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Fin de l'histoire...


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Comment les libéraux se représentent-ils l'histoire humaine ?

Cette question, que je propose en discussion, m'est venue à la lecture des divers débats, un peu en filigrane de ceux-ci. J'ai parfois l'impression que certains libéraux partagent avec certains marxistes (ou hegeliens) l'idée d'une possible fin de l'histoire. En substance, lorsque les hommes finiront par trouver les bonnes règles de droit et de gouvernement (reconnaissance du droit naturel par la raison), l'histoire telle que nous l'entendons n'aura plus de sens, toute l'humanité vivra sous un régime commun idéal et non-perfectible, chacun usera de sa liberté pour faire ce qu'il veut dans son coin, mais les conflits entre idéologies, religions, modèles, systèmes idéaux, groupes… disparaîtront. C'était un peu la thèse de Fukuyama, bien sûr, sauf qu'il ne parlait pas de droit naturel (comme beaucoup ici) mais plutôt de démocratie libérale et d'économie de marché comme formes indépassables de l'organisation politique et économique.

Pour ma part, je n'ai pas du tout cette vision des choses. Non seulement je ne crois pas qu'il existe des lois déterministes inexorables à l'oeuvre dans l'histoire humaine (cf. Karl Popper et Misère de l'historicisme), mais je pense qu'aucune position défendant un système idéal d'organisation humaine ne parviendra à s'universaliser réellement. Et si un système y parvient momentanément, comme la Rome antique avait atteint son élargissement maximal, il finira un jour par s'effondrer dans des contradictions et des conflits internes, les lois qu'ils croyaient universelles seront réinterprétées en interne selon des besoins, des intérêts ou des désirs contradictoires. Bref, je pense que l'histoire n'a pas de fin ni de sens (ou du moins que l'on peut y mettre des sens toujours différents).

Quelle est votre opinion ?

Posté

La vie est un récit plein de bruit et de fureur, raconté par un idiot et qui n'a pas de sens.

Voilà ma conception de l'histoire.

Posté
Jésus reviendra sur Terre et nous montrera le chemin.

Voilà en effet une option. Mais disons… où en serons-nous au jour J-1 ?

Sinon j'aime beaucoup ta signature. C'est de l'anglais? :icon_up:

Comme tu veux, ce peut être aussi un impératif français.

Posté
Voilà en effet une option. Mais disons… où en serons-nous au jour J-1 ?

Qui peut le savoir? A quoi bon prévoir le système idéal ou dominant d'organisation humaine quand on est incapable de prévoir les technologies du futur?

Posté

POur les libéraux classiques, la volonté de fonder un état nouveau fait que c'est une utopie, l'état est par nature non respectueux des droits naturels et tend à l'être chaque fois plus, le régime qu'ils veulent n'est donc pas juste et donc pas un aboutissement loin de là.

POur les anarcaps jusnaturalistes, il n'y pas de fin heureuse, il y a juste la nature humaine à respecter point. S'en approcher le plus possible est donc ce qui a de plus juste mais aussi ce qu'il y a de meilleur car en respectant l'ordre juste et naturel des choses, viendra plus de stabilité.

Pour ma part, je pense qu'il faut toujours essayer de s'en approcher le plus possible, la société libre n'est pas l'aboutissement et puis point le monde s'arrete, t'as gagné la partie on recommence; car même dans une société libre il y a des hommes, mais l'homme n'étant pas parfait, la société dans laquelle il est ne peut être parfaite. En somme, il n'y a jamais d'aboutissement.

Posté
Qui peut le savoir? A quoi bon prévoir le système idéal ou dominant d'organisation humaine quand on est incapable de prévoir les technologies du futur?

A dire vrai, je ne pensais pas tant à du prévisionnisme ou de la futurologie, dont on sait qu'ils se cassent inexorablement la gueule.

Plutôt une sorte de représentation philosophique de l'histoire (et je dirai aussi, à la marge, une représentation esthétique). Si l'homme est un être rationnel et si certains principes sont les plus rationnels, on peut par exemple poser qu'il y aura convergence nécessaire, lorsque l'exercice de la raison ne sera plus entravée par tel ou tel "résidu" d'irrationalité, lorsque les expériences auront montré à tous que certains systèmes sont plus désirables que d'autres.

Si quelqu'un me dit : "mon système politique / économique me paraît le meilleur en soi, il est universel par destination car tous les hommes sont appelés à reconnaître qu'il est le meilleur pour des raisons objectives", je ne vois pas comment sa position projetée dans le futur ne se conclut pas par une certaine "fin de l'histoire", c'est-à-dire l'adoption par tous les humains du même système.

Posté
(…)

Pour ma part, je pense qu'il faut toujours essayer de s'en approcher le plus possible, la société libre n'est pas l'aboutissement et puis point le monde s'arrete, t'as gagné la partie on recommence; car même dans une société libre il y a des hommes, mais l'homme n'étant pas parfait, la société dans laquelle il est ne peut être parfaite. En somme, il n'y a jamais d'aboutissement.

Parfaite non… mais qu'est-ce qui menacerait la société libre à mesure que l'on s'en rapproche et pourquoi faire d'autres genres de société, d'autres expériences, si celle-ci est plébicitée car la plus conforme à la nature humaine ? Pourquoi continuer à se poser les questions que l'on se posait depuis la nuit des temps sur l'art et la manière d'être ensemble (ou au contraire d'être séparé), une fois trouvé la meilleure manière de l'être ?

Quand tu me dis "l'homme n'est pas parfait", j'ai un peu l'impression que tu me dis : "l'homme n'est pas toujours fait pour une société libre". Mais du coup, cette société libre perd l'alibi de la nature humaine si elle ne résulte pas spontanément de celle-ci.

Posté

L'humanité est un système chaotique dissipatif plutôt hétérogène. Les grandes pressions entropiques qui s'y appliquent secouent le tout de changements de phases plus ou moins violents. Le niveau de complexité, les coûts de transaction (qui déterminent l'efficience de l'ensemble) et le chaos jouent chacun un rôle déterminant dans son évolution.

Bref, comme dit Apollon: du bruit (blanc, souvent), de la fureur, pas de sens, et beaucoup de bêtise.

Posté
Cette question, que je propose en discussion, m'est venue à la lecture des divers débats, un peu en filigrane de ceux-ci. J'ai parfois l'impression que certains libéraux partagent avec certains marxistes (ou hegeliens) l'idée d'une possible fin de l'histoire. En substance, lorsque les hommes finiront par trouver les bonnes règles de droit et de gouvernement (reconnaissance du droit naturel par la raison), l'histoire telle que nous l'entendons n'aura plus de sens, toute l'humanité vivra sous un régime commun idéal et non-perfectible, chacun usera de sa liberté pour faire ce qu'il veut dans son coin, mais les conflits entre idéologies, religions, modèles, systèmes idéaux, groupes… disparaîtront. C'était un peu la thèse de Fukuyama, bien sûr, sauf qu'il ne parlait pas de droit naturel (comme beaucoup ici) mais plutôt de démocratie libérale et d'économie de marché comme formes indépassables de l'organisation politique et économique.

Que Dieu nous préserve d'une telle horreur. Il appartient à chaque peuple de déterminer la forme de gouvernement qui lui convient. Tels trouveront la théocratie enviable, d'autres préfèreront une monarchie (constitutionnelle ou pas), etc. Il n'y a pas de bonnes règles absolues.

Posté
Que Dieu nous préserve d'une telle horreur. Il appartient à chaque peuple de déterminer la forme de gouvernement qui lui convient. Tels trouveront la théocratie enviable, d'autres préfèreront une monarchie (constitutionnelle ou pas), etc. Il n'y a pas de bonnes règles absolues.

Je me rapprocherai plutôt de votre vision des choses, sans la notion de peuple ou du moins sans exclusive sur elle comme acteur collectif dans l'histoire. Mais justement, vous ne me semblez pas très libéral (sans ironie ni agressivité, simple observation).

Posté
Je me rapprocherai plutôt de votre vision des choses, sans la notion de peuple ou du moins sans exclusive sur elle comme acteur collectif dans l'histoire. Mais justement, vous ne me semblez pas très libéral (sans ironie ni agressivité, simple observation).

Si vous l'entendez au sens libertarien, effectivement.

Posté
Que Dieu nous préserve d'une telle horreur. Il appartient à chaque peuple de déterminer la forme de gouvernement qui lui convient. Tels trouveront la théocratie enviable, d'autres préfèreront une monarchie (constitutionnelle ou pas), etc. Il n'y a pas de bonnes règles absolues.

Quand ils sont libres, les peuples sont tentés d'imiter et d'adopter les formes qui fonctionnent le mieux, c'est-à-dire qui leur apportent des développements positifs selon la nature humaine (sécurité, prospérité, …). Aujourd'hui il apparaît clairement que la démocratie l'emporte. Peut-on imaginer meilleure forme que la démocratie? Churchill disait "la démocratie, …".

Posté
Quand ils sont libres, les peuples sont tentés d'imiter et d'adopter les formes qui fonctionnent le mieux, c'est-à-dire qui leur apportent des développements positifs selon la nature humaine (sécurité, prospérité, …). Aujourd'hui il apparaît clairement que la démocratie l'emporte. Peut-on imaginer meilleure forme que la démocratie? Churchill disait "la démocratie, …".

Je ne suis pas persuadé que la démocratie telle que nous l'entendons puisse se marier avec n'importe quel type de culture. Il y a derrière cette volonté une forme redoutable de prétention universaliste qui peut pousser certains à vouloir propager la démocratie à coup de canon si nécessaire. Vouloir faire le bien des autres contre leur gré n'est pas à proprement parler une bonne idée.

Posté
Parfaite non… mais qu'est-ce qui menacerait la société libre à mesure que l'on s'en rapproche et pourquoi faire d'autres genres de société, d'autres expériences, si celle-ci est plébicitée car la plus conforme à la nature humaine ? Pourquoi continuer à se poser les questions que l'on se posait depuis la nuit des temps sur l'art et la manière d'être ensemble (ou au contraire d'être séparé), une fois trouvé la meilleure manière de l'être ?

Quand tu me dis "l'homme n'est pas parfait", j'ai un peu l'impression que tu me dis : "l'homme n'est pas toujours fait pour une société libre". Mais du coup, cette société libre perd l'alibi de la nature humaine si elle ne résulte pas spontanément de celle-ci.

L'homme n'est pas parfait car spontanément à sa naissance il ne prétend pas forcément respecter voire comprendre les droits des hommes qui l'entourent, un peu du style je fais ce que je veux et ce qui m'arrange et les autres on s'en fout. Avec l'éducation et l'expérience, l'homme découvre que tout un chacun a des droits …mais il peut mettre du temps ou parfois s'y opposer, ou alors passer outre si c'est un être profondément mal-famé.

Pour autant, les droits naturels existent car visibles et perceptibles, ils sont immanents car propre à la nature humaine, et donc toute volonté coercitive visant à montrer aux hommes qu'ils ont des droits, nie elle-même les droits de ces hommes-là, et n'est donc pas légitime.

En résumé l'homme apprend à connaitre les droits mais cela ne justifie pas l'existence d'une structure coercitive pour l'y aider à marche forcée.

Posté

plusieurs theories tres fonctionnelles et scientifiques decrivent deja les differentes étapes d'évolution des structures d epensée des individus isolées et/ou des societés;le liberalisme appliqué tel que je le concoit(anarcapie)n'est aucunement un stade final,une étape qu'il me plairait de voir,rien de plus.

on a deja cartographié l'étape suivante mais seul un infime nombre d'individu ont acces à ces representations.Moi meme ca me passe passablement au dessus mais le cas écheant je sait exactement quelles questions me poser pour changer de paradigme si besoin etais…mais je pense que c'est pas pret d'arriver ^^.

En d'autre terme,celui qui dira que c'est un idéal fixe a atteindre devra fournir des reponses a des questions qu'il ne s'est pas encore posé…je demande a voir. ceci dit je n'ai pas du tout remarqué,chez les liberaux,le phenomene que tu decrit.

Posté
Quand ils sont libres, les peuples sont tentés d'imiter et d'adopter les formes qui fonctionnent le mieux, c'est-à-dire qui leur apportent des développements positifs selon la nature humaine (sécurité, prospérité, …). Aujourd'hui il apparaît clairement que la démocratie l'emporte. Peut-on imaginer meilleure forme que la démocratie? Churchill disait "la démocratie, …".

A ce propos, je rappelle en quelques mots la thèse de Fukuyama : les démocraties se sont progressivement étendues depuis deux siècles, même si elles restent parfois formelles ; la lutte pour la reconnaissance (dialectique maître / esclave) s'achève car l'idée de risquer sa vie pour le prestige de la domination violente s'épuise, faute de volontaires ; les grands adversaires de la démocratie, à commencer par le bloc communiste, se sont effondrés et les dictatures, si elles persistent, n'ont guère de popularité ni d'attractivité ; les phénomènes migratoires traduisent le succès des démocraties de marché jugées plus désirables ; la fin de l'histoire comme généralisation progressive de la démocratie libérale ne signifie pas l'absence de soubresauts locaux, ou de régression momentanée, mais une tendance à long terme ; elle ne signifie pas non plus la fin des événements, mais la fin des grands conflits pour la domination politique d'une nation, d'un continent ou de la Terre.

Pour ma part, cela me semble surtout des voeux pieux et un manque d'imagination. Je ne pensais pas tellement à Fukuyama, d'ailleurs, plutôt à la contradiction apparente entre l'idée d'universalisation du couple marché / droit de l'homme et l'idée de poursuite de l'histoire telle qu'on la connaît depuis le Néolithique.

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Comment les libéraux se représentent-ils l'histoire humaine ?

Cette question, que je propose en discussion, m'est venue à la lecture des divers débats, un peu en filigrane de ceux-ci. J'ai parfois l'impression que certains libéraux partagent avec certains marxistes (ou hegeliens) l'idée d'une possible fin de l'histoire. En substance, lorsque les hommes finiront par trouver les bonnes règles de droit et de gouvernement (reconnaissance du droit naturel par la raison), l'histoire telle que nous l'entendons n'aura plus de sens, toute l'humanité vivra sous un régime commun idéal et non-perfectible, chacun usera de sa liberté pour faire ce qu'il veut dans son coin, mais les conflits entre idéologies, religions, modèles, systèmes idéaux, groupes… disparaîtront. C'était un peu la thèse de Fukuyama, bien sûr, sauf qu'il ne parlait pas de droit naturel (comme beaucoup ici) mais plutôt de démocratie libérale et d'économie de marché comme formes indépassables de l'organisation politique et économique.

Pour ma part, je n'ai pas du tout cette vision des choses. Non seulement je ne crois pas qu'il existe des lois déterministes inexorables à l'oeuvre dans l'histoire humaine (cf. Karl Popper et Misère de l'historicisme), mais je pense qu'aucune position défendant un système idéal d'organisation humaine ne parviendra à s'universaliser réellement. Et si un système y parvient momentanément, comme la Rome antique avait atteint son élargissement maximal, il finira un jour par s'effondrer dans des contradictions et des conflits internes, les lois qu'ils croyaient universelles seront réinterprétées en interne selon des besoins, des intérêts ou des désirs contradictoires. Bref, je pense que l'histoire n'a pas de fin ni de sens (ou du moins que l'on peut y mettre des sens toujours différents).

Quelle est votre opinion ?

Votre deuxième paragraphe tombe sous le sens. Cependant, vous surinterprétez très largement les conséquences de ce que vous nommez découverte des règles de droit et de gouvernement: admettons que plus on avance dans le temps, plus on découvre des règles institutionnelles de plus en plus performantes, sophistiquées. Des individus différents chercheront à adopter et imposer celles qui leur conviennent le mieux. Rien n'implique dans la logique libérale qu'un certain corpus institutionnel va s'imposer aux autres. Je ne vois pas où vous pensez avoir lu cela…

Je rajouterai deux choses:

D'une part, l'homme semble incapable de prédire correctement l'histoire au-delà du court terme: l'évolution sociologique technologique, etc. trop rapide et complexe l'en empêche.

D'autre part, puisque vous citez Popper, citons aussi Mises, qui disait en substance que l'action, et avec elle le progrès, la découverte… émane de l'inquiétude, de l'insatisfaction. La fin de l'histoire politique suppose en quelque sorte que l'humanité dans son ensemble atteigne un jour un état de quiétude et de satisfaction indépassable avec les règles de droit dont elle disposera. Cette utopie paraît en contradiction avec la conception autrichienne de l'individu. L'histoire ne peut être qu'en mouvement, l'équilibre, même s'il est atteint, est par définition temporaire.

Posté

D'une certaine manière, l'humanité ne pourra être statique que quand elle aura disparu. La fin de l'histoire, c'est donc plutôt un cauchemar pour un libéral : potentiellement horrible, mais heureusement plus qu'improbable (je suis assez apollono-coldstarien sur cette question).

Posté

A noter que la "Fin de l'histoire" pour Hegel, c'est la réalisation des promesses du christianisme et de la cité grecque.

Posté
Je ne suis pas persuadé que la démocratie telle que nous l'entendons puisse se marier avec n'importe quel type de culture. Il y a derrière cette volonté une forme redoutable de prétention universaliste qui peut pousser certains à vouloir propager la démocratie à coup de canon si nécessaire. Vouloir faire le bien des autres contre leur gré n'est pas à proprement parler une bonne idée.

Pourquoi placer les cultures au-dessus de la nature humaine? Si l'homme est universel, alors un système universel existe.

Pour ma part, cela me semble surtout des voeux pieux et un manque d'imagination. Je ne pensais pas tellement à Fukuyama, d'ailleurs, plutôt à la contradiction apparente entre l'idée d'universalisation du couple marché / droit de l'homme et l'idée de poursuite de l'histoire telle qu'on la connaît depuis le Néolithique.

Nul voeux ici ou là, même si certains régimes ont tenté à certains moments de l'histoire d'imposer la démocratie à d'autres régimes. La liberté des peuples, jusqu'à preuve du contraire, les a toujours menés vers le trio démocratie / droit de l'homme / marché.

Posté
Votre deuxième paragraphe tombe sous le sens. Cependant, vous surinterprétez très largement les conséquences de ce que vous nommez découverte des règles de droit et de gouvernement: admettons que plus on avance dans le temps, plus on découvre des règles institutionnelles de plus en plus performantes, sophistiquées. Des individus différents chercheront à adopter et imposer celles qui leur conviennent le mieux. Rien n'implique dans la logique libérale qu'un certain corpus institutionnel va s'imposer aux autres. Je ne vois pas où vous pensez avoir lu cela…

Quand j'ai rédigé ce fil, j'avais en tête de nombreux débats récents où certains de mes interlocuteurs suggéraient que des règles universelles simples peuvent être déduites de la nature humaine et former le socle de la vie commune, incluant des choses comme le respect mutuel, la non-agression et autres. Si elles étaient universalisées, cela correspondrait de facto à une certaine fin de l'histoire par co-existence pacifique de tous les individus, entente rationnelle sur l'essentiel des règles normatives, élimination du conflit, etc. En gros, chacun chez soi, droits de l'homme pour tous, et équilibre grâce au marché.

Mais si vous pensez que les hommes vont plutôt produire des règles de plus en plus "sophistiquées" en choisissant celles qui sont le mieux adaptées à leur identité (ou leurs différences si vous voulez, les "individus différents" dont vous parlez), alors pas de problème, nous sommes sur la même longueur d'onde. Cela me semble simplement en décalage avec le propos d'autres libéraux ici. Sinon, en dehors des intervenants de ce forum, je n'ai lu l'hypothèse de la fin de l'histoire comme perspective libérale que sous la plume de Fukuyama.

Je rajouterai deux choses:

D'une part, l'homme semble incapable de prédire correctement l'histoire au-delà du court terme: l'évolution sociologique technologique, etc. trop rapide et complexe l'en empêche.

Oui.

D'autre part, puisque vous citez Popper, citons aussi Mises, qui disait en substance que l'action, et avec elle le progrès, la découverte… émane de l'inquiétude, de l'insatisfaction. La fin de l'histoire politique suppose en quelque sorte que l'humanité dans son ensemble atteigne un jour un état de quiétude et de satisfaction indépassable avec les règles de droit dont elle disposera. Cette utopie paraît en contradiction avec la conception autrichienne de l'individu. L'histoire ne peut être qu'en mouvement, l'équilibre, même s'il est atteint, est par définition temporaire.

Cette précision amène à réfléchir sur ce que l'on appelle histoire et fin de l'histoire. Fukuyama lui-même précise que l'histoire n'est pas simplement l'événement dans son esprit : l'action humaine au sens de Mises, c'est aussi bien choisir tel bien plutôt que tel autre dans un supermarché, ou tel loisir plutôt que tel autre pour son week-end, etc. Mais ces petits événements à base de désir et d'insatisfaction ne forment pas l'histoire telle que nous la percevons rétroactivement depuis le Néolithique. L'histoire qui s'achève selon Fukuyama, c'est la possibilité que de tels événements, y compris des guerres locales et pas seulement des actions sur un marché, changent quoique ce soit au consensus en cours d'émergence sur les meilleures règles politiques, juridiques, économiques et morales de co-existence des humains. En gros, plus on avance dans le temps, plus il est évident que seul le système libéral s'imposera à toute l'humanité*.

(*) Fukuyama a révisé cette position dans son livre ultérieur Our Posthuman Future, en posant que son raisonnement ne vaut que pour l'homme et la nature humaine actuels. Si l'humanité a la possibilité de se différencier biologiquement / psychologiquement au point de modifier les attitudes communes d'espèce, la consensus libéral n'aurait pas de raison de perdurer car il est dans son esprit le mieux adapté à Homo sapiens version 1, pas forcément versions 2, 3 etc.

Posté
…certains de mes interlocuteurs suggéraient que des règles universelles simples peuvent être déduites de la nature humaine et former le socle de la vie commune, incluant des choses comme le respect mutuel, la non-agression et autres. Si elles étaient universalisées, cela correspondrait de facto à une certaine fin de l'histoire…

Tu auras simplement mal compris ce qu'ils disaient : le respect du Droit naturel n'est en rien une "fin de l'Histoire" ; ainsi Saint Thomas n'hésite pas à admettre que l'on puisse ajouter au Droit naturel de nouvelles prescriptions car de nouvelles règles de Droit naturel peuvent parfaitement apparaître au fur et à mesure de l'évolution des sociétés. Le Droit naturel change dans la même mesure où il y a du changement au sein des sociétés humaines. Ce qui est immuable, c'est le fondement et le modus operandi du Droit naturel qui consiste à régler un différent entre individus en découvrant la juste mesure à appliquer au cas d'espèce qui, à la lumière de la Loi naturelle, se dégage objetivement de la nature même des relations interpersonnelles.

Posté
Tu auras simplement mal compris ce qu'ils disaient : le respect du Droit naturel n'est en rien une "fin de l'Histoire" ; ainsi Saint Thomas n'hésite pas à admettre que l'on puisse ajouter au Droit naturel de nouvelles prescriptions car de nouvelles règles de Droit naturel peuvent parfaitement apparaître au fur et à mesure de l'évolution des sociétés. Le Droit naturel change dans la même mesure où il y a du changement au sein des sociétés humaines. Ce qui est immuable, c'est le fondement et le modus operandi du Droit naturel qui consiste à régler un différent entre individus en découvrant la juste mesure à appliquer au cas d'espèce qui, à la lumière de la Loi naturelle, se dégage objetivement de la nature même des relations interpersonnelles.

A nouveau, il faut entendre sur ce que l'on appelle histoire et fin de l'histoire. A mes yeux, si tous les humains reconnaissaient et vivaient sous le régime du droit naturel, l'histoire serait à peu près finie. On ajouterait de-ci de-là une règle au gré des évolutions, mais les questions essentielles ayant divisé les hommes depuis la nuit des temps seraient réglées pour l'essentiel, de même que les conflits entre groupes sur les visions divergentes du bien, du bon, du vrai, etc. Cela se ramènerait un peu à l'idée d'une histoire universelle du point de vue cosmopolitique de Kant, c'est-à-dire l'établissement d'une "société civile parfaite" où les querelles de nations, d'Etats, de civilisations n'ont plus réellement lieu d'être (il faudrait ajouter les querelles de croyances, idéologies, religions, représentations, etc.). C'est encore plus vrai si, à côté du droit naturel, tu présumes qu'un marché universel va peu à peu régler la question de la production, consommation et distribution des ressources.

Maintenant, si tu penses qu'une partie des humains va adopter le droit naturel, que d'autres parties adopteront d'autres systèmes, que ceux adoptant le droit naturel peuvent finalement se révéler en désaccord sur certains préceptes de base et se diviser, qu'il est impossible de savoir ce qu'il adviendra de tout cela dans les siècles à venir, alors l'histoire continuera.

Sinon, la tradition chrétienne serait à examiner de près car une partie d'entre elle voit l'histoire comme réalisation du bien et de la cité de dieu, ce qui peut s'interpréter comme une perspective de fin de l'histoire (disons que l'histoire est finalisée et tend vers sa fin, dans les deux sens du terme).

Posté
A nouveau, il faut entendre sur ce que l'on appelle histoire et fin de l'histoire. A mes yeux, si tous les humains reconnaissaient et vivaient sous le régime du droit naturel, l'histoire serait à peu près finie.

Bien entendu, cela dépends de la définition du droit naturel, mais a mon sens, non, dans l'idéal ou une extreme majorité (hors un taux minimal de criminels) reconnait et respecte le droit naturel, les conflits se résolvent sans violence nécéssaire (acceptation de l'arbitrage comme juste sans qu'il soit imposé par la violence), cela n'empeche en rien l'existance des conflits, et cela n'empeche en rien l'existance de conflits "hors-droit" qui ne sont pas du domaine de la justice et du droit naturel.

On ajouterait de-ci de-là une règle au gré des évolutions, mais les questions essentielles ayant divisé les hommes depuis la nuit des temps seraient réglées pour l'essentiel, de même que les conflits entre groupes sur les visions divergentes du bien, du bon, du vrai, etc. Cela se ramènerait un peu à l'idée d'une histoire universelle du point de vue cosmopolitique de Kant, c'est-à-dire l'établissement d'une "société civile parfaite" où les querelles de nations, d'Etats, de civilisations n'ont plus réellement lieu d'être (il faudrait ajouter les querelles de croyances, idéologies, religions, représentations, etc.). C'est encore plus vrai si, à côté du droit naturel, tu présumes qu'un marché universel va peu à peu régler la question de la production, consommation et distribution des ressources.

Le marché permet d'atteindre l'optimal de pareto en fonction des desirs de chacun et des ressources disponibles, pas de donner a chacun la meme chose, c'est tout a fait compatible avec la réalité qui fait que chaque homme a des besoins différents, une culture différente, un "lifestyle" différent (spécial dédicace a Schappy).

La paix peut exister sans l'uniformité, la fin des guerres n'est pas la fin de l'histoire.

Maintenant, si tu penses qu'une partie des humains va adopter le droit naturel, que d'autres parties adopteront d'autres systèmes, que ceux adoptant le droit naturel peuvent finalement se révéler en désaccord sur certains préceptes de base et se diviser, qu'il est impossible de savoir ce qu'il adviendra de tout cela dans les siècles à venir, alors l'histoire continuera.

Sinon, la tradition chrétienne serait à examiner de près car une partie d'entre elle voit l'histoire comme réalisation du bien et de la cité de dieu, ce qui peut s'interpréter comme une perspective de fin de l'histoire (disons que l'histoire est finalisée et tend vers sa fin, dans les deux sens du terme).

Certes, mais ceux qui cherchent le royaume de Dieu sur terre sont des heretiques notoires, et ils iront en enfer ™, j'espere que tu ne mets pas tout le monde dans -ce- panier la…

Globalement, oui, certains libéraux souhaitent une espece d'uniformité définitive, une utopie libérale statique et un homme nouveau libéral, sur ce point (entre autre), je suis d'accord avec l'analyse de ronny, ils rejoignent les communistes dans ce qu'ils ont de pire, maintenant, il ne faut pas exagerer l'importance de cette faction dans les libéraux actuels (meme si historiquement, c'est de loin la faction la plus influente)

Posté
Que Dieu nous préserve d'une telle horreur. Il appartient à chaque peuple de déterminer la forme de gouvernement qui lui convient. Tels trouveront la théocratie enviable, d'autres préfèreront une monarchie (constitutionnelle ou pas), etc. Il n'y a pas de bonnes règles absolues.

Tidju, je me sens de plus en plus conservateur.

Posté
(…)

La paix peut exister sans l'uniformité, la fin des guerres n'est pas la fin de l'histoire.

(…)

Oui, fin de l'histoire ne signifie pas uniformisation des moeurs, comme diversité des moeurs ne signifie pas poursuite de l'histoire.

Comme je l'ai dit plus haut, si l'histoire humaine depuis le Néolithique paraît "ouverte", c'est à la fois parce qu'il y a en permanence des conflits à l'issue incertaine (pour les ressources, pour les territoires, pour les idées, pour les valeurs, pour les symboles) et parce qu'il n'existe pas de consensus sur les questions fondamentales (la meilleure manière de vivre ensemble, soit les meilleures règles morales, juridiques, politiques). A partir du moment où tu te projettes dans un futur consensuel éliminant le conflit, ta projection ressemble forcément à une fin de l'histoire telle que nous la connaissons. Cela n'empêche pas que chacun pourrait choisir son style de vie dans le grand supermarché culturel, mais ce genre de choix individuel et local sera a priori sans conséquence réelle sur le cours global de événements humains.

Quand on y réfléchit, ce n'est pas en soi une hypothèse désagréable : l'histoire est pleine de tourments, de violences, d'imprévus, d'arbitraires, tout cela n'est guère enviable en soi, un monde où chacun pourrait mener sa vie comme il l'entend en ayant la garantie de ne pas être ennuyé pour cela peut paraître désirable, la conscience historique de l'homme moderne est une donnée qui change nos représentations du passé, donc du futur. Même si on désire cela, la question serait plutôt de savoir si l'on en prend le chemin, si ce chemin est possible avec l'humain tel que nous le connaissons, s'il est non seulement possible mais inexorable.

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