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Liens Profonds Entre Libéralisme Et Christianisme


melodius

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Bonjour,

  melodius a dit :
Le monde musulman a redécouvert l'antiquité avant nous.

Pourtant, on voit qu'il a du manquer un élément ou l'autre pour arriver au libéralisme. La question est dès lors, "lequel" ?

Je trouve étrange de faire ce parallèle. C'est omettre bien évidemment que le christianisme est né au sein d'un monde romanisé, omettre que la majeure partie des Pères de l'Eglise, pour ce qu'on en sait, étaient de culture grecque ou romaine (Saint-Augustin était maître de rhéthorique) et enfin omettre que l'Islam est né en dehors de la civilisation gréco-romaine.

De même, je trouve loquace de citer inlassablement Philippe Nemo qui en voulant faire dans l'encyclopédisme finit par faire une succession de contresens malheureux. Un exemple parce que je ne vais pas m'amuser à tout reprendre : il définit l'isonomia comme l'égalité de tous devant la loi (voir page 67), induit sans doute en erreur par une mauvaise lecture de Finley. Je cite Edouard Will dans son manuel classique Le monde grec et l'Orient: Le V° siècle (510-403) page 73.

  Edouard Will a dit :
Contrairement à ce qu'on affirme souvent, "isonomie" ne signifie pas "égalité devant la loi" (nomos) -ce qui ne saurait définir un régime politique- mais bien "égale répartition", "égale distribution" (de nemein, répartir, distribuer). Or ce terme se retrouve aussi en des contextes aristocratiques ou oligarchiques et, dans l'Attique clisthénienne, l'égalité en question n'est pas encore l'égalité absolue, arithmétique qu'impliquerait une parfaite démocratie et dont le régime athénien tendra par la suite à se rapprocher constamment- mais comme d'une asymptote, sans jamais l'atteindre complètement, ni dans le droit, ni dans les faits.

Le problème de Nemo est qu'il s'appuie sur des connaissances mal maîtrisées ou carrément non maîtrisées et tire des généralités qui virent au simplisme. Je conseille donc à Mélodius, Ronnie Hayek et alex6 d'invoquer d'autres auteurs pour justifier leur conviction intime.

Cordialement.

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  melodius a dit :
Sincèrement, je ne comprends pas que tu puisses écrire cela.

La cosmologie juive et chrétienne introduit un renversement de perspective fondamental en mettant l'individu face à son Créateur, ou face à sa conscience si tu préfères. L'idée de liberté est parachevée par l'idée de la responsabilité, qu'on ne trouve pas en tant que telle dans la philosophie antique, qui ne connait que le "fas". La sagesse stoïque est d'accepter ce "fas" auquel l'être humain ne peut rien changer, elle ne rend pas l'être humain acteur de son destin par le couple liberté/responsabilité.

Ca me semble un élément tout à fait fondamental, non ?

Je suis tout-àfait d'accord avec ton analyse de la cosmologie juive et chrétienne, et c'est bien là que me semble être l'apport fondamental de ces religions. Tu as déjà exposé cette idée et elle me convainc.

Reste que dans un univers fataliste, les choses sont plus subtiles que simplement subir le destin, et les stoïciens l'avaient compris, même s'ils n'ont pas poussé l'analyse jusqu'à développer la liberté et la responsabilité comme l'ont faut juifs et chrétiens. Reste qu'il y avait déjà un embryon de ce couple, et c'est ce qui explique mon exemple (tiré d'Epictète) du traitement des esclaves, incompréhensible sinon.

Ceci me parait critique, car si on le manque, on admet que dans un monde déterministe, il n'y a pas de place pour la liberté, et les scientistes s'en serviront. Or, Kant avait brillamment démontré le contraire en son temps (dommage que je ne me souvienne plus du détail).

Tout ça pour dire que c'est surtout le rapport de la créature à Dieu qui a généré la réflexion liberté/responsabilité dans le judaisme/christianisme, plus encore que le rapport à l'histoire. Ce sont deux chses différentes, et c'est à juste titre que tu insistes sur la première.

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  épistémè a dit :
Je trouve étrange de faire ce parallèle. C'est omettre bien évidemment que le christianisme est né au sein d'un monde romanisé, omettre que la majeure partie des Pères de l'Eglise, pour ce qu'on en sait, étaient de culture grecque ou romaine (Saint-Augustin était maître de rhéthorique) et enfin omettre que l'Islam est né en dehors de la civilisation gréco-romaine.

Je ne vois pas ce qu'il y a d'étrange dans ce paralléle, personne ici ne nie l'influence Greco-Romaine (comment aurait-il pu en être autrement?) sur le Christianisme, ni même l'influence arabe.

  épistémè a dit :
Le problème de Nemo est qu'il s'appuie sur des connaissances mal maîtrisées ou carrément non maîtrisées et tire des généralités qui virent au simplisme. Je conseille donc à Mélodius, Ronnie Hayek et alex6 d'invoquer d'autres auteurs pour justifier leur conviction intime.

N'ayant pas (encore) lu l'ouvrage de Némo, je ne sais pas quelle place il donne à l'isonomie mais à priori je ne vois pas pourquoi il se serait limité à une conception de son égalité comme purement législative. Et puis de toute manière, quel est l'impact sur le rapport Christianisme/libéralisme?

Au-delà de P.Némo, il y a P.Manent, R. Girard ainsique la mise en comparaison des Ecritures Bibliques avec les auteurs libéraux.

Maintenant, tu peux énoncer ici tes critiques sur le lien libéralisme/Christianisme, ça serait enfin l'occasion de voir des arguments, si cela n'est pas trop demander au bout de 19pages :icon_up:

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  melodius a dit :
Le monde musulman a redécouvert l'antiquité avant nous.

Ah, et histoire de pinailler : Le monde musulman n'a pas redécouvert l'antiquité. Il l'a simplement découverte via la secte des Sabéens d'Harrân et des chrétiens dissidents nestoriens et jacobites. Bel exemple d'occidentalocentrisme.

Posté
  épistémè a dit :
Bonjour,

Je trouve étrange de faire ce parallèle. C'est omettre bien évidemment que le christianisme est né au sein d'un monde romanisé, omettre que la majeure partie des Pères de l'Eglise, pour ce qu'on en sait, étaient de culture grecque ou romaine (Saint-Augustin était maître de rhéthorique) et enfin omettre que l'Islam est né en dehors de la civilisation gréco-romaine.

… et a ensuite conquis l'Afrique du Nord qui était imprégnée de culture romaine et le berceau de la chrétienté hors de Palestine.

  Citation
De même, je trouve loquace de citer inlassablement Philippe Nemo qui en voulant faire dans l'encyclopédisme finit par faire une succession de contresens malheureux. Un exemple parce que je ne vais pas m'amuser à tout reprendre : il définit l'isonomia comme l'égalité de tous devant la loi (voir page 67), induit sans doute en erreur par une mauvaise lecture de Finley. Je cite Edouard Will dans son manuel classique Le monde grec et l'Orient: Le V° siècle (510-403) page 73.

Le problème de Nemo est qu'il s'appuie sur des connaissances mal maîtrisées ou carrément non maîtrisées et tire des généralités qui virent au simplisme. Je conseille donc à Mélodius, Ronnie Hayek et alex6 d'invoquer d'autres auteurs pour justifier leur conviction intime.

Cordialement.

Le problème c'est que tu n'es pas d'accord avec lui, ni probablement à travers lui avec Hayek, comme le démontre ta saillie sur Dupuy qui aurait renvoyé Nemo "à ses études" sur un sujet qui n'a rien à voir avec ce dont on discute ici et qui concerne en réalité un débat entre un hayékien (Nemo) et un anti-hayékien (Dupuy) au sujet de Hayek. Ceux que cela intéresse pourront se référer à la page 1201 de l'ouvrage.

Je trouve par ailleurs parfaitement ridicule et déplacé de se permettre de sortir, sans l'ombre d'une justification et avec une morgue insupportable, que Nemo serait en somme un imbécile alors que c'est au contraire un des auteurs libéraux français les plus intéressants et les plus productifs. Inutile d'insulter les gens pour les critiquer.

  épistémè a dit :
Ah, et histoire de pinailler : Le monde musulman n'a pas redécouvert l'antiquité. Il l'a simplement découverte via la secte des Sabéens d'Harrân et des chrétiens dissidents nestoriens et jacobites. Bel exemple d'occidentalocentrisme.

Comme c'est amusant, et comme cela enrichit le débat. :icon_up:

  Citation
Contrairement à ce qu'on affirme souvent, "isonomie" ne signifie pas "égalité devant la loi" (nomos) -ce qui ne saurait définir un régime politique- mais bien "égale répartition", "égale distribution" (de nemein, répartir, distribuer). Or ce terme se retrouve aussi en des contextes aristocratiques ou oligarchiques et, dans l'Attique clisthénienne, l'égalité en question n'est pas encore l'égalité absolue, arithmétique qu'impliquerait une parfaite démocratie et dont le régime athénien tendra par la suite à se rapprocher constamment- mais comme d'une asymptote, sans jamais l'atteindre complètement, ni dans le droit, ni dans les faits.

Bravo, tu renforces encore l'analyse de Nemo qui relève en effet que cette "égalité devant la loi" n'est pas parfaite et qu'elle s'achève avec l'apport judéo-chrétien.

Isonomie=démocratie est par ailleurs inexact.

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Une évidence vient de me venir à l'esprit, et je m'en veux qu'elle ne l'ait fait plus tôt. Comment soutenir que le christianisme est le principal fondateur de la notion libérale de responsabilité, dès lors que la responsabilité civile - l'archétype de la vision libérale de la responsabilité - avait déjà été brillamment développée et précisée par le droit romain?

Posté
  Yozz a dit :
Une évidence vient de me venir à l'esprit, et je m'en veux qu'elle ne l'ait fait plus tôt. Comment soutenir que le christianisme est le principal fondateur de la notion libérale de responsabilité, dès lors que la responsabilité civile - l'archétype de la vision libérale de la responsabilité - avait déjà été brillamment développée et précisée par le droit romain?

La relation responsabilité-liberté faisait défaut. Sans oublier que les esclaves étaient aussi considérés comme de possibles objets de litige.

Posté
  Yozz a dit :
Une évidence vient de me venir à l'esprit, et je m'en veux qu'elle ne l'ait fait plus tôt. Comment soutenir que le christianisme est le principal fondateur de la notion libérale de responsabilité, dès lors que la responsabilité civile - l'archétype de la vision libérale de la responsabilité - avait déjà été brillamment développée et précisée par le droit romain?

Moi j'y avais pensé par contre ! :icon_up:

La responsabilité juridique est un mécanisme de résolution de conflit, ça n'a rien à voir avec la conscience humaine en tant que telle.

Posté
  Ronnie Hayek a dit :
La relation responsabilité-liberté faisait défaut. Sans oublier que les esclaves étaient aussi considérés comme de possibles objets de litige.

Sans liberté (au moins au sens de libre arbitre), il n'y a pas de sens à parler de responsabilité. Et sans liberté, on ne parlerait pas de dol, qui se fonde sur l'intentionnalité, donc bof bof.

La question des esclaves est autre, il s'agit là de l'égalité de droit, une autre question à laquelle le christianisme a indiscutablement contribué beaucoup de choses positives.

  melodius a dit :
Moi j'y avais pensé par contre ! :icon_up:

La responsabilité juridique est un mécanisme de résolution de conflit, ça n'a rien à voir avec la conscience humaine en tant que telle.

Je n'ai vraiment aucune conscience que le libéralisme se préoccupe de la conscience. Il préconise une organisation politique, et donc de la résolution de conflit. Certes, ça se fonde sur une base morale, mais il n'empêche, la notion de responsabilité prédate le christianisme. Et on ne l'aurait pas développée s'il n'y avait pas une notion de justice sous-jacente.

Sur cette base, mon impression est que c'est plus l'égalité de droit qui a été contribuée par le christianisme.

Posté

Par "conscience" j'entends le sentiment de liberté/responsabilité, ce dont on parlait plus haut et avec quoi tu étais d'accord.

Sans ce sentiment, il est impossible de fonder un système politique libéral.

Posté
  Yozz a dit :
Sans liberté (au moins au sens de libre arbitre), il n'y a pas de sens à parler de responsabilité. Et sans liberté, on ne parlerait pas de dol, qui se fonde sur l'intentionnalité, donc bof bof.

Je ne pense pas que ce fût la conception des Romains païens : l'émergence du droit de la responsabilité est, à mon sens, due à des raisons pratiques plus que philosophiques. Mes profs de latin m'ont toujours appris (et le faisaient en bonne part, je le précise) que les Romains étaient avant des paysans très terre à terre, et n'avaient pas trop la tête à s'occuper de métaphysique approfondie (les écoles de pensée traitant plus de sagesse pratique que de théories sophistiquées). La conscience du lien étroit entre responsabilité et liberté me semble caractéristique du christianisme.

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Bonjour,

  alex6 a dit :
Je ne vois pas ce qu'il y a d'étrange dans ce paralléle, personne ici ne nie l'influence Greco-Romaine (comment aurait-il pu en être autrement?) sur le Christianisme, ni même l'influence arabe.

Nous nous sommes mal compris. Ma réponse était destiné à Mélodius qui cherche à faire valoir l'idée que sans Christianisme, il n'y aurait pas eu de libéralisme. Les critiques ne portent pas sur la négation par Mélodius Ronnie Hayek ou vous-même de l'héritage gréco-romain, mais uniquement sur cette volonté de faire ressortir l'idée que le Christianisme est plus important que ce legs antique.

C'est dans cet objectif que Mélodius fait état de l'Islam. Car si on suit son raisonnement, que manque t-il à L'islam ? Le Christianisme bien sûr…

Histoire de répéter une fois de plus ce qui a été dit par d'autres, personne n'accuse qui que ce soit de nier l'apport de l'antiquité gréco-romaine. Tout le monde est d'accord sur ce point. De même, personne ne nie (quoi que chez certains cela soit sujet à caution en particulier AB) l'apport du Christianisme.

C'est juste cette idée d'ordre de grandeur qui énerve beaucoup en donnant une priorité au Christianisme sur l'héritage antique. Cela relève à mon sens d'une conviction intime. On peut en discuter, mais je ne pense pas qu'il puisse y avoir un groupe qui entamera la conviction des autres.

Cordialement.

Bonjour,

  melodius a dit :
… et a ensuite conquis l'Afrique du Nord qui était imprégnée de culture romaine et le berceau de la chrétienté hors de Palestine.

Le problème c'est que tu n'es pas d'accord avec lui, ni probablement à travers lui avec Hayek, comme le démontre ta saillie sur Dupuy qui aurait renvoyé Nemo "à ses études" sur un sujet qui n'a rien à voir avec ce dont on discute ici et qui concerne en réalité un débat entre un hayékien (Nemo) et un anti-hayékien (Dupuy) au sujet de Hayek. Ceux que cela intéresse pourront se référer à la page 1201 de l'ouvrage.

Je trouve par ailleurs parfaitement ridicule et déplacé de se permettre de sortir, sans l'ombre d'une justification et avec une morgue insupportable, que Nemo serait en somme un imbécile alors que c'est au contraire un des auteurs libéraux français les plus intéressants et les plus productifs. Inutile d'insulter les gens pour les critiquer.

Comme c'est amusant, et comme cela enrichit le débat. :icon_up:

Bravo, tu renforces encore l'analyse de Nemo qui relève en effet que cette "égalité devant la loi" n'est pas parfaite et qu'elle s'achève avec l'apport judéo-chrétien.

Isonomie=démocratie est par ailleurs inexact.

Quand vous aurez fini de caricaturer mes propos et ceux de Will (il n'écrit nullement que isonomie=démocratie) et de me présenter comme un grossier personnage, on pourra alors peut être dialoguer sereinement. Pour le moment, votre réponse l'interdit. :doigt:

Cordialement.

EDIT : pas compris là, il y aurait du y avoir deux messages ???

Posté
  melodius a dit :
Par "conscience" j'entends le sentiment de liberté/responsabilité, ce dont on parlait plus haut et avec quoi tu étais d'accord.

Je suis surtout d'accord que c'est la tradition judéo-chrétienne qui a le plus réfléchi au binôme liberté/responsabilité et a produit des effets très importants. Mais j'avoue que ma subite réalisation que le droit romain avait déjà pensé la responsabilité de manière claire tempère ma conviction que cela constitue le plus grand apport du judéo-christianisme au libéralisme.

Par ailleurs, je ne sais que penser d'un "sentiment". Une manière de penser, je vois, un sentiment me parait trop intime que pour fonder grand chose dans la sphère politique

  melodius a dit :
Sans ce sentiment, il est impossible de fonder un système politique libéral.

Pour autant que j'aie compris ta notion de "sentiment", je dirais que le sentiment de libetré/responsabilité n'est pas nécessaire au développement d'une théorie libérale, mais qu'il est vraisembablement nécessaire à sa mise en oeuvre efficace.

  Ronnie Hayek a dit :
Je ne pense pas que ce fût la conception des Romains païens : l'émergence du droit de la responsabilité est, à mon sens, due à des raisons pratiques plus que philosophiques. Mes profs de latin m'ont toujours appris (et le faisaient en bonne part, je le précise) que les Romains étaient avant des paysans très terre à terre, et n'avaient pas trop la tête à s'occuper de métaphysique approfondie (les écoles de pensée traitant plus de sagesse pratique que de théories sophistiquées). La conscience du lien étroit entre responsabilité et liberté me semble caractéristique du christianisme.

Que les Romains aient procédé par pragmatisme plus qu'autre chose, c'est bien possible. Toutefois, il faut bien, pour vouloir imputer une faute à quelqu'un, saisir au moins confusément la notion de liberté individuelle, et que la responsabilité découle de l'usage de la liberté. Après, tout-à-fait d'accord que c'est le judéo-christianisme qui a poussé la réflexion sur cette question beaucoup plus loin, permettant des résultats plus féconds. Mais, les romains avaient déjà dû saisir qu'il y avait un lien entre les deux.

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  épistémè a dit :
C'est juste cette idée d'ordre de grandeur qui énerve beaucoup en donnant une priorité au Christianisme sur l'héritage antique. Cela relève à mon sens d'une conviction intime. On peut en discuter, mais je ne pense pas qu'il puisse y avoir un groupe qui entamera la conviction des autres.

C'est effectivement une conviction intime, relativement bien documenté pour ma part. Le pourquoi de la primauté du Christianisme a été expliqué maintes fois, notamment par RH mais pour répèter encore une fois, le Christianisme a apporté:

- Conception du lien de responsabilité/liberté, lien inexistant chez les Grecs qui ont toujours cherché une explication externe à l'individu, tant chez les stoïciens que chez les épicuriens.

- Conception de l'égalité des hommes de manière universelle, inexistante chez les Grecs cf. la position des esclaves aux niveaux des animaux (voir la description d'Aristote)

- Inversion du mécanisme du sacrifice par la dénonciation de la victime innocente, pierre angulaire de la construction de la culture moderne rendant impossible ultérieurement la mise en place légitimée de la violence comme éxutoire.

Ces trois points sont des exclusivités Chrétiennes et sont devenus par la suite le centre de la pensée libérale et c'est ce qui donne au Christianisme son "avantage" en terme d'influence.

L'influence des Grecs sur le libéralisme s'est manifestée via la philosophie, mais uniquement après avoir été assimilée par les philosophes de la scolastique. C'est donc toujours une influence indirecte et donc moins forte.

La hiérarchisation n'a pas pour but de réduire le niveau de pensée Grec qui a été fondamental pour la civilisation moderne, mais c'est une constatation, rien de plus.

Posté
  Yozz a dit :
Que les Romains aient procédé par pragmatisme plus qu'autre chose, c'est bien possible. Toutefois, il faut bien, pour vouloir imputer une faute à quelqu'un, saisir au moins confusément la notion de liberté individuelle, et que la responsabilité découle de l'usage de la liberté. Après, tout-à-fait d'accord que c'est le judéo-christianisme qui a poussé la réflexion sur cette question beaucoup plus loin, permettant des résultats plus féconds. Mais, les romains avaient déjà dû saisir qu'il y avait un lien entre les deux.

Donc, si je tire les conclusions de tes différents arguments : sans les Grecs, pas de concept de raison ; sans les Romains, pas de concept de la liberté. En somme, à te suivre, et en dépit de tes intentions répétées dans ce post, le christianisme n'aurait pas apporté grand chose… :icon_up: N'y aurait-il pas comme un léger problème ? Ne négliges-tu pas, par ailleurs, l'héritage du judaïsme (méfiance envers l'Etat-Babylone, dix commandements, etc.), qui me semble bien plus important que celui du monde païen antique ? Désolé, mais nous sommes plus tributaires moralement de la Bible que des Grecs et des Latins.

Tiens, et pour répondre à épistèmé, j'ai trouvé un passage d'Arendt qui corrobore - mais sous un autre angle - mon propos. Dans un article intitulé "Religion et politique" (figurant dans le recueil récemment réédité La Nature du totalitarisme), elle expose brièvement sa conception de la liberté - très influencée par les Grecs… et peu libérale, puisqu'il s'agit de la participation aux affaires publiques (point qu'elle développera, par exemple, dans Condition de l'Homme moderne). C'est pourquoi elle reste sceptique sur la notion chrétienne de la liberté, qu'elle définit comme étant en retrait de la vie politique, demandant à être protégée du gouvernement séculier.

Elle reprend ce point dans l'article "Qu'est-ce que la liberté ?" (in La Crise de la culture) :

  "H. Arendt" a dit :
Pour l'histoire du problème de la liberté, la tradition chrétienne est vraiment devenue le facteur décisif. Presque automatiquement, nous identifions la liberté au libre arbitre, c'est-à-dire à une faculté en fait inconnue à l'antiquité classique. Car la volonté, telle que que l'a découverte le christianisme, avait si peu de rapport avec les capacités bien connues de désirer, d'avoir l'intention, et de poser un but, qu'elle n'a requis l'attention qu'après être entrée en conflit avec celles-ci. Si la liberté n'était effectivement rien d'autre qu'un phénomène de la volonté, il nous faudrait en conclure que les Anciens ne connaissaient pas la liberté. Cela, bien sûr, est absurde, mais si l'on souhaitait l'affirmer, on pourrait tirer argument de ce que j'ai mentionné plus haut, à savoir que l'idée de liberté n'a joué aucun rôle dans la philosophie antérieurement à saint Augustin. La raison de ce fait frappant est que, dans l'antiquité grecque aussi bien que romaine, la liberté fut un concept exclusivement politique, et même de la quintessence de la cité et de la citoyenneté.
Posté

D'ailleurs cette conception grecque de la liberté se retrouve quasiment exclusivement parmi les penseurs non-libéraux. Le rationalisme de Descartes ainsi que de Rousseau en sont imprégnés, notamment à travers leur admiration du modèle Spartiate.

Le paroxysme sera atteint avec Spinoza, fortement influencé par la pensée stoïcienne, qui concevra la liberté comme ne pouvant être maximale que sous l'emprise de l'Etat, en opposition avec ce qu'il nomme la "fausse liberté" issu du libre-arbitre.

L'idée de la vision inégalitaire grecque se retrouvent aussi dans cette conception de l'état comme devant regrouper les sages sachant guider le peuple abruti, idée que l'on retrouvera encore plus explicitement chez Marx plus tard.

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  Ronnie Hayek a dit :
Donc, si je tire les conclusions de tes différents arguments : sans les Grecs, pas de concept de raison ; sans les Romains, pas de concept de la liberté. En somme, à te suivre, et en dépit de tes intentions répétées dans ce post, le christianisme n'aurait pas apporté grand chose… :icon_up: N'y aurait-il pas comme un léger problème ? Ne négliges-tu pas, par ailleurs, l'héritage du judaïsme (méfiance envers l'Etat-Babylone, dix commandements, etc.), qui me semble bien plus important que celui du monde païen antique ? Désolé, mais nous sommes plus tributaires moralement de la Bible que des Grecs et des Latins.

Non, ce que je dis c'est que la raison et la liberté/responsabilité avaient déjà été partiellement développées par les antiques. Ca n'empêche que le christianisme les a développées, surtout le second couple. Selon moi, les idées évoluent et s'approfondissent, on ne passe pas nécessairement de l'inexistence à l'existence complète. D'où mon opinion que ces idées sont le fruit de la convergence de plusieurs facteurs et courants de pensée.

Par ailleurs, tu n'as jamais du me lire contester les autres points que tu évoques, pour la pure et simple raison que je ne les conteste pas. Encore une fois, cela tend à montrer que le libéralisme est le fruit de toute une série de pensées, tout comme notre civilisation ne peut être comprise sans tous ses éléments qui ont fait des contributions diverses.

Posté

A la réflexion, ce qui caractérise l'essor intellectuel du XVè, c'est la redécouverte de l'héritage antique, qui a même viré à la passion pour l'Antiquité. Tous les intellectuels, artistes et scientifiques européens se sont appuyés sur l'Antiquité dans leurs réflexions à partir du XVè. Or, c'est précisément à ce moment-là que la pensée prend son envol et qu'un siècle plus tard le libéralisme est découvert. La chose la plus étrange dans la déclaration de la prééminence du christianisme dans le libéralisme, c'est le timing. Pourquoi le libéralisme n'a-t-il pas été découvert au Xè siècle (par exemple) si le christianisme portait en lui tout ce qui était nécessaire ?

Posté
  Gadrel a dit :
Pourquoi le libéralisme n'a-t-il pas été découvert au Xè siècle (par exemple) si le christianisme portait en lui tout ce qui était nécessaire ?

C'est effectivement un mystère auquel je n'ai pas encore trouvé de réponse satisfaisante.

Cependant j'avancerais deux raisons, à consolider:

- l'impact religieux du Christianisme sur l'organisation du pouvoir a été très puissant, ce qui a nécessité l'instauration des régimes monarchiques, seuls en cohérence avec la doctrine de la liberté chrétienne. Il fallait donc une légitimité au pouvoir, légitimité qu'il a trouvé en se faisant le représentant de Dieu en personne. Ce système s'est revelé très stable, l'ensemble des penseurs, quand ils avaient le temps de penser entre deux invasions et guerre de région, s'en sont donc probablement satisfaits sans pouvoir le dépasser

- le questionnement sur l"individu est arrivé avec la complexification de la structure sociale, plutôt simpliste jusqu'à l'explosion du commerce. Il y a donc une rupture assez nette à la fin du XVème ayant amorçé la division du travail et donc l'interrogation sur le place de l'homme dans la société et la légitimité même de celle-ci

Je serais d'ailleurs intéressé par d'autres explications de ce "retard à l'allumage" que je trouve malgré tout troublant.

Posté
  alex6 a dit :
C'est effectivement un mystère auquel je n'ai pas encore trouvé de réponse satisfaisante.

Cependant j'avancerais deux raisons, à consolider:

- l'impact religieux du Christianisme sur l'organisation du pouvoir a été très puissant, ce qui a nécessité l'instauration des régimes monarchiques, seuls en cohérence avec la doctrine de la liberté chrétienne. Il fallait donc une légitimité au pouvoir, légitimité qu'il a trouvé en se faisant le représentant de Dieu en personne. Ce système s'est revelé très stable, l'ensemble des penseurs, quand ils avaient le temps de penser entre deux invasions et guerre de région, s'en sont donc probablement satisfaits sans pouvoir le dépasser

:icon_up:

  Citation
- le questionnement sur l"individu est arrivé avec la complexification de la structure sociale, plutôt simpliste jusqu'à l'explosion du commerce. Il y a donc une rupture assez nette à la fin du XVème ayant amorçé la division du travail et donc l'interrogation sur le place de l'homme dans la société et la légitimité même de celle-ci

Et la complexification de la société, l'explosion du commerce, elle vient d'où ?

Posté
  Gadrel a dit :
A la réflexion, ce qui caractérise l'essor intellectuel du XVè, c'est la redécouverte de l'héritage antique, qui a même viré à la passion pour l'Antiquité. Tous les intellectuels, artistes et scientifiques européens se sont appuyés sur l'Antiquité dans leurs réflexions à partir du XVè. Or, c'est précisément à ce moment-là que la pensée prend son envol et qu'un siècle plus tard le libéralisme est découvert. La chose la plus étrange dans la déclaration de la prééminence du christianisme dans le libéralisme, c'est le timing. Pourquoi le libéralisme n'a-t-il pas été découvert au Xè siècle (par exemple) si le christianisme portait en lui tout ce qui était nécessaire ?

C'est très exactement ce que je disais au message n° 277. Personne ne lit les autres dans ce thread ? :icon_up:

Posté
  Gadrel a dit :
A la réflexion, ce qui caractérise l'essor intellectuel du XVè, c'est la redécouverte de l'héritage antique, qui a même viré à la passion pour l'Antiquité. Tous les intellectuels, artistes et scientifiques européens se sont appuyés sur l'Antiquité dans leurs réflexions à partir du XVè. Or, c'est précisément à ce moment-là que la pensée prend son envol et qu'un siècle plus tard le libéralisme est découvert. La chose la plus étrange dans la déclaration de la prééminence du christianisme dans le libéralisme, c'est le timing. Pourquoi le libéralisme n'a-t-il pas été découvert au Xè siècle (par exemple) si le christianisme portait en lui tout ce qui était nécessaire ?

Primo, une chose me semble, de toute façon, claire : les hommes vivaient plus libres au moyen âge qu'aujourd'hui.

Secundo, tous les éléments étaient présents, mais attendaient - pour ainsi dire - l'occasion d'être utilisés à plein régime et de se greffer à une philosophie exclusivement politique (et non plus uniquement religieuse). La constitution du libéralisme comme doctrine s'est donc développée en réponse à l'absolutisme royal qui a simultanément façonné l'Etat au sens moderne du terme.

Posté
  Ronnie Hayek a dit :
La constitution du libéralisme comme doctrine s'est donc développée en réponse à l'absolutisme royal qui a simultanément façonné l'Etat au sens moderne du terme.

Voilà, il est là l'élément fondamental, ainsi d'ailleurs que la question de la tolérance religieuse.

Posté
  Ronnie Hayek a dit :
Primo, une chose me semble, de toute façon, claire : les hommes vivaient plus libres au moyen âge qu'aujourd'hui.

Secundo, tous les éléments étaient présents, mais attendaient - pour ainsi dire - l'occasion d'être utilisés à plein régime et de se greffet à une philosophie exclusivement politique (et non plus uniquement religieuse). La constitution du libéralisme comme doctrine s'est donc développée en réponse à l'absolutisme royal qui a simultanément façonné l'Etat au sens moderne du terme.

Ta thèse c'est donc que sans absolutisme royal (ou état fort), le libéralisme ne serait jamais apparu ? N'est-ce pas une façon de le limiter à son aspect purement politique ?

Posté
  Gadrel a dit :
Ta thèse c'est donc que sans absolutisme royal (ou état fort), le libéralisme ne serait jamais apparu ? N'est-ce pas une façon de le limiter à son aspect purement politique ?

Si l'on prend le cas français, je ne pense pas que ma thèse restreigne la portée du libéralisme : par exemple, le plaidoyer anti-absolutiste de Fénelon (homme d'Eglise, pour rester dans le sujet) s'en prend non seulement à l'aspect institutionnel du problème, mais aussi à ses conséquences économiques : http://www.liberaux.org/wiki/index.php?title=F%C3%A9nelon

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  Gadrel a dit :
A la réflexion, ce qui caractérise l'essor intellectuel du XVè, c'est la redécouverte de l'héritage antique, qui a même viré à la passion pour l'Antiquité. Tous les intellectuels, artistes et scientifiques européens se sont appuyés sur l'Antiquité dans leurs réflexions à partir du XVè. Or, c'est précisément à ce moment-là que la pensée prend son envol et qu'un siècle plus tard le libéralisme est découvert. La chose la plus étrange dans la déclaration de la prééminence du christianisme dans le libéralisme, c'est le timing. Pourquoi le libéralisme n'a-t-il pas été découvert au Xè siècle (par exemple) si le christianisme portait en lui tout ce qui était nécessaire ?

Je rajoute une pierre dans le jardin : si le christianisme a été l'élément déterminant dans l'émergence du libéralisme, comme se fait-il que l'Orient orthodoxe, disposant pourtant des apports bibliques, n'ait pas adopté les apports libéraux apparus en Occident ?

  alex6 a dit :
Inversion du mécanisme du sacrifice par la dénonciation de la victime innocente, pierre angulaire de la construction de la culture moderne rendant impossible ultérieurement la mise en place légitimée de la violence comme exutoire.

Simple parenthèse, mais je pense que tu t'avances un peu sur cette lecture de Girard : le refus du mécanisme sacrificiel dans les textes chrétiens ne s'est pas nécessairement réalisé pleinement dans la culture moderne. Je serai beaucoup plus sceptique que toi, et, de toute façon, Girard souligne que le mécanisme sacrificiel est rendu possible par l'intensification du mimétisme, qui est précisement beaucoup plus développé dans les sociétés modernes.

  Ronnie Hayek a dit :
Primo, une chose me semble, de toute façon, claire : les hommes vivaient plus libres au moyen âge qu'aujourd'hui.

On voit ce que l'absence de compréhension de l'ambiguïté de la démocratie et de la modernité conduit à écrire…

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  Ronnie Hayek a dit :
Primo, une chose me semble, de toute façon, claire : les hommes vivaient plus libres au moyen âge qu'aujourd'hui.
A l'époque du servage, de l'esclavage, des ordres, de la lutte contre l'hérésie, de l'interdiction d'un grand nombre de comportement sexuel librement consentit, des pendaisons pour vol… ?
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  Etienne a dit :
Simple parenthèse, mais je pense que tu t'avances un peu sur cette lecture de Girard : le refus du mécanisme sacrificiel dans les textes chrétiens ne s'est pas nécessairement réalisé pleinement dans la culture moderne.

Loin de moi la volonté de vouloir dire que ce refus s'est réalisé dans les faits. Le Christianisme n'a fait que délégitimer le mécanisme et l'homme n'a dès lors plus cesser d'essayer de le rétablir. La violence, loin d'être éradiquée par les sociétés modernes à en revanche perdu son aura ce qui a modifié globalement la culture.

Je ne pense pas trahir la pensée de Girard en résumant ainsi :icon_up:

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  Etienne a dit :
On voit ce que l'absence de compréhension de l'ambiguïté de la démocratie et de la modernité conduit à écrire…

Je crois que tu t'obstines à mal me lire. S'il y a bien un problème dont j'ai traité à plusieurs reprises ici, c'est l'ambiguïté de certaine conceptions politiques modernes. Cela m'a d'ailleurs valu quelques volées de bois vert, si j'ai bonne mémoire…

En outre, il y a un élément qui m'intéresse en particulier, et qui devrait attirer l'attention des libéraux et/ou conservateurs, c'est le glissement sémantique subi par différents concepts politiques. Ainsi, la démocratie a fini par devenir l'étalon "politiquement correct" pour juger le contenu de toute politique, alors qu'initialement, il ne s'agissait que d'un mode d'organisation politique parmi d'autres.

  "Etienne" a dit :
Je rajoute une pierre dans le jardin : si le christianisme a été l'élément déterminant dans l'émergence du libéralisme, comme se fait-il que l'Orient orthodoxe, disposant pourtant des apports bibliques, n'ait pas adopté les apports libéraux apparus en Occident ?

D'après le bon Nemo (pour rester dans le sujet), et c'est l'une des hypothèses de son essai Qu'est-ce que l'Occident ?, le monde orthodoxe a trop nettement tranché en faveur d'une conception exclusivement spiritualiste, refusant l'action terrestre et l'idée que chacun oeuvre à son propre salut. Je ne me suis pas suffisamment intéressé à cet aspect de la question pour confirmer ou non cette idée.

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