Libérus Posté 13 novembre 2006 Signaler Posté 13 novembre 2006 J’ai été surpris de lire sur un autre fil des déclarations laissant entendre que DSK pourrait être finalement un bon choix pour des libéraux. J’ai été navré de lire que DSK est le seul homme politique en France à défendre ouvertement l’économie de marché. Ni ses cours à Sciences Po, ni ses déclarations actuelles dans le débat socialiste ne reflètent la réalité de ses positions. Contrairement à Royal, DSK n’est pas satisfait du tout par la social –démocratie de type scandinave, qui consiste à laisser le marché libre de produire, puis à redistribuer au moyen de la fiscalité (au sens large). Ce qu’il veut , c’est corriger les inégalités à la source, c’est-à-dire dans l’entreprise. C’est ce qu’il appelle le « socialisme de production ». Il l’a théorisé dans deux ouvrages, qui malheureusement ont été peu lus : -« La flamme et la cendre », B. Grasset, Paris, 2002 - « Pour l’égalité réelle, éléments pour un réformisme radical » ,avec G. Finchelstein, ,Fondation Jean Jaurés, 2004. On trouve un bon résumé de sa pensée dans un discours prononcé en juin 2004 et dont ce site reproduit de larges extraits. Le discours commence par deux contre-vérités que j’ai réfutées dans ce fil . Je me suis permis de souligner les passages particulièrement « libéraux », pour ceux qui entretiennent des illusions sur le personnage. L'ANALYSE DU SYSTEME CAPITALISTE " Le capitalisme moderne porte en lui les inégalités comme la nuée porte l’orage. Ce capitalisme change et les inégalités n’en prospèrent que mieux. Comment change-t-il et pourquoi est-il encore plus inégalitaire que par le passé ? Le capitalisme était industriel, il est devenu financier. Dès l’origine et jusqu’il y a peu, le capitalisme était fondé sur la production, la logique était l’expansion. Il avait deux visages celui du patron et celui de l’ingénieur. Ce capitalisme a disparu, la concurrence s’est déplacée vers les marchés financiers. Ceux-ci demandent une rentabilité toujours plus élevée, doit on être surpris de voir la part salariale baisser comme jamais dans l’Histoire. Et comme le profit passe plus par la destruction d’emploi que la création d’activités, les inégalités sont au rendez vous. Le capitalisme était devenue une affaire de gestionnaire, il est redevenu une affaire d’actionnaire. Il fait naître une sorte d’ « hyper classe » enrichie par les explosions boursières et dont les liens avec le reste de la société salariale sont totalement rompus. Le capitalisme était standardisé, il est devenu éclaté. L’organisation de la société autour du contrat de travail et du statut salarial est maintenant derrière nous. Le marché du travail s’est individualisé faisant éclater l’ancienne classe ouvrière. L’appréciation du travail du salarié devient plus individuelle, à mesure que le développement d’une économie plus tertiaire s’accompagne d’une multiplication des statuts précaires. Ici encore, le résultat c’est la croissance des inégalités. Le capitalisme était principalement national, il est devenu fondamentalement global. Avec un capital plus mobile, qui ne permet à personne de savoir si son entreprise sera encore là demain et à nouveau des salariés en situation très différente. Ceux, en petit nombre, qui bénéficient de ces ruptures comme autant d’étapes dans une carrière ascensionnelle, et ceux, les plus nombreux, pour lesquels la rupture est synonyme d’angoisse et de détresse. Ces mutations du capitalisme produisent une société plus inégalitaire ! Le risque est réel d’un emballement des inégalités. Les ascenseurs sociaux sont délabrés ; ce nouveau capitalisme voudrait nous condamner à une société où les inégalités de destin seraient devenues la règle. Notre société ne serait plus alors qu’une juxtaposition d’inégalités, donnant sur le tard raison à Margaret Thatcher qui professait que loin d’être un animal politique, l’homme n’était qu’un individu esseulé si bien la société des hommes ne pouvait pas avoir d’existence. Voilà ce que je refuse. Je veux une société juste. Voilà notre horizon. LE NOUVEAU SOCIALISME Comment ? En inventant un nouveau socialisme, celui qui fixe au réformisme radical l’objectif de réduire réellement les inégalités. Jusqu’à présent, armés de notre seule volonté de réparer les désordres d’un monde d’injustices, nous avons écopé l’océan des inégalités capitalistes avec les seules mains de l’Etat providence. Il faut aller plus loin. Voilà pourquoi, je vous propose une nouvelle méthode, un nouvel objectif, pour des propositions nouvelles. Notre nouveau socialisme sera à la fois celui de la redistribution, de la production et de l’émancipation. Un socialisme global pour un réformisme radical. Oui, devant vous ce soir, et devant la gauche de demain, j’en appelle d’abord au renforcement de ce socialisme fondé sur la redistribution ! Le programme historique de la social-démocratie, c’est la redistribution. Alors continuons ce combat. Mais, il faut rendre le système plus redistributif. A l’heure où l’éventail des revenus avant redistribution s’écarte de nouveau, il faut redistribuer mieux et nous avons des marges de manœuvre pour cela ! Nous avons créé une machine qui redistribue déjà la moitié de la richesse nationale. Mais elle la redistribue mal : en dépit d’un volume global élevé, notre système contribue peu à la correction des inégalités. Les prélèvements sur les personnes physiques, impôts nationaux et locaux, cotisations sociales sont relativement stables quel que soit le niveau de revenus : ils restent compris entre 50% et 60% des revenus, que l’on soit cadre ou employé. Pourquoi ? Parce que l’Etat-providence en France affiche une prétention redistributive, et qu’en réalité il n’a pas été construit pour cela. Son objectif premier était de protéger les français contre les risques de l’existence, pas de réduire les inégalités. Et même du coté des prélèvements, nous sommes loin du compte, prenons l’exemple de l’impôt sur le revenu : il est présenté par les libéraux comme l’exemple même de l’horreur en raison de son taux marginal de 50%, en réalité l’ensemble des abattements et autres niches diverses font que le taux effectif est de 25%, soit un des plus bas du monde occidental. (…) LE SOCIALISME DE PRODUCTION Mais il nous faudra aller au delà de la redistribution.Mes amis, devant vous ce soir et devant la gauche demain, j’en appelle à attaquer les inégalités là où elles se créent, c’est-à-dire au sein même du système de production. J’en appelle au retour à un socialisme qui se préoccupe de la production. Nous ne pouvons plus nous contenter de regarder passivement le marché créer des inégalités pour tenter de les corriger après coup. Les inégalités de revenus issus du marché s’accroissent. Et c’est pourquoi nous devons refuser de laisser le marché en engendrer autant. Il nous faut nous retourner vers le système productif et attaquer les inégalités là où elles se créent. J’évoque dans la note que j’ai préparée pour notre journée d’étude, quatre grands chantiers : la démocratie sociale, la sécurisation des parcours professionnels, la lutte contre les accidents du travail et la régulation des licenciements économiques. C’est sur ce dernier point que je voudrais insister devant vous. . LE SOCIALISME DE L EMANCIPATION Intervenir au sein du système de production permet de limiter le développement des inégalités ; cela ne permet pas de les réduire suffisamment. Il faut s’attaquer à leurs causes, à la racine : leurs causes, c’est la très inégale répartition des « chances de départ » dans la vie - les origines personnelles et leurs symboles visibles, le milieu familial, l’environnement social… Elles surdéterminent l’accomplissement personnel. Ce sont ces inégalités de départ qui créent les inégalités de destin, ce sont elles qu’il faut combattre pour remettre en mouvement la mobilité sociale. Ce « socialisme de l’émancipation » repose sur un principe, s’articule autour d’une méthode et dispose d’un instrument privilégié. Le principe : la correction en amont des inégalités. La méthode : la concentration des moyens publics, là où ces inégalités se forment. L’instrument, c’est le service public Un exemple : l’école. Il faut donner un sens concret à la revendication d’égalité. C’est, je le dis au passage, la différence essentielle avec la 3ème voie du blairisme. Ce dernier proclame : « vous avez les mêmes droits, la compétition est ouverte, que meilleur gagne ! ». Notre socialisme de l’émancipation doit rechercher une égalité réelle dans une logique de cohésion sociale or l’égalité formelle peut au bout du compte être l’ennemi de l’égalité réelle. Ce que nous voulons c’est que « la République donne plus à ceux qui ont le moins ». Après l’école, prenons un autre exemple : la question du logement. Aujourd’hui, la barrière des prix de l’immobilier protège les quartiers riches et empêche les enfants des classes moyennes et populaires d’accéder aux écoles et aux réseaux sociaux des familles privilégiées. Pour attaquer les inégalités à la racine, il nous faut donc une politique de HLM orientée en priorité vers les quartiers aisés pour atteindre vraiment le quota de 20% prévus par la loi. Mais aussi, pour faire participer le secteur privé à l’effort de mixité sociale, imposer dans les plans locaux d’urbanisme l’obligation d’un quota de logements sociaux dans toute promotion ou réhabilitation immobilière. Bertrand Delanoë y songe pour Paris. Il faut le généraliser. L’école, le logement, un autre exemple encore : les cités qui sont le lieu des plus grandes injustices. Ce sont les territoires qui concentrent la population la plus pauvre, or ce sont ceux qui reçoivent le moins d’argent public. On ne peut reconquérir, les couches populaires en ayant seulement l’augmentation des salaires en bandoulières ! Il faut une politique autrement audacieuse. C’est pourquoi toutes les politiques doivent cumuler leurs effets pour réintégrer les cités dans la République : la fiscalité, la politique de la ville, celles du logement, de l’éducation, de la santé. Je m’arrête sur l’éducation : revalorisons les ZEP en accordant aux enseignants qui resteraient suffisamment longtemps dans ces dernières un avantage pour la suite de leur carrière et concentrons dans ces zones des moyens décuplés. (…) Il est intéressant de rapprocher le dernier paragraphe du fil ci joint où contre vents et marées, j’ai soutenu qu’il existe une conception libérale de l’égalité des chances, évidemment totalement différente de celle soutenue ici par DSK. J'ajoute à l'intention de Rincevent que le fait qu'il s'abrite dans ses cours sous l'autorité de Schumpeter n'est pas du tout de nature à me rassurer sur son "libéralisme".
WALDGANGER Posté 13 novembre 2006 Signaler Posté 13 novembre 2006 disons que par ordre de préférence, et si on souhaite corriger les inégalités (évidemment on peut contester ce point mais la discussion n'a alors plus d'intéret), il vaut mieux dans l'ordre: 1) s'attaquer aux inégalités en amont (éducation, logement) 2) laisser faire puis redistribuer 3) distordre les systèmes productifs DSK semble privilégier le 1) et le 3) mais il n'insiste pas vraiment sur le contenu du 3) dans les textes que tu proposes, à part sur les licenciements économiques. Donc si son idée c'est de se concentrer sur le 1), et bien je pense qu'il a raison. juste pour le fun, DSK: 1)"Le capitalisme moderne porte en lui les inégalités" 2)"j’en appelle à attaquer les inégalités" => 3) saurez vous trouver le 3) ?
bubka Posté 13 novembre 2006 Signaler Posté 13 novembre 2006 Bon, alors j'ai parlé (ou plutôt écrit) un peu vite quand j'ai dis que DSK était peut-être un moindre mal. Je pensais, d'après des informations glanées à gauche à droite, qu'il était justement favorable à la social-démocratie de type scandinave. Disons, que je me suis laissé aveugler par son challenger Fabius plus véhément lorsqu'il s'agit de dénoncer l'économie de marché.
Sous-Commandant Marco Posté 13 novembre 2006 Signaler Posté 13 novembre 2006 Que pouvait-on attendre d'un ancien ministre qui se fait payer 600 kF pour arranger le rachat de la MNEF, c'est à dire pour passer quelques coups de fil à ses potes socialistes?
Libérus Posté 13 novembre 2006 Auteur Signaler Posté 13 novembre 2006 Bon, alors j'ai parlé (ou plutôt écrit) un peu vite quand j'ai dis que DSK était peut-être un moindre mal. Je pensais, d'après des informations glanées à gauche à droite, qu'il était justement favorable à la social-démocratie de type scandinave. Disons, que je me suis laissé aveugler par son challenger Fabius plus véhément lorsqu'il s'agit de dénoncer l'économie de marché. Effectivement, la présence de l'infâme Fabius a permis à DSK de se poser en Monsieur raisonnable (au cirque "Monsieur Loyal"). Que pouvait-on attendre d'un ancien ministre qui se fait payer 600 kF pour arranger le rachat de la MNEF, c'est à dire pour passer quelques coups de fil à ses potes socialistes? Espérons que les étudiants s'en souviennent.
h16 Posté 13 novembre 2006 Signaler Posté 13 novembre 2006 Effectivement, la présence de l'infâme Fabius a permis à DSK de se poser en Monsieur raisonnable (au cirque "Monsieur Loyal"). Le cirque de Mme Royal, plutôt. Mais effectivement, par contraste avec Fabius, des fois, même Besancenot paraît pastel.
Libérus Posté 13 novembre 2006 Auteur Signaler Posté 13 novembre 2006 disons que par ordre de préférence, et si on souhaite corriger les inégalités Personnellement, je ne cherche nullement à "corriger" les inégalités de revenus. En fonction de quel critère de "justice" le ferais-je ? Si elles devenaient très fortes (disons, un indice de Gini dépassant 0,60) , alors ce serait l'explosion et on basculerait inévitablement dans la dictature. Mais nous sommes très loin de ce cas de figure. Il faudrait pour cela une immigration massive, énorme, de populations sous-qualifiées.
Rincevent Posté 14 novembre 2006 Signaler Posté 14 novembre 2006 J'ajoute à l'intention de Rincevent que le fait qu'il s'abrite dans ses cours sous l'autorité de Schumpeter n'est pas du tout de nature à me rassurer sur son "libéralisme". C'est mieux que Marx. Si les thèses de Krugman sur la mondialisation étaient plus connues en France, on ferait déjà un sacrès progrès, c'est dire d'où l'on part. Quant à Schumpi, certes ce n'est pas parfait, mais c'est mieux que le keynésianisme que l'on enseigne à l'ENA et à Sciences-Po (j'ai déjà du le dire, mais Keynes aurait été horrifié par ceux qui ont clamé être ses successeurs). Enfin, je crois qu'entre ce qu'un homme politique écrit, dit, compte faire et fait en pratique, il y a à chaque étape un fossé. Et je ne parle pas des variations dans le temps. En pratique, il a fait quoi de bien et quoi de mal, durant son passage à Bercy ? Que pouvait-on attendre d'un ancien ministre qui se fait payer 600 kF pour arranger le rachat de la MNEF, c'est à dire pour passer quelques coups de fil à ses potes socialistes? Ca dépend. Une fois corrompu, il le reste ?
melodius Posté 14 novembre 2006 Signaler Posté 14 novembre 2006 Excellent post, merci ! J'aurais eu tendance à imputer les petits slogans gauchistes occasionnels à la nécessité de flatter la gauche du PS, mais là je n'en suis plus si certain.
Libérus Posté 14 novembre 2006 Auteur Signaler Posté 14 novembre 2006 C'est mieux que Marx. Tous les deux prédisent une apocalypse du capitalisme. Si les thèses de Krugman sur la mondialisation étaient plus connues en France, on ferait déjà un sacrès progrès, c'est dire d'où l'on part. Vous parlez du Krugman des années 80, celui de "la mondialisation n'est pas coupable", ou celui des années 2000 qui fait son procès dans le NYT ?
WALDGANGER Posté 14 novembre 2006 Signaler Posté 14 novembre 2006 Excellent post, merci !J'aurais eu tendance à imputer les petits slogans gauchistes occasionnels à la nécessité de flatter la gauche du PS, mais là je n'en suis plus si certain. je ne sais pas, toute sa théorie sur le socialisme de production aboutit à dire qu'au lieu de faire de la redistribution il vaut mieux renforcer l'éducation, c'est donc un enrobage gauchiste pour une conclusion, à mon avis, plus libérale que la situation actuelle. Mais son discour est dangereux car si il décide d'aller plus loin que l'éducation c'est le genre de raisonnement qui pourrait conduire à la fixation des salaires par l'Etat ou d'autres horreurs du même genre.
Libérus Posté 14 novembre 2006 Auteur Signaler Posté 14 novembre 2006 je ne sais pas, toute sa théorie sur le socialisme de production aboutit à dire qu'au lieu de faire de la redistribution il vaut mieux renforcer l'éducation, Non, ça c'est le "socialisme d'émancipation". Relisez-le. Il distingue bien "socialisme de redistribution", "socialisme de production" et "socialisme d'émancipation". Le premier et le dernier nous sont familiers. Le second est plus inquiétant.
Sous-Commandant Marco Posté 14 novembre 2006 Signaler Posté 14 novembre 2006 Non, ça c'est le "socialisme d'émancipation". Relisez-le. Il distingue bien "socialisme de redistribution", "socialisme de production" et "socialisme d'émancipation". Le premier et le dernier nous sont familiers. Le second est plus inquiétant.Moi, je ne connais que le socialisme de destruction.OK, c'est facile…
Rincevent Posté 14 novembre 2006 Signaler Posté 14 novembre 2006 Vous parlez du Krugman des années 80, celui de "la mondialisation n'est pas coupable", ou celui des années 2000 qui fait son procès dans le NYT ? Je parle du Krugman de "La Mondialisation n'est pas Coupable", le seul livre que j'aie lu de lui (peut-être le seul de ses livres qui vaille la peine d'être lu, d'ailleurs). Quant au Krugman du New York Times, Thomas Sowell lui règle son compte dans une tribune cinglante, mais que je n'arrive plus à retrouver.
WALDGANGER Posté 14 novembre 2006 Signaler Posté 14 novembre 2006 Non, ça c'est le "socialisme d'émancipation". Relisez-le. Il distingue bien "socialisme de redistribution", "socialisme de production" et "socialisme d'émancipation". Le premier et le dernier nous sont familiers. Le second est plus inquiétant. ok j'avais sauté ça, effectivement c'est inquiétant
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