Metropolis Posté 19 novembre 2006 Signaler Posté 19 novembre 2006 Les classes moyennes tentées par le rejet de la mondialisation Par LARRY SUMMERS (ancien secrétaire d'Etat au Trésor américain) Les Echos - Mercredi 8 novembre 2006 http://www.lesechos.fr/info/analyses/4491325.htm Contre toute attente, nous vivons une ère d'abondance. Ni les répercussions des attentats du 11 septembre ni le triplement du prix de l'or noir n'ont empêché l'économie mondiale de connaître depuis cinq ans sa croissance la plus rapide de toute l'histoire. Compte tenu de ces performances et de l'optimisme des marchés mondiaux, on aurait pu s'attendre à ce que l'époque actuelle soit marquée par un vif enthousiasme pour l'économie de marché et la mondialisation. Et pourtant, la désillusion grandit un peu partout. De l'échec du cycle de négociations de Doha à la réprobation universelle que suscite Wal-Mart en passant par les renationalisations en Russie et la vague populiste en Amérique latine et en Europe de l'Est, l'économie de marché suscite une anxiété sans précédent depuis la chute du mur de Berlin, et probablement depuis bien plus longtemps.Pourquoi ce désenchantement ? On peut interpréter l'hostilité à la mondialisation comme une manifestation de résistance aux Etats-Unis en réaction aux mésaventures de l'administration Bush en politique étrangère. Mais il y a une explication plus troublante : la prise de conscience que la classe moyenne n'a pas sa part des bénéfices de l'actuelle phase de croissance, et que sa portion du gâteau pourrait même diminuer.Deux catégories ont la chance de s'être trouvées au bon endroit au bon moment pour profiter de la mondialisation et du progrès technologique. Ce sont d'abord les habitants des pays pauvres, principalement en Asie et en particulier en Chine. La conjonction de bas salaires, d'une technologie qui se diffuse aisément et de l'accès aux marchés mondiaux, tant pour les financements que pour les produits, a favorisé une forte croissance.N'oublions pas que la période comprise entre la fin du XVIIIe et le début du XIXe siècle, connue sous le nom de « révolution industrielle », est désignée ainsi pour une bonne raison. Pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, le niveau de vie d'une génération augmentait nettement. A l'échelle d'une vie d'homme, le revenu par tête doubla en termes réels, avant de doubler à nouveau. Si l'on examine la croissance de la Chine sur les trente dernières années, le niveau de vie y augmente à un rythme tel qu'il aura été multiplié par cent en l'espace d'une vie. On ne saurait mésestimer l'impact d'un tel décollage.Les autres grands gagnants sont ceux qui détiennent beaucoup d'actifs. Ceux qui possèdent des matières premières rares ont vu leurs gains s'envoler. Les dirigeants des entreprises capables de tirer parti de la mondialisation, en produisant moins cher et en vendant sur les grands marchés des pays riches, ont vu leurs revenus progresser beaucoup plus vite que la moyenne. Tout comme ceux qui travaillent dans la finance, bien placés pour profiter de la hausse du prix des actifs associée à la mondialisation.Tous les autres sont loin d'avoir aussi bien tiré leur épingle du jeu. Comme les grandes entreprises qui tirent les gains de productivité doivent leur succès à l'emploi de technologies de pointe conjugué à celui d'une main-d'oeuvre à bas coût, les travailleurs ordinaires qui forment les gros bataillons de la classe moyenne et leurs employeurs - qu'ils vivent dans le Midwest des Etats-Unis, dans la vallée de la Ruhr, en Amérique latine ou en Europe orientale - sont laissés de côté. Aux Etats-Unis, le salaire médian des familles augmente moins vite que la productivité. Au Mexique, le salaire moyen par foyer stagne depuis la signature de l'Accord de libre échange nord-américain il y a treize ans. Les pays à revenu intermédiaire dépourvus de ressources naturelles ont beaucoup de mal à cerner un domaine dans lequel ils pourraient se prévaloir d'un avantage comparatif.Cette immense population ne disposant pas des capitaux nécessaires pour bénéficier de la mondialisation cherche désespé- rément soit du réconfort, soit un changement de cap. Or, sans son appui, il est fort peu probable que l'ordre économique mondial actuel parvienne à durer. Soyons francs. Le discours tenu de par le monde à une classe moyenne auxieuse est peu convaincant. Les deux arguments selon lesquels la mondialisation est inévitable et le protectionnisme va à l'encontre du but recherché ont certes le grand mérite d'être exacts, mais ils ne consolent pas les perdants. Ils ne sont pas plus de nature à susciter l'adhésion pour une politique qui préserverait la mondialisation, ou a fortiori qui l'accentuerait.Les économistes soulignent avec raison que, à l'instar des autres formes de progrès, le commerce international enrichit tout le monde en permettant à chacun d'acheter des biens meilleur marché. Il n'empêche que cette considération n'est pas une grande consolation pour ceux qui redoutent de perdre leur emploi. Si la formation est cruciale, il ne faut pas en espérer de miracles pour les travailleurs âgés de 40 ans ou plus. Elle n'est d'ailleurs qu'une solution partielle quand un programmeur indien de haut niveau est payé moins de 2.000 dollars par mois.John Kenneth Galbraith a observé que « tous les grands hommes partagent un trait commun : la volonté d'affronter sans équivoque les grandes craintes de leurs contemporains. C'est cette capacité, et rien d'autre, qui fait les meneurs d'hommes ». Répondre aux besoins d'une classe moyenne apeurée dans le monde entier est le grand défi économique de notre temps. Aux Etats-Unis, le balancier politique revient vers la gauche. Dans ce qu'elle a de meilleur, la tradition progressiste ne s'oppose pas à l'économie de marché : elle améliore les résultats qu'elle produit naturellement. C'est ce dont nous avons besoin aujourd'hui. Il ne faut pas chercher de solutions toutes faites. Il se pourrait bien que la logique économique d'un capitalisme libre, mondialisé et doté de technologies sophistiquées consiste à opérer des transferts de richesse au profit des plus riches et d'une partie des populations les plus pauvres du monde, au détriment de ceux qui se trouvent entre les deux.La Federal Housing Administration, en facilitant l'accession à la propriété après la Seconde Guerre mondiale, a été une composante décisive de la politique qui a permis de lancer le plan Marshall. De même, notre capacité à faire avancer l'intégration mondiale dépendra de ce qui peut être fait pour les classes moyennes. La réponse que nous leur apporterons n'affectera pas seulement la vie de millions de nos citoyens, mais aussi les chances de poursuivre la mondialisation, qui peut tant nous apporter en prospérité et en stabilité. Larry Summers prêche au profit de sa paroisse (les démocrates) . Cependant, la problématique posée est intéressante. Face aux peurs fantasmées ou réelles vis à vis de la mondialisation, comment peut on concrètement convaincre les classes moyennes d'y adhérer ?
Stranger Posté 19 novembre 2006 Signaler Posté 19 novembre 2006 Demandez-leurs quelle voiture ils conduisent.
Wallace Posté 19 novembre 2006 Signaler Posté 19 novembre 2006 Face aux peurs fantasmées ou réelles vis à vis de la mondialisation, comment peut on concrètement convaincre les classes moyennes d'y adhérer ? Que deux solutions: l'éducation ou le fouet.
A.B. Posté 19 novembre 2006 Signaler Posté 19 novembre 2006 Pas besoin qu'ils y a adhèrent, il faut s'assurer qu'ils n'aient pas recours a la violence pour s'opposer au commerce pacifique. La plupart des gens sont passifs et si on supprime l'Etat ils ne feront rien eux meme contre le commerce.
Ash Posté 19 novembre 2006 Signaler Posté 19 novembre 2006 Tout est question de mots. Remplacez La Mondialisation par l'Internationale.
Libérus Posté 21 novembre 2006 Signaler Posté 21 novembre 2006 Il faudrait peut-être que l'on définisse les "classes moyennes". La définition en est tellement élastique qu'on doit pouvoir dire à leur sujet n'importe quoi. Quand un économiste de la pointure de Summers l'utilise, il devrait nous dire quelle est sa définition à lui. L'économie est une science qui a ses canons. Mais les économistes oublient parfois que la sociologie a ses canons aussi. Pas de plaisanteries sur les canons, SVP.
Invité jabial Posté 21 novembre 2006 Signaler Posté 21 novembre 2006 Je vois deux définitions : la définition économique et la définition démographique. Ma définition économique est : tout ceux dont l'écart-type par rapport au patrimoine corrigé moyen est inférieur à un seuil donné. Le patrimoine corrigé (attention concept jabialien sans doute déja existant en économie sous un autre nom), c'est pour les actifs le patrimoine augmenté d'un capital virtuel qui rapporterait annuellement un revenu équivalent à leur revenu d'activité. Ma définition démographique est: tout le monde sauf les X% les plus riches et les X% les plus pauvres. J'y ajouterai une définition pratique : la répartition des patrimoines corrigés est probablement une courbe de Gauss, la classe moyenne étant sa partie concave.
phantom_opera Posté 23 novembre 2006 Signaler Posté 23 novembre 2006 Oulala Jabial ne réfléchis pas trop! lol Tout comme Libérus, je crois aussi que la notion de classe moyenne tant radotée par nos politiques est une notion trop élastique. Moi personnellement je différencierais peut-être la classe moyenne "normale" de la classe moyenne "supérieure", mais grosso-modo c'est une classe assez homogène culturellement parlant. Ca reste subjectif et personnel évidemment.
Rincevent Posté 23 novembre 2006 Signaler Posté 23 novembre 2006 J'y ajouterai une définition pratique : la répartition des patrimoines corrigés est probablement une courbe de Gauss, la classe moyenne étant sa partie concave. Ca me convainc presque, sauf que… sauf que en fait la distribution pourrait très bien n'être pas gausssienne (ni même log-gaussienne d'ailleurs, mais peut-être plurimodale par exemple, ou fortement asymétrique, ou…), et que, même dans tes hypothèses, la classe moyenne prendrait tous les gens situés à moins d'un écart-type du revenu moyen, soit environ les deux tiers de la population (chiffre fixe). Or, le développement économique a historiquement généré une classe moyenne beaucoup plus importante que par le passé. Peut-être faudrait-il ne pas raisonner en fonction du revenu, mais du nombre de personnes… (Il me faudrait un schéma, là !)
Invité jabial Posté 23 novembre 2006 Signaler Posté 23 novembre 2006 Si la courbe de répartition des patrimoines corrigés n'est pas une gaussienne, alors il n'y a pas de classe moyenne en tant que telle. En tout cas, c'est ce que je pense.
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