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Quelle Surprise : Littell a le Goncourt


Taranne

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Jonathan Littell a remporté le Goncourt.

Et Pierre Assouline est tout content:

http://passouline.blog.lemonde.fr/2006/11/06/littell-haut-la-main/

A noter la manière dont il flingue en douce Nourissier et Tournier, ou les guillemets qui entourent les révélations "sordides" sur la petite cuisine des prix… Ce gars est vraiment impayable.

A part ça, est-ce que quelqu'un a lu Les Bienveillantes? Qu'est-ce que ça vaut, concrètement?

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Jonathan Littell a remporté le Goncourt.

Et Pierre Assouline est tout content:

http://passouline.blog.lemonde.fr/2006/11/06/littell-haut-la-main/

A noter la manière dont il flingue en douce Nourissier et Tournier, ou les guillemets qui entourent les révélations "sordides" sur la petite cuisine des prix… Ce gars est vraiment impayable.

A part ça, est-ce que quelqu'un a lu Les Bienveillantes? Qu'est-ce que ça vaut, concrètement?

Pour le moment, ma femme a posé le pavé compact et rebutant sur la table. Je tenterai, dans les prochains jours, un rapide survol des premiers paragraphes premières tartines. Le sujet (du livre, pas de ce fil :icon_up: ) ne me passionne pas trop, et la forme (des paragraphes immmmmmenses) n'est pas des plus commodes à mon goût.

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Ah, moi je suis tenté par contre.

Voici ce qu'en dit le meilleur magazine du monde :

A bad case of over-excitement

Nov 2nd 2006

From The Economist print edition

WRITTEN in French by an American, Jonathan Littell's new novel, “Les Bienveillantes”, has been the sensation of the rentrée littéraire, the French fiction season. Set for an initial print run of 12,000, it had sold nearly 200,000 copies by the end of September. A month later, the Académie Française awarded the book its grand prize for fiction; it is on the shortlist for two others including the Prix Goncourt, which will be announced on November 6th. Mr Littell, a former aid worker, is the son of a thriller writer. Le Monde likens him to Tolstoy. But is his book any good?

“Les Bienveillantes”—literally the “kindly ones”, but also a euphemism for the Furies of Greek mythology—is a former SS officer's account of his exploits during the second world war. Mixing reminiscence, self-justification and philosophical musings, Max Aue describes his work with a German death squad during the invasion of the Soviet Union. The action sweeps through the Caucasus, the Battle of Stalingrad and the Majdanek and Auschwitz death camps to Hitler's bunker in its last days.

Mr Littell's research is meticulous. Aue mixes with the leading historical figures of the time, and the intricacies of Nazi bureaucracy are depressingly real. But the novel founders under the weight of its own detail. The reader must endure an exploration of the origins of the Tats, a Caucasian tribe, and an equally drawn-out argument over rations allocated to inmates of concentration camps. Mr Littell's anti-hero shows signs of deep disturbance: an incestuous relationship with his sister, sado-masochistic homosexuality and a violent matricide form only a small part of a traumatic life. As the Third Reich crumbles, so “Les Bienveillantes” falls apart. In one of the last scenes, as Hitler pins a medal to his breast, Aue playfully tweaks the Führer's nose. At the Frankfurt book fair last month, publishers made frenzied bids for the foreign rights. They may be in for a pasting.

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Ca m'intéresse moi, les origines des Tats.

Cadeau ! (en anglais)

P.S. : Quel bordel, le Daguestan…

Posté

Dans le même genre, il y avait la "mort est mon métier" ou de vraies mémoires du Chef d'Auschwitz, Rudolf Höß (dont le premier est tiré).

Ce sont deux bouquins qui m'ont fait comprendre tout ce qu'on peut tirer d'un fonctionnaire bien zélé qui obéit aux ordres

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Ce genre de bouquin sort en résumé quelque part ?

Parce que moi les "prix" littéraires français, bof bof… D'ailleurs, existe-t-il encore une littérature française ? :icon_up:

Pour la peine, m'en vais vérifier où en est ma collection de prix Hugo, Nebula, Locus et Prometheus, tiens :doigt:

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Voici ce qu'en dit le meilleur magazine du monde :

Dommage

Je l'ai lu, c'était très bien.

On le lit en quelle classe déjà ?

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Via La Lime

http://ac.matra.free.fr/FB/Littell.htm

Les Bienveillantes, un canular déplacé

Par Edouard Husson, historien, maître de conférences à Paris IV.

Publié le 08 novembre 2006

Les Bienveillantes de Jonathan Littell est un gigantesque canular. J'utilise le mot, à son sens propre, celui de ces textes en prose ou en vers composés dans un esprit irrévérencieux par les khâgneux pour leurs professeurs ou pour un public imaginaire. Bien évidemment, si le canular est réussi, il aura trouvé des lecteurs pour le prendre au sérieux. Il semble que, sur ce point, l'auteur ait ­atteint son but au-delà de toute espérance. On lui décerne même des récompenses d'habitude réservées à des textes qui sont de la vraie ­fiction. Je n'ai pas arbitrairement recours à la référence khâgneuse. Le narrateur, à la page 464, se ­re­trouve dans la thurne de Robert Brasillach à la rue d'Ulm. D'une manière générale, Max Aue, le narrateur, a les qualités et les défauts du khâgneux : Le goût des idées philosophiques - au risque de lasser le lecteur quand il doit subir à longueur de page des dialogues sur le moi, le monde et l'absence de Dieu. L'attrait du pastiche - qui tourne au cliché lorsque l'auteur nous ressert, en bien moins percutant, à la page 364, le célèbre dialogue entre un ­nazi et un communiste dans Vie et Destin de Vassili Grossmann. La fascination pour Sade - aucun poncif sur les rapports entre sexe et violence ne nous est épargné. D'une manière générale, le héros du roman est complètement invraisemblable. Ce raisonneur, écoeuré et attiré par la violence à la fois, semble n'avoir jamais quitté le Quartier Latin et il est peu probable que le Sicherheitsdienst de Himmler et Heydrich ait longtemps toléré dans ses rangs un agent aussi peu déterminé à mettre en oeuvre les politiques génocidaires du Reich.

Il n'y a pas que le côté m'as-tu vu du khâgneux ; il y a aussi l'autre face, celle de l'élève besogneux. Comme historien du nazisme, je­ ­relève page après page des fiches de lecture plus ou moins visiblement accrochées les unes aux autres. Le narrateur nous l'annonçait dès le prologue, lorsqu'il faisait allusion aux fiches bristol entassées dans un tiroir de son bureau. Bien entendu, le genre du romenquête - c'est la définition la plus exacte d'un livre qui n'est ni vraiment de l'histoire ni vraiment de la fiction (90 % des personnages sont historiques) - permet à l'auteur de dissimuler ses sources. Mais il est évident qu'il a beaucoup lu - sur les Einsatzgruppen, sur Stalingrad, sur le Paris de l'Occupation etc. Certains passages sont caricaturaux, de ce point de vue : les débats entre officiers des Einsatzgruppen fin juin 1941 semblent tout droit sortis des débats ­entre historiens des années 1990 sur la préparation de l'invasion de l'Union Soviétique. Ou bien la rencontre du narrateur avec Werner Best, le juriste de la Gestapo, donne lieu à un résumé de la biographie que lui a consacré l'historien allemand Ulrich Herbert, placé dans la bouche de Best lui-même.

Ailleurs, un personnage nous fait soudain du Ian Kershaw, le biographe de Hitler, en nous expliquant que la formule clé du régime, c'est de savoir si un tel ou un tel « travaille dans le sens de la volonté du Führer ». L'auteur, visiblement, est fasciné par tout ce qui s'est publié, ces dernières années, sur les intellectuels dans la SS. Mais, plongé dans ses fiches, il commet des ­erreurs d'interprétation. Ni Michael Wildt ni Ulrich Herbert ni Götz Aly ni aucun des historiens qui ont ­décrit récemment le rôle joué par les experts et technocrates de « l'ordre noir » n'ont suggéré, comme le fait Littell, que ces « penseurs de l'extermination » avaient pu songer à modérer les « policiers » type Heydrich. Au contraire, l'afflux des plus brillants juristes, économistes ou spécialistes de l'aménagement du territoire à la SS, à partir du milieu des années 1930 a largement contribué à l'emballement de la machine génocidaire en 1941-1942.

De même, Littell ne comprend pas bien le processus de décision qui mène au génocide des juifs. Contrairement à ce qu'il fait dire à l'un de ses personnages, il y a eu non pas un seul Führervernichtungsbefehl (ordre d'extermination donné par le Führer - le terme est très improbable à l'époque) mais une série de mots d'ordre successifs de radicalisation entre la mi-juillet et la mi-novembre 1941. Et ni Hitler ni Himmler n'avaient besoin d'une éminence grise inventée comme Mandelbrod pour mettre en oeuvre de façon coordonnée la Shoah. Le caractère inachevé ou approximatif est le propre d'un canular, j'en conviens. Cependant, au fur et à mesure qu'avance la lecture, on est de moins en moins indulgent pour les erreurs d'interprétation de l'auteur.

En effet, il apparaît de plus en plus clairement que le livre passe à côté de son objet. Le nazisme ne peut pas être abordé avec l'ironie pesante du khâgneux qui s'adresse aux happy few qui comprendront qu'il faut lire son livre au troisième ou au quatrième degré. Le point de vue du narrateur, celui d'un nihiliste post-moderne qui promène son ennui le long des charniers causés par des nihilistes de l'âge totalitaire, conduit à relativiser la gravité du national-socialisme. L'idée juste selon laquelle tout homme peut devenir un bourreau sert en fait, sous la plume de Jonathan Littell à relativiser les crimes du nazisme. L'identification du lecteur au narrateur que réclame le prologue doit conduire à l'indulgence pour le narrateur. Lequel se permet des images qui sont une insulte à la mémoire des victimes, comme le passage où il voit Hitler habillé en rabbin (p.434).

En fait, ce que Littell n'a pas compris, c'est que le nazisme ne peut pas être un objet de canular.

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Ce qui me fait plaisir, c'est qu'il y ait encore des Américains francophiles à ce point et que Littell soit récompensé par autre chose que la nationalité française, qu'il demanda par deux fois sans succès si je ne m'abuse. Il y a encore un peu d'espoir de sauver la culture française.

Posté

A défaut de se faire un nom en écrivant un livre on peut encore devenir célèbre en brulant un Goncourt.

  • 1 year later...
Posté

J'ai acheté le pavé en format poche et j'en ai lu environ 200 pages sur 1400. On est très loin du chef-d'oeuvre mais c'est tout de même un très bon livre. J'ai bien aimé un passage comparant les guerres entre monarques et entre peuples. Selon Littell, la guerre totale est consubstantielle à la souveraineté populaire alors que les rois ne menaient que des guerres courtoises. Napoléon inaugura la guerre totale et Europe puis fut battu à son propre jeu. Je pense d'ailleurs mettre ce passage en signature bientôt.

Posté
Selon Littell, la guerre totale est consubstantielle à la souveraineté populaire. Napoléon inaugura la guerre totale et Europe puis fut battu à son propre jeu.
Selon Smith aussi. :icon_up:

Posté
Selon Smith aussi. :icon_up:

En même temps c'est presque banal (au moins sur ce forum). A noter : encore une invention française, à mettre à côté de la Terreur.

Posté
En même temps c'est presque banal (au moins sur ce forum). A noter : encore une invention française, à mettre à côté de la Terreur.

Entendu très récemment sur France Culture, lors d'une émission consacrée au démolissage du Livre Noir de la Révolution Française : "De toute façon, la Terreur n'a jamais existé.". Ca fait un choc, mine de rien.

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…les rois ne menaient que des guerres courtoises.

Ouais ouais. La Guerre de Cent ans, la Guerre de Trente ans et tant d'autres furent tout sauf "courtoises". Mais il est vrai que le concept de guerre "totale" apparaît avec la Révolution française.

Invité jabial
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Ouais ouais. La Guerre de Cent ans, la Guerre de Trente ans et tant d'autres furent tout sauf "courtoises". Mais il est vrai que le concept de guerre "totale" apparaît avec la Révolution française.

Disons que le problème de la souveraineté populaire, comme l'a déjà dit RH, c'est qu'elle brouille la limite entre combattants et non-combattants. Sous un roi, les gueux ne sont pas des ennemis. Sous une démocratie par contre, chacun est une part infime de l'appareil de pouvoir, et donc un ennemi légitime d'une certaine façon.

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Disons que le problème de la souveraineté populaire, comme l'a déjà dit RH, c'est qu'elle brouille la limite entre combattants et non-combattants. Sous un roi, les gueux ne sont pas des ennemis. Sous une démocratie par contre, chacun est une part infime de l'appareil de pouvoir, et donc un ennemi légitime d'une certaine façon.

Bof, tout cela reste est bien théorique. Dans la pratique, surtout dans les guerres religieuses, on a régulièrement et allègrement massacré "légitimement" foules de non combattants.

Invité jabial
Posté
Bof, tout cela reste est bien théorique. Dans la pratique, surtout dans les guerres religieuses, on a régulièrement et allègrement massacré "légitimement" foules de non combattants.

Ce qui est probablement la raison du grand mouvement antireligieux des lumières.

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