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Enfermement sans fin


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Je pige pas, en quoi est-ce répréhensible de souhaiter que les perpétuités soient vraiment appliquées ?

On ne parle pas des peines à perpétuité.

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C'est pas une manière détournée de la réintroduire (puisqu'aujourd'hui, on sait qu'elle n'existe plus ou presque), et de s'affranchir de l'avis des juges ?

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C'est pas une manière détournée de la réintroduire (puisqu'aujourd'hui, on sait qu'elle n'existe plus ou presque), et de s'affranchir de l'avis des juges ?

En premier lieu, il convient de préciser que la peine de perpétuité n'existe plus en tant que telle depuis des lustres. Ensuite, ce ne sont pas les juges qui font le droit mais la représentation nationale. Enfin et j'ai l'impression de me répéter sans cesse, ce ne sont pas les juges qui définissent si tel ou tel doit bénéficier de réduction pour bonne conduite mais l'administration pénitentiaire (faisant partie du ministère de la justice) en application du code de procédure pénale. Le régime pénitentiaire normal prévoit un certain nombre de jours de réduction par an dès lors que le détenu ne cause aucun trouble. Cela n'a rien à voir avec les mesures visant à récompenser la bonne conduite qui elles vont récompenser des efforts notoires quant à la future réinsertion (obtention de diplôme, d'une formation qualifiante, etc.).

Pour ma part, que l'on veuille conserver sous les verrous des types particulièrement dangereux qui pour l'heure ne peuvent écoper d'une mesure d'emprisonnement ne pouvant dépasser 22 ans incompressibles ne me choque pas outre mesure. Ce sont des gens qui n'ont que peu de chances de guérir et qu'il serait pour le moins hasardeux de remettre en circulation. En revanche, et là je rejoins Arno, ce qui est choquant, c'est la volonté présidentielle de s'affranchir du Droit.

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C'est pas une manière détournée de la réintroduire (puisqu'aujourd'hui, on sait qu'elle n'existe plus ou presque), et de s'affranchir de l'avis des juges ?
Ce sont les juges qui décideront du maintien en rétention de sureté (encore heureux), selon des conditions plus favorable au détenu que pour une décision de libération conditionnelle. Sinon le régime de réclusion à perpétuité c'est plutôt renforcé ces dernières années (sur les périodes de sureté et les conditions de libérations conditionnelles notamment). En fait il s'agit de créer une quasi-perpétuité à des cas auparavant non concerné par elle (ce qui montre d'ailleurs que la tendance actuelle est plutôt au renforcement des longues peines*).

*c'est un phénomène largement dû à l'abolition de la peine de mort (Badinter lui-même lorsqu'il était ministre s'opposa à la fin de la perpétuité, entérina le principes des période de sureté et la création d'une peine de réclusion de trente ans).

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Pour ma part, que l'on veuille conserver sous les verrous des types particulièrement dangereux qui pour l'heure ne peuvent écoper d'une mesure d'emprisonnement ne pouvant dépasser 22 ans incompressibles ne me choque pas outre mesure. Ce sont des gens qui n'ont que peu de chances de guérir et qu'il serait pour le moins hasardeux de remettre en circulation. En revanche, et là je rejoins Arno, ce qui est choquant, c'est la volonté présidentielle de s'affranchir du Droit.

Je rajoute qu'il s'agit de s'en affranchir au non d'un principe difficilement contestable (non rétroactivité) et pour des cas très peu nombreux, et alors qu'il est possible d'imposer aux individus concernés des mesures de contrôles strict (y compris les bracelets mobiles et obligation de soins) dont le moindre non respect peut les conduire dans les centres de rétention. Sans parler de l'hospitalisation d'office.

On ne peut pas dire que le conseil constitutionnel ait cherché l'obstruction ou soit sorti de son rôle.

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Pour ma part, que l'on veuille conserver sous les verrous des types particulièrement dangereux qui pour l'heure ne peuvent écoper d'une mesure d'emprisonnement ne pouvant dépasser 22 ans incompressibles ne me choque pas outre mesure. Ce sont des gens qui n'ont que peu de chances de guérir et qu'il serait pour le moins hasardeux de remettre en circulation. En revanche, et là je rejoins Arno, ce qui est choquant, c'est la volonté présidentielle de s'affranchir du Droit.

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Par ailleurs, je ne peux m'empêcher de penser que dans un système anarcap où les juges devraient assumer la responsabilité de leurs erreurs de jugement, la justice serait autrement plus implacable pour ce genre de détenu. Ils ne sortiraient que les pieds devant.

Ils devraient également assumer leur responsabilité en cas d'emprisonnement sans raison.

Invité jabial
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Je tiens à rappeler que la mesure ne concerne que des gens déjà condamnés par la justice, à l'issue d'un procès dans les règles de l'art, à des peines de plus de quinze ans de prison. Inutile de dire que le titre, qui laisse entendre qu'on va décider au faciès que telle ou telle personne prise dans la rue est "dangereuse" et l'enfermer à vie, est trompeur.

A titre personnel, je crois tout à fait irrationnel de croire que tout criminel ait vocation à retrouver un jour la liberté.

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Je tiens à rappeler que la mesure ne concerne que des gens déjà condamnés par la justice, à l'issue d'un procès dans les règles de l'art, à des peines de plus de quinze ans de prison. Inutile de dire que le titre, qui laisse entendre qu'on va décider au faciès que telle ou telle personne prise dans la rue est "dangereuse" et l'enfermer à vie, est trompeur.

A titre personnel, je crois tout à fait irrationnel de croire que tout criminel ait vocation à retrouver un jour la liberté.

Le problème c'est le mélange des genres : on se base sur des avis psychiatriques pour justifier le maintien en détention. Mais dans ce cas là il existe l'hospitalisation d'office, et d'ailleurs les faits divers (affaire Evrard) et les exemples donnés pour justifier cette loi rentre bien dans ce cadre. Encore une fois plutôt que d'utiliser ce qui existe on crée une procédure supplémentaire.

Si on se base non pas sur une dangerosité psychiatrique mais sur les faits préalablement commis alors c'est la voie pénale normal qui doit primer, ie la simple application de la peine. Si on estime qu'une infraction est à ce point grave qu'elle justifie un enfermement potentiellement à vie il existe la perpétuité (avec possibilité de libération conditionnelle pour les détenus ayant fait preuve de leur volonté de se réinsérer). Cette solution pose néanmoins d'autres problèmes (en fait ce sont en partie les mêmes, mais qui ont ainsi le mérite d'être plus clairement posés). Je rajoute que la voie pénale n'exclut pas un traitement psychiatrique en prison et une obligation de soin comme condition de sortie (un problème psychiatrique n'impliquant pas forcément une irresponsabilité pénale totale), et là beaucoup reste à faire.

Mais plus encore que le fond le problème est la forme, ie la manière dont cette réforme à été défendue.

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Le problème, comme le rappelle Harald, c'est qu'un type condamné à 20 ans ne les fera pas. Qu'on commence par appliquer les peines prononcées.

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Le problème, comme le rappelle Harald, c'est qu'un type condamné à 20 ans ne les fera pas. Qu'on commence par appliquer les peines prononcées.

En l'occurrence c'est parfaitement hors-sujet : il s'agit de détention après la fin de la peine. C'est justement applicable au détenus qui ont fait entièrement leur peine mais qu'on ne veut pas libérer car considéré comme toujours dangereux. Rien à voir avec les libérations conditionnelles.

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Je tiens à rappeler que la mesure ne concerne que des gens déjà condamnés par la justice, à l'issue d'un procès dans les règles de l'art, à des peines de plus de quinze ans de prison. Inutile de dire que le titre, qui laisse entendre qu'on va décider au faciès que telle ou telle personne prise dans la rue est "dangereuse" et l'enfermer à vie, est trompeur.

Le scandale n'est pas là. Il est dans le contournement de la Justice.

Il aurait été plus logique de modifier la législation afin qu'un enfermement à vie soit réellement à vie.

Je suppose que Sarkozy a pensé que cette modification était impossible tant l'opposition est forte et qu'un contournement serait plus efficace.

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Le régime pénitentiaire normal prévoit un certain nombre de jours de réduction par an dès lors que le détenu ne cause aucun trouble. Cela n'a rien à voir avec les mesures visant à récompenser la bonne conduite qui elles vont récompenser des efforts notoires quant à la future réinsertion (obtention de diplôme, d'une formation qualifiante, etc.).

Justement personne ne fait entièrement sa peine (sauf celui qui cause des troubles).

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Justement personne ne fait entièrement sa peine (sauf celui qui cause des troubles).

Harald parle du régime normal (de l'usage général), mais ici il s'agit d'individus très particulier. De toutes façons la nouvelle loi exclut explicitement les prisonniers qui bénéficient d'un libération conditionnelle.

Enfin, point important : la rétention de sûreté est inapplicable à un prisonnier qui a bénéficié d'une libération conditionnelle : il relève alors du régime et de la surveillance de cette mesure (qui pour être accordée suppose que le juge d'application des peines ne redoute pas une réitération à la sortie, de toutes façons).
http://www.maitre-eolas.fr/2008/02/25/880-…e-de-l-executif
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Bonjour à tous,

Je me permets de m'inviter dans cette discussion, chose que je ne fais qu'exceptionnellement (même si je vous lis souvent).

Il y a plusieurs points qui me semblent importants et qui n'ont pas été abordés.

1) Il y a une contradiction importante dans la décision du Conseil Constitutionnel. En effet, celui-ci valide le dispositif en optant clairement pour l'interprétation selon laquelle la rétention de sûreté n'est pas une "peine". Du coup, tous les problèmes de double peine, non bis in idem, etc… n'ont pas vocation à être retenus.

Dans un deuxième temps, le conseil décide que le dispositif ne saurait s'appliquer de manière rétroactive. Or, il vient de décider qu'il ne s'agit pas d'une peine. Dès lors, le principe de non-rétroactivité n'est guère pertinent.

Cette contradiction ouvre, selon moi, une brèche dans l'argumentation du conseil, et dès lors, la volonté du président d'adapter son dispositif afin qu'il puisse être appliqué dans les limites de la décision du conseil semble moins scandaleuse.

En réalité, dans la mesure où il ne s'agit pas d'une peine, elle pourrait être tout à fait légalement applicable au cas d'une personne ayant commis une infraction avant l'entrée en vigueur de la loi, mais condamné après.

De plus, comme l'explique Maître Eolas sur son blog, le conseil constitutionnel n'a pas exclu toute possibilité d'application de la loi à des criminels déjà condamnés. Et oui, il reste des ouvertures.

En gros, la décision du conseil constit n'a aucune valeur en droit. Elle est bourrée de contradictions et sujette à de multiples interprétations. Dès lors, la requête du président me paraît… inévitable, ne serait-ce que pour faire le point.

2) Il y a un facteur que l'on refuse de prendre en considération, et M. Badinter lui-même ferme les yeux sur ce point.

La rétention de sûreté vise à s'appliquer à des cas très particuliers, cas de personnes qui sont atteintes de troubles (psy ou autres) étant de nature à abolir leur discernement ou le contrôle de leurs actes et représentant un danger pour eux-mêmes ou pour autrui, du moins partiellement.

Il convient de regarder la réalité en face, et en tant qu'avocat, je peux vous dire que cette réalité existe.

Il existe des personnes qui sont atteintes de certains troubles graves. Selon les médecins / experts qui écrivent des rapports sur eux, ces troubles ne sont pas nécessairement "soignables". L'utopie selon laquelle ces personnes, si elles étaient prises en charge pendant leur peine en prison pourraient être soignées alimente pourtant les réflexions de nombreux commentateurs. Dans l'état actuel de la science, ça demeure une utopie.

Dans certains cas, ces personnes peuvent être maintenues dans un état inoffensif si elles font l'objet de soins continus, ce qui implique souvent des piqûres semestrielles, des médicaments.

Or je peux vous dire que certains, parfois alors même qu'ils sont en prison et en tous cas, dès leur sortie de prison (ou dans les périodes où ils n'étaient plus maintenus à l'hôpital ou dans des centres de soin avant leur condamnation) cessent de se soumettre à ces soins. Soit parce qu'ils sont convaincus de ne pas être malades. Soit parce qu'ils souhaitent, au fond, céder à leur pulsion et récidiver. Soit parce qu'ils n'ont pas conscience de leur dangerosité, etc…

Convient-il, dès lors, de les traiter comme des individus rationnels et responsables? Ou bien faut-il regarder la réalité face? Pour ce type de personnes sujettes à ces troubles, la fonction pédagogique de la peine pénale n'a pas forcément l'effet souhaité théoriquement et les soins prodigués n'ont pas nécessairement par essence vocation à les guérir définitivement.

3) Sur le plan des principes, il existe déjà des cas ou` l'on peut ^etre détenu contre sa volonté. Nombre de malades psychiatriques peuvent ainsi ^etre détenus sur demande de tiers ou sur décision des autorités au nom de l'ordre public. Pourquoi une personne ayant fait avant l'objet d'une sanction pénale et n'étant peut-^etre pas aussi visuellement "fou" que les pensionnaires de Sainte-Anne, ne pourrait-elle pas aussi faire l'objet de ce type de mesure?

(désolé, j'ai manifestement des problèmes avec mon clavier).

Bigstop

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Bonjour Bigstop, ton post pose des questions intéressantes.

Au niveau de l'obligation de soins après la sortie, ils ne font pas de vérifications (prise de sang ou analyse d'urine) ?

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Bonjour Bigstop, ton post pose des questions intéressantes.

Au niveau de l'obligation de soins après la sortie, ils ne font pas de vérifications (prise de sang ou analyse d'urine) ?

Concernant l'obligation de soins et son suivi, cela ressort des tâches du juge d'application des peines.

Il faut savoir que la loi Perben 2 si elle contient des dispositions répressives a également introduit la possibilité pour les condamnés de faire appel des décisions du JAP.

Pour les condamnés en maison d'arrêt, les choses sont un peu différentes. En effet, les soins en prison sont un droit mais non une obligation. Ce qui a conduit en 1998 à l'élaboration d'une loi sur le suivi socio-judiciaire incorporant un dispositif d'incitation. Le JAP est tenu d'informer le détenu pour une infraction de nature sexuelle à un suivi socio- judiciaire avec injonction de soins qu’il peut commencer un traitement en détention et surtout, dans l’hypothèse où elle refuserait un traitement, qu’elle ne pourra obtenir aucune remise supplémentaire de peine.

Le gros problème, c'est que l'institution est plutôt archaïque. Si elle peut compter sur des hommes de qualité (il y a aussi des moins bons), son architecture fait que des boulettes peuvent survenir :

Amiens : un malade cancéreux incarcéré pour manquement à une obligation de soins.

Paris, le 17 août 2006

Un malade du cancer a vu son sursis révoqué et a été incarcéré à Amiens, au motif qu’il ne déférait pas aux convocations de son travailleur social et qu’il ne respectait pas son obligation de soins en alcoologie, alors qu’il subissait durant cette période des interventions chirurgicales lourdes.

Une fois écroué, la procédure en vue d’une suspension de sa peine pour raison médicale a été initiée avec retard.

Le 5 mars 2003, M.A. est condamné par le tribunal correctionnel d’Amiens à 6 mois d’emprisonnement avec sursis assorti d’une mise à l’épreuve de 36 mois, avec obligation de soins, pour des faits de récidive de conduite sous l’empire d’un état alcoolique, et conduite malgré l’annulation judiciaire du permis de conduire. Une fois par mois, M.A doit se soumettre à un suivi psychologique dans un centre spécialisé en alcoologie. Or l’intéressé, atteint d’un cancer, est hospitalisé 14 fois entre janvier 2005 et avril 2006 pour 7 interventions dont certaines particulièrement lourdes. Ainsi, en août 2005, M.A. subit un quadruple pontage coronarien. De septembre à novembre 2005, M.A. est soumis à 3 séances de chimiothérapie et en décembre de la même année, il doit subir l’ablation du poumon droit suivie, en février 2006, d’une thoracotomie. Au total, M.A. aura subi six mois d’hospitalisation dans cette période.

C’est dans ce contexte que le juge de l’application des peines (JAP) du TGI d’Amiens révoque en mai 2006, son sursis. Le magistrat fonde sa décision sur le rapport du service pénitentiaire de probation (SPIP) indiquant que M.A « refuse de déférer aux convocations, estimant n’avoir plus de comptes à rendre du fait de la révocation partielle du sursis probatoire » et « qu’il ne se rend plus au centre d’alcoologie ». Le juge retient également que M.A. ne s’est pas rendu à une convocation en mars 2006 ; « qu’il a fait savoir qu’il était hospitalisé mais n’a justifié que d’un séjour hospitalier du 26 janvier au 21 février 2006 » et que la commission de délits de même nature en 2004, lui avait déjà valu la révocation de son sursis probatoire à hauteur de 2 mois. Pour le magistrat, « cette attitude constitue une infraction caractérisée aux obligations générales de la mise à l’épreuve et manifeste sa volonté de soustraire à la probation ». Enfin, le JAP relève « qu’il n’a justifié d’aucun motif légitime d’absence le jour du débat contradictoire [préalable à la décision de révocation du sursis] » .

Contacté par l’OIP, un responsable du service d’insertion et de probation indique que le rapport adressé au JAP préconisait, pour toute réponse aux manquements constatés, un simple rappel à loi. Quant au service de l’application des peines du TGI, il assure qu’il n’a, à aucun moment, été tenu informé de la gravité de l’état de santé de M. A.

Dès son incarcération à la maison d’arrêt d’Amiens le 12 juillet, M.A. signale au membre du personnel pénitentiaire chargé de l’entretien d’entrée ses problèmes de santé ainsi que sa volonté de bénéficier d’une suspension de peine pour raison médicale. Son état de santé nécessite en effet des soins pour des plaies opératoires et une artérite des membres inférieurs, ainsi qu’un suivi de la part du chirurgien ayant pratiqué la thoracotomie. M.A. est ensuite reçu en audience par le conseiller d’insertion et de probation (CIP) de permanence, celui chargé de son dossier étant en vacances. Le conseiller prend note des indications sur sont état de santé et sa demande d’aménagement de peine. Pourtant, quinze jours plus tard, aucune information n’a été transmise par les services pénitentiaires au juge de l’application des peines.

Ce n’est qu’après signalement par l’OIP de la situation de M.A. que le juge de l’application des peines demande au SPIP de lui transmettre les certificats médicaux nécessaires à la mise en œuvre de la procédure d’aménagement de peine. Un débat contradictoire est prévu dans ce cadre le 21 août.

Interrogé sur ces retards, le SPIP explique qu’en raison de l’insuffisance de ses effectifs, des demandes émanant de personnes détenues ne peuvent être traitées. Dans la période suivant l’incarcération de M.A., seuls deux CIP sur les six habituellement en poste étaient présents à la maison d’arrêt, qui compte 520 détenus.

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Bonjour LaFéeC,

Je ne connais pas dans les détails les modalités précises de contrôle opérés par les autorités après la sortie de prison des criminels en France (je bosse au Luxembourg). Dans la mesure où il s'agirait d'une libération classique, je pense qu'il n'existe aucune obligation de suivre la personne en question. S'il s'agit de certaines libérations conditionnelles, elles peuvent être assorties de certaines obligations.

Le problème en tous cas est que dans les faits, quand une personne est dans la nature, il est extrêmement difficile d'effectuer un contrôle efficace.

Si la personne doit, par exemple, se présenter tous les 15 jours au poste de police pour faire un contrôle médical, il a en gros 15 jours ou 10 jours, disons, de liberté absolue. Surtout que les résultats de ce genre de test ne sont pas immédiats. (Cas d'hypothèse, je ne crois pas qu'une telle obligation existe. On peut obliger une personne à se présenter tous les x jours au poste de police, mais pas pour vérifier qu'il prend bien "tel" médoc).

La castration définitive n'est pas autorisée en France. Elle est autorisée au Canada, je crois, à condition que le détenu en face la demande. Certains criminels sexuels atteints de troubles graves ont opté pour cette solution et vivent aujourd'hui une vie "normale", sans être sujets des pulsions violentes. Mais encore faut-il une authentique volonté chez le détenu de ne pas être susceptible de récidiver. Ce qui n'est pas toujours le cas. Et qu'ils soient considérés comme totalement aptes à prendre ce genre de décision.

Et puis pour certains psychopathes, les troubles et pulsions ne sont pas forcément liés à ça.

Vous avez certes les bracelets électroniques. Mais combien de temps faut-il à un forcené pour briser son bracelet, attraper le premier gamin venu, l'enfermer dans un garage en banlieue et abuser de lui (comme un peu dans le cas Evrard)? Très peu de temps et comme nous n'avons ni les moyens ni l'envie de mettre un flic derrière chaque malade en liberté, ce n'est pas une solution.

Je peux ainsi parler du cas d'un jeune qui était atteint de troubles psy graves. Il devait théoriquement se faire piquer tous les mois ou les 3 semaines par un médecin pour calmer ses troubles. Au bout de quelques séances, il cessait de s'y soumettre, se sentant aller mieux. Son état se dégradait petit à petit. Si il fumait un joint, en revanche, qui provoquait chez lui des allucinations graves, il pouvait pêter un cable immédiatement, et commettre des infractions graves (en l'occurence, tentative de viol).

Autant dire qu'une telle personne si elle n'est pas contrôlée dans un environnement plus ou moins fermé, ne pourra jamais être sous contrôle. Tôt ou tard, il y aura un problème.

La personne en question, dans mon histoire, a été jugée irresponsable pénalement. Donc acquitée. Mais immédiatement placée en centre fermé où elle est sujette à un traitement psy continu.

Pourquoi ce type de mesure existe et est autorisé dans le cas de personnes n'ayant pas été condamnées et ne pourrait pas s'appliquer quand elles ont été condamnées?

La seule raison pour laquelle on retient parfois l'irresponsabilité pénale, c'est que la personne peut prouver avoir été au moment de l'infraction dans un état tel qu'elle n'avait plus de contrôle sur ses actes et que son discernement était aboli. Il faut aussi établir que cette situation ne résulte pas d'une faute de sa part. Genre: une personne saine sait que si elle prend telle drogue elle se transforme en monstre et en prend quand même. Résultat, certes au moment du crime, elle était aliénée, mais par sa faute. Donc elle est responsable.

On peut toutefois imagine un cas de figure courant en pratique d'une personne dont le discernement était partiellement aboli, sans pour autant qu'il soit complètement, de sorte qu'il était encore maître de ses actes et mérite donc une sanction pénale.

Il n'empêche qu'à sa libération, il sera peut tout à fait théoriquement être aussi dangereux et malade qu'à l'époque de son incarcération. Il conviendrait logiquement de le faire bénéficier des mêmes mesures que les fous absolus.

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Concernant l'obligation de soins et son suivi, cela ressort des tâches du juge d'application des peines.

Il faut savoir que la loi Perben 2 si elle contient des dispositions répressives a également introduit la possibilité pour les condamnés de faire appel des décisions du JAP.

Pour les condamnés en maison d'arrêt, les choses sont un peu différentes. En effet, les soins en prison sont un droit mais non une obligation. Ce qui a conduit en 1998 à l'élaboration d'une loi sur le suivi socio-judiciaire incorporant un dispositif d'incitation. Le JAP est tenu d'informer le détenu pour une infraction de nature sexuelle à un suivi socio- judiciaire avec injonction de soins qu’il peut commencer un traitement en détention et surtout, dans l’hypothèse où elle refuserait un traitement, qu’elle ne pourra obtenir aucune remise supplémentaire de peine.

En fait, ça dépend des soins. Pour moi, un condamné schizo (et il y en a plein, trop même) doit être soigné, qu'il le veuille ou non, et c'est aux juges de vérifier que les soins sont bien prodigués.

Le gros problème, c'est que l'institution est plutôt archaïque. Si elle peut compter sur des hommes de qualité (il y a aussi des moins bons), son architecture fait que des boulettes peuvent survenir :

Un bon fonctionnement bien bureaucratisé, à la mode franchouille, ne peut que conduire à des boulettes. Et encore, celle-ci n'est sans doute pas la pire (pour moi, les pires sont les libérations de type dangereux et non soignés).

Bon, je vois quand même dans ton article qu'ils se plaignent d'un manque de personnel, comme toujours..

(rien à voir, mais vous avez vu combien ce type doit coûter en soins ?! Je hais la SS)

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Dans un deuxième temps, le conseil décide que le dispositif ne saurait s'appliquer de manière rétroactive. Or, il vient de décider qu'il ne s'agit pas d'une peine. Dès lors, le principe de non-rétroactivité n'est guère pertinent.

C'est complètement faux : le principe de non-rétroactivité ne se limite pas aux peines, c'est un principe beaucoup plus général même si dans autres cas son application n'est pas aussi systématique. La décision du conseil, totalement prévisible et explicitement prévu par la majorité, est fondé sur de véritables bases juridiques : ce n'est pas la première fois qu'il limite la non-rétroactivité d'une mesure de non-pénale (récemment il y a eu la déduction des intérêts d'emprunt par exemple). Le président de la cour de cassation a d'ailleurs immédiatement rejeté la possibilité de contourner la décision du conseil.

Et de toutes façons Sarkozy ne se justifie pas sa volonté de passer outre la décision du conseil sous prétexte que celui-ci serait sorti de son rôle mais parce que la rétroactivité totale serait nécessaire aux victimes. C'est lui qui sort clairement de son rôle. Et il ne faut pas être dupe : son but c'est de jouer la corde sécuritaire avant les municipales, pas de faire passer la rétroactivité par la force (sa seule manière de le faire c'est par modification de la constitution ou par référendum, pas par la pression sur les juges).

Posté
C'est complètement faux : le principe de non-rétroactivité ne se limite pas aux peines, c'est un principe beaucoup plus général même si dans autres cas son application n'est pas aussi systématique.

En matière d'administration des peines et de mesures de sûreté, il y a des précédents. Je vais de ce pas faire la recherche.

Posté
Dans la mesure où il s'agirait d'une libération classique, je pense qu'il n'existe aucune obligation de suivre la personne en question.
Pour les crimes sexuels il existe après la peine le suivis médico-judiciaire instauré par une loi Guigou, dont le non respect peut conduire en prison.
3) Sur le plan des principes, il existe déjà des cas ou` l'on peut ^etre détenu contre sa volonté. Nombre de malades psychiatriques peuvent ainsi ^etre détenus sur demande de tiers ou sur décision des autorités au nom de l'ordre public. Pourquoi une personne ayant fait avant l'objet d'une sanction pénale et n'étant peut-^etre pas aussi visuellement "fou" que les pensionnaires de Sainte-Anne, ne pourrait-elle pas aussi faire l'objet de ce type de mesure?
Ben c'est que je disais plus haut: c'est déjà applicable.

Dans l'affaire Evrard on avait un individu qui affirmait à qui voulait l'entendre qu'il allait recommencer, qui l'a fait sans précaution à sa sortie de prison et qui y est retourné immédiatement ! Il me semble évident que cet homme à un problème psychiatrique et que son hospitalisation d'office aurait été dans l'intérêt de la société (et dans le sien d'ailleurs). De deux choses l'une : soit l'HO était applicable et il y a eu faute du préfet (ou de ceux censé le prévenir), soit elle n'était pas applicable et il faut en revoir les conditions d'application.

Posté

Entièrement d'accord avec Arno et Bigstop

Ne pas confondre la peine ( pénal) et le médical.

Il faut commencer par appliquer les lois en vigueur…Déjà veiller à ce que la peine soit effectuée en totalité.

Pour le pédophile récidiviste dont on a parlé cet été, il y a eu carence..Tout le monde savait qu'il était dangereux mais rien n'a été fait pour que le suivi soit effectif dès la sortie…( Bah, c'était les vacances, le programme devait commencer quelques semaines plus tard :icon_up: )

N'importe quel quidam peut demander un "placement volontaire" ( avec les excès que çà peut entraîner..). IL y a aussi le "placement d'office" des malades dangereux. Alors qu'on laisse filer des fous dangereux qui sortent de prison et se vantent devant tout le monde de leur intention de récidiver, çà relève plutôt de la négligence, pas d'un défaut de loi.

J'ai cru comprendre que d'autres pays de l'UE ont moins de problèmes parce que l'obligation de soins est totalement appliquée( et çà peut aller jusqu'à l'internement à vie)

Posté
Entièrement d'accord avec Arno et Bigstop

Ne pas confondre la peine ( pénal) et le médical.

C'est pourtant le cas pour ce qui est des condamnations avec injonction de soins.

Il faut commencer par appliquer les lois en vigueur…Déjà veiller à ce que la peine soit effectuée en totalité.

Cela nécessite une refonte complète du code de procédure pénale en ce qui concerne le régime carcéral normal qui je le rappelle avait été modifié vers plus de libéralité à la suite des grandes mutineries de 1972 (Toul, Nancy, Nîmes, 85 établissements en tout) et 1974 (120 établissements). Les plus jeunes n'en n'ont peut-être pas eu connaissance, c'est un fait qui n'est que peu rappelé, mais ces années là avaient été particulièrement chaudes. La France Pompidolienne se foutait du sort des taulards. On les mettait à part dans une cage, on fermait la porte et on ne voulait surtout pas savoir ce qui se passait derrière celle-ci.

Je voudrais quand même rappeler que pour que les détenus d'une prison soient calmes, il faut que les conditions d'enfermement soient décentes et respectent le minimum dû à leur condition d'êtres humains. En outre, il faut qu'ils puissent espérer. Pour cela il faut que le système leur permette de pouvoir, en retour d'une contre-partie, espérer sortir avant le terme de leur peine. Pour mémoire, ce qui avait déclenché les mutineries de 1972 fut la décision par André Pléven, ministre de la justice à l'époque, de supprimer la distribution des cadeaux de Noël. Cette mesure qui pourrait passer pour banale s'ajoutait aux diverses vexations que devaient subit les détenus, les conditions de vie quasi médiévales, une absence totale de respect de la part du personnel, etc.

Posté
C'est pourtant le cas pour ce qui est des condamnations avec injonction de soins.

Ca ne me choque pas, que certaines peines soient assorties d'une injonction de soins.

C'est même logique.

Posté
Cela nécessite une refonte complète du code de procédure pénale en ce qui concerne le régime carcéral normal qui je le rappelle avait été modifié vers plus de libéralité à la suite des grandes mutineries de 1972 (Toul, Nancy, Nîmes, 85 établissements en tout) et 1974 (120 établissements).

Je voudrais quand même rappeler que pour que les détenus d'une prison soient calmes, il faut que les conditions d'enfermement soient décentes et respectent le minimum dû à leur condition d'êtres humains… les conditions de vie quasi médiévales, une absence totale de respect de la part du personnel, etc.

Est-ce que l'amélioration des conditions d'incarcération fait partie de l'idéologie progressiste?

Posté
Est-ce que l'amélioration des conditions d'incarcération fait partie de l'idéologie progressiste?

J'avoue que je n'en sais rien. Ceci dit, à mon sens c'est moins une question de progressisme ou de conservatisme (encore que je me range sous la bannière conservatrice) que de simple humanité. Rien ne peut justifier que l'on se conduise mal avec des personnes qui ont mérité l'enfermement. En premier lieu parce que cela nous rabaisse au rang de ceux que l'on entend punir, ensuite parce que le but de la peine de prison est de conduire le condamné à s'amender, à trouver une place dans la société à sa sortie et que l'on ne peut atteindre ce but qu'en offrant des conditions de détentions correctes.

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