0100011 Posté 24 février 2008 Signaler Posté 24 février 2008 Girard est un peu désespérant il faut l'avouer, mais l'avenir est bien sombre il faut le reconnaitre. C'est un digest moins indigeste que le reste de son oeuvre, car sous forme d'entretient donc plus vivant que certains de ses écrits, sur la théorie mimétique appliquée au duel.
Ronnie Hayek Posté 24 février 2008 Signaler Posté 24 février 2008 Ouvrage hautement recommandable. Pour ceux que cela intéresse, voici une récente conférence de RG à ce propos: - Enregistrement audio : http://www.canalacademie.com/emissions/pag338.mp3 - Présentation écrite dans les grandes lignes : http://www.canalacademie.com/Rene-Girard-a…Clausewitz.html Une phrase d’abord, la dernière du livre, qui claque comme la devise, peut-être, de René Girard : Il faut réveiller les consciences endormies. Vouloir rassurer, c’est toujours contribuer au pire.L’Académicien a commencé par faire référence à l’ouvrage de Raymond Aron "Penser la guerre", paru en 1976, qui lui aussi offrait une lecture de Clausewitz. Puis il a précisé que Clausewitz ( 1780-1831) ne fut pas seulement un stratège mais qu’il est d’abord un grand écrivain, qui a consacré sa vie à l’écriture solitaire. Loin d’être un philosophe abstrait, c’est un homme concret. Son livre inachevé, qui ressemble à un unique grand chapitre, définit les rapports des deux "partenaires" dans une guerre. Il introduit ainsi une rupture radicale dans la conception des rapports humains : la violence, dans ces rapports, n’appartient pas à tel ou tel individu mais elle se situe entre les individus. Lesquels individus passent leur vie à échanger, l’échange jouant un rôle essentiel dans les rapports humains. Mais cet échange ne se fait pas de manière mécanique, comme des boules de billard, il exige une interprétation de la part de l’un et de l’autre, et l’interprétation de chacun est différente. Et souvent, se glissent entre eux des malentendus. Il en va de même au niveau des états : l’échange exige toujours une diplomatie pour surmonter ces malentendus. Peu à peu, se produit une montée aux extrêmes qui caractérise les échanges entre humains. Inconsciemment, chacun reproduit l’attitude de l’autre, c’est une réplique selon la manière dont autrui se comporte. L’échange est un processus en miroir. Au départ de tout rapport humain, rappelle René Girard, il existe des possibilités de conflits. Tout est d’abord duel. Le duel structure tous les rapports sociaux. Les adversaires ont tout en commun, à commencer par la violence. Au point que l’on peut se demander : comment ont pu naître les sociétés humaines ? Le conflit mimétique dans la réciprocité violente génère la nécessité de trouver un exutoire, une victime sacrificielle (une notion sur laquelle il s’explique ici longuement). René Girard évoquera ensuite dans cette conférence, tour à tour : - Candide et les sergents recruteurs. - Hegel et Napoléon (l’optimisme hégélien annonce que plus il y a de guerres plus il y aura de paix !) - Hölderlin le maître qui doute de cette théorie et se refugie dans le silence. - la haine et la fascination de Clausewitz pour Napoléon. - le Serment de Strasbourg (par lequel Charles le Chauve et Louis le Germanique s’allient contre leur frère Clothaire le Lotharingien). René Girard n’oublie pas qu’il est aussi chartiste, grand connaisseur du Moyen-Age. - Germaine de Staël que Napoléon consigna à 50 km de Paris tant sa supériorité en connaissances cosmopolites le gênait ! Puis il aborde le sujet central : aujourd’hui, une forme moderne de violence s’installe (le terrorisme). C’est une "montée aux extrêmes". On ne peut plus penser l’hostilité qui mène le monde depuis toujours dans les mêmes termes. Des rites comme les déclarations de guerre, les négociations, la protection des civils, n’ont plus court. L’interrogation devient urgente : cette hostilité va devenir maintenant destructrice de l’humanité. René Girard démontre que, si jadis des mécanismes ont pu contenir la violence des rapports humains, aujourd’hui "la guerre étant comme un caméléon", l’homme est en capacité d’utiliser l’énergie comme arme contre ses semblables. Et son affirmation est claire : le milieu terrestre n’est plus capable de soutenir, de contenir, la violence humaine. Devant le constat d’une montée de la violence irrésistible, et à cause de la communauté de destin de tous les pays, nous deviendrons les victimes. Nous sommes en train de vivre une montée vers l’apocalypse. Enfin, il aborde l’apport du christianisme : le Christ a voulu changer les rapports humains (supprimer la violence, prendre en charge le rôle de victime sacrifiée). Que faire ? Penser la situation de façon globale. Rendre la guerre impossible. Dire la vérité. Et si le commerce, la production, qui génèrent la concurrence et donc la rivalité et la violence, doivent être repensés, faisons-le ! Eviter au moins que la situation n’empire. Informer, convaincre et tenter d’éviter le pire. René Girard ne craint pas de faire peur. Il pense au contraire que c’est une attitude saine devant l’urgence de la situation. Son credo : les hommes souffrent d’une absence de sens. Or il persiste à pense que l’Histoire a un sens et que seul le religieux donne du sens. Et le religieux chrétien particulièrement. Il s’en explique ici comme il l’a fait dans tous ses traités.
roubachov Posté 24 février 2008 Signaler Posté 24 février 2008 Ouvrage hautement recommandable.Pour ceux que cela intéresse, voici une récente conférence de RG à ce propos: - Enregistrement audio : http://www.canalacademie.com/emissions/pag338.mp3 - Présentation écrite dans les grandes lignes : http://www.canalacademie.com/Rene-Girard-a…Clausewitz.html Je constate avec intérêt (et plaisir !) qu'Aron et Girard se rejoignent quant à l' "ascension aux extrêmes" qui caractérise notre époque, au point de vue de la polémologie. Il serait d'ailleurs intéressant de comparer les visions aronienne, girardienne et schmittienne en ce qui concerne la figure du partisan/terroriste.
Apollon Posté 24 février 2008 Signaler Posté 24 février 2008 Ce passage cité par RH me fait tiquer pour plusieurs raisons : Que faire ? Penser la situation de façon globale. Rendre la guerre impossible. Dire la vérité. Et si le commerce, la production, qui génèrent la concurrence et donc la rivalité et la violence, doivent être repensés, faisons-le ! Eviter au moins que la situation n’empire. Informer, convaincre et tenter d’éviter le pire.
Rincevent Posté 24 février 2008 Signaler Posté 24 février 2008 Ce passage cité par RH me fait tiquer pour plusieurs raisons : La forme est tout à fait dans le style "militant associatif gauchiste déculturé". J'en ai connu quelques uns. Ca veut imiter BHL et ça fait du sous-Arlette.
Apollon Posté 24 février 2008 Signaler Posté 24 février 2008 La forme est tout à fait dans le style "militant associatif gauchiste déculturé". J'en ai connu quelques uns. Ca veut imiter BHL et ça fait du sous-Arlette. C'est dommage vu que Girard est très intéressant sur le reste.
Punu Posté 24 février 2008 Signaler Posté 24 février 2008 Est-ce que Girard parle du duel comme modèle d'interaction dans d'autres livres ou bien est-ce le seul dans ce cas ?
Ronnie Hayek Posté 24 février 2008 Signaler Posté 24 février 2008 Est-ce que Girard parle du duel comme modèle d'interaction dans d'autres livres ou bien est-ce le seul dans ce cas ? C'est dans ce livre-là qu'il développe une analyse du duel. Je ne me souviens pas qu'il l'ait évoqué auparavant. Je constate avec intérêt (et plaisir !) qu'Aron et Girard se rejoignent quant à l' "ascension aux extrêmes" qui caractérise notre époque, au point de vue de la polémologie.Il serait d'ailleurs intéressant de comparer les visions aronienne, girardienne et schmittienne en ce qui concerne la figure du partisan/terroriste. Comme je pense l'avoir évoqué dans un précédent fil, Girard - tout en estimant énormément Aron, qu'il juge "épatant" - critique son rationalisme quelque peu desséché qui adoucit Clausewitz. Cf. cet extrait du très bon DVD La Violence et le sacré. Ce passage cité par RH me fait tiquer pour plusieurs raisons : Il n'existe pas/plus de guerres commerciales, de nos jours ?
Apollon Posté 24 février 2008 Signaler Posté 24 février 2008 Il n'existe pas/plus de guerres commerciales, de nos jours ? Je pense que tu comprends aussi bien que moi le problème et il ne s'agit certainement pas de faire un procès en conformité libérale. La virgule entre les mots "production" et "qui" montre que Girard ne condamne pas seulement les productions et les commerces qui généreraient des guerres, il trace un lien de causalité entre commerce et production d'un côté, violence de l'autre, en passant par la concurrence. C'est un problème. Avec le catastrophisme ça fait deux.
Ronnie Hayek Posté 25 février 2008 Signaler Posté 25 février 2008 Je pense que tu comprends aussi bien que moi le problème et il ne s'agit certainement pas de faire un procès en conformité libérale. La virgule entre les mots "production" et "qui" montre que Girard ne condamne pas seulement les productions et les commerces qui généreraient des guerres, il trace un lien de causalité entre commerce et production d'un côté, violence de l'autre, en passant par la concurrence. C'est un problème. Avec le catastrophisme ça fait deux. Il faudrait que je réécoute l'émission, parce que je n'ai pas souvenance de ce que RG raconte en l'occurrence sur la concurrence commerciale. En tout cas, pour te rassurer, il n'est pas anticapitaliste, puisqu'il se moque dans l'un ou l'autre article des gens qui font des grandes entreprises des boucs émissaires attitrés. Cela dit, il me semble clair que la vie économique n'est pas un long fleuve tranquille - sinon, pourquoi le droit commercial existerait-il ? Par ailleurs, il est peut-être "catastrophiste", mais sur un mode réaliste et certainement pas fataliste. Son propos est simplement de rappeler que la fin de la violence appelée par le christianisme a entraîné des réactions de rejet de plus en plus brutales, et que nous sommes probablement dans un moment critique (qui peut durer encore très longtemps), où les hommes doivent désormais choisir et ne plus tergiverser : soit se complaire dans le mauvais mimétisme et continuer sur la voie suicidaire de la violence, soit accepter pour de bon le mimétisme positif (l'imitation de Jésus Christ) contenu dans le message chrétien.
0100011 Posté 25 février 2008 Auteur Signaler Posté 25 février 2008 Ce qui m'a intéressé est surtout sa mise en perspective de la guerre et notamment son atomisation actuelle, et ce dans tous les sens qu'on peut assigner à cette expression aussi bien littéralement qu'en termes descriptifs (le duel comme atome de la guerre) ou que métaphoriquement. Sa théorie permet d'expliciter, ce qui n'est pas rien, mais je suis plus circonspect quant à sa capacité prédictive et nettement plus réservé sur ses aspects prescriptifs. Existe-t-il des ouvrages où il s'intéresse à la problématique duale ? Si l'humanité a aujourd'hui la capacité physique de se détruire, elle a parallèlement aussi celui de se modifier, ce qui d'un certain point de vue peut aussi être vu comme une apocalypse : un fin sans disparition ni extinction mais par modification. J'ai l'intuition qu'il ne peut/veut envisager une telle "porte de sortie".
Ronnie Hayek Posté 25 février 2008 Signaler Posté 25 février 2008 Existe-t-il des ouvrages où il s'intéresse à la problématique duale ? J'ai déjà répondu plus haut. Ceci dit, il évoque plusieurs fois la question de la gemellité, du double, du sosie, etc. (Cf. Caïn et Abel). Si l'humanité a aujourd'hui la capacité physique de se détruire, elle a parallèlement aussi celui de se modifier, ce qui d'un certain point de vue peut aussi être vu comme une apocalypse : un fin sans disparition ni extinction mais par modification. J'ai l'intuition qu'il ne peut/veut envisager une telle "porte de sortie". Le transhumanisme reviendrait à détruire l'humanité, c'est son objectif. Ensuite, qu'entends-tu par "refus d'envisager cette possibilité" ? Par exemple, je refuse de voir en elle une issue louable, mais je redoute que certains esprits dévoyés ne parviennent à leurs fins en ce domaine.
José Posté 25 février 2008 Signaler Posté 25 février 2008 …Clausewitz […] qui a consacré sa vie à l’écriture solitaire… Je commence à comprendre d'où lui venait sa cécité politique et militaire à ce mec surfait. …aujourd’hui, une forme moderne de violence s’installe (le terrorisme)… Ouais ouais, 'achement "moderne" le terrorisme. À peine plus de 150 ans d'existence. Des rites comme les déclarations de guerre, les négociations, la protection des civils, n’ont plus court. À part une très brève période au milieu du 18e siècle européen, ces rites relèvent du fantasme. Encore une fois, rien de nouveau depuis la bataille opposant Ramses II aux Hittites à Kadesh. …cette hostilité va devenir maintenant destructrice de l’humanité. […] le milieu terrestre n’est plus capable de soutenir, de contenir, la violence humaine. Même pas peur (j'ai été bercé par cette antienne depuis mes 5 ans). P'tain, quel pleurnichard ce Girard !
Ronnie Hayek Posté 25 février 2008 Signaler Posté 25 février 2008 Ouais ouais, 'achement "moderne" le terrorisme. À peine plus de 150 ans d'existence. C'est moderne, 150 ans. Le propos est simplement que les conflits actuels se sont de plus en plus déterritorialisés et désétatisés : ils opposent des armées gouvernementales ou intergouvernementales à des groupes armés ne reposant pas sur une souveraineté nationale.
0100011 Posté 25 février 2008 Auteur Signaler Posté 25 février 2008 J'ai déjà répondu plus haut. Je parlais du problème dual et non du problème du duel. C'est en anthropologue qu'il s'exprime : Il décrypte ce qu'il observe, mais il en tire une sorte d'inéluctabilité a posteriori et applique sa théorie comme s'il s'agissait d'une loi de la nature invariable (au sens science physique). Il est probable qu'il ait raison (comme semblerait le montrer les neurones miroirs) pour la description mais est ce qu'il ne reste rien à faire à partir de là ?
José Posté 25 février 2008 Signaler Posté 25 février 2008 …des armées gouvernementales ou intergouvernementales à des groupes armés ne reposant pas sur une souveraineté nationale. Croire que casser du taliban ou d'éclater la tronche à des mecs d'Al-Qaeda, ça va être "destructeur de l'humanité"… Bref, le Girard nous refait le brouet d'intello français. J'aime bien Girard, quand il reste dans son domaine de compétence. Sinon… sutor ne ultra crepidam.
Apollon Posté 25 février 2008 Signaler Posté 25 février 2008 Il faudrait que je réécoute l'émission, parce que je n'ai pas souvenance de ce que RG raconte en l'occurrence sur la concurrence commerciale. En tout cas, pour te rassurer, il n'est pas anticapitaliste, puisqu'il se moque dans l'un ou l'autre article des gens qui font des grandes entreprises des boucs émissaires attitrés. Oui oui c'est la review qui pose problème ici. Pour le catastrophisme c'est bien Girard et je crois que Lucilio me rejoint sur ce point. Je commence à comprendre d'où lui venait sa cécité politique et militaire à ce mec surfait. …qui a aussi en commun avec Marx d'avoir été étudié par Aron. Ouais ouais, 'achement "moderne" le terrorisme. À peine plus de 150 ans d'existence. Tout à fait. Il y a un siècle davantage d'hommes d'Etat se faisaient tuer par des terroristes qu'aujourd'hui.
José Posté 25 février 2008 Signaler Posté 25 février 2008 …qui a aussi en commun avec Marx d'avoir été étudié par Aron. Il ne faut pas chercher plus loin les faiblesses de Raymond Aron : sa pensée était formatée par le pire de la pensée allemande.
Apollon Posté 25 février 2008 Signaler Posté 25 février 2008 Il ne faut pas chercher plus loin les faiblesses de Raymond Aron : sa pensée était formatée par le pire de la pensée allemande. C'est complètement faux ! Il a aussi pensé Alain et Sartre.
José Posté 25 février 2008 Signaler Posté 25 février 2008 Il a aussi pensé Alain et Sartre. Qui eux également avaient l'esprit formaté par le plus mauvais de la pensée germanique. En fait, c'est pratiquement tout le drame des intellos français du 20e siècle.
Apollon Posté 25 février 2008 Signaler Posté 25 février 2008 Qui eux également avaient l'esprit formaté par le plus mauvais de la pensée germanique. En fait, c'est pratiquement tout le drame des intellos français du 20e siècle. D'ailleurs Aron explique dans ses Mémoires que Sartre n'a inventé ni l'existentialisme ni la phénoménologie, qu'il a simplement resservi la philosophie allemande pré-guerre auquel l'avait introduit… je vous laisse deviner qui.
Copeau Posté 25 février 2008 Signaler Posté 25 février 2008 l'avenir est bien sombre il faut le reconnaitre. Je ne suis pas sûr de le reconnaître, pour ma part. Peu à peu, se produit une montée aux extrêmes qui caractérise les échanges entre humains. Inconsciemment, chacun reproduit l’attitude de l’autre, c’est une réplique selon la manière dont autrui se comporte. L’échange est un processus en miroir. Merci Pascal.
Copeau Posté 25 février 2008 Signaler Posté 25 février 2008 - le Serment de Strasbourg (par lequel Charles le Chauve et Louis le Germanique s’allient contre leur frère Clothaire le Lotharingien). René Girard n’oublie pas qu’il est aussi chartiste, grand connaisseur du Moyen-Age. ..A la différence de l'auteur de ce résumé, qui confond les Clotaire mérovingiens et Lothaire, l'un des trois successeurs de Charlemagne après le traité de Verdun de 843. Et puis le serment de Strasbourg, c'est plus l'avènement de la langue romane que celui de la géopolitique…
Invité jabial Posté 25 février 2008 Signaler Posté 25 février 2008 Ce passage cité par RH me fait tiquer pour plusieurs raisons : Je plussoie.
Ronnie Hayek Posté 25 février 2008 Signaler Posté 25 février 2008 Croire que casser du taliban ou d'éclater la tronche à des mecs d'Al-Qaeda, ça va être "destructeur de l'humanité"… Bref, le Girard nous refait le brouet d'intello français. J'aime bien Girard, quand il reste dans son domaine de compétence. Sinon… sutor ne ultra crepidam. Je crois que tu critiques, encore une fois, un livre que tu n'as pas lu. Il n'est pas étonnant que tu en déformes le propos (en l'occurrence, Girard approuve le principe de la lutte contre Al Qaida, mais il y voit un cran supplémentaire dans le combat mimétique et, partant, la montée aux extrêmes). Si Girard est pleurnichard, alors Benny l'est aussi à cette aune. Et je ne pense pas que tu oserais franchir ce pas. Oui oui c'est la review qui pose problème ici. Pour le catastrophisme c'est bien Girard et je crois que Lucilio me rejoint sur ce point. C'est simplement parce que vous avez une vision du monde trop optimiste, à l'instar du Dr Pangloss Sorman.
José Posté 25 février 2008 Signaler Posté 25 février 2008 Je crois que tu critiques, encore une fois, un livre que tu n'as pas lu. Moi, je peux. C'est comme ça ; mes ancêtres cassèrent du maure en Andalousie et faisaient la peau aux ours polaires. Privilège de caste.
José Posté 26 février 2008 Signaler Posté 26 février 2008 …vous avez une vision du monde trop optimiste… Non, c'est seulement Girard qui n'est pas très catholique. Faut-il rappeler la dernière encyclique de Benoït XVI basée sur la relation étroite entre foi et espérance, ou les paroles de Jean-Paul II : "N'ayez pas peur".
Rincevent Posté 26 février 2008 Signaler Posté 26 février 2008 Non, c'est seulement Girard qui n'est pas très catholique. Faut-il rappeler la dernière encyclique de Benoït XVI basée sur la relation étroite entre foi et espérance, ou les paroles de Jean-Paul II : "N'ayez pas peur". Un intellectuel qui, en vieillissant, prend peur de tout, il n'y a pourtant rien de plus classique.
Ronnie Hayek Posté 26 février 2008 Signaler Posté 26 février 2008 Non, c'est seulement Girard qui n'est pas très catholique. Faut-il rappeler la dernière encyclique de Benoït XVI basée sur la relation étroite entre foi et espérance, ou les paroles de Jean-Paul II : "N'ayez pas peur". Espérance et pessimisme (réel ou supposé) ne sont pas incompatibles, car ils ne se situent pas sur le même plan. Tu les confonds, en l'occurrence. Nous en avons déjà discuté dans un autre débat, mais je crois que ton approche de l'espérance est foncièrement athée, car elle est par trop séculière. C'est justement une telle conception terrestre qui est examinée d'un oeil critique par l'encyclique Spes Salvi. Comment l'idée que le message de Jésus est strictement individualiste et qu'il s'adresse seulement à l'individu a-t-elle pu se développer ? Comment est-on arrivé à interpréter le « salut de l'âme » comme une fuite devant la responsabilité pour l'ensemble et à considérer par conséquent que le programme du christianisme est la recherche égoïste du salut qui se refuse au service des autres ? Pour trouver une réponse à ces interrogations, nous devons jeter un regard sur les composantes fondamentales des temps modernes. Elles apparaissent avec une clarté particulière chez Francis Bacon. Qu'une nouvelle époque soit née – grâce à la découverte de l'Amérique et aux nouvelles conquêtes techniques qui ont marqué ce développement –, c'est indiscutable. Cependant, sur quoi s'enracine ce tournant d'une époque ? C'est la nouvelle corrélation entre expérience et méthode qui met l'homme en mesure de parvenir à une interprétation de la nature conforme à ses lois et d'arriver ainsi, en définitive, à « la victoire de l'art sur la nature » (victoria cursus artis super naturam). La nouveauté – selon la vision de Bacon – se trouve dans une nouvelle corrélation entre science et pratique. Cela est ensuite appliqué aussi à la théologie: cette nouvelle corrélation entre science et pratique signifierait que la domination sur la création, donnée à l'homme par Dieu et perdue par le péché originel, serait rétablie. Celui qui lit ces affirmations et qui y réfléchit avec attention y rencontre un passage déconcertant: jusqu'à ce moment, la récupération de ce que l'homme, dans l'exclusion du paradis terrestre, avait perdu était à attendre de la foi en Jésus Christ, et en cela se voyait la « rédemption ». Maintenant, cette « rédemption », la restauration du « paradis » perdu, n'est plus à attendre de la foi, mais de la relation à peine découverte entre science et pratique. Ce n'est pas que la foi, avec cela, fut simplement niée: elle était plutôt déplacée à un autre niveau – le niveau strictement privé et ultra-terrestre – et, en même temps, elle devient en quelque sorte insignifiante pour le monde. Cette vision programmatique a déterminé le chemin des temps modernes et influence aussi la crise actuelle de la foi qui, concrètement, est surtout une crise de l'espérance chrétienne. Ainsi, l'espérance reçoit également chez Bacon une forme nouvelle. Elle s'appelle désormais foi dans le progrès. Pour Bacon en effet, il est clair que les découvertes et les inventions tout juste lancées sont seulement un début, que, grâce à la synergie des sciences et des pratiques, s'ensuivront des découvertes totalement nouvelles et qu'émergera un monde totalement nouveau, le règne de l'homme. C'est ainsi qu'il a aussi présenté une vision des inventions prévisibles – jusqu'à l'avion et au submersible. Au cours du développement ultérieur de l'idéologie du progrès, la joie pour les avancées visibles des potentialités humaines demeure une constante confirmation de la foi dans le progrès comme tel. Dans le même temps, deux catégories sont toujours davantage au centre de l'idée de progrès: la raison et la liberté. Le progrès est surtout un progrès dans la domination croissante de la raison et cette raison est considérée clairement comme un pouvoir du bien et pour le bien. Le progrès est le dépassement de toutes les dépendances – il est progrès vers la liberté parfaite. La liberté aussi est perçue seulement comme une promesse, dans laquelle l'homme va vers sa plénitude. Dans les deux concepts – liberté et raison – est présent un aspect politique. En effet, le règne de la raison est attendu comme la nouvelle condition de l'humanité devenue totalement libre. Cependant, les conditions politiques d'un tel règne de la raison et de la liberté apparaissent, dans un premier temps, peu définies. Raison et liberté semblent garantir par elles-mêmes, en vertu de leur bonté intrinsèque, une nouvelle communauté humaine parfaite. Néanmoins, dans les deux concepts-clé de « raison » et de « liberté », la pensée est aussi tacitement toujours en opposition avec les liens de la foi et de l'Église comme avec les liens des systèmes d'État d'alors. Les deux concepts portent donc en eux un potentiel révolutionnaire d'une force explosive énorme. Nous devons brièvement jeter un regard sur les deux étapes essentielles de la concrétisation politique de cette espérance, parce qu'elles sont d'une grande importance pour le chemin de l'espérance chrétienne, pour sa compréhension et pour sa persistance. Il y a avant tout la Révolution française comme tentative d'instaurer la domination de la raison et de la liberté, maintenant aussi de manière politiquement réelle. L'Europe de l'Illuminisme, dans un premier temps, s'est tournée avec fascination vers ces événements, mais face à leurs développements, elle a dû ensuite réfléchir de manière renouvelée sur la raison et la liberté. Les deux écrits d'Emmanuel Kant, où il réfléchit sur les événements, sont significatifs pour les deux phases de la réception de ce qui était survenu en France. En 1792, il écrit son œuvre: « Der Sieg des guten Prinzips über das böse und die Gründung eines Reiches Gottes auf Erden » (La victoire du principe du bien sur le principe mauvais et la constitution d'un règne de Dieu sur la terre). Il y écrit: « Le passage progressif de la foi d'Église à l'autorité unique de la pure foi religieuse est l'approche du royaume de Dieu ». Il nous dit aussi que les révolutions peuvent accélérer les temps de ce passage de la foi d'Église à la foi rationnelle. Le « règne de Dieu », dont Jésus avait parlé, a reçu là une nouvelle définition et a aussi pris une nouvelle présence; il existe, pour ainsi dire, une nouvelle « attente immédiate »: le « règne de Dieu » arrive là où la foi d'Église est dépassée et remplacée par la « foi religieuse », à savoir par la simple foi rationnelle. En 1795, dans l'écrit « Das Ende aller Dingue » (La fin de toutes les choses), apparaît une image transformée. Kant prend alors en considération la possibilité que, à côté du terme naturel de toutes les choses, il s'en trouve aussi une contre nature, perverse. Il écrit à ce sujet: « Si le christianisme devait cesser d'être aimable […], on verrait nécessairement […] l'aversion et la révolte soulever contre lui le cœur de la majorité des hommes; et l'antéchrist, qu'on considère de toute façon comme le précurseur du dernier jour, établirait son règne (fondé sans doute sur la peur et l'égoïsme), fut-ce pour peu de temps; et comme le christianisme, destiné à être la religion universelle, serait alors frustré de la faveur du destin, on assisterait à la fin (renversée) de toutes choses au point de vue moral ». Le dix-neuvième siècle ne renia pas sa foi dans le progrès comme forme de l'espérance humaine et il continua à considérer la raison et la liberté comme des étoiles-guide à suivre sur le chemin de l'espérance. Les avancées toujours plus rapides du développement technique et l'industrialisation qui lui est lié ont cependant bien vite créé une situation sociale totalement nouvelle: il s'est formé la classe des ouvriers de l'industrie et ce que l'on appelle le « prolétariat industriel », dont les terribles conditions de vie ont été illustrées de manière bouleversante par Friedrich Engels, en 1845. Pour le lecteur, il devait être clair que cela ne pouvait pas continuer; un changement était nécessaire. Mais le changement aurait perturbé et renversé l'ensemble de la structure de la société bourgeoise. Après la révolution bourgeoise de 1789, l'heure d'une nouvelle révolution avait sonné, la révolution prolétarienne: le progrès ne pouvait pas simplement avancer de manière linéaire, à petits pas. Il fallait un saut révolutionnaire. Karl Marx recueillit cette aspiration du moment et, avec un langage et une pensée vigoureux, il chercha à lancer ce grand pas nouveau et, comme il le considérait, définitif de l'histoire vers le salut – vers ce que Kant avait qualifié de « règne de Dieu ». Une fois que la vérité de l'au-delà se serait dissipé, il se serait agi désormais d'établir la vérité de l'en deçà. La critique du ciel se transforme en une critique de la terre, la critique de la théologie en une critique de la politique. Le progrès vers le mieux, vers le monde définitivement bon, ne provient pas simplement de la science, mais de la politique – d'une politique pensée scientifiquement, qui sait reconnaître la structure de l'histoire et de la société, et qui indique ainsi la voie vers la révolution, vers le changement de toutes les choses. Avec précision, même si c'est de manière unilatérale et partiale, Marx a décrit la situation de son temps et il a illustré avec une grande capacité d'analyse les voies qui ouvrent à la révolution – non seulement théoriquement: avec le parti communiste, né du manifeste communiste de 1848, il l'a aussi lancée concrètement. Sa promesse, grâce à la précision des analyses et aux indications claires des instruments pour le changement radical, a fasciné et fascine encore toujours de nouveau. La révolution s'est aussi vérifiée de manière plus radicale en Russie. Mais avec sa victoire, l'erreur fondamentale de Marx a aussi été rendue évidente. Il a indiqué avec exactitude comment réaliser le renversement. Mais il ne nous a pas dit comment les choses auraient dû se dérouler après. Il supposait simplement que, avec l'expropriation de la classe dominante, avec la chute du pouvoir politique et avec la socialisation des moyens de production, se serait réalisée la Nouvelle Jérusalem: alors, toutes les contradictions auraient en effet été annulées, l'homme et le monde auraient finalement vu clair en eux-mêmes. Alors tout aurait pu procéder de soi-même sur la voie droite, parce que tout aurait appartenu à tous et que tous auraient voulu le meilleur l'un pour l'autre. Ainsi, après la révolution réussie, Lénine dut se rendre compte que, dans les écrits du maître, il ne se trouvait aucune indication sur la façon de procéder. Oui, il avait parlé de la phase intermédiaire de la dictature du prolétariat comme d'une nécessité qui, cependant, dans un deuxième temps, se serait avérée d'elle-même caduque. Cette « phase intermédiaire », nous la connaissons bien et nous savons aussi comment elle s'est développée, ne faisant pas naître un monde sain, mais laissant derrière elle une destruction désolante. Marx n'a pas seulement manqué de penser les institutions nécessaires pour le nouveau monde – on ne devait en effet plus en avoir besoin. Qu'il ne nous en dise rien, c'est la conséquence logique de sa mise en place. Son erreur est plus en profondeur. Il a oublié que l'homme demeure toujours homme. Il a oublié l'homme et il a oublié sa liberté. Il a oublié que la liberté demeure toujours liberté, même pour le mal. Il croyait que, une fois mise en place l'économie, tout aurait été mis en place. Sa véritable erreur est le matérialisme: en effet, l'homme n'est pas seulement le produit de conditions économiques, et il n'est pas possible de le guérir uniquement de l'extérieur, créant des conditions économiques favorables. Ainsi, nous nous trouvons de nouveau devant la question: que pouvons-nous espérer ? Une autocritique de l'ère moderne dans un dialogue avec le christianisme et avec sa conception de l'espérance est nécessaire. Dans un tel dialogue, même les chrétiens, dans le contexte de leurs connaissances et de leurs expériences, doivent apprendre de manière renouvelée en quoi consiste véritablement leur espérance, ce qu'ils ont à offrir au monde et ce que, à l'inverse, ils ne peuvent pas offrir. Il convient que, à l'autocritique de l'ère moderne, soit associée aussi une autocritique du christianisme moderne, qui doit toujours de nouveau apprendre à se comprendre lui-même à partir de ses propres racines. Sur ce point, on peut seulement présenter ici certains éléments. Avant tout, il faut se demander: que signifie vraiment « le progrès »; que promet-il et que ne promet-il pas ? Déjà à la fin du XIXe siècle, il existait une critique de la foi dans le progrès. Au XXe, Th. W. Adorno a formulé la problématique de la foi dans le progrès de manière drastique: le progrès, vu de près, serait le progrès qui va de la fronde à la méga bombe. Actuellement, il s'agit, de fait, d'un aspect du progrès que l'on ne doit pas dissimuler. Pour le dire autrement, l'ambiguïté du progrès est rendue évidente. Sans aucun doute, le progrès offre de nouvelles possibilités pour le bien, mais il ouvre aussi des possibilités abyssales de mal – possibilités qui n'existaient pas auparavant. Nous sommes tous devenus témoins de ce que le progrès, lorsqu'il est entre de mauvaises mains, peut devenir, et qu'il est devenu, de fait, un progrès terrible dans le mal. Si au progrès technique ne correspond pas un progrès dans la formation éthique de l'homme, dans la croissance de l'homme intérieur (cf. Ep 3, 16; 2 Co 4, 16), alors ce n'est pas un progrès, mais une menace pour l'homme et pour le monde. En ce qui concerne les deux grands thèmes « raison » et « liberté », les questions qui leur sont liées ne peuvent être ici que signalées. Oui, la raison est le grand don de Dieu à l'homme, et la victoire de la raison sur l'irrationalité est aussi un but de la foi chrétienne. Mais quand la raison domine-t-elle vraiment ? Quand s'est-elle détachée de Dieu ? Quand est-elle devenue aveugle pour Dieu ? La raison du pouvoir et du faire est-elle déjà la raison intégrale ? Si, pour être progrès, le progrès a besoin de la croissance morale de l'humanité, alors la raison du pouvoir et du faire doit pareillement, de manière urgente, être intégrée, grâce à l'ouverture de la raison, aux forces salvifiques de la foi, au discernement entre bien et mal. C'est ainsi seulement qu'elle devient une raison vraiment humaine. Elle devient humaine seulement si elle est en mesure d'indiquer la route à la volonté, et elle n'est capable de cela que si elle regarde au delà d'elle-même. Dans le cas contraire, la situation de l'homme, dans le déséquilibre entre capacité matérielle et manque de jugement du cœur, devient une menace pour lui et pour tout le créé. Ainsi, dans le domaine de la liberté, il faut se rappeler que la liberté humaine requiert toujours le concours de différentes libertés. Ce concours ne peut toutefois pas réussir s'il n'est pas déterminé par un intrinsèque critère de mesure commun, qui est le fondement et le but de notre liberté. Exprimons-le maintenant de manière très simple: l'homme a besoin de Dieu, autrement, il reste privé d'espérance. Étant donné les développements de l'ère moderne, l'affirmation de saint Paul citée au début (Ep 2, 12) se révèle très réaliste et tout simplement vraie. Il n'y a cependant pas de doute qu'un « règne de Dieu » réalisé sans Dieu – donc un règne de l'homme seul – finit inévitablement avec « l'issue perverse » de toutes les choses, issue décrite par Kant: nous l'avons vu et nous le voyons toujours de nouveau. Et il n'y a même pas de doute que Dieu entre vraiment dans les choses humaines seulement s'il n'est pas uniquement pensé par nous, mais si Lui-même vient à notre rencontre et nous parle. C'est pourquoi la raison a besoin de la foi pour arriver à être totalement elle-même: raison et foi ont besoin l'une de l'autre pour réaliser leur véritable nature et leur mission. (…) Le trésor moral de l'humanité n'est pas présent comme sont présents les instruments que l'on utilise; il existe comme invitation à la liberté et comme possibilité pour cette liberté. Mais cela signifie que: a) La condition droite des choses humaines, le bien-être moral du monde, ne peuvent jamais être garantis simplement par des structures, quelle que soit leur validité. De telles structures sont non seulement importantes, mais nécessaires; néanmoins, elles ne peuvent pas et ne doivent pas mettre hors jeu la liberté de l'homme. Même les structures les meilleures fonctionnent seulement si, dans une communauté, sont vivantes les convictions capables de motiver les hommes en vue d'une libre adhésion à l'ordonnancement communautaire. La liberté nécessite une conviction; une conviction n'existe pas en soi, mais elle doit être toujours de nouveau reconquise de manière communautaire. b ) Puisque l'homme demeure toujours libre et que sa liberté est également toujours fragile, le règne du bien définitivement consolidé n'existera jamais en ce monde. Celui qui promet le monde meilleur qui durerait irrévocablement pour toujours fait une fausse promesse; il ignore la liberté humaine. La liberté doit toujours de nouveau être conquise pour le bien. La libre adhésion au bien n'existe jamais simplement en soi. S'il y avait des structures qui fixaient de manière irrévocable une condition du monde déterminée – bonne –, la liberté de l'homme serait niée, et, pour cette raison, ce ne serait en définitive nullement des structures bonnes. (…) Ce n'est pas la science qui rachète l'homme. L'homme est racheté par l'amour. Cela vaut déjà dans le domaine purement humain. Lorsque quelqu'un, dans sa vie, fait l'expérience d'un grand amour, il s'agit d'un moment de « rédemption » qui donne un sens nouveau à sa vie. Mais, très rapidement, il se rendra compte que l'amour qui lui a été donné ne résout pas, par lui seul, le problème de sa vie. Il s'agit d'un amour qui demeure fragile. Il peut être détruit par la mort. L'être humain a besoin de l'amour inconditionnel. Il a besoin de la certitude qui lui fait dire: « Ni la mort ni la vie, ni les esprits ni les puissances, ni le présent ni l'avenir, ni les astres, ni les cieux, ni les abîmes, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu qui est en Jésus Christ » (Rm 8, 38-39). Si cet amour absolu existe, avec une certitude absolue, alors – et seulement alors – l'homme est « racheté », quel que soit ce qui lui arrive dans un cas particulier. C'est ce que l'on entend lorsque l'on dit: Jésus Christ nous a « rachetés ». Par lui nous sommes devenus certains de Dieu – d'un Dieu qui ne constitue pas une lointaine « cause première » du monde – parce que son Fils unique s'est fait homme et de lui chacun peut dire: « Ma vie aujourd'hui dans la condition humaine, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m'a aimé et qui s'est livré pour moi » (Ga 2, 20). En ce sens, il est vrai que celui qui ne connaît pas Dieu, tout en pouvant avoir de multiples espérances, est dans le fond sans espérance, sans la grande espérance qui soutient toute l'existence (cf. Ep 2, 12). La vraie, la grande espérance de l'homme, qui résiste malgré toutes les désillusions, ce peut être seulement Dieu – le Dieu qui nous a aimés et qui nous aime toujours « jusqu'au bout », « jusqu'à ce que tout soit accompli » (cf. Jn 13, 1 et 19, 30). Tout au long des jours, l'homme a de nombreuses espérances – les plus petites ou les plus grandes –, variées selon les diverses périodes de sa vie. Parfois il peut sembler qu'une de ces espérances le satisfasse totalement et qu'il n'ait pas besoin d'autres espérances. Dans sa jeunesse, ce peut être l'espérance d'un grand amour qui le comble; l'espérance d'une certaine position dans sa profession, de tel ou tel succès déterminant pour le reste de la vie. Cependant, quand ces espérances se réalisent, il apparaît clairement qu'en réalité ce n'était pas la totalité. Il paraît évident que l'homme a besoin d'une espérance qui va au-delà. Il paraît évident que seul peut lui suffire quelque chose d'infini, quelque chose qui sera toujours plus que ce qu'il ne peut jamais atteindre. En ce sens, les temps modernes ont fait grandir l'espérance de l'instauration d'un monde parfait qui, grâce aux connaissances de la science et à une politique scientifiquement fondée, semblait être devenue réalisable. Ainsi l'espérance biblique du règne de Dieu a été remplacée par l'espérance du règne de l'homme, par l'espérance d'un monde meilleur qui serait le véritable « règne de Dieu ». Cela semblait finalement l'espérance, grande et réaliste, dont l'homme avait besoin. Elle était en mesure de mobiliser – pour un certain temps – toutes les énergies de l'homme; ce grand objectif semblait mériter tous les engagements. Mais au cours du temps il parut clair que cette espérance s'éloignait toujours plus. On se rendit compte avant tout que c'était peut-être une espérance pour les hommes d'après-demain, mais non une espérance pour moi. Et bien que le « pour tous » fasse partie de la grande espérance – je ne puis en effet devenir heureux contre les autres et sans eux – il reste vrai qu'une espérance qui ne me concerne pas personnellement n'est pas non plus une véritable espérance. Et il est devenu évident qu'il s'agissait d'une espérance contre la liberté, parce que la situation des choses humaines dépend pour chaque génération, de manière renouvelée, de la libre décision des hommes qui la composent. Si, en raison des conditions et des structures, cette liberté leur était enlevée, le monde, en définitive, ne serait pas bon, parce qu'un monde sans liberté n'est en rien un monde bon. Ainsi, bien qu'un engagement continu pour l'amélioration du monde soit nécessaire, le monde meilleur de demain ne peut être le contenu spécifique et suffisant de notre espérance. (…) Dans l'inter-relation de l'être, le remerciement que je lui adresse, ma prière pour lui peuvent signifier une petite étape de sa purification. Et avec cela il n'y a pas besoin de convertir le temps terrestre en temps de Dieu: dans la communion des âmes le simple temps terrestre est dépassé. Il n'est jamais trop tard pour toucher le cœur de l'autre et ce n'est jamais inutile. Ainsi s'éclaire ultérieurement un élément important du concept chrétien d'espérance. Notre espérance est toujours essentiellement aussi espérance pour les autres; c'est seulement ainsi qu'elle est vraiment espérance pour moi. 40 En tant que chrétiens nous ne devrions jamais nous demander seulement: comment puis-je me sauver moi-même? Nous devrions aussi nous demander: que puis-je faire pour que les autres soient sauvés et que surgisse aussi pour les autres l'étoile de l'espérance ? Alors j'aurai fait le maximum pour mon salut personnel. Un intellectuel qui, en vieillissant, prend peur de tout, il n'y a pourtant rien de plus classique. Toi, on voit que tu n'as pas lu l'auteur en question.
Rincevent Posté 27 février 2008 Signaler Posté 27 février 2008 Toi, on voit que tu n'as pas lu l'auteur en question. Non, mais il fait probablement partie des lectures de mes 10 prochaines années.
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