(V) Posté 7 janvier 2006 Signaler Posté 7 janvier 2006 Libéralisme et transcendance Une question revient régulièrement sur ce forum : celle qui interroge les liens entre libéralisme et croyance en Dieu. Au fil des échanges c’est pratiquement toujours la même réponse qui ressort : « oui on peut être libéral et croyant, le libéral est tolérant, il respecte toutes les croyances tant qu’elles relèvent du cadre privé. » Il y a là une erreur de raisonnement : ce n’est pas parce que le libéral adopte une attitude tolérante à l’égard de ceux qui ne pensent pas comme lui, qu’il peut lui-même penser n’importe quoi. La tolérance est certes le respect de toutes postures intellectuelles, culturelles, etc., tant que ces dernières s’en tiennent elles-mêmes à une certaine tolérance ; mais il n’y a qu’une posture métaphysique qui fonde une réelle tolérance. Le libéralisme ne peut que s’accorder avec l’idée de transcendance, c’est-à-dire considérer qu’il existe une vérité, supérieure, fixe, intangible, mais précisément parce qu’elle nous transcende, elle nous est inaccessible. Ceux qui prétendent que la vérité n’existe pas, qu’il n’y a pas de « vérité supérieure », visent en fait à lui substituer une « vérité historique », une vérité qu’ils peuvent atteindre ou construire, soit, en d’autres termes, à affirmer la suprématie du politique sur l’ordre des choses contre l’idée de l’ordre divin. C’est pour ça que l’athéisme est si indissociablement lié à une forme de matérialisme marxiste. Ce sont les totalitaires qui prétendent que Dieu n’existe pas pour tenter de prendre sa place. A l’inverse, accepter l’idée de transcendance c’est refuser à quiconque le droit de prétendre à la vérité ou de la prescrire – les illuminés pouvant seulement s’en tenir à « leur » vérité et non « la » vérité. L’idée d’un Dieu transcendant est le seul véritable rempart contre les perspectives de dirigeants voulant moduler le monde selon leurs lubies, contre l’idée d’un homme totalement malléable, modelable. L’idée de Dieu est ce qui donne à l’homme sa consistance en le distinguant d’une simple pâte à modeler : elle donne à l’homme sa consistance et donc le fait exister en tant qu’homme, en tant qu’individu libre ou légitime à revendiquer sa liberté. Elle est la condition d’un véritable libéralisme, ancré métaphysiquement. Récemment, le titre d’un fil interrogeait : « Peut-on être libéral et croire en Dieu ? » La question est posée d’une drôle de façon : elle laisse penser qu’il y a a priori une incompatibilité entre le fait d’être libéral et le fait de croire en Dieu, qu’il faut un effort de torsion de la pensée libérale pour qu’elle s’accommode de l’idée de Dieu – idée qui elle, à l’inverse, apparaissant comme l’écho d’une pensée religieuse, serait stricte et rigide. En fait, le libéralisme ne peut que s’accorder avec l’idée de Dieu, et même plus : c’est de l’idée de transcendance que découle le libéralisme, c’est l’idée de transcendance qui fonde le libéralisme.
Etienne Posté 7 janvier 2006 Signaler Posté 7 janvier 2006 En fait, le libéralisme ne peut que s’accorder avec l’idée de Dieu, et même plus : c’est de l’idée de transcendance que découle le libéralisme, c’est l’idée de transcendance qui fonde le libéralisme. Je suis tout à fait d'accord sur l'idée que le libéralisme est fondamentalement lié à l'existence d'au moins un type de transcendance. Ce que j'ai en revanche du mal à concevoir, c'est pourquoi tu identifies idée de Dieu et transcendance - quoiqu'on en dise, il y a bien la nécessité d'une transcendance dans la valeur morale que l'on accorde au respect de l'individu en tant que tel, mais je ne vois pas en quoi on pourrait dire qu'elle est nécessairement d'ordre religieux.
Fredo Posté 7 janvier 2006 Signaler Posté 7 janvier 2006 Relis bien la dernière phrase de Valentin, il n'identifie pas l'idée de Dieu avec la transcendance, il me semble.
Legion Posté 8 janvier 2006 Signaler Posté 8 janvier 2006 Encore que ce n'est si difficile que ça: dès lors que Dieu est transcendant, il n'est pas une personne ou une chose, mais simplement un mot, et ce mot n'est qu'un synonyme pour un autre mot : "Vérité".
Dardanus Posté 8 janvier 2006 Signaler Posté 8 janvier 2006 Comme aurait dit Spinoza : Dieu c'est à dire la Vérité. Ceci dit la dernière phrase de Valentin semble bien impliquer la nécessité d'un Dieu pour un libéral.
Dilbert Posté 8 janvier 2006 Signaler Posté 8 janvier 2006 Dommage de gâcher son talent à de telles constructions sans fondement. D'abord on mélange Dieu et transcendance (comme si l'idée de transcendance impliquait forcément celle de Dieu ou d'un dieu). Réductionnisme typique de la culture occidentale. Ensuite, il y a transcendance relative et transcendance absolue. Transcendance = "caractère de ce qui est transcendant, de ce qui se situe au-delà d'un domaine pris comme référence, de ce qui est au-dessus et d'une autre nature". Par exemple, il est correct de dire que "le libéralisme transcende l'économie." Si on parle de transcendance absolue, comme d'une vérité absolue, alors, comme le dit Valentin, en effet "parce qu'elle nous transcende, elle est inaccessible.". Mais si elle est inaccessible, que peut-on en dire et que sait-on d'elle ? Comment prétendre alors que le libéralisme découle d'elle ??? Quand on veut faire de la métaphysique, il y a deux voies possibles : - on définit soigneusement les termes qu'on emploie et on tente de construire un système qui soit logiquement cohérent, c'est ce que fait la philosophie depuis toujours (sans grand succès) ; - on décrit une expérience intime, incommunicable ou très difficilement communicable, une "intuition métaphysique", ce qui fait qu'on n'a pas peur d'engendrer des paradoxes, des affirmations logiquement incohérentes (exemple classique : "l'Absolu ne peut être pensé, et pourtant c'est la seule Réalité", ou : "Dieu est un pur néant" - Maître Eckhart). Le second cas (qui relève du mysticisme) ne paraît tout à fait légitime, à condition qu'il ne prétende pas déborder de son domaine. Par exemple, le Pape n'a pas à s'exprimer sur la théorie de la relativité. De même, un croyant ne peut prétendre que le libéralisme découle de la religion. Certes il a le droit de le croire si ça lui fait plaisir. Mais pas plus. "La pensée libérale s’accommode de l’idée de Dieu" est vrai, puisque le libéralisme est tolérant. "C’est de l’idée de transcendance que découle le libéralisme" est une opinion, ce n'est pas une affirmation démontrable. Ou plutôt si, je la démontre (c'est à la portée de n'importe quel métaphysicien moyen) : - la Transcendance est la seule Réalité (sinon ce ne serait pas la Transcendance) - par conséquent, tout ce que nous connaissons n'est qu'un aspect de la Transcendance - donc le libéralisme découle bien de la Transcendance. Démonstration qui n'a aucune valeur épistémologique, faut-il le préciser. Si vous lisez les Upanishads, il y a plein de "démonstrations" de ce genre. L'erreur est de confondre mysticisme et démonstration rationnelle (l'erreur est dans l'esprit du lecteur, pas du rédacteur).
Invité Citoyen_Vigilant Posté 8 janvier 2006 Signaler Posté 8 janvier 2006 Libéralisme et transcendanceUne question revient régulièrement sur ce forum : celle qui interroge les liens entre libéralisme et croyance en Dieu. La question me semble très pertinente. On peut noter que bp de penseur dits "libéraux" ont affché un athéisme parfois militant. Mais qui visait plus l'institution religieuse que le principe de transcendance lui-même. Je vois pour ma part deux approches du libéralisme : - une approche Nitzchéenne, qui trouverait ses précurseurs antiques en Calliclès par exemple. Pour ces libéraux-là, la société est une invention des faibles pour se défendre des plus forts. Ils rêvent au fond d'un système féodal ou règne la loi du plus fort. - Une approche scientiste, qui dans ses fondements, puise sa source au platonisme. L'idée qu'il existerait une "vérité" de l'organisation sociale et politique, que les dysfonctionnements de notre société sont le fruit des mensonges, des malentendus, de l'opacité. Ce sont donc des anti-nitzschéen par excellence. Même s'ils se disent athé, ils ont, profondément en eux, l'intuition d'un Bien et d'une vérité, voire l'aspiration à une figure de sagesse. Leur démarche, profondément, est d'ordre éthique. C'est sur ce clivage que je situerai le débat, plus que sur le fait de croire ou non, explicitement, en "Dieu".
Invité jabial Posté 9 janvier 2006 Signaler Posté 9 janvier 2006 En ce qui me concerne, je maintiens que le libéralisme est un théorie politique (politique: domaine de légitimité de la force - Bastiat, Rothbard) et rien de plus, et que ceux qui prétendent le contraire désirent le récupérer pour d'autres fins. Par conséquent, la seule chose qui puisse disqualifier un individu du libéralisme est le fait qu'il soit prêt à légitimer l'usage de la force contre un innocent.
Invité Citoyen_Vigilant Posté 9 janvier 2006 Signaler Posté 9 janvier 2006 Par conséquent, la seule chose qui puisse disqualifier un individu du libéralisme est le fait qu'il soit prêt à légitimer l'usage de la force contre un innocent. qui dit "innocent" dit "coupable", dit en présupposé une idée de ce qu'est le Bien, le Droit, voir la Vérité - et dénonce le Mal, l'Injustice et le Mensonge. ton propos est, profondément, de nature éthique. tu es donc de la deuxième catégorie, que tu le veuilles ou non ! parceque tu as en toi ce désir de justice, que tu places à un niveau qui est de l'ordre du "sacré" qu'est-ce que le sacré ? Ta réaction démontre précisément où la question libérale rejoint la démarche éthique, et, au-delà, le sens du sacré en l'homme.
Invité jabial Posté 10 janvier 2006 Signaler Posté 10 janvier 2006 Je trouve que cette manie qu'on les religieux d'associer éthique et sacré est tout aussi énervante que l'amalgame permanent que font les étatistes entre l'Etat et les institutions dont il est monopoleur (police, justice, etc). Il n'y a pas plus nécessairement d'amoralité sans dieu qu'il n'y a nécessairement de chaos sans l'Etat.
h16 Posté 10 janvier 2006 Signaler Posté 10 janvier 2006 qui dit "innocent" dit "coupable", dit en présupposé une idée de ce qu'est le Bien, le Droit, voir la Vérité - et dénonce le Mal, l'Injustice et le Mensonge. Le sentiment d'injustice se nourrit au départ d'une sensation physique de douleur. C'est pourquoi elle est ressentie aussi par les animaux (à des degrés moindre que l'homme, soit, mais tout de même). Ce qui veut dire que cette vision éthique est d'abord et avant tout étayée par des reliquats purement physiques. Point n'est besoin d'invoquer un dieu, une vision morale, ou autre.
Dardanus Posté 10 janvier 2006 Signaler Posté 10 janvier 2006 Point n'est besoin du sacré pour avoir une éthique, point n'est besoin d'un Dieu unique pour avoir une vérité absolue. Dieu est-il libéral ? Très sincèrement, voilà une question sans grand intérêt. Le libéralisme est-il consubstantiel à Dieu ? Voilà une question certainement intéressante pour ceux qui croient en un Dieu mais guère pour les autres.
h16 Posté 10 janvier 2006 Signaler Posté 10 janvier 2006 "Dieu n'existe pas : essayez de trouver un plombier le weekend". Woody Allen.
(V) Posté 10 janvier 2006 Auteur Signaler Posté 10 janvier 2006 Point n'est besoin du sacré pour avoir une éthique, point n'est besoin d'un Dieu unique pour avoir une vérité absolue.Dieu est-il libéral ? Très sincèrement, voilà une question sans grand intérêt. Le libéralisme est-il consubstantiel à Dieu ? Voilà une question certainement intéressante pour ceux qui croient en un Dieu mais guère pour les autres. Il n'y a pas d'éthique sans métaphysique. Parler de vérité absolue c'est parler de Dieu. Dieu est-il libéral ? Cette question n'a pas de sens en effet, et ce n'est pas celle qui est posée. Le libéralisme est-il consubstanciel à Dieu ? Explique moi comment tu t'opposes à celui qui veut diriger ta vie, qui veut t'imposer sa vérité politique. Tu ne peux que lui opposer l'idée d'une vérité transcendante, inaccessible, pour remettre en cause le fait que lui ait pu l'atteindre. L'idée de vérité absolue, ou transcendance, ou Dieu, (c'est la même chose, ce n'est qu'une question de vocabulaire), est le principe définitif qui condamne dans le monde des hommes toute tentative de certain de prétendrent savoir ce qui est bon mieux ou meilleur pour les autres et de vouloir en conséquence les y amener, de force si il le faut.
Dardanus Posté 10 janvier 2006 Signaler Posté 10 janvier 2006 "Dieu n'existe pas : essayez de trouver un plombier le weekend". Woody Allen. Et moi j'ai attendu quatre semaines pour pouvoir faire changer le robinet de ma cuisine…Valentin en me convaincra pas…
(V) Posté 10 janvier 2006 Auteur Signaler Posté 10 janvier 2006 Je suis tout à fait d'accord sur l'idée que le libéralisme est fondamentalement lié à l'existence d'au moins un type de transcendance. Ce que j'ai en revanche du mal à concevoir, c'est pourquoi tu identifies idée de Dieu et transcendance - quoiqu'on en dise, il y a bien la nécessité d'une transcendance dans la valeur morale que l'on accorde au respect de l'individu en tant que tel, mais je ne vois pas en quoi on pourrait dire qu'elle est nécessairement d'ordre religieux. Dilbert fait bien de distinguer transcendance relative et transcendance absolue. Histoire de développer un peu plus, voici ce que je dirais. Ainsi que l’exprime Belot, une réalité est transcendante par rapport à une autre quand elle réunit ces deux caractères : 1- de lui être supérieure, d’appartenir à un degré plus élevé dans une hiérarchie ; 2- de ne pouvoir être atteinte à partir de la première par un mouvement continu. On peut donc par exemple envisager un « emboîtement » de réalités, chacune étant transcendée par celle dans laquelle elle est emboîtée. Chaque boite est une réalité pour celui qui s’y trouve, et vérité pour ceux qui se trouvent dans une boite « inférieure », c’est-à-dire une boite contenue par cette boite. Ces transcendances sont relatives, car dépendantes les unes par rapport aux autres. La transcendance absolue, c’est la réalité qui contient toutes les réalités, qui n’est emboîtée par aucune autre : elle est à la fois réalité, et vérité pour elle-même – et donc pour toutes les autres réalités. On ne parle pas de transcendance de valeur, de morale, de principe ou même de concept, mais de ce qui existe réellement (qui est une chose « palpable ») dans sa réalité ; nous ne parlons pas « d'une » transcendance, mais de « la » transcendance, car il y a forcément des rapports de transcendance à tous niveaux, mais une seule est la vérité absolue, quand les autres ne sont que des vérités « intermédiaires », « secondaires », et doivent donc être considérées comme illégitimes à restructurer l'ordre du monde selon ce que certains pensent qu'il en découle. Au terme de tous les emboîtements on en arrive à une transcendance physique, on parle de ce qui est au-delà de notre Univers, tout notre Univers, et qui le contient et qui lui donne sa forme - Univers au sens physique du terme, Univers qui s’est structuré à partir du Big Bang. Notre univers physique est contenu par, emboîté dans, un univers métaphysique (qui signifie littéralement « au-delà de la physique »). Cet univers qui contient le notre, c’est donc ce qu’on peut appeler univers divin, ou « Dieu ». D’où : envisager l’idée de transcendance c’est envisager « Dieu ». Cependant, cette idée de Dieu correspond à quelques critères seulement de l’idée du Dieu des religions, sans être d’ordre religieux. Dilbert et toi me reprochez d’amalgamer transcendance et Dieu, il me semble que l’erreur est d’amalgamer idée de Dieu et religion. Par ailleurs, la religion se base moins sur l’idée de Dieu que sur son Messie (ou plutôt la croyance en celui qui prétend être son Messie).
Calembredaine Posté 10 janvier 2006 Signaler Posté 10 janvier 2006 Et moi j'ai attendu quatre semaines pour pouvoir faire changer le robinet de ma cuisine…Valentin en me convaincra pas… Pour ma part, je l'ai fait tout seul et.. J'ai réussi. Miracle.
(V) Posté 10 janvier 2006 Auteur Signaler Posté 10 janvier 2006 Dommage de gâcher son talent à de telles constructions sans fondement. […] Quand on veut faire de la métaphysique, il y a deux voies possibles : - on définit soigneusement les termes qu'on emploie et on tente de construire un système qui soit logiquement cohérent, c'est ce que fait la philosophie depuis toujours (sans grand succès) ; - on décrit une expérience intime, incommunicable ou très difficilement communicable, une "intuition métaphysique", ce qui fait qu'on n'a pas peur d'engendrer des paradoxes, des affirmations logiquement incohérentes (exemple classique : "l'Absolu ne peut être pensé, et pourtant c'est la seule Réalité", ou : "Dieu est un pur néant" - Maître Eckhart). Le second cas (qui relève du mysticisme) ne paraît tout à fait légitime, à condition qu'il ne prétende pas déborder de son domaine. Par exemple, le Pape n'a pas à s'exprimer sur la théorie de la relativité. De même, un croyant ne peut prétendre que le libéralisme découle de la religion. Certes il a le droit de le croire si ça lui fait plaisir. Mais pas plus. "La pensée libérale s’accommode de l’idée de Dieu" est vrai, puisque le libéralisme est tolérant. "C’est de l’idée de transcendance que découle le libéralisme" est une opinion, ce n'est pas une affirmation démontrable. Ou plutôt si, je la démontre (c'est à la portée de n'importe quel métaphysicien moyen) : - la Transcendance est la seule Réalité (sinon ce ne serait pas la Transcendance) - par conséquent, tout ce que nous connaissons n'est qu'un aspect de la Transcendance - donc le libéralisme découle bien de la Transcendance. Démonstration qui n'a aucune valeur épistémologique, faut-il le préciser. Si vous lisez les Upanishads, il y a plein de "démonstrations" de ce genre. L'erreur est de confondre mysticisme et démonstration rationnelle (l'erreur est dans l'esprit du lecteur, pas du rédacteur). Mmm… C’est intéressant, mais tu entames ce petit topo comme une contre-argumentation de mes propos, alors que tu ne t’attaques à rien de ce que je dis… Je pense qu’il s’agit surtout d’une réaction épidermique au simple emploi du mot « Dieu », sans même que tu ais compris dans quel sens il était employé. D'abord on mélange Dieu et transcendance (comme si l'idée de transcendance impliquait forcément celle de Dieu ou d'un dieu). Réductionnisme typique de la culture occidentale. Parce que c’est Dieu qui est transcendant, c’est Dieu qui est une transcendance. Dieu n’est pas un petit bonhomme barbu qui vit dans les nuages. Il s’agit d’un problème de définition. Il suffit de convenir ici que : Transcendance <=> Vérité <=> Dieu. Il nous faut convenir d’utiliser ces termes comme des équivalents, ce qui n’a rien à voir avec le fait d’assimiler la transcendance à une conception religieuse d’un Dieu. Legion et Dardanus ont bien fait le lien. Si on parle de transcendance absolue, comme d'une vérité absolue, alors, comme le dit Valentin, en effet "parce qu'elle nous transcende, elle est inaccessible.".Mais si elle est inaccessible, que peut-on en dire et que sait-on d'elle ? Comment prétendre alors que le libéralisme découle d'elle ??? Nous sommes bien d’accord Dilbert. Relis-moi, je n’ai pas écrit que c’était de la « transcendance » que découlait le libéralisme, mais de l’idée de transcendance. Puisque la transcendance est par définition inaccessible, on ne peut justement rien en dire. C’est du fait de ne rien pouvoir en dire, c’est de cette idée de transcendance, que découle le libéralisme, et non du « rien », de la transcendance en tant que telle sur laquelle on ne peut rien dire. Rien ne découle du rien, rien ne peut découler du rien, évidemment (mais d’une idée du rien peut découler une autre idée). Sur quoi se fondent les totalitarismes ? Sur l’idée que la vérité est accessible. Le totalitarisme de Platon repose sur l’idée que les philosophes peuvent accéder à la vérité. Il serait donc légitime dans l’ordre du monde qu’ils deviennent les maîtres absolus. Le totalitarisme socialo-communiste repose sur l’idée que la vérité avec un grand V n’existe pas, qu’elle est une construction humaine et dépend donc des dispositions des humains à un moment donné. C’est alors celui ou ceux qui domine(nt) qui impose(nt) sa/leur vérité (dans le processus révolutionnaire, les communistes ont pour but de dominer : la vérité n’est qu’une conséquence, elle sera façonnée par l’exercice du pouvoir). C’est donc justement en admettant l’idée d’une vérité absolue transcendante, qu’on condamne par là même tous ceux qui s’en réclament les dépositaires ici bas : car personne ne peut apporter la preuve qu’il détient bien « la » vérité. La preuve d’avoir atteint la vérité avec un grand V, prouver que c’est vraiment Dieu qui m’a parlé ou autre délire de ce genre, est impossible. Même si Dieu se manifestait lui-même, sa manifestation ne serait qu’un objet de science parmi d’autres, car en prenant forme dans notre monde il deviendrait alors une chose de ce monde, et, aussi inexplicable soit sa manifestation, elle passerait, au mieux pour un phénomène qu’on ne peut expliquer avec les connaissances actuelles, au pire pour un tour de magie, pour une astuce à démasquer.
Dardanus Posté 10 janvier 2006 Signaler Posté 10 janvier 2006 Pour ma part, je l'ai fait tout seul et.. J'ai réussi. Miracle. Dieu seul est grand et Rocou est son prophète.
h16 Posté 10 janvier 2006 Signaler Posté 10 janvier 2006 Dieu seul est grand et Rocou est son prophète. Pour la partie tuyauterie, notamment.
Dardanus Posté 10 janvier 2006 Signaler Posté 10 janvier 2006 Puisque la transcendance est par définition inaccessible, on ne peut justement rien en dire. C’est du fait de ne rien pouvoir en dire, c’est de cette idée de transcendance, que découle le libéralisme, et non du « rien », de la transcendance en tant que telle sur laquelle on ne peut rien dire. Rien ne découle du rien, rien ne peut découler du rien, évidemment (mais d’une idée du rien peut découler une autre idée).Sur quoi se fondent les totalitarismes ? Sur l’idée que la vérité est accessible. Je suis parfaitement d'accord avec ce raisonnement. Ceci dit, l'idée du Big Band est une construction monothéiste. Un Indien (non musulman) ou un Chinois pourrait dire des choses intéressantes sur le sujet.
h16 Posté 10 janvier 2006 Signaler Posté 10 janvier 2006 Ceci dit, l'idée du Big Band est une construction monothéiste "De Duke Ellington et du monothéisme", Dardanus, PUF 2005. Impressionnant.
Dardanus Posté 10 janvier 2006 Signaler Posté 10 janvier 2006 "De Duke Ellington et du monothéisme", Dardanus, PUF 2005. Impressionnant. Ach…touché ! Bang ! bien sûr. Quoique je préfère la petite Bande de Lully…
(V) Posté 10 janvier 2006 Auteur Signaler Posté 10 janvier 2006 La question me semble très pertinente. On peut noter que bp de penseur dits "libéraux" ont affché un athéisme parfois militant. Mais qui visait plus l'institution religieuse que le principe de transcendance lui-même. C’est le problème : s’attaquer à Dieu pour s’attaquer à la religion. Certes, au nom d’un « Dieu », les religions ont aliénés des individus raisonnables, et les ont réduits à l’état de pitoyables dévots à force de leur faire répéter d’ahurissantes et abrutissantes pratiques rituelles. L’athée qui se dresse fièrement contre les obscurantismes religieux s’accorde donc l’auréole suprême de la Raison. Mais la religion n’est pas Dieu, et si la critique de la religion se fonde sur la dérive éprouvée de certaines pratiques, on ne saurait tenir pour responsable de cette dérive celui au nom de qui ont soi-disant été rendues ces pratiques. L’attaque doit viser l’institution religieuse, et non la métaphysique dont elle s’est auto-proclamée dépositaire exclusif. Bien sur, s’attaquer à l’idée de Dieu semble un bon moyen pour remettre en cause les religions. Le raisonnement est le suivant : la religion se réclame de Dieu, donc si Dieu est mis a mal la religion n’a plus d’être. Mais il ne s’agit en fait que d’un moyen détourné. En réalité, la religion ne se réclame pas exactement de Dieu, mais du fait que ce dernier a pu transmettre ses ordres aux hommes, par le biais, par exemple, d’un Messie. Les évangélistes s’attachent plus à essayer de montrer que Jésus était bien le fils de Dieu (la preuve en serait les miracles qu’il a accomplis – prouvant par là sa sur-nature –, en interprétant au pied de la lettre la Bible) et qu’il faut donc obéir à ce qu’il a dit, plus qu’à réfléchir sur l’idée même de Dieu. Les pourfendeurs de la religion devraient donc plus s’attacher à montrer, par exemple, en quoi les histoires que raconte ce livre qu’est la Bible ont plus d’intérêt dans leur signification métaphorique que pris dans leur sens littéral, faisant alors apparaître Jésus non comme ayant des pouvoirs supranormaux mais comme étant un homme comme les autres ayant simplement le sens du symbole, brisant ainsi son lien direct avec Dieu et faisant donc apparaître sa prescription de la vérité comme une supercherie. Les pourfendeurs des religions devraient plutôt s’en prendre aux Messies, à ces usurpateurs, ces imposteurs, et non à l’idée de Dieu. Car en niant l’existence d’un Dieu, l’athée nie la condition même de sa propre pensée. Il nie sa forme même. Rien n’a de forme sans transcendance. C’est la pensée athée qui est dangereuse, car elle reste une croyance tout en prétendant s’opposer aux croyances, pour au final ne mener à rien sinon aux risques qui lui sont liés (prétendre à la vérité ici-bas, envisager de la prescrire). L’athée est soit quelqu’un qui se trompe (qui attaque l’idée de Dieu pour remettre en cause les religions), soit quelqu’un de malhonnête (qui prétend que Dieu n’existe pas pour tenter de prendre sa place), soit quelqu’un qui ne comprend rien à rien, qui s’est posé les mauvaises questions et qui s’est laissé influencer par la rhétorique des malhonnêtes. Contre cette non-pensée, contre cette négation même de la pensée, l’idée d’absolu, de Dieu, de transcendance, est ce qui permet d’envisager un cadre fixe dans lequel peut se développer la raison – raison signifie, au sens étymologique du terme, « rapport », et il ne peut y avoir de rapport entre deux éléments que par rapport à un point fixe. Accepter qu’il existe un absolu, c’est, tout simplement, s’opposer à toute forme de relativisme. Considérer que cet absolu ne peut être connaissable que dans le domaine de l’absolu, c’est refuser que certains hommes prétendent en être les représentants et s’octroient en conséquence des pouvoirs politiques absolus. Ce sont les principes philosophiques au fondement du libéralisme. Je vois pour ma part deux approches du libéralisme :- une approche Nitzchéenne, qui trouverait ses précurseurs antiques en Calliclès par exemple. Pour ces libéraux-là, la société est une invention des faibles pour se défendre des plus forts. Ils rêvent au fond d'un système féodal ou règne la loi du plus fort. - Une approche scientiste, qui dans ses fondements, puise sa source au platonisme. L'idée qu'il existerait une "vérité" de l'organisation sociale et politique, que les dysfonctionnements de notre société sont le fruit des mensonges, des malentendus, de l'opacité. Ce sont donc des anti-nitzschéen par excellence. Même s'ils se disent athé, ils ont, profondément en eux, l'intuition d'un Bien et d'une vérité, voire l'aspiration à une figure de sagesse. Leur démarche, profondément, est d'ordre éthique. C'est sur ce clivage que je situerai le débat, plus que sur le fait de croire ou non, explicitement, en "Dieu". Je ne suis pas sûr de bien saisir : tes deux approches du libéralisme ne me semblent pas si libérales que ça… Elles n'ont même d'ailleurs rien à voir avec le libéralisme, entre fascisme et socialisme. Par ailleurs, ça n’a rien à voir avec le sujet mais pourquoi qualifier de « nietzschéen » le fantasme d’un système où règne la loi du plus fort ? C’est tout contraire aux idées de Nietzsche, à moins que tu te ne renvois à une très mauvaise lecture de La volonté de puissance. Quant à dénicher les racines du scientisme chez Platon, ça me semble plutôt fumeux, le scientisme se caractérisant notamment par le rejet de toute forme de métaphysique.
Etienne Posté 10 janvier 2006 Signaler Posté 10 janvier 2006 Sur quoi se fondent les totalitarismes ? Sur l’idée que la vérité est accessible. Le totalitarisme de Platon repose sur l’idée que les philosophes peuvent accéder à la vérité. Il serait donc légitime dans l’ordre du monde qu’ils deviennent les maîtres absolus. Le totalitarisme socialo-communiste repose sur l’idée que la vérité avec un grand V n’existe pas, qu’elle est une construction humaine et dépend donc des dispositions des humains à un moment donné. C’est alors celui ou ceux qui domine(nt) qui impose(nt) sa/leur vérité (dans le processus révolutionnaire, les communistes ont pour but de dominer : la vérité n’est qu’une conséquence, elle sera façonnée par l’exercice du pouvoir). Je pencherai plutôt pour une confusion de l'idéologie entre modèle et réalité, mais sur le fond nous sommes d'accord : croire que le modèle est la réalité revient à penser que cette réalité est pleinement accessible (non transcendante, donc) via un modèle. Enfin, néanmoins, disons que c'est la croyance en la détention de la Vérité qui implique la négation de la sphère privée (# sphère publique, la distinction me semble le fondement de toute théorie politique de la justice), et qui par conséquent, chercher à étendre ses tentacules sans qu'aucun principe ne puisse l'arrêter.
Invité jabial Posté 11 janvier 2006 Signaler Posté 11 janvier 2006 Le libéralisme est-il consubstanciel à Dieu ? Explique moi comment tu t'opposes à celui qui veut diriger ta vie, qui veut t'imposer sa vérité politique. Tu ne peux que lui opposer l'idée d'une vérité transcendante, inaccessible, pour remettre en cause le fait que lui ait pu l'atteindre. L'idée de vérité absolue, ou transcendance, ou Dieu, (c'est la même chose, ce n'est qu'une question de vocabulaire), Non sequitur, et à deux titres. Tout d'abord, l'idée d'une vérité absolue est parfaitement dissociable de celle d'une "transcendance", et l'objectivisme mais aussi la science moderne en sont d'excellents exemples. Par ailleurs, dieu n'apporte rien au débat car chaque participant peut prétendre que lui connaît la vraie volonté de dieu.
(V) Posté 13 janvier 2006 Auteur Signaler Posté 13 janvier 2006 En ce qui me concerne, je maintiens que le libéralisme est un théorie politique (politique: domaine de légitimité de la force - Bastiat, Rothbard) et rien de plus, et que ceux qui prétendent le contraire désirent le récupérer pour d'autres fins. Par conséquent, la seule chose qui puisse disqualifier un individu du libéralisme est le fait qu'il soit prêt à légitimer l'usage de la force contre un innocent. Le libéralisme est une philosophie politique, personne ne dit le contraire. Mais il s’agit de déterminer l’univers que prend pour cadre cette politique. Et de déterminer le cadre de ce cadre, c’est-à-dire la métaphysique. Métaphysique ? Schopenhauer écrit : « par métaphysique j’entends toute connaissance qui voudrait dépasser le champ de l’expérience possible et par conséquent la nature, ou l’apparence des choses telle qu’elle nous est donnée, pour nous fournir des ouvertures sur ce par quoi celle-ci est conditionnée ; ou, pour parler populairement, sur ce qui se cache derrière la nature, et la rend possible. » Le questionnement métaphysique est donc élémentaire dans le développement d’une théorie politique, dans le sens où il s’agit de déterminer la possibilité même du monde qui est appelé à devenir le cadre d’expression de cette politique. Par ailleurs, la métaphysique conditionnant la réalité, il faudra nécessairement tenir compte des éléments qui lui seront relatifs que nous pourront tenir pour certains, et considérer ce qu’ils impliquent politiquement. Et, histoire de le préciser : le rejet de la métaphysique est lui-même une option métaphysique. D’une certaine manière, pour bâtir une théorie politique solide, les fondations se font à l’envers, « vers le haut ». C’est une démarche métaphysique de base. Je m’intéresse à l’individu, qu’y a-t-il au-dessus, et ainsi de suite jusqu’à poser la question de Dieu. Puis c’est à partir de la question de Dieu que je peux redescendre jusqu’à l’individu. La question de Dieu, c’est par exemple : « Dieu existe-t-il ? » « Qu’est-ce qu’implique de croire qu’il existe ou pas ? » « Est-ce que le fait que Dieu existe ou pas implique quelque chose ? » « Est-il possible de savoir si il existe ? » « L’impossibilité de prouver son existence ou sa non-existence a-t-elle des conséquences sur nos vies ? » Etc. « Est-ce que Dieu existe ? » Il y a ceux qui croient que oui, ceux qui croient que non, dans les deux cas ce sont des croyants, c’est-à-dire qu’ils « adhérent à un énoncé ou a un fait, sans pouvoir en administrer de preuve complète ». Dans les deux cas ce sont des croyances, ce serait donc une trahison de la raison de bâtir des systèmes directement à partir d’elles. La croyance athée est plus dangereuse que la religion, car la religion, elle, au moins, assume qu’elle est irrationnelle en déclarant explicitement reposer sur la foi. Tandis que les athées se présentent comme des « non-croyants » – et revendiquent donc le monopole de la raison –, alors qu’en réalité ils sont bien croyants eux aussi : ils croient que Dieu n’existe pas. Face à ces deux attitudes croyantes, il y a ceux qui reconnaissent qu’il n’est pas possible de trancher, et qu’il n’y a donc pas à tenir compte du fait qu’il existe ou pas. Qu’il n’y a aucun principe à tirer de son existence ou de sa non-existence. C’est l’attitude agnostique. Cela dit, le fait qu’il n’y a aucun principe à tirer est un principe en lui-même, et l’on peut donc tirer un principe de l’idée même qu’il n’y a aucun principe à tirer de l’existence ou de la non-existence de Dieu. Toutefois on peut encore distinguer deux formes d’agnosticisme, qu’on pourrait appeler ici un agnosticisme athée et un agnosticisme déiste. L’« agnosticisme athée », c’est par exemple celui de Dilbert, un agnosticisme « négatif », qui, considérant que la question de Dieu est un problème indécidable, rejette tout ce qui lui est plus ou moins lié, jusqu’à l’idée même de Dieu ou l’idée même qu’il n’est pas possible de répondre à la question de Dieu, jusqu’à l’usage même du terme « Dieu ». Il en fait littéralement un sujet tabou, qu’il soustrait donc à sa pensée et c’est pourquoi on peut parler d’attitude agnostique « négative ». Finalement, il se retrouve plongé dans le même vide que les athées, et rien de vraiment raisonnable ne peut en ressortir. Il ne peut se tenir à rien, il ne peut rien construire de solide. L’attitude agnostique « positive », à l’inverse, résulte du couple agnosticisme-déisme – couple qui peut surprendre tant est confondu dans le langage commun agnostique et athée. Le déisme, c’est reconnaître l’existence d’un Dieu, et donc par là même considérer une condition de la possibilité de notre monde. Il n’en faut pas moins pour fonder une pensée et la raison elle-même. Néanmoins, cette « reconnaissance » de l’existence de Dieu est en fait plutôt une croyance, tant qu’on ne peut en fournir de preuve complète. C’est la dimension agnostique qui ressort alors : même dans l’hypothèse où Dieu existe, on ne peut l’atteindre, ou, à l’inverse, on ne peut prétendre l’atteindre ou prouver qu’on l’a atteint. Cet « agnosticisme-déisme » ou « agnosticisme positif » est l’option métaphysique qui détermine le libéralisme le plus solide. (J’oserais même dire le seul libéralisme vraiment solide – voire le seul libéralisme tout court –, car à ce jour après examen je ne vois pas d’autre option métaphysique qui le légitime et le fonde.) Tu écris : « la seule chose qui puisse disqualifier un individu du libéralisme est le fait qu'il soit prêt à légitimer l'usage de la force contre un innocent ». Je pense que nous sommes tous d’accord sur ce point. Mais posons donc ainsi le problème : « comment celui qui refuse de reconnaître la vérité révélée et qui n’agit alors pas conformément aux ordres de Dieu peut-il être considéré comme innocent ? » Qu’est-ce qui ne va pas ici ? A quoi faut-il s’attaquer ? Quel est l’intrus parmi les trois : vérité – révélée – Dieu ? Il n’y a que Dieu qui fait ce qu’il veut, qui est seul juge de vérité. Mais par la révélation, il permettrait à certains hommes d’agir en son nom, d’agir au nom de la vérité. C’est donc à l’authenticité de la révélation qu’il faut s’attaquer. Le caractère « révélée » de la vérité a d’ailleurs plus d’importance que la vérité elle-même dans le discours religieux – ce qui permet donc le meilleur angle d’attaque pour viser la religion sans toutefois remettre en cause l’idée d’une vérité supérieure. La « révélation », c’est l’expression dans notre monde de ce qui serait la vérité. Mais celui qui nie la vérité, par exemple l’athée qui refuse l’idée de Dieu c’est-à-dire de vérité absolue, ne remet par contre pas en cause la « révélation » d’un autre type de vérité. Il n’y a que la vérité qui peut être opposée aux prétendues vérités. Croire qu’on s’attaque à toutes les prétendues vérités en s’attaquant à l’idée même de vérité est une erreur : le « rien » ne s’oppose qu’au rien et rien d’autre. Pour empêcher que certains hommes ici bas se prennent pour Dieu, se mettent en tête de prescrire la vérité, il faut au préalable reconnaître le vrai Dieu qui transcende notre univers, il faut reconnaître la vérité absolue, la « vraie » vérité, pour l’opposer aux « fausses » (vérités sociales, historiques, scientifiques, etc.) ou aux discours qui la trahissent (révélations, religions, etc.).
Dilbert Posté 13 janvier 2006 Signaler Posté 13 janvier 2006 Toutefois on peut encore distinguer deux formes d’agnosticisme, qu’on pourrait appeler ici un agnosticisme athée et un agnosticisme déiste. L’« agnosticisme athée », c’est par exemple celui de Dilbert, un agnosticisme « négatif », qui, considérant que la question de Dieu est un problème indécidable, rejette tout ce qui lui est plus ou moins lié, jusqu’à l’idée même de Dieu ou l’idée même qu’il n’est pas possible de répondre à la question de Dieu, jusqu’à l’usage même du terme « Dieu ». Il en fait littéralement un sujet tabou, qu’il soustrait donc à sa pensée et c’est pourquoi on peut parler d’attitude agnostique « négative ». Finalement, il se retrouve plongé dans le même vide que les athées, et rien de vraiment raisonnable ne peut en ressortir. Il ne peut se tenir à rien, il ne peut rien construire de solide. Justement, tu te méprends sur ma position. Je suis bouddhiste, pour moi l'idée de Dieu en tant qu'être suprême est absurde. Encore plus en tant que créateur. En revanche l'une des hypothèses fondatrices du bouddhisme est qu'il y a un Inconditionné (voir mon article dans Wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Nirv%C4%81na ). On ne peut rien dire de lui, si ce n'est qu'il n'est ni existant ni non-existant (paradoxes classiques au sujet de l'Absolu). Parler de "vérité absolue" à son propos ne veut rien dire. A vrai dire, sa "nature" importe peu (et le terme de "nature" en ce qui le concerne ne signifie rien). Ce qui importe est d'arriver à le connaître, et la "voie négative" du bouddhisme est une des façons d'y parvenir - pas la seule, certes, mais au moins on ne se laisse pas abuser par les théogonies positives pleines d'irrationnalités et d'anthropomorphismes, qui laissent espérer une vie après la mort, un paradis, des "Sauveurs" (qui sauvent-ils et comment ?) et autres billevesées pour esprits crédules… "Il ne peut se tenir à rien, il ne peut rien construire de solide" : mais c'est exactement ça, le bouddhisme ! On prend appui sur la vacuité : http://en.wikipedia.org/wiki/Sunyata . Les autres voies assez proches (vedanta, taoïsme, zen) sont à peine moins négatives. On dit aux croyants : "libre" à vous de rester dans vos illusions - quant à nous, ça ne peut nous satisfaire en aucune façon. Je m'élève vigoureusement contre le mélange occidental indigeste : religion - Dieu - croyance - théologie - vérité, etc. qui est fait pour enfermer les gens dans les schémas stéréotypés du monothéisme. Cela dit, je n'ai personnellement rien contre les croyants. Je leur demande juste de ne pas essayer de m'enfumer. Et pour revenir au sujet, non, le libéralisme ne découle pas de l'idée de transcendance. C'est une vérité relative qui s'est péniblement imposée au fil des millénaires.
Invité jabial Posté 14 janvier 2006 Signaler Posté 14 janvier 2006 En effet Valentin - en ce qui concerne l'existence de dieux, on peut se poser des questions, mais en ce qui concerne l'authenticité des textes aujourd'hui disponibles, il faut être aveugle pour croire encore que leur interprétation littérale est exacte. D'ailleurs, la majorité des croyants pensent aujourd'hui celà. Ainsi, on peut attaquer tout argument religieux en opposant à l'argument d'autorité divine l'usurpation de celle-ci - en effet, tout argument religieux constitue une interprétation humaine de la volonté divine.
Messages recommandés
Archivé
Ce sujet est désormais archivé et ne peut plus recevoir de nouvelles réponses.