Punu Posté 22 mai 2005 Signaler Posté 22 mai 2005 Comme vous l'avez certainement tous remarqué, le législateur est actuellement pris d'une frénésie législative : chaque jour, de nouvelles lois viennent s'additionner aux centaines de milliers (millions ?) déjà existantes. Je crois que jamais dans l'histoire de l'humanité il n'y a eu tant de lois, ni un tel rythme de croissance de celles-ci. Encore plus étrange : la population semble enthousiaste à cette croissance ; à la télévision ou dans les journaux et même dans des conversations glanées ci et là, il y a une vraie satisfaction à ce que chaque activité, chaque chose soit quadrillée par des lois, tout comme il y existe une forte demande de nouvelles lois dès qu'un "problème", une situation nouvelle, un "vide juridique" apparaissent. La question est : d'où cela provient-il ? La responsabilité de l'état dans cette diarrhée législative est évidente, mais elle n'explique pas tout. L'état est responsable de l' "offre législative", qui répond comme tout marché à une certaine demande. Les deux ne sont pas naturellement corrélés, bien évidemment, puisqu'il s'agit d'un marché monopolistique, mais il y a bien une certaine demande de lois, règlements et règlementations. Du côté de l'état, je vois à cette croissance législative plusieurs causes : - le besoin de montrer qu'on est "utile" : les députés/sénateurs/ministres, par la création (dans le cas des ministres, pas de façon directe) ininterrompue de lois, montrent qu'ils travaillent et "se préoccupent" de la population, de ses aspirations, des problèmes, causes du moment - ils sont à l'écoute et justifient ainsi leur présence et leur utilité/nécessité ; - la volonté d'étendre le pouvoir de l'état et ses intrusions dans tous les domaines de la vie des individus ; - la publicité qu'une loi peut amener à un politicien : ainsi de la loi Gayssot, de la loi Moureaux, de la loi Aubry sur les 35 heures, etc. ; - la mégalomanie des politiciens qui s'imaginent entrer dans l'histoire par une loi (comme Napoléon, qui sait ?) et le délire constructiviste qui les pousse à façonner la société par lois interposées. Soit. Mais du côté des individus, qu'en est-il ? On pourrait invoquer la déresponsabilisation effectuée par l'état qui pousse inconsciemment les individus à demander eux-mêmes de limiter leur liberté par la création de lois, mais est-ce suffisant ? J'ai récemment trouvé un article de Philippe Muray dans lequel il aborde la question, et j'avoue être séduit en partie : La réclamation croissante de loi, au niveau des vies privées aussi, est liée à la disparition de la souveraineté, laquelle ne s'appuyait que sur le principe de la puissance paternelle (garante unique de l'intimité ou de la vie privée), systématiquement détériorée depuis deux siècles, puis finalement anéantie (et pas seulement à la faveur des progrès galopants de la technologie, fichage informatique, vidéosurveillance et autres cyber-tartes à la crème, mais d'abord par la volonté ardente des citoyens de voir toute cette vieillerie effacée, puis de fêter sans fin cet anéantissement). À partir de là, il ne reste plus que des demandes de protection, des exigences de sanctions, des opérations de persécution menées par des êtres parfaits (libérés du père), donc inexistants, mais d'une gravité insensée dans l'inexistence, et au nom d'un Bien aussi idéal qu'eux. Le droit est leur dieu, et ils ne vivent plus que pour son accroissement.
Patrick Smets Posté 22 mai 2005 Signaler Posté 22 mai 2005 Soit. Mais du côté des individus, qu'en est-il ? On pourrait invoquer la déresponsabilisation effectuée par l'état qui pousse inconsciemment les individus à demander eux-mêmes de limiter leur liberté par la création de lois, mais est-ce suffisant ? applique un raisonnement de type individualisme méthodologique et pas holiste. "les individus" ne constitue (au singulier) pas un groupe uniforme, mais une myriade d'acteurs qui sont tous interessés dans la limitation de la liberté du voisin. C'est par un processus d'agrégation qu'on se retrouve dans une situation de contrainte pour tout le monde sans que personne ne l'ait vraiment voulu (chacun râle sur les lois qui s'appliquent à lui-même)
Ronnie Hayek Posté 22 mai 2005 Signaler Posté 22 mai 2005 Muray écrit aussi en guise de boutade: "la nature juridique a horreur du vide". Pour ma part, je pense que c'est un phénomène qui ne date pas d'aujourd'hui. Cela a commencé il y a au moins un siècle et demi. L'interventionnisme échouant forcément à résoudre les problèmes qu'il était censé régler, il en apporte de nouveaux… que les hommes de l'Etat se proposent alors de résoudre. Et ainsi de suite, comme dirait Fernandel dans Le Schpountz.
Patrick Smets Posté 22 mai 2005 Signaler Posté 22 mai 2005 Le cercle vicieux bureaucratique théorisé par Michel Crozier.
antietat Posté 22 mai 2005 Signaler Posté 22 mai 2005 Comme vous l'avez certainement tous remarqué, le législateur est actuellement pris d'une frénésie législative : chaque jour, de nouvelles lois viennent s'additionner aux centaines de milliers (millions ?) déjà existantes. Je crois que jamais dans l'histoire de l'humanité il n'y a eu tant de lois, ni un tel rythme de croissance de celles-ci. Encore plus étrange : la population semble enthousiaste à cette croissance ; à la télévision ou dans les journaux et même dans des conversations glanées ci et là, il y a une vraie satisfaction à ce que chaque activité, chaque chose soit quadrillée par des lois, tout comme il y existe une forte demande de nouvelles lois dès qu'un "problème", une situation nouvelle, un "vide juridique" apparaissent.La question est : d'où cela provient-il ? <{POST_SNAPBACK}> La loi en France a surtout une fonction d'épée de damoclés. Les lois pésent peu puisque qu'on ne les appliquent pas (sauf les lois fiscales) et que les assujettis ne les respectent pas. Lundi de pentecôte ? Loi Evin ? paiement de la redevance tv ? rien à foutre ! etc… etc…. Seulement quand un étatiste veut coincer un citoyen il a alors l'embarras du choix des prétextes. Quand de temps à autre il y a une vraie connerie comme les 35 heures. Alors au bout de quelques temps on vide la loi de sa substance, sans le dire évidemment. Il y a d'autre part le domaine d'application. Elles peuvent être extraordinairement détaillées mais s'appliquer à des domaines tellement restreints qu'elles ne concernent que peu de gens. A l'opposé un décret très simple. A partir de demain couvre feu de 22 h à 6 h du matin serait très pénalisant. Et l'aspect pernicieux de la loi est là, car on ne sait pas en fait ce qu'elle coûte exactement. C'est vraisemblablement pour ça qu'elle prolifère. Alors que la dépense publique s'exprime sous la forme d'un simple % du PIB qui permet rapidement de fixer les idées.
Calembredaine Posté 23 mai 2005 Signaler Posté 23 mai 2005 Seulement quand un étatiste veut coincer un citoyen il a alors l'embarras du choix des prétextes. C'est comme cela que fonctionnent les pseudo démocraties africaines: nombre de lois que personne ne respecte et le jour où le gouvernement, un potentat local, un fonctionnaire lambda ou un concurrent ayant le bras long veut ta perte, c'est extrêmement simple et très rapide au vu de toutes les infractions que tu as commises…
Fredo Posté 23 mai 2005 Signaler Posté 23 mai 2005 applique un raisonnement de type individualisme méthodologique et pas holiste. "les individus" ne constitue (au singulier) pas un groupe uniforme, mais une myriade d'acteurs qui sont tous interessés dans la limitation de la liberté du voisin. C'est par un processus d'agrégation qu'on se retrouve dans une situation de contrainte pour tout le monde sans que personne ne l'ait vraiment voulu (chacun râle sur les lois qui s'appliquent à lui-même) <{POST_SNAPBACK}> Très juste, et c'est l'un des 3 principaux mécanismes de décision de groupe qui conduisent à prendre des décions absurdes en management. Souvent pour la simple insatisfaction de tous (qui n'a jamais été au vidéo-club en petit groupe de potes, pour choisir ensemble un film et qu'on finisse par voir un truc que personne n'apprécie ?) et parfois au pire, une catastrophe (Ordre de lancement de Columbia et destruction de la navette + victimes, dont une institutrice civile, malgré les hésitations et les avertissements des ingénieurs de chez Norton Thiokol). Un très bon livre, justement sur les décisions absurdes, ayant récemment reçu le prix de l'Expansion :
antietat Posté 23 mai 2005 Signaler Posté 23 mai 2005 C'est comme cela que fonctionnent les pseudo démocraties africaines: nombre de lois que personne ne respecte et le jour où le gouvernement, un potentat local, un fonctionnaire lambda ou un concurrent ayant le bras long veut ta perte, c'est extrêmement simple et très rapide au vu de toutes les infractions que tu as commises… <{POST_SNAPBACK}> On risque de se retrouver dans un univers à la fois Kafkaîen (quoi qu'on fasse on risque de tomber sous le coup de la loi) et relativement libre, dans la mesure ou la prolifération des lois et réglements est tel qu'il n'est plus possible d'en prendre connaissance et donc de les respecter.
Calembredaine Posté 23 mai 2005 Signaler Posté 23 mai 2005 On risque de se retrouver dans un univers à la fois Kafkaîen (quoi qu'on fasse on risque de tomber sous le coup de la loi) et relativement libre, dans la mesure ou la prolifération des lois et réglements est tel qu'il n'est plus possible d'en prendre connaissance et donc de les respecter. <{POST_SNAPBACK}> Oui, tant que l'on emmerde personne, on est "libre". C'est à partir du moment où l'on commence à faire parler de soi (politiquement, journaliste, entreprise en expansion, etc.) que les flics puis la "justice" nous tombent dessus. C'est pour cela que l'Afrique ne décolle pas malgré le potentiel des individus (Gabon mis à part )
antietat Posté 23 mai 2005 Signaler Posté 23 mai 2005 Comme vous l'avez certainement tous remarqué, le législateur est actuellement pris d'une frénésie législative : chaque jour, de nouvelles lois viennent s'additionner aux centaines de milliers (millions ?) déjà existantes. La question est : d'où cela provient-il ? <{POST_SNAPBACK}> Il y a peut être une explication plus basique. Les étatistes constatent qu'ils ne peuvent plus beaucoup prélever. Ce n'est pas le projet de taxe sur les clés USB qui va les sortir de l'ornière dans laquelle ils se sont fourrés. Les temps bénis socialistes ou les prélèvements obligatoires augmentaient de 1% par an sont définitivement derrière eux. De plus à chaque fois qu'ils entreprennent quelque chose par eux mêmes ils échouent. Les services qu'ils fournissent sont soit d'une qualité acceptable à un prix exhorbitant, soit d'une insigne médiocrité à un prix raisonnable. Il se peut qu'ils aient intuitivement pris la mesure du phénomène. La frénésie législative répond peut être alors au constat suivant : "nous sommes incapables d'agir efficacement, et d'ailleurs nos charges sont telles que nous n'avons plus les moyens d'agir, mais nous pouvons encore donner des ordres".
melodius Posté 24 mai 2005 Signaler Posté 24 mai 2005 La loi change aussi de fonction réelle; plus qu'un texte normatif, elle tend à devenir un texte politique.
Etienne Posté 24 mai 2005 Signaler Posté 24 mai 2005 La loi change aussi de fonction réelle; plus qu'un texte normatif, elle tend à devenir un texte politique. <{POST_SNAPBACK}> Certes, mais - tout de moins, en France - le Conseil Constitutionnel tente de limiter les dégats dans ce domaine (il n'accepte pas tout). Voir ici : http://fr.news.yahoo.com/050422/290/4docw.html "Cette censure porte non sur le fond, mais sur la procédure et la forme", précise un communiqué du Conseil constitutionnel.En revanche, comme le demandaient les requérants, les Sages ont considéré "comme dénué de portée normative, en raison de l'évidence de son contenu, l'article 7 qui entendait définir les missions de l'école".
timburton Posté 24 mai 2005 Signaler Posté 24 mai 2005 Cela a commencé il y a au moins un siècle et demi. <{POST_SNAPBACK}> C'est à peu près ce que dit Muray, non?
Ronnie Hayek Posté 24 mai 2005 Signaler Posté 24 mai 2005 A peu près, mais je répondais essentiellement à la question originelle de Gadrel.
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