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Ceux qui basculent, ceux qui résistent

Les intellos virent-ils à droite? 93 réactions

Rien ne va plus à Saint-Germain-des-Prés. D'anciens gauchistes s'enflamment pour le candidat UMP pendant que d'autres ricanent ou doutent face au phénomène Royal. A quelques semaines de l'élection présidentielle, la gauche peine à rassembler ses soutiens traditionnels dans l'intelligentsia. Big-bang ou caprice de quelques divas ? Et si, derrière les ralliements spectaculaires ou les coups de gueule des têtes d'affiche, un nouveau paysage intellectuel était en train de naître ? Etat des lieux avant la bataille, par Aude Lancelin, Claude Askolovitch, Jean-Gabriel Fredet et François Bazin

Branle-bas de combat au « Figaro » le 31 janvier. Nicolas Beytout, directeur de la rédaction, mène l'enquête. Mail collectif aux troupes. Le matin même, « le Canard enchaîné » a annoncé la publication imminente d'un coming out sarkozyste d'Alain Finkielkraut dans les colonnes du quotidien de droite. Son détenteur est appelé à se signaler d'urgence. Mais non, rien à faire. Personne ne peut fournir la « pantoufle de vair » autorisant à célébrer les noces de Sarkozy et de son philosophe préféré, celui dont il assurait dans la foulée des émeutes de novembre 2005 qu'il faisait « honneur à l'intelligence française ». Une fusée éclairante lancée par l'hebdomadaire satirique pour obliger celui-ci à se découvrir ? Une semaine plus tard, Finkielkraut ne décolère toujours pas contre ce «journal de corbeaux». A peine atterri d'« une île lointaine », il dément violemment. «Il n'y aurait rien de monstrueux à rallier Sarkozy, qui n'est pas Ahmadinejad, tout de même… » Mais non, il ne le fera jamais, et interviendra dans la campagne sur ses seuls tourments de prédilection - l'apocalypse scolaire par exemple. Deux jours plus tard, le démenti se veut toutefois plus nuancé. Une interview passionnément anti-Royal accordée à « Libération » lui offre l'occasion de se reconnaître une «proximité de situation» avec un champion de l'UMP repeint en métèque hongrois. A l'heure du bouclage, on en est là de l'impossible idylle.

Donnés pour mort, laminés en termes d'impact électoral par les Thuram et autres Debbouze, lesintellectuels français « d'appellation contrôlée » pèseraient donc encore sur la campagne ? On cherche en tout cas à «faire parler le cadavre », assure Marcel Gauchet, qui dirige la prestigieuse revue « le Débat » aux côtés de Pierre Nora. Et quand il s'exprime, cela fait parfois une étrange musique. L'ex-« nouveau philosophe » André Glucksmann a cette fois franchi le pas. «Pourquoi je choisis Nicolas Sarkozy», expliquait-il dans « le Monde » du 30 janvier. Et d'autres encore n'hésitent plus à afficher les mêmes sympathies, de l'essayiste Pascal Bruckner à l'historien anciennement mitterrandiste Max Gallo. Alors cette fois ça y est, nous y serions bel et bien parvenus, à ce terminus de la droitisation continue d'une ex-« intelligentsia de gauche » ? Hormis quelques compagnons de dérive ou protecteurs amicaux, plus grand monde pour le nier.

Du côté des staffs politiques, un Franck Louvrier, conseiller en com de Sarkozy, nie toute «politique active de recrutement». Nombreux sont pourtant les essayistes qui ont été conviés à divers pince-fesses. Et côté PS aussi, des éditeurs comme Olivier Nora ou Maren Sell avouent avoir été dragués sans succès par téléphone. Pas vraiment de quoi retrouver le sentiment de son importance cependant, alors que chacun semble se féliciter grassement que l'engagement d'un Glucksmann ne pèse plus rien face à celui que susciterait un Zidane. A écouter l'avocat Jean-Pierre Mignard chargé par le PS d'organiser le grand raout « participatif » qui mêlera le 12 mars prochain saltimbanques, intellos et athlètes autour de Ségolène Royal, il y a même franchement de quoi être abattu. «Comment nier que le sportif a désormais un impact éthique et politique tout à fait capital sur la société?» C'est de longue date que les épigones des maîtres penseurs se sont de toute façon eux-mêmes condamnés aux strapontins face aux chanteurs défiscalisés de « Sarko » et aux acteurs de « Ségo ». Pourfendeur inlassable de la démocratie spectaculaire, Finkielkraut ne dissèque-t-il pas avec le plus grand sérieux les chansons d'une Diam's, érigée par ses soins en nouvelle Beauvoir de l'antiracisme devenu fou ? A force de côtoyer le rappeur sur les plateaux au nom de l'urgence humanitaire et promotionnelle, l'« intello médiatique » subit les rudes lois de la concurrence, et se lumpenise gentiment à défaut de se lepéniser définitivement comme certains l'en accusent.

Auteur d'une remarquable réflexion sur le logiciel idéologique issu des années 1980intitulée « la Décennie », François Cusset, 37 ans, se voit aujourd'hui confirmé dans son sombre pronostic : «Au fond, nous assistons à la première présidentielle de l'âge postintellectuel.» Fut un temps pas si éloigné, constate ce jeune prof de Sciences-Po et de l'Université Columbia, où de grandes voix politisées pouvaient encore peser sur une campagne autrement qu'à titre de symptôme déprimant. Seulement voilà, les Bourdieu, Derrida et Vidal-Naquet ont brutalement été emportés depuis 2002. Place désormais aux «humanistes réactionnaires», dit Cusset, ces essayistes issus de l'antitotalitarisme de la fin des années 1970, dont la densité des oeuvres est souvent inversement proportionnelle à la capacité d'indignation publique sur l'horreur tchétchène ou le « fascislamisme ».

Place aussi aux « experts », aux spécialistes tatillons de la « question sociale », ceux qui oeuvrent par exemple autour de Pierre Rosanvallon à la République des Idées. Très lus dans les cercles PS, ceux-là composent une figure à rebours de l'intellectuel sartrien à whisky et Boyard, qui ne méprisait rien tant que le pragmatisme technocratique, l'intervention chiffrée, et les costumes impeccables. Du spécialiste des « classes moyennes à la dérive » Louis Chauvel au fiscaliste Thierry Pech, on se tient toutefois à proximité « raisonnée » du pouvoir. Pas question de devenir l'usine à gaz de la gauche de gouvernement. Ce qui n'empêche pas d'ailleurs ce dernier, jeune bras droit de Rosanvallon, de moquer sèchement les ralliements à Sarkozy. «Un candidat bavard et bruyant dont je n'ai toujours pas trouvé le programme. Pas une phrase de Sarkozy qui ne commence par «je veux»…» Glucksmann et les autres «se cherchent un homme providentiel, comme en 1958», moyennant quoi «ils adhèrent au volontarisme dans ce qu'il a de plus naïf et de plus dangereux».

Lui estime que la «démocratie participative prônée par Royal est une direction vitale», et se dit favorable aux «comités de quartier, aux cénacles civiques où les élus devront rendre des comptes». Au terme de cela… l'idée horrifique que chacun pourrait bien être le meilleur « expert » de sa propre vie ? Un spectre qui saisit le politologue Pierre-André Taguieff d'un «sentiment océanique», assez proche du mal de mer à vrai dire. Le côté «projetin-progress» de Ségolène Royal déchaîne les sarcasmes de l'ex-anarcho-situationniste qui, après avoir soutenu Chevènement en 2002, s'est un peu tâté sur le cas Sarkozy avant de renoncer finalement à officialiser son intérêt. «Avec Chirac, c'était encore de la bonne vieille démagogie: je suis sympa, j'ai une belle gueule, faites-moi confiance, votez pour moi. Avec Ségolène Royal, c'est l'inverse, et c'est au fond plus pervers : voyez comme je vous fais confiance, votez pour moi.» Un «néopopulisme» dont Taguieff observe l'extension accélérée dans tout le champ politique. Notamment chez un Bayrou, «posant désormais à l'abbé Pierre, jouant à fond le côté «je suis la voix des sans-voix»».

Déconcertés par la « ségosphère » et ne revendiquant aucune compétence en matière de microcrédit ou de droits des femmes battues, de nombreux intellectuels en viennent quasiment à regretter le temps béni où la harangue universaliste supplantait dans les meetings la question du remboursement du patch par la Sécu. D'avant-garde éclairée des masses ou de vigie tocquevillienne des horreurs démocratiques, peu apprécient de se voir sommés de devenir les greffiers des récriminations populaires. Sous la transhumance versle petit « faucon » français Sarkozy, c'est bien souvent la nostalgie de la rhétorique de cape et d'épée des années de guerre froide qui perce. L'angoisse d'un déclassement aussi, peut-être même celle de la castration.

Face à cela, la gauche de la gauche s'époumone à l'ombre du « Monde diplo », ou tourne carrément le dos et se remet à l'ontologie pure comme Alain Badiou, honni par une certaine gauche domestiquée qui voit en lui le dernier mammouth maoïste à abattre. Cité sur le site Desirsdavenir en avril 2006, plutôt pertinemment d'ailleurs, le philosophe Jacques Rancière s'est retrouvé bombardé en «penseur qui inspire Ségolène Royal» sur une pleine page de « Paris Match » pendant les vacances de Noël. Un choc pour cet ancien althussérien, devenu l'un des derniers penseurs politiques radicaux de l'Hexagone. Ses cibles usuelles : les pseudo-républicains, ceux-là mêmes qui rallientdésormais Sarkozy ou hésitent à l'avouer avec des prudences de rosière. Reste que l'auteur de « la Haine de la démocratie », petit best-seller brillantissime, n'a aucunement l'intention de devenir «l'Emmanuel Todd de la campagne 2007». «Fournir de la pensée aux dominants» ne fait décidément pas partie de ses ambitions. S'il observe avec un réel intérêt la circulation inattendue de ses propres idées, Rancière ne prendra «aucune part d'aucune sorte dans cette campagne».

«Elections, piège à cons», selon le mot de Sartre dans « les Temps modernes » en 1973, on en est donc revenu là ? Chez les rares intellectuels « non alignés » qui veulent croire encore à l'isoloir, quelques curiosités. Le philosophe Michel Onfray, qui milite pour la candidature de José Bové. Ou, à l'opposé du spectre, un Alain Soral, essayiste agité passé d'un marxisme confusionnel au QG de campagne du Front national. «Si Marx était vivant, il appellerait à voter Le Pen.» Au milieu de cette désorganisation idéologique avancée, une poignée d'irréductibles prône encore la mobilisation et la fidélité contre le reniement de leurs camarades de brasero en 1968. Trotskiste de toujours, l'historien de la colonisation Benjamin Stora dénonce à travers Sarkozy une «berlusconisation» de la politique française (voir encadré p. 12). Et trouve grotesque de se poser ne serait-ce que la question de la « sincérité » républicaine du candidat UMP. Il n'en reste pas moins que Royal peine à mobiliser les troupes, et que le réflexe « Sarko no pasarán » demeure son seul vrai atout chez les mandarins de gauche, qui du philosophe Etienne Balibar à l'anthropologue Françoise Héritier appellent désormais à voter pour elle.

Que la dernière synthèse politique jugée un tant soit peu « cohérente » intellectuellement soit aujourd'hui incarnée par un Sarkozy ex-maire de Neuilly et enfant chéri du libéralisme balladurien, il y a là quelque chose d'au minimum cocasse. Atlantisme de joggeur occasionnel à Central Park, dénonciation d'une « pensée 68 » d'opérette, arrestation de clandestins à l'âge de la maternelle et aux soupes populaires, encouragement au sécessionnisme fiscal des classes supérieures, moralisme vague à fondement prétendument chrétien. Qu'il y ait là de quoi les décider à passer résolument « l'arme à droite » ne laisse pas de surprendre. Le psychanalyste Jacques-Alain Miller se livre à ce sujet à un petit mea culpa courageux. En 2002, quand paraît « le Rappel à l'ordre » de Daniel Lindenberg, un des premiers à avoir pointé la « tentation réactionnaire » chez nombre d'apostats de l'extrême-gauche,le gendre de Lacan pilonne joyeusementle livre. «C'est Lindenberg qui avait raison,je ne le voyais pas alors.» Concernant Glucksmann, en revanche, pas de surprise. C'est Miller qui reçoit en mains propres à la Gauche prolétarienne l'adhésion du jeune normalien prodige. «Après un «long détour», l'élève préféré d'Aron est revenu à la source.» De là à voter Royal, Miller n'y songe pas. «L'ordre juste, quelle loufoquerie! Un socialisme utopique, des niaiseries à la Saint-Simon. La gauche va dans le mur avec cette pouliche-là.» Souvent il s'engueule avec son frère Gérard à ce sujet.

Au premier rang des facteurs déclencheurs du sarkozysme militant de Glucksmann, l'Irak bien sûr. «Ceux qui ont tout cru pensent tout croyable», écrivait le décidément regretté Guy Debord. On ne s'étonnera donc pas de voir un ancien mao de longue date rallié au charme des fusées Pershing américaines fantasmer cette fois le copain d'Arnaud Lagardère et Serge Dassault en candidat de «la France du coeur »,inspiré sacralement par «le murmure des âmes innocentes» à Yad Vashem et hanté par le drame du Darfour. Assez instructif, aussi, l'entretien de Sarkozy recueilli par le même Glucksmann, Pascal Bruckner ou encore Yasmina Reza pour la revue « le Meilleur des mondes » à l'automne 2006. Entre considérations sur l'« antiaméricanisme » français et coups de menton anti-Poutine qu'une élection assagirait très vite, un éloge survolté de « la nation », le tout émaillé de citations pointues de Goldman (Jean-Jacques) et de Corneille (le chanteur). On n'est décidément pas loin de l'excellente formule de Philippe Cohen, coauteur de « la Face karchée de Sarkozy », récente BD-enquête à succès : «Sarkozy joue «la politique pour les nuls» à l'un des peuples les plus politisés du monde.» Et le pire, c'est qu'il trouve de grands garçons très instruits pour « faire mumuse » avec lui.

Une petite visite dans l'antre du « bushisme » français, « le Meilleur des mondes », rue du Cherche-Midi, chahute un peu la caricature. La réputation « néocons » de la revue énerve au plus haut point Michel Taubmann, l'ancien trotskiste qui l'a fondée avec Olivier Rubinstein, patron de Denoël. Il faut dire cependant que du cinéaste Romain Goupil en passant par Glucksmann, Bruckner ou Kouchner, tout l'état-major du désir de guerre inassouvi de 2003 parade au grand complet dans la revue. A cette revue de troupe s'ajoutent l'historien Stéphane Courtois, Pierre-André Taguieff et le romancier Marc Weitzmann, ancien des « Inrocks », à qui Sarkozy apparaît désormais comme «de loin le plus cohérent, le plus structuré, le plus ancré dans le monde réel».

Ce matin-là, on y trouve aussi Michaël Prazan, 36 ans, cuir noir, dix ans d'enseignement en banlieue et un livre sur le négationniste Garaudy à paraître. Lui se présente comme un déçu de l'antiracisme des années 1980. Mais aussi Mohamed Abdi, militant de la cause palestinienne, qui, lui, fait carrément partie de l'équipe de campagne de Ségolène Royal. Différents profils qui cherchent àse réchauffer dans le grand big-bang idéologique de l'après-11-Septembre. C'est Finkielkraut, présent à l'origine de l'aventure, qui suggère comme titre « le Meilleur des mondes ». Au début, il voulait l'appeler « Trop tard ». «Mais on m'a dit que ce n'était pas un titre de revue, ça… » Et puis, les menées irakiennes n'étant décidément pas son affaire et les hasards faisant, il s'écarte.

Le tropisme de Finkielkraut, on le sait, c'est le durcissement des vieux mythes républicains, à l'heure de Clichy-sous-Bois et de l'extrémisme banalisé, où les modalités de la République de demain seraient plutôt à repenser de fond en comble. Un point commun avec Max Gallo, qui, lui, affiche fièrement son enthousiasme sarkozyste. En 1983, le porte-parole du gouvernement Mitterrand interpellait les clercs de gauche, les accusant de ne pas se mobiliser contre le retour d'une droite décomplexée. «Où sont les Gide, les Malraux, les Alain d'aujourd'hui?», tonnait-il sur trois colonnestitrées « Le silence des intellectuels ». Aujourd'hui ils seraient à l'UMP, doit-on comprendre. «Ontologiquement, sociologiquement, culturellement, je reste un intellectuel de gauche, déclare-t-il. Il se trouve cependant qu'ayant choisi comme test la question de la nation, ce qu'en a dit Sarkozy lors de son discours de Nîmes ou à la porte de Versailles me satisfait pleinement.»

A ceux qui imaginaient encore que la première mission du clerc, a fortiori « de gauche », était une certaine vigilance face à la rhétorique des pouvoirs, bonsoir. Nul n'ignore désormais que la plume d'Henri Guaino, ex-membre de la Fondation du 2-Mars, contribue pour l'essentiel au saupoudrage socialo-gaulliste des récents discours du candidat de l'UMP. Peu importe, Max Gallo a déjà réinvesti sa flamme chevènementiste de 2002 dans la « résistance » sarkozyste de 2007. Et n'hésite plus à convoquer le fétiche du de Gaulle de 1940, qui lui aussi rassemblait «bien au-delà de son camp». Face à ce genre de transferts hallucinés, seuls quelques francs-tireurs et autres persifleurs donnent encore matière à s'amuser.

Auteur d'une tribune intitulée « la France moisie » en 2002, Philippe Sollers envisage deux hypothèses. «Ou la France est au stade terminal. Ou elle va en fait à ce point bien qu'elle peut se permettre n'importe quoi. Je pencherais plutôt pour la seconde option.» Ainsi imagine-t-il entre autres scénarios une Ségolène Royal entraînée par Chirac vers le bouton nucléaire sur le perron de l'Elysée au printemps prochain. «De l'érotisme de masse, enfin! Les Américains seraient vraiment vampés, là. Autrement que par un Sarko en cousin d'Amérique essayant de repriser une République effilochée.» Dans un autre registre, le démographe Emmanuel Todd se dit sous le choc. «Le vide intellectuel de cette campagne atteint des proportions ahurissantes», commente l'inspirateur de la « fracture sociale » de 1995, qui milite désormais pour un « protectionnisme européen ». «Je méprise ces intellectuels qui se rallient à un voyou comme Sarkozy. Mais on a atteint un tel point de désorganisation idéologique qu'il est normal que certains pètent les plombs.» L'apesanteur ne dure cependant jamais longtemps, poursuit-il. La réaction du corps social à ceux qu'il persiste à voir en «candidats du vide» l'effraie un peu, au point d'envisager «des phénomènes de violence». «En même temps, je me sens de plus en plus Groucho Marx, vous savez. Avec une réelle difficulté à me prendre au sérieux et à prendre au sérieux ceux qui prennent ça au sérieux.» En 2007, il n'y aura pas de Coluche pour recueillir les intentions de vote des Pierre Bourdieu, Jean-Pierre Faye ou Jean Baudrillard, comme en 1981. Même Nicolas Hulot vient de jeter l'éponge. Dommage, Alain Finkielkraut confiait le 6 février à l'AFP qu'il avait trouvé en l'ex-animateur de TF1 un candidat crédible.

Pierre-André Taguieff, André Glucksmann, Max Gallo et Alain Finkielkrautincarnent chacun à sa manière une certaine « droitisation » de l'intelligentsia. Partisans d'un nouvel atlantisme (Taguieff, Glucksmann) ou persuadés de la décadence du modèle républicain (Gallo, Finkielkraut), ils récusent néanmoins l'étiquette de « néoréactionnaires »…

Marc Weitzmann

Des « Inrocks » à Sarko

Romancier et ex-journaliste aux « Inrockuptibles », il collabore à la revue « le Meilleur des mondes » et soutient aujourd'hui la candidature de Nicolas Sarkozy, «le plus cohérent, le plus structuré», et dont les discours sont «les plus ancrés qui soient dans le monde réel et la société contemporaine».

Jacques-Alain Miller

Psy et anti-Ségo

Pilier de la psychanalyse française, le gendre de Lacan doute des capacités de Ségolène Royal. «Avec elle, la gauche va dans le mur», jure-t-il. Mais cet ancien gauchiste dénonce aussi la défection des « néoréactionnaires », ces intellos de gauche tentés par la droite.

Thierry Pech

Expert critique

Ce sociologue spécialiste de la justice est secrétaire général du nouveau think tank social-démocrate, la République des Idées. Partisan d'une «nouvelle critique sociale» et farouche partisan de l'indépendance des intellectuels, il a néanmoins dirigé un numéro de la revue « la Vie des idées » décryptant le populisme de Nicolas Sarkozy.

Daniel Lindenberg

Anti-néoréactionnaire

Dans son essai « le Rappel à l'ordre », ce philosophe, historien des idées, a dénoncé la dérive « néoréactionnaire » des anciens intellos de gauche. Une vive polémique s'en est suivie, notamment avec Jacques-Alain Miller, auteur d'une réfutation des thèses de Lindenberg (« le Neveu de Lacan »).

Emmanuel Todd

Boîte à idées

En 1995, la fracture sociale, c'était lui. Ce thème développé dans une note de la Fondation Saint-Simon avait été repris avec succès par le candidat Chirac. Aujourd'hui, le chercheur de l'Institut national d'Etudes démographiques (Ined) fait le tour des écuries présidentielles pour les convertir à un «protectionnisme européen».

Michel Onfray

A gauche toute !

Philosophe à succès de l'hédonisme et défenseur d'un athéisme radical, le fondateur de l'Université populaire de Caen prend parti pour la candidature de José Bové. «Je crois à la réalité et à la vérité de la lutte des classes, je n'accorde mes suffrages qu'à ceux qui savent que le monde des gens modestes n'est pas une fiction […] », écrit-il sur son blog.

Jacques Rancière

Il inspire Ségolène

Issu du séminaire Althusser, comme André Glucksmann, l'auteur de « la Haine de la démocratie » a été cité sur le site Desirsdavenir pour justifier l'approche « participative » de Ségolène Royal. Mais ce franc-tireur qui n'entend pas «fournir de la pensée aux dominants» ne prendra pas part à la campagne.

Aude Lancelin

Le Nouvel Observateur

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Jacques Marseille, l'artilleur de la rupture

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Le cri de BHL (pas un cri d'agonie, hélas…)

M'enfin, qu'est-ce que c'est que ce pays où l'idée qu'il puisse y avoir des intellectuels de droite (ou du moins qui ne soient pas de gauche) représente un tel séisme? Vous avez dit "pensée unique"?

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A lire les propos ineptes tenus par les uns et les autres dans ce papier, on est rassuré : les intellos, qu'ils soient de droite ou de gauche, témoignent d'un niveau intellectuel extrêmement bas.

Et ceux qui dénoncent le vide intellectuel ne sont pas les moins vides intellectuellement (le protectionnisme européen ! on aura tout entendu, après l'auto-suffisante josébovine…).

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A lire les propos ineptes tenus par les uns et les autres dans ce papier, on est rassuré : les intellos, qu'ils soient de droite ou de gauche, témoignent d'un niveau intellectuel extrêmement bas.

+1.

Posté

Le problème, c'est que la France n'a produit aucun intellectuel notable depuis au moins les années 80 (et encore faut-il considérer Finkielkraut et BHL comme des intellectuels). Or l'intellectuel, comme tout bourgeois qui se respecte, devient conservateur en vieillissant. Cette droitisation se devine chez Finkielkraut, elle est patente chez Glucksmann.

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Sur Finkielkraut :

Alain Finkielkraut : «Il faut rompre avec l'idée stupide que la patrie de l'intellectuel est la gauche»

Alain Finkielkraut, dont on a pu lire qu'il se « ralliait » à Nicolas Sarkozy, dément formellement la rumeur. Il en profite pour livrer sa réflexion sur une campagne où l'on est sommé de « choisir son camp ». Libre pensée à contre-courant sur le « politiquement correct », le rôle des intellectuels, l'écologie, la discrimination positive et Charlie Hebdo.

Sur son prétendu ralliement à Nicolas Sarkozy :

Rien de tout ce qui a été dit n'était vrai. Je n'avais pas l'intention d'annoncer quelque ralliement que ce soit. J'ai voulu démentir. C'était un petit cauchemar comique. Je me suis posé des questions : cette rumeur est symptomatique de l'esprit du temps. ( ) aujourd'hui on assiste à une grande reprise en main de la gauche intellectuelle par le progressisme. ( ) Le ralliement de Glucksmann (à Sarkozy) c'était la preuve que l'anti-totalitarisme, c'est la droite, c'est la réaction. D'où aussi le raisonnement par analogie : Glucksmann, Finkielkraut, ils vont tous basculer. On raisonne très simplement. Sarkozy c'est la droite dure, c'est le néo-conservateur américain « à passeport français ». Tous les néo-conservateurs et néo-réactionnaires qui nous faisaient croire aux bobards de l'antitotalitarisme vont se ranger sous la bannière de Sarkozy. CQFD. Ça atteste du durcissement du climat idéologique. Et surtout, c'est une preuve de la corruption intellectuelle du journalisme en France. ( ) on raisonne par déduction. Si on entend une rumeur, on ne la vérifie pas, car elle confirme l'a priori.

On veut aujourd'hui recréer une opposions entre le camp du bien - la gauche et le centre peut-être - et le camp du mal - la droite - au moment où, en réalité, toutes les frontières se brouillent. Et je veux résister à ce chantage ridicule. Je ne me rallie pas. C'est faux. Mais je ne dis pas pour autant que c'est grave de se rallier à Sarkozy. ( ) Ce sont des procès en sorcellerie du même type que ceux qui ont été intentés contre Camus en 1951. ( ) On crée une situation de haine. ( ) D'une certaine manière, soutenir Sarkozy, c'est soutenir le camp de Pétain. On en est là. Ça place les intellectuels dans une situation impossible. Car on leur demande leur avis, mais on n'en a rien à foutre de leur avis. Car le monde est divisé en camps. Le camp du progrès et celui de la réaction. Et la seule chose qu'on veut savoir, c'est « A quel camp appartenez-vous ? » On veut vous mettre une étiquette. On ne vous demande pas de nourrir la campagne avec des arguments.

( ) J'ai des convictions. Je les fais connaître, mais je ne peux pas avoir de casquette. ( ) Je dis aussi en quoi certains aspects du programme de Sarkozy sont critiquables. ( ) Mais j'affirme qu'il a le mérite, par ailleurs, de déchirer le voile de la bien pensance et de nous amener à regarder la réalité en face dans d'autres domaines. ( ) Je critique assez fortement la candidate de la gauche, on dit que je suis sarkozyste. ( ) Pourquoi me demander à quel camp j'appartiens, on le sait déjà. ( ) cela veut dire que la vie intellectuelle est tenue dans un mépris total.

Sur le rôle des intellectuels dans la campagne :

Que certains intellectuel disent leur soutien à tel ou tel est logique et légitime. Et il est aussi naturel de rompre avec l'idée stupide selon laquelle la patrie de l'intellectuel, c'est la gauche. Les choses ont beaucoup changé. ( ) il est difficile de parler de l'insécurité, des questions liées à l'immigration, du désastre de l'école. Le rôle de l'intellectuel est de combattre l'idéologie et de dire ce qu'il voit.

Sur le politiquement correct :

Je vois l'avenir avec inquiétude. Au début de la rumeur, je voulais faire ma réponse en disant les raisons pour lesquelles il me paraît totalement impossible de soutenir Ségolène Royal. Ses bévues démontrent une incompétence abyssale. Et on ne peut pas confier le destin de la République à une femme qui va faire l'éloge de l'économie et de la justice chinoise, alors que c'est la Chine qui mène la danse infernale de la mondialisation. ( ) Les postures de Ségolène Royal sont révélatrices de l'état de délabrement de la gauche qui a été avili par le mitterrandisme, abêti par une recherche en sciences sociale totalement idéologisée et intimidée par une extrême gauche toujours plus radicale et violente dans les mots. Mais je me suis dit, à partir de là, quels sont, pour moi, les candidats possibles ? Et j'en voyais trois : François Bayrou, Nicolas Sarkozy et Dominique Voynet. Dominique Voynet parce que je pense que la question écologique est au cÅ“ur de nos problèmes et que, derrière l'écologie, se profile la nécessité d'un changement de paradigmes. Nous devons nous percevoir comme des responsables du monde, chacun à notre niveau. Mais, vous me parliez du politiquement correct, voilà que j'entends Dominique Voynet dire que les hommes de 60 ans blancs devraient cesser de faire de la politique pour faire la place aux gens de couleur, aux jeunes et aux femmes. C'est une phrase à la fois stupide et barbare. Du coup, l'hypothèse Voynet se dissout, à ma grande tristesse. Voici que le champ des possibilités se réduit à deux. Mais si je dis cela, alors je reste passible de la peine capital. On dira que Bayrou c'est du déguisement, c'est un sarkozyste, sinon officiel, du moins officieux. Avec trois candidats je pouvais désorienter mes auditeurs, mais là, ils ne s'y laisseront pas prendre, et je n'ai pas non plus envie de leur montrer patte blanche.

Sur la discrimination positive :

Quand j'entends Nicolas Sarkozy me parler de discrimination positive, je suis contre, mais ça ne me choque pas. J'ai toujours combattu la discrimination positive, mais le désastre de l'école a produit ses effets. Sous couvert de démocratiser l'école, on l'a rendue plus dynastique que jamais. ( ) Quand on invoque la discrimination positive, c'est pour essayer de sauver les meubles. Nous vivons les conséquences du démantèlement de l'école républicaine. Je m'oppose sur le fond à la discrimination positive, mais comme mesure d'urgence, je ne peux pas répondre « non » sur un ton aussi catégorique qu'autrefois.

Sur le procès des caricatures de Charlie Hebdo :

( ) En témoignant pour Charlie hebdo, Nicolas Sarkozy ne peut plus paraître comme le parrain de l'UOIF. Il en est devenu l'ennemi numéro un. Mais je ne lui fais pas une confiance absolue. J'aime le voir revaloriser le travail. Mais j'ai le sentiment aussi qu'il ne voit pas d'inconvénients à nous précipiter dans une société gouvernée par le travail et la consommation, quasi exclusivement, d'où mon inquiétude à le voir sacrifier, sans le moindre problème, le repos dominical.

Sur son ralliement à Sarkozy :

( ) Ce que je demande, c'est d'être entendu dans mes analyses de la situation actuelle et des enjeux électoraux, et non pas étiqueté. Je ne joue aucun cheval et je ne suis le porte-parole de personne.

http://www.marianne2007.info/Alain-Finkiel…e2007_a706.html

Posté

Intéressant ce texte de Finkielkraut. Le mal de son camp qu'il dénonce a un nom : la paranoïa.

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Le camp du progrès c'est la droite et celui de la réaction, la gauche. C'est ça ?

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Le camp du progrès c'est la droite et celui de la réaction, la gauche. C'est ça ?

Enfin, vu le paysage politique français, on peut dire aussi que le camp du progrès, c'est la droiche et celui de la réaction, la gaute. Ou l'inverse. En pratique, avec ce dont on dispose, on a droit à tout un nuancier de roses et de rouges plus ou moins vifs, mais rien d'autre.

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Je suis loin d'être un admirateur de la pensée de Todd, mais je suis d'accord avec lui quand il se dit effrayé par le vide intellectuel de cette campagne…

La première campagne "post intellectuelle" ? Sans doute. Même si à mon avis, c'est déjà le cas, en ne tenant comtpe que de la présidentielle, depuis 1995.

Il est logique qu'une recomposition du paysage intellectuel français s'opère. Quant à parler de "droitisation" etc… il faut rester prudent sur les mots, mais on n'échappe pas à la catégorisation.

J'ai été particulièrement choqué par le discours et l'attitude anti intello de base de Royal et de son équipe : vindicte à la tribune de l'Assemblée etc…. dées

Il est vrai que la "gauche" (du maoïsme au socialisme en passant par le trotskyme et tout ce que l'on veut) a été le lieu de rassemblement de nombre d'intellectuels. Enfin, disons des plus médiatiques, des plus entendus…

Nier qu'il y ait eu des intellectuels de droite est une ineptie, mais depuis Aron, enfin depuis Vichy, il n'a jamais fait bon être un intellectuel de "droite "en France….

On a encensé sartre et oublié Aron non l'année dernière non ?

mais la droite porte une part de responsabilité : elle a, à tort, négligé, oublié le terrain de lutte des idées, laissant cela avec complaisance à la gauche. Les relais dans l'enseignement sont aujourd'hui encore extrêmemnt puissants, et il faudra encore beaucoup de temps pour qu'une inflexion soit perceptible….

Je ne crois pas que les intellectuels soient morts : mais il est certain que quand Royal proclame les citoyens "experts" et dénonce "ceux qui savent", ça ne fait pas plaisir…. et que des claquements de porte retentissent…. La question qu'ils se posent est : mais à quoi pouvons nous encore servir ?

L'appel du nouvel Obs "avant qu'il ne soit trop tard" (amusant comme cela fait écho au nom proposé par fink pour Le Meilleur des Mondes -trop tard- !! ) me semble un chant du signe… Pas, ou peu, de vrais intellectuels… C'est désespérant et d'une médiocrité….

On fait l'éloge de l'égalitarisme et on méprise les élites : Il n'y a guère plus populiste que ce discours. La mort de la politique.

Aron, où es-tu…. ?

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L'appel du nouvel Obs "avant qu'il ne soit trop tard" (amusant comme cela fait écho au nom proposé par fink pour Le Meilleur des Mondes -trop tard- !! ) me semble un chant du signe… Pas, ou peu, de vrais intellectuels… C'est désespérant et d'une médiocrité….

On fait l'éloge de l'égalitarisme et on méprise les élites : Il n'y a guère plus populiste que ce discours. La mort de la politique.

Aron, où es-tu…. ?

Je ne savais pas que c'est le Nouvel Obs qui avait fait cette appel-pétition. Ils ont fait un site tout beau ici:

http://www.appel22avril.net/

Prêt de moi, j'entend le même discours sur le clivage élites/peuples et l'idée que les "vrais gens" savent mieux ce qu'ils faut faire. Déjà que lorsque ceux sont les experts qui décident ça n'est pas une réussite… Que chacun décide pour soi OK, mais que "les vrais gens" décident pour les autres… :icon_up:

De toute façon, je crois que c'est surtout un bon gros bluff, une posture destinée à rapporter des voix: "regardez comme on est à votre écoute blablabla". Il faut être naïf pour penser qu'une contribution au site désir d'avenir par exemple, changerait quelque chose à la politique du PS si SR remportait les élections.

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Vous ne trouvez pas tout cela horriblement provincial ? Vu de Belgique francophone c'est déjà à peine compréhensible, alors je ne vous dis pas depuis Londres, New York, Tokyo ou Pékin…

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Finalement je crois aussi que ça correspond à la mentalité de beaucoup de français de vouloir donner un avis sur tout et plus particulièrement sur les sujets qu'ils ne maitrisent pas forcément (typiquement l'économie). Un esprit "donneur de leçons" qui au fond colle assez bien avec le socialisme.

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C'est la définition même du populisme. Ce terme d'ailleurs n'est pas péjoratif dans la bouche de tout le monde (cf C Lepage).

Ce qui fait le succès de la "ségosphère", et de Desirs d'avenir, c'est le fait d'avoir compris, disons intégré dans une logique électorale, l'outil internet. Les communicants (les ennemis jurés de la politique) ont bien compris l'avantage de ce créneau. Internet et particulièrement la "blogosphère" est devenu un immense bruit insupportable où le nombrilisme des blogs rivalise avec les bureaux des pleurs…. Il y a les inconditionnels qui pensent qu'internet va révolutionner le monde, que c'est un outil utra démocratique, égalitaire : tout le monde peut s'exprimer, donner son avis, être entendu….

C'est là dessus qu'a joué Royal. Il y a en effet dans ce pays un immense besoin de s'exprimer, quelques soient les raisons et les sujets. Les fameux "débats participatifs" (qui n'avaient rien de débats, et rien de participatifs) en sont le prolongement, hors internet.

Depuis 2002, on a joué sur ce fameux constat "décalage entre le pays réel et le pays légal" (on ferait bien de chercher d'où vient cette expression) : bref, une rupture entre les "élites" et le "peuple". Les évènements (refus du TCE etc…) ont semblé donner raison à ce point de vue.

D'un point de vue stratégie électorale, c'est bien joué : elle récupère l'outil, crée la ségosphère, flatte l'ego meurtri ou démesuré du petit peuple consacré "expert", "vrais gens" "qui savent mieux la réalité"…

Du coup, les intellectuels se sentent mis à l'écart… Même si elle s'en entoure.

Une victoire de Royal serait une victoire de la blogosphère… ?

PLusieurs aspects me semblent ici relever de l' escroquerie et du populisme que j'ai déjà évoqué.

- Faire croire qu'internet est un outil égalitaire est un leurre. Les inégalités s'y reproduisent comme ailleurs, d'autre manière sans doute, mais ne serait-ce qu'en évoquant la "fracture numérique".

- Faire croire aux citoyens qu'ils sont des "experts". Ridicule, mais tellemnt bon pour l'estime de soi…

- Du coup, j' insiste, reléguer les véritables experts au rang de faire valoir ou de "greffiers". Je n'évoque ici que les experts "techniciens", pas les intellectuels évidemment.

- Cela a pour conséquence directe de creuser davantage le fossé entre les élites (économiques, politiques, etc) et le peuple..Il y a là une véritable manipulation de la part de la campagne de Royal. Et comme un parfum de vieille revanche populaire refoulée, voire prolétarienne au sein de la masse…. Elle se dit candidate du rassemblement et de la réconciliation, elle est celle de la division et de l'affrontement. Cela rejoint le vieux fonds collectiviste dont le socialisme français n'arrive pas à se débarrasser (ou ne veut pas) et un attachement à cette vieille idée d'un âge d'or perdu pour le peuple, celui du temps béni où, par la révolution, il prenait son destin en mains et le pouvoir. D'ailleurs, les discours ne trompent pas à gauche, au PS jusqu'à la LCR : régulièrement on nous sert que "les Français sont dans un tel état de colère, nous sommes dans une situation pré révolutionnaire" etc etc…

On joue sur les peurs, on les provoque. Se réclamer de l'héritage de 1789, c'est aux antipodes de ce qu'a d'ailleurs été 1789…. C'est du hold up historique. Relu et réinterprété de manière marxiste.

Alors il est logique que des intellectuels, et, sans prétention aucune d'ailleurs, toute personne qui a un tantinet de culture historique et économique et d'esprit critique, sans aucune logique partisane s'entend, analyse la situation avec horreur.

Ce n'est pas forcément mieux du côté de Sarkozy d'ailleurs. Mais le débat sur la fuite des intellos soi disant vers "la droite" oblige à se pencher sur la gauche aujourd'hui, enfin plutôt sur la campagne électorale.

Je pense aussi qu'il s'agit d'un bluff, mais il faut néanmoins lui reconnaître le fait d'avoir devancé les autres candidats sur l'utilisation de l'outil.

A présent, personnellement, la victoire de la blogosphère signifierait pour moi la victoire de la vacuité.

En l'état actuel des choses…

Quand on voit qui sont les "leaders d'opinion" sur le net….

Et c'est peut être ce point que l'on peut reprocher aux intellectuels : il a fallu attendre que Glucksmann annonce son choix pour que la planète se réveille. Pourtant, isl écrivent, sont publiés, certains (pas tous ) sont présents sur le net via leur blog…. Mais il est vrai qu'aujourd'hui, inviter un intello, ça ne fait pas recette à la tv, puisque nos nouvelles élites sont les "people" et qu'on accorde plus de crédit aux dires d'un chanteur ou d'un pseudo acteur qu'à un Wievorka ou à une Ozouf… Par exemple.

Désolé d'avoir digressé au passage.

Pour revenir au sujet, rapidement, je crois que certains intellectuels qui ne choisissent pas Royal ont fait le même diagnostic : elle est l'incarnation du vide de la pensée.

Certains ont réalisé leur chemin de Damas, au terme de 25 années de cheminement. Pour autant, ils ne seront pas servis avec Sarkozy…

Avant de savoir où se positionnent les intellectuels dans le paysage politique, il faudrait peut être s'interroger sur leur positionnement tout court. Un intellectuel doit-il encore etre un engagé ? (Pas forcément au sens sartrien du terme d'ailleurs) Doit-il être, ou peut-il encore être un éclaireur des consciences ? A quelles conditions ? Par quels moyens ?

A ce titre, les extraits de Finkielkraut sont révélateurs et très justes. En France, j'ai l'impression que l'on n'aime plus les intellectuels, en général, mais surtout s'ils osent rompre avec le dogmatisme de gauche.

Le chemin de Damas, ce n'est pas pour tout le monde….

"Le rôle de l'intellectuel, c'est de combattre l'idéologie […]" . Le droit à l' inappartenance…

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On a encensé sartre et oublié Aron non l'année dernière non ?

Je ne trouve pas. 2005 a àmha été l'occasion de comparer Aron favorablement à Sartre.

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De manière assez sporadique je trouve…

D'ailleurs, la comparaison n'a aps lieu d'être à mes yeux…

mais je concède volontiers qu'on a au moins parlé de lui…

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