, ou un autre métal précieux qui possède les caractéristiques idoines) ; ce n'est pas une épargne. Lorsque la demande de monnaie marchandise augmente, c-à-d que la demande pour les autres biens baisse, le prix relatif de l'or augmente si bien que la rentabilité relative des projets d'investissement dans la production d'or (dans les mines) augmente, attirant les facteurs de production vers cette branche. En bref, il y a deux façons d'utiliser le revenu : soit en demandant des biens présents (consommation), soit en demandant des biens futurs (épargne). La demande de monnaie est une demande de bien présent, tu consommes les services de l'or et contribues ainsi à augmenter le profit des producteurs d'or. Quand tu épargnes, tu prêtes les fonds à des gens de sorte qu'ils te rendent dans le futur un peu plus que le capital, et il y a là une relation temporelle, une relation de crédit. Ce n'est pas le cas avec la demande de monnaie. Donc le problème de la sous-consommation que tu mentionnes n'en est pas un. (pardonne le ton professoral que j'emploie, c'est pas volontaire ! C'est le web qui veut ça !)
xavdr Posté 24 avril 2011 Signaler Posté 24 avril 2011 +1 Ceci dit il y a une continuité entre monnaie et crédit, surtout avec les monnaies FIAT qui nous sont contemporaines. A l'époque de la jeunesse de Jean Baptiste Say, la monnaie c'est encore l'or, un matériau dont la production coute à peu près aussi cher que la valeur vénale. Vient alors la création de la banque de France par Napoléon Bonaparte pour financer ses campagnes militaires et l'opposition entre Say et Bonaparte sur la liberté économique, notamment le libre échange. L'argument que j'évoque pour écarter l'angoisse malthusienne est cependant autre : les prix des biens (et services) s'ajustent. De ce fait il ne saurait y avoir de surproduction structurelle globale de biens désirés dans un marché libre et fluide. Ainsi, un gain de productivité (e.g. progrès technologique) dans un domaine augmente le pouvoir d'achat de tous donc facilite globalement l'écoulement des biens non concurrents de ce domaine (écoulement qui aurait pu être freiné justement par un défaut de pouvoir d'achat). C'est la loi de Say.
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