Libérus Posté 28 mai 2007 Signaler Posté 28 mai 2007 Etienne a dit : J'ai retrouvé un texte de Pierre Legendre, qui n'est pas d'accord avec toi - le texte est quelque peu cryptique, j'en ai bien conscience.(Les grasses sont de moi.) "une bête ne possède pas…" Qu'il essaie de prendre un os dans la tanière d'un lion, et il verra qu'une bête possède bel et bien. Naturellement, il faut distinguer possession et propriété. La propriété n'existe que par l'état civil. Les animaux forment des sociétés, ils peuvent passer entre eux des conventions, mais jamais jusqu'à présent (sauf dans les fables de la Fontaine) ils n'ont passé entre eux cette convention globale que nous appelons état civil, par opposition à l'état de nature. " parce qu'elle ne peut avor ce que possèdent toutes les espèces d'homme, c'est-à-dire parce qu'elle ne peut s'identifier à la manière homme, que cet homme soit mâle ou femelle." La on tombe carrément dans la pétition de principe.
Etienne Posté 28 mai 2007 Signaler Posté 28 mai 2007 Je ne suis pas vraiment d'accord avec ce texte à vrai dire. A mon sens, seuls les passages en gras, à portée historique, sont intéressants, mais j'ai recopié le reste pour que ça soit à peu près intelligible.
melodius Posté 28 mai 2007 Auteur Signaler Posté 28 mai 2007 Libérus a dit : "une bête ne possède pas…"Qu'il essaie de prendre un os dans la tanière d'un lion, et il verra qu'une bête possède bel et bien. Naturellement, il faut distinguer possession et propriété. La propriété n'existe que par l'état civil. Les animaux forment des sociétés, ils peuvent passer entre eux des conventions, mais jamais jusqu'à présent (sauf dans les fables de la Fontaine) ils n'ont passé entre eux cette convention globale que nous appelons état civil, par opposition à l'état de nature. " parce qu'elle ne peut avor ce que possèdent toutes les espèces d'homme, c'est-à-dire parce qu'elle ne peut s'identifier à la manière homme, que cet homme soit mâle ou femelle." La on tombe carrément dans la pétition de principe. Nous avons passé une convention globale ? Je suis fort aise de l'apprendre.
Libérus Posté 28 mai 2007 Signaler Posté 28 mai 2007 melodius a dit : Nous avons passé une convention globale ? Je suis fort aise de l'apprendre. Sans quoi vous ne pourriez pas descendre dans la rue sans vous faire trousser.
melodius Posté 28 mai 2007 Auteur Signaler Posté 28 mai 2007 Libérus a dit : Sans quoi vous ne pourriez pas descendre dans la rue sans vous faire trousser. Et on dit que les anarcaps aiment les théories fumeuses ! Sincèrement, tu y crois toi-même à tes idées de contrat ? On n'est plus au 18ème pourtant…
Jesrad Posté 28 mai 2007 Signaler Posté 28 mai 2007 La propriété est une conséquence naturelle, pas une "convention". Elle découle de la causalité de l'Univers, qui implique la responsabilité des actes et donc l'attribution des ressources inappropriées à ceux qui se les approprient par leurs actes.
Libérus Posté 28 mai 2007 Signaler Posté 28 mai 2007 melodius a dit : Et on dit que les anarcaps aiment les théories fumeuses !Sincèrement, tu y crois toi-même à tes idées de contrat ? On n'est plus au 18ème pourtant… Je sais très bien que vous êtes allergique à l'idée de contrat social. Moi aussi. cela me rappelle inévitablement l'ouvrage de Jean-Jacques et toutes les inepties qu'il contient. J'ai employé la notion de convention, qui est différente. Une convention se manifeste par la régularité des comportements, par l’existence d’un ensemble d’attentes mutuelles et concordantes et d’un ensemble de préférences. Par exemple, lorsque vous écrivez un post, vous écrivez de gauche à droite ,et les autres participants de ce forum également. Vous n'avez passé aucun contrat avec les autres participants pour ce faire. Simplement, vous observez une convention. Grâce à cette convention s'observe une certaine coordination de nos échanges. Voyez-vous, nous avons généralement intérêt à coordonner nos actions avec nos semblables. Hume l’exprime parfaitement dans son Traité de la Nature Humaine (Aubier p. 607) : «Cette convention[celle qui fonde la propriété] n’est pas de la nature d’une promesse ; car les promesses elles-mêmes, comme nous le verrons par la suite , naissent de conventions humaines. C’est seulement le sens général de l’intérêt commun ; ce sens tous les membres de la société se l’expriment les uns aux autres ; ce sens les engage à régler leur conduite selon certaines règles. J’observe qu’il sera de mon intérêt de laisser autrui en possession de certains biens, pourvu qu’autrui agisse de la même façon à mon égard. Autrui a conscience qu’il a un intérêt analogue à régler sa conduite. Quand on s’exprime réciproquement ce sens commun de l’intérêt et qu’on le connaît de part et d’autre, il en nait une résolution et une conduite appropriées. C’est là ce qu’on peut appeler avec assez de propriété une convention ou un accord entre les hommes, sans que s’interpose une promesse ; car les actions de chacun d’eux se rapportent à celles des autres et on les accomplit en supposant qu’autrui doit, en contrepartie , en accomplir d’autres. Deux hommes qui tirent sur les avirons d’un canot, le font d’après un accord ou une convention, bien qu’ils ne se soient jamais fait de promesses l’un à l’autre. » La différence entre un contrat et une convention est maintenant apparente. Un contrat est largement explicite (bien qu'il puisse contenir une part d'implicite). En tous cas, nous sommes génaralement conscients d'avoir, à un moment donné, souscrit un contrat. Par contre, les conventions peuvent être suivies sans que nous en soyons conscients. Selon certains linguistes, la grammaire (qui est une convention) est en partie innée. Je parais en contradiction avec Hume. Mais lui-même écrit à la suite du passage que je viens de citer : "C'est de la même manière que les langues se sont graduellement établies par des conventions humaines, sans aucune promesse." D'autre part, un contrat suppose l'existence d'une instance supérieure chargée de le faire respecter, ce qui n'est pas le cas d'une convention. C'est pourquoi l'idée courante d'un contrat entre les gouvernés et les gouvernants est criticable. Je rejoins ici Locke, qui ne parle jamais d'un tel contrat (contrairement à Hobbes et Rousseau). Depuis une dizaine d'années, la théorie des conventions a été assez bien développée par les économistes. Que certains post-marxistes y aient vu un canot de sauvetage ne doit pas effrayer des gens comme nous . Pas plus que son concubinage forcé, en France, avec la théorie infalsifiable de la régulation.
Libérus Posté 28 mai 2007 Signaler Posté 28 mai 2007 Jesrad a dit : La propriété est une conséquence naturelle, pas une "convention". Elle découle de la causalité de l'Univers, qui implique la responsabilité des actes et donc l'attribution des ressources inappropriées à ceux qui se les approprient par leurs actes. Je ne sais pas ce qu'est la "causalité de l'univers". Nos positions, mon cher Jesrad, sont très éloignées. Je vais essayer de préciser la mienne, ce qui ne m'est pas facile, n'étant pas philosophe de profession et sachant qu'il y en a ici qui m'observent (coucou ). C'est Hume qui pense que la propriété est une convention. Il récuse la distinction lockéenne entre état de nature et état civil. Je suis en désaccord avec lui sur ce point. Comme je l'ai suggéré plus haut, dans l'état de nature n'existe que la possession. La possession peut être constamment contestée: je peux vous voler votre os, emporter la proie que vous venez juste d'attraper. C'est la "loi du plus fort" et chacun peut se faire justice soi-même. Nous institutuons l'état civil de manière à transformer nos possessions en propriétés et assurer ainsi leur pérennité (j'emprunte le mot à Kant, mais la notion est déjà chez Locke). Cette pérennité est assurée par une reconnaissance mutuelle des propriétés , qui ne ne peut se concevoir sans une convention globale (Locke dit: "un pacte"). Ainsi la propriété n'est pas à proprement parler une convention, mais elle résulte d'une convention, celle qui fait de nous, comme l'a dit Aristote , un animal politique (ouf, me voila rattaché au sujet du fil ) EDIT En fait Kant ne parle de pérennité. Il dit que dans l'état de nature, une acquisition n'est jamais que provisoire. C'est dans l'état civil qu'elle devient "péremptoire". Donc , c'est l'opposition provisoire / péremptoire. Chez Locke, c'est plus simplement provisoire / pérenne.
Boz Posté 28 mai 2007 Signaler Posté 28 mai 2007 Libérus a dit : Comme je l'ai suggéré plus haut, dans l'état de nature n'existe que la possession. La possession peut être constamment contestée: je peux vous voler votre os, emporter la proie que vous venez juste d'attraper. C'est la "loi du plus fort" et chacun peut se faire justice soi-même. Nous institutuons l'état civil de manière à transformer nos possessions en propriétés et assurer ainsi leur pérennité (j'emprunte le mot à Kant, mais la notion est déjà chez Locke). Cette pérennité est assurée par une reconnaissance mutuelle des propriétés , qui ne ne peut se concevoir sans une convention globale (Locke dit: "un pacte"). Ainsi la propriété n'est pas à proprement parler une convention, mais elle résulte d'une convention, celle qui fait de nous, comme l'a dit Aristote , un animal politique (ouf, me voila rattaché au sujet du fil ) Ceci ne me paraît pas décrire avec justesse la nature humaine. Tu sous-entends que cette convention est "artificielle", un artefact culturel. Il me semble que c'est l'inverse : cette convention est "naturelle" au sens où elle est une partie de cette nature humaine. Elle est donc nécessaire, et non pas contingente. Mais je ne suis pas sûr de ta position exacte sur ce point.
Jesrad Posté 29 mai 2007 Signaler Posté 29 mai 2007 Libérus a dit : Je ne sais pas ce qu'est la "causalité de l'univers". C'est simple: c'est le fait naturel que, dans cet Univers, les causes précèdent toujours les conséquences. Libérus a dit : C'est Hume qui pense que la propriété est une convention. Il récuse la distinction lockéenne entre état de nature et état civil. Je suis en désaccord avec lui sur ce point. Comme je l'ai suggéré plus haut, dans l'état de nature n'existe que la possession. La possession peut être constamment contestée: je peux vous voler votre os, emporter la proie que vous venez juste d'attraper. C'est la "loi du plus fort" et chacun peut se faire justice soi-même. Mais le fait d'être plus fort ne rend pas l'acte d'emporter l'os ou la proie juste ou injuste. À moins de prétendre que la morale n'existe pas, ou que si elle existe il faut la dépasser (comme Nietzsche), la simple possibilité de l'acte immoral n'est pas une justification de cet acte. D'où ma question: sommes-nous uniquement des animaux sociaux, ou sommes-nous d'abord des animaux moraux ? Personnellement, je pense que les principes de la moralité sont apparus en l'homme par évolution*, ce qui implique leur nécessité ou tout au moins qu'il y a un intérêt à les suivre. "L'état de nature" de l'homme c'est donc la vie en société, d'emblée. Et de ce point de vue, la propriété a une existence naturelle, en tant que conséquence de la loi naturelle. Toujours de ce point de vue, l'acte immoral réalisé pour la simple raison qu'il est possible, n'est qu'une erreur de jugement ou d'observation. * Croque la pomme, Adam, Adam, croque la pomme à pleines dents
melodius Posté 29 mai 2007 Auteur Signaler Posté 29 mai 2007 Libérus a dit : Je sais très bien que vous êtes allergique à l'idée de contrat social. Moi aussi. cela me rappelle inévitablement l'ouvrage de Jean-Jacques et toutes les inepties qu'il contient.J'ai employé la notion de convention, qui est différente. Une convention se manifeste par la régularité des comportements, par l’existence d’un ensemble d’attentes mutuelles et concordantes et d’un ensemble de préférences. Par exemple, lorsque vous écrivez un post, vous écrivez de gauche à droite ,et les autres participants de ce forum également. Vous n'avez passé aucun contrat avec les autres participants pour ce faire. Simplement, vous observez une convention. Grâce à cette convention s'observe une certaine coordination de nos échanges. Voyez-vous, nous avons généralement intérêt à coordonner nos actions avec nos semblables. Hume l’exprime parfaitement dans son Traité de la Nature Humaine (Aubier p. 607) : «Cette convention[celle qui fonde la propriété] n’est pas de la nature d’une promesse ; car les promesses elles-mêmes, comme nous le verrons par la suite , naissent de conventions humaines. C’est seulement le sens général de l’intérêt commun ; ce sens tous les membres de la société se l’expriment les uns aux autres ; ce sens les engage à régler leur conduite selon certaines règles. J’observe qu’il sera de mon intérêt de laisser autrui en possession de certains biens, pourvu qu’autrui agisse de la même façon à mon égard. Autrui a conscience qu’il a un intérêt analogue à régler sa conduite. Quand on s’exprime réciproquement ce sens commun de l’intérêt et qu’on le connaît de part et d’autre, il en nait une résolution et une conduite appropriées. C’est là ce qu’on peut appeler avec assez de propriété une convention ou un accord entre les hommes, sans que s’interpose une promesse ; car les actions de chacun d’eux se rapportent à celles des autres et on les accomplit en supposant qu’autrui doit, en contrepartie , en accomplir d’autres. Deux hommes qui tirent sur les avirons d’un canot, le font d’après un accord ou une convention, bien qu’ils ne se soient jamais fait de promesses l’un à l’autre. » La différence entre un contrat et une convention est maintenant apparente. Un contrat est largement explicite (bien qu'il puisse contenir une part d'implicite). En tous cas, nous sommes génaralement conscients d'avoir, à un moment donné, souscrit un contrat. Par contre, les conventions peuvent être suivies sans que nous en soyons conscients. Selon certains linguistes, la grammaire (qui est une convention) est en partie innée. Je parais en contradiction avec Hume. Mais lui-même écrit à la suite du passage que je viens de citer : "C'est de la même manière que les langues se sont graduellement établies par des conventions humaines, sans aucune promesse." D'autre part, un contrat suppose l'existence d'une instance supérieure chargée de le faire respecter, ce qui n'est pas le cas d'une convention. C'est pourquoi l'idée courante d'un contrat entre les gouvernés et les gouvernants est criticable. Je rejoins ici Locke, qui ne parle jamais d'un tel contrat (contrairement à Hobbes et Rousseau). Depuis une dizaine d'années, la théorie des conventions a été assez bien développée par les économistes. Que certains post-marxistes y aient vu un canot de sauvetage ne doit pas effrayer des gens comme nous . Pas plus que son concubinage forcé, en France, avec la théorie infalsifiable de la régulation. Bon, ce n'est pas une idée idiote, je le reconnais. Il y a cependant un gros problème, c'est qu'elle suppose que nous consentons à cette "convention". Or, on voit bien que c'est un critère qui n'entre pas en compte dans la réalité, quelque soit le type de société que tu analyses. Le parallèle avec les langues est certes séduisant, mais il passe à côté du fait fondamental que ce dont nous parlons n'est pas ce qui est, mais ce qui devrait être.
Libérus Posté 29 mai 2007 Signaler Posté 29 mai 2007 Boz a dit : Ceci ne me paraît pas décrire avec justesse la nature humaine. Tu sous-entends que cette convention est "artificielle", un artefact culturel. Il me semble que c'est l'inverse : cette convention est "naturelle" au sens où elle est une partie de cette nature humaine. Elle est donc nécessaire, et non pas contingente.Mais je ne suis pas sûr de ta position exacte sur ce point. Lorsque Aristote dit que l'homme est un "animal politique", j'entends avant tout "animal". L'homme fait partie de la nature. Tout ce qu'il fait, y compris les institutions qu'il crée, la culture, font partie de la nature. Les distinctions nature/culture ou nature /artifice sont utiles d'un point de vue analytique, mais ne doivent pas être considérées comme des oppositions essentielles. J'utilise à regret l'expression "état de nature" parce que c'est l'expression consacrée par les classiques. Vous pouvez le remplacer par "anarchie" (mais c'est terriblement connoté) ou mieux par : "état pré-politique". Hume a tort de parler de cette convention comme d'un artifice. Mais je ne dirai pas non plus qu'elle est nécessaire, puisque l'anarchie peut se rencontrer effectivement, par exemple à Gaza actuellement. Cela peut être même un état durable (voir la Somalie, les zones tribales en Afghanistan, etc.
melodius Posté 29 mai 2007 Auteur Signaler Posté 29 mai 2007 L'état pré-politique n'existe pas chez les humains. En fait, tu es beaucoup plus proche des nanarcaps qu'il n'y parait…
free jazz Posté 29 mai 2007 Signaler Posté 29 mai 2007 Cette discussion prend une tournure inattendue et intéressante, particulièrement sur le point de savoir si les animaux sont capables de passer des conventions - par exemple des pactes de collaboration ou de non-agression. C'est un point important, ainsi que la distinction convention (ce que les grecs appelaient "nomos" par opposition au "physis") et contrat. Je m'excuse auprès des divers intervenants de ne pas répondre spontanément aux objections (notamment à melodius dans un autre fil), car le temps me manque pour y contribuer sérieusement. Toutefois je continue à vous lire avec attention. Juste quelques questions en passant à Liberus : l'homme serait-il le seul animal politique? Faites-vous une distinction entre animal social et animal politique? Est-ce la condition d'animal politique qui implique la necessité de passer des conventions, ou au contraire les conventions marquent-elles le passage de l'état pré-politique à l'état civil?
Libérus Posté 29 mai 2007 Signaler Posté 29 mai 2007 Jesrad a dit : C'est simple: c'est le fait naturel que, dans cet Univers, les causes précèdent toujours les conséquences. Je ne crois guère aux causes objectives. La causalité est une catégorie de la raison humaine, à l'aide de laquelle nous nous efforçons de penser la réalité objective. Je prends un exemple : Vous regardez le Sarkozy-Royal et vous assistez à une grosse colère de Ségolène Royal. Vous pouvez mettre en place plusieurs schémas causaux pour l'expliquer : 1) Sa colère est causée par ce que vient de dire Nicolas Sarkozy sur les handicapés. 2) Sa colère est causée par un excès d'adrénaline dans son cerveau limbique. Ces deux interprétations sont également valables. La catégorie de la causalité peut être mobilisée valablement dans le cadre de plusieurs points de vue différents et hétérogènes. Jesrad a dit : Mais le fait d'être plus fort ne rend pas l'acte d'emporter l'os ou la proie juste ou injuste. C'est pourquoi j'avais écrit "loi du plus fort" entre guillemets. Jesrad a dit : D'où ma question: sommes-nous uniquement des animaux sociaux, ou sommes-nous d'abord des animaux moraux ? Personnellement, je pense que les principes de la moralité sont apparus en l'homme par évolution*, ce qui implique leur nécessité ou tout au moins qu'il y a un intérêt à les suivre. "L'état de nature" de l'homme c'est donc la vie en société, d'emblée. Jusqu'ici je vous suis. Dans l'état d'anarchie dont je parle dans le post précédent, on est en présence de sociétés qui "fonctionnent" (les gens continuent à se marier, à faire des enfants, etc.). Et elles fonctionnent parce qu'elles sont cimentées par une morale très puissante, ce qui corrobore ce que vous dites. Mais Aristote parle de l'homme comme animal politique, non comme animal social. L'homme de Neanderthal était un animal social. Ce n'était pas un animal politique. L'état politique est apparu beaucoup plus tardivement dans l'évolution. Jesrad a dit : Et de ce point de vue, la propriété a une existence naturelle, en tant que conséquence de la loi naturelle. Je diverge parce que vous ne faites pas la distinction qui me paraît essentielle entre possession et propriété. Pour revenir encore une fois aux zones grises de la planète, toutes celles que j'ai citées sont musulmanes et l'islam contient un droit qui théoriquement transforme les possessions en véritables propriétés - de sorte que ce n'est plus un bon exemple pour ce que je veux dire. Remarquons cependant que dans ces zones les propriétés sont très mal assurées et si vous n'avez pas un bon fusil, vous vous apercevez bien vite que la crainte de l'enfer chez votre voisin n'est point une garantie suffisante.
Jesrad Posté 29 mai 2007 Signaler Posté 29 mai 2007 Libérus a dit : Je ne crois guère aux causes objectives. La causalité est une catégorie de la raion humaine, à l'aide de laquelle nous nous efforçons de penser la réalité objective. Je prends un exemple :Vous regardez le Sarkozy-Royal et vous assistez à une grosse colère Ségolène Royal. Vous mpouvez mettre en place plusieurs schémas causaux pour l'expliquer : 1) Sa colère est causée par ce que vient de dire Nicolas Sarkozy sur les handicapés. 2) Sa colère est causée par un excès d'adrénaline dans son cerveau limbique. Ces deux interprétations sont également valables. La catégorie de la causalité peut être mobilisée valablement dans le cadre de plusieurs points de vue différents et hétérogènes. La causalité implique une seule chose: quelles que soient les "vraies" causes de la colère, celles-ci ont précédé temporellement ladite colère. La Science est toute entière basée là-dessus, puisqu'elle assume que les observations permettent d'induire les lois qui gouvernent le monde - sans causalité, il y aurait effet sans cause perceptible et tout s'effondrerait. Citation Je diverge parce que vous ne faites pas la distinction qui me paraît essentielle entre possession et propriété. Oh, je la fais: la possession légitime s'appelle propriété. C'est donc une distinction de légitimité, qui est elle-même basée, de mon point de vue, sur la nature de la réalité objective. La réalité est l'aune à laquelle on mesure la vérité des idées (Wittgenstein dit: le langage est isomorphe à la réalité), par conséquent la justesse (caractère vrai ou faux) d'une action entre deux êtres dépend du fait que cet acte respecte la réalité objective. Si l'un agit d'une manière qui impose à l'autre sa volonté, cela nie quelque chose d'observable et de vérifiable: que l'un comme l'autre partagent la même nature et donc que le libre arbitre de l'un vaut celui de l'autre. Quand l'un chipe son os à l'autre, cela nie le fait (observable et démontrable) que c'est l'autre qui avait trouvé et mis à jour par son travail l'os en question. Je reconnais que ce n'est pas facile à saisir au premier abord.
Libérus Posté 29 mai 2007 Signaler Posté 29 mai 2007 melodius a dit : Bon, ce n'est pas une idée idiote, je le reconnais. Il y a cependant un gros problème, c'est qu'elle suppose que nous consentons à cette "convention". Or, on voit bien que c'est un critère qui n'entre pas en compte dans la réalité, quelque soit le type de société que tu analyses.Le parallèle avec les langues est certes séduisant, mais il passe à côté du fait fondamental que ce dont nous parlons n'est pas ce qui est, mais ce qui devrait être. Nous pouvons ne pas consentir. Dans "Le Silence" d'Ingmar Bergman, Ingrid Thulin s'enferme dans le silence, ce qui est une bonne façon d'échapper aux conventions du langage.
Rincevent Posté 29 mai 2007 Signaler Posté 29 mai 2007 Jesrad a dit : […] Wittgenstein dit: le langage est isomorphe à la réalité […] Ca m'avait beaucoup séduit en Terminale, mais plus j'y réfléchis, plus je trouve ça absurde.
melodius Posté 29 mai 2007 Auteur Signaler Posté 29 mai 2007 Libérus a dit : Nous pouvons ne pas consentir. Dans "Le Silence" d'Ingmar Bergman, Ingrid Thulin s'enferme dans le silence, ce qui est une bonne façon d'échapper aux conventions du langage. Le langage n'est pas un objet de la même catégorie que les normes qui gouvernent la société. Partant la comparaison ne vaut pas.
Boz Posté 29 mai 2007 Signaler Posté 29 mai 2007 melodius a dit : L'état pré-politique n'existe pas chez les humains. Voilà. C'est ça. C'est l'erreur fondamentale des constructivistes.
Libérus Posté 29 mai 2007 Signaler Posté 29 mai 2007 Jesrad a dit : La causalité implique une seule chose: quelles que soient les "vraies" causes de la colère, celles-ci ont précédé temporellement ladite colère. Ce qui est un fait objectif , c'est qu'un évènement A a précédé l'évènement B (je fais abstraction des difficultés rencontrées en physique quantique …). Mais cette succession ne veut pas dire, vous le savez bien, que A est cause de B. Même si la succession A puis B se répète un grand nombre de fois, cela ne veut toujours pas dire que A est la cause objective de B. Pour parler de cause, il nous faut au moins une théorie plausible dans laquelle A jouera le rôle de cause et B le rôle d'effet. C'est une mise en scène. Nous inventons nos théories comme nous inventons nos pièces de théâtre. Pendant la campagne, nous avons assisté en direct à une telle création quand Nicolas Sarkozy a lancé l'idée que la pédophilie pourrait avoir une cause génétique. Certains ont immédiatement déclaré que c'est une théorie absurde. En fait ce n'est pas tout à fait une théorie, car il faudrait écrire la pièce plus complètement (par exemple définir la pédophilie plus précisément qu'on ne le fait actuellement). Ensuite , les théories neuves ont toujours un côté insolite, surprenant , sinon elles n'auraient scientifiquement que peu d'intérêt . Il faudra voir si elle est testable (pourquoi pas ?). Et qui sait ? elle deviendra peut-être un jour une belle théorie causale ! Jesrad a dit : La Science est toute entière basée là-dessus, puisqu'elle assume que les observations permettent d'induire les lois qui gouvernent le monde - sans causalité, il y aurait effet sans cause perceptible et tout s'effondrerait.Oh, je la fais: la possession légitime s'appelle propriété. C'est donc une distinction de légitimité, qui est elle-même basée, de mon point de vue, sur la nature de la réalité objective. La réalité est l'aune à laquelle on mesure la vérité des idées (Wittgenstein dit: le langage est isomorphe à la réalité), par conséquent la justesse (caractère vrai ou faux) d'une action entre deux êtres dépend du fait que cet acte respecte la réalité objective. Si l'un agit d'une manière qui impose à l'autre sa volonté, cela nie quelque chose d'observable et de vérifiable: que l'un comme l'autre partagent la même nature et donc que le libre arbitre de l'un vaut celui de l'autre. Quand l'un chipe son os à l'autre, cela nie le fait (observable et démontrable) que c'est l'autre qui avait trouvé et mis à jour par son travail l'os en question. Votre objectivisme est largement partagé sur ce forum. En résumé, vous considérez la légitimité comme une donnée objective. et vous êtes sur ce point en accord avec Locke. C'est un point de vue que je ne partage pas. Je pense que dans l'état de nature, il y a déja des conventions qui s'établissent, y compris en ce qui concerne les possessions des uns et des autres. De ce fait il y a déjà une notion de justice: être injuste, c'est violer une convention. Les conventions passées dans l'état de nature concernant les possesions sont fragiles et provisoires (alors que les conventions linguistiques sont auto-enforçables). C'est pourquoi l'état civil a été institué. La question de l'objectivisme a déjà été largement discutée dans d'autres fils. Ayant parcouru un peu ces fils, je désespère de convaincre ceux qui y adhèrent. Mais il va de soi que je respecte tout à fait ce point de vue. melodius a dit : Le langage n'est pas un objet de la même catégorie que les normes qui gouvernent la société. Partant la comparaison ne vaut pas. Tout passe par le langage. Supprimez le langage, et le droit n'existe plus, puisque vous ne pouvez même plus l'énoncer.
melodius Posté 29 mai 2007 Auteur Signaler Posté 29 mai 2007 Libérus a dit : En résumé, vous considérez la légitimité comme une donnée objective. et vous êtes sur ce point en accord avec Locke. C'est un point de vue que je ne partage pas. Je pense que dans l'état de nature, il y a déja des conventions qui s'établissent, y compris en ce qui concerne les possessions des uns et des autres. De ce fait il y a déjà une notion de justice: être injuste, c'est violer une convention. Les conventions passées dans l'état de nature concernant les possesions sont fragiles et provisoires (alors que les conventions linguistiques sont auto-enforçables). C'est pourquoi l'état civil a été institué. A part la dernière phrase qui relève du totémisme, je ne vois pas comment tu peux défendre cette idée qui me semble juste et d'autre part invoquer un état pré-juridique.
free jazz Posté 29 mai 2007 Signaler Posté 29 mai 2007 Jesrad a dit : La causalité implique une seule chose: quelles que soient les "vraies" causes de la colère, celles-ci ont précédé temporellement ladite colère. La Science est toute entière basée là-dessus, puisqu'elle assume que les observations permettent d'induire les lois qui gouvernent le monde - sans causalité, il y aurait effet sans cause perceptible et tout s'effondrerait. Non, la science ne s'effondrerait pas : elle changerait simplement de statut. D'explication de la nature, de dévoilement de la vérité, elle devient méthode pour s'adapter au monde et l'instrumentaliser. Pour Hume la science est empirique, elle repose sur l'induction, ou généralisation légitime d'observations particulières. Ce que dit Hume (et il a raison) c'est que la causalité n'est pas elle-même prouvée scientifiquement (c'est un postulat), elle ne repose que sur l'humaine habitude d'observer une succession dans le temps entre certains phénomènes et d'autres. Si suffisamment de tests mettent en évidence une concomittence régulière des événements, on parlera alors de causalité. Mais il n'y a pas de connexion réelle entre la cause et l'effet, c'est une conjonction qui peut être démentie. Cette vision de la causalité aboutit au scepticisme au plan de la connaissance, par contre le principe de causalité doit être empiriquement conservé comme le meilleur outil possible pour dominer notre environnement. Citation La réalité est l'aune à laquelle on mesure la vérité des idées (Wittgenstein dit: le langage est isomorphe à la réalité), par conséquent la justesse (caractère vrai ou faux) d'une action entre deux êtres dépend du fait que cet acte respecte la réalité objective. Je crois que tu confonds la théorie de la vérité-correspondance objective (Aristote, Tarski, Rand) avec celle de la logique - structure parallèle à la réalité (Platon, Frege). La seconde n'est pas objective en ce sens qu'elle ne dit rien sur la réalité. Celui qui énonce ce principe est le Wittgenstein de jeunesse écrivant le Tractatus dans les tranchées vers 18 ans, selon lequel la structure du langage reflette la structure du monde par une forme similaire - la reflette seulement, sans toutefois y correspondre. C'est en fait la vieille théorie platonicienne réhabilitée par ses maîtres Frege et Russell. Le Wittgenstein de la maturité avait renoncé à cette sorte de fétichisme/idéalisme et voyait dans le langage une application de la théorie des jeux (La limite de mon langage est la limite de mon monde).
melodius Posté 29 mai 2007 Auteur Signaler Posté 29 mai 2007 Libérus a dit : Tout passe par le langage. Supprimez le langage, et le droit n'existe plus, puisque vous ne pouvez même plus l'énoncer. Quel rapport avec le problème qui nous occupe ?
Jesrad Posté 29 mai 2007 Signaler Posté 29 mai 2007 free jazz a dit : Je crois que tu confonds la théorie de la vérité-correspondance objective (Aristote, Tarski, Rand) avec celle de la logique - structure parallèle à la réalité (Platon, Frege). La seconde n'est pas objective en ce sens qu'elle ne dit rien sur la réalité. Euh, la logique est intrinsèque à l'Univers, elle aussi est une conséquence de la réalité objective (je ne suis pas dualiste, ça se voit ? ).
Rincevent Posté 29 mai 2007 Signaler Posté 29 mai 2007 Jesrad a dit : Euh, la logique est intrinsèque à l'Univers, elle aussi est une conséquence de la réalité objective […]. Pourquoi est-ce que pour moi, ça ne veut rien dire ? Pourquoi ça sonne panthéiste à mes oreilles ?
free jazz Posté 29 mai 2007 Signaler Posté 29 mai 2007 Jesrad a dit : Euh, la logique est intrinsèque à l'Univers, elle aussi est une conséquence de la réalité objective (je ne suis pas dualiste, ça se voit ? ). Oui, on voit que tu es quelqu'un d'entier - je ne sais pas si c'est propre aux discordiens. Sur ce point nous sommes d'accord, après ça dépend de ce que tu appelles "intrinsèque". Si c'est à l'homme, c'est entendu, puisqu'il fait partie de l'univers. Mais si c'est une logique intrinsèque au monde, un plan du type "le système absolu de la Raison", je trouve cette opinion plutôt mystique. En ce qui me concerne j'en ai plutôt une conception évolutionniste (pompée sur Hayek et Popper) : je conçois la logique comme un organe très évolué, comme une extension du cerveau ou de l'oeil. ^^
Libérus Posté 29 mai 2007 Signaler Posté 29 mai 2007 free jazz a dit : Cette discussion prend une tournure inattendue et intéressante, particulièrement sur le point de savoir si les animaux sont capables de passer des conventions - par exemple des pactes de collaboration ou de non-agression. Je ne suis pas un grand spécialiste de l'éthologie, mais il me semble que oui. Ils peuvent délimiter des territoires qu'ils respecteront plus ou moins . Ils peuvent passer des conventions d'échange de services (tous les matins, tu m'épouille, puis c'est toi qui m'épouille), etc.. Il va de soi que le développement du langage chez l'homme permet d'envisager des conventions beaucoup plus élaborées. free jazz a dit : Juste quelques questions en passant à Liberus : l'homme serait-il le seul animal politique? OUI, jusqu'à présent. Bien sûr, quand De Waal écrit "la Politique du Chimpanzé", il fait un très beau titre (et aussi un très beau livre). Mais de quoi parle-t-il sous ce vocable ? Essentiellement des relations de pouvoir. Si l'on définit la politique par les relations de de pouvoir, je veux bien, mais alors il faut parler aussi de la politique dans la basse-cour (le pecking order ). free jazz a dit : Faites-vous une distinction entre animal social et animal politique? Oui. Je réponds à ceci dans un post précédent. free jazz a dit : Est-ce la condition d'animal politique qui implique la necessité de passer des conventions, ou au contraire les conventions marquent-elles le passage de l'état pré-politique à l'état civil? J'y ai répondu également. Les conventions existent déjà dans l'état pré-politique. Ce qui marque le passage à l'état civil, c'est l'invention d'une convention d'un type particulier , que j'ai appelé une convention globale et que Locke appelle le pacte social. Il est générateur du Droit et peut-être de l'Etat, mais dans un second temps (de toutes façons, il faut maintenir philosophiquement l'idée que le Droit précède l'Etat). Avec quelques nuances, Beccaria et Kant ont dit la même chose. Il s'agit d'un phénomène évolutionnaire accompagnant un développement progressif de la rationalité délibérative . Je n'ai pas l'impression en lisant Locke qu'il sacralise ce passage comme s'il s'était produit un Grand Soir, à la manière des mythes amazoniens. De toutes façons c'est du point de vue philosophique qu'il aborde ce changement et nullement du point de vue anthroplogique où Rousseau s'illustrera pour notre plus grand divertissement.
Jesrad Posté 29 mai 2007 Signaler Posté 29 mai 2007 free jazz a dit : Sur ce point nous sommes d'accord, après ça dépend de ce que tu appelles "intrinsèque". Si c'est à l'homme, c'est entendu, puisqu'il fait partie de l'univers. Mais si c'est une logique intrinsèque au monde, un plan du type "le système absolu de la Raison", je trouve cette opinion plutôt mystique. En ce qui me concerne j'en ai plutôt une conception évolutionniste (pompée sur Hayek et Popper) : je conçois la logique comme un organe très évolué, comme une extension du cerveau ou de l'oeil. ^^ La logique est intrinsèque à l'homme… parce qu'elle est le produit des lois de la physique sur le fonctionnement de ses neurones. Au final, cette logique est bien intrinsèque à l'Univers, indirectement Elle est rentrée dans l'homme car celui-ci ne cesse d'être confronté, comme tous les êtres vivants, à la réalité. Ce qui peut le distinguer de la plupart des autres espèces, c'est qu'il est conscient de cette logique mise en lui par la nature. Donc, nos avis se rejoignent, non ? Pas de mystères, pas de mystique, tout est là: dans la réalité.
melodius Posté 29 mai 2007 Auteur Signaler Posté 29 mai 2007 Jesrad a dit : La logique est intrinsèque à l'homme… parce qu'elle est le produit des lois de la physique sur le fonctionnement de ses neurones. Houlà. Même si je suis d'accord avec l'énoncé, je ne suis pas du tout convaincu par la motivation.
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