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Comment joignez vous religion et valeurs libérale?


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Posté
  Rincevent a dit :
Ici, aboutir à un droit à la vie nécessite un cheminement assez long depuis la reconnaissance de l'existence de l'individu.

Et comment peux tu reconnaître la valeur d'un individu si tu ne lui reconnais pas préalablement le droit à la vie?

  Citation
Presque aussi long que le chemin qui, à partir de l'existence de magmas symogènes en algèbre générale, mène à l'idée d'un dispositif d'électrophorèse en chimie.

En tout cas tu sembles avoir perdu le fil du court chemin qui va de la cause vers l'effet.

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  free jazz a dit :
Et comment peux tu reconnaître la valeur d'un individu si tu ne lui reconnais pas préalablement le droit à la vie?

Reconnaitre le droit à la vie de qui ? Forcément d'un individu. Tu as besoin de l'idée d'individu, de personne individuée pour parler d'un droit à la vie.

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  Rincevent a dit :
Reconnaitre le droit à la vie de qui ? Forcément d'un individu. Tu as besoin de l'idée d'individu, de personne individuée pour parler d'un droit à la vie.

C'est plutôt la vie qui crée des individus dans le monde réel, et non l'idée d'individu qui crée la vie, cela dit sans mette en doute la puissance de ton imagination - jusqu'à preuve du contraire.

Posté

Le droit à la vie est un droit attaché à l'être humain, pour l'appliquer il faut alors pouvoir dire "ceci est un Homme, son droit à la vie est inaliénable". La définition de la personne humaine individuelle est donc préalable à la définition des droits qui lui sont attachées.

C'est d'ailleurs l'un des points cruciaux sur l'avortement, si la cellule oeuf est une personne humaine, un individu, elle hérite du droit à la vie et l'avortement est un meurtre, si au contraire l'individuation est déclarée plus tardive, le droit à la vie ne s'applique plus, et l'avortement n'est pas un meurtre.

Pour ce qui est de "l'individu érigé en norme suprême", je l'interprêtre comme l'affirmation de la primauté absolue des droits de l'individu sur tout autres droits, après la jurisprudence règle les conflits entre les droits de même niveau de priorité.

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  free jazz a dit :
C'est plutôt la vie qui crée des individus dans le monde réel, et non l'idée d'individu qui crée la vie, cela dit sans mette en doute la puissance de ton imagination - jusqu'à preuve du contraire.

Surréaliste.

Allons free jazz, tu ne nous a pas donné l'habitude de faire dans le jeu de mot.

Posté
  Randian shithead a dit :
Surréaliste.

Allons free jazz, tu ne nous a pas donné l'habitude de faire dans le jeu de mot.

aucun jeu de mot ici: au depart etait le verbe. :icon_up:

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  JIM16 a dit :
aucun jeu de mot ici: au depart etait le verbe. :icon_up:

Oui, mais lequel ? "Ptainféchier ?"

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  Randian shithead a dit :
Surréaliste.

Allons free jazz, tu ne nous a pas donné l'habitude de faire dans le jeu de mot.

Ce n'est pas un jeu de mot. Voici mon point: l'individu générique n'existe pas, c'est une représentation commode pour servir de support à une construction juridique. En tant que représentation, c'est une fiction, qui n'a pas plus de valeur objective que le modèle atomique de Bohr. Or on sait que cette fiction atomique est fausse, puisque le droit provient de la relation entre des personnes, il n'est pas créé par l'idée de monade isolée, car le droit ne peut être tiré de la fiction d'un Robinson Crusoé tout seul sur son île. De là vient que tout exercice de sa propre liberté entraîne une responsabilité, vu qu'elle a des conséquences sur la relation avec les autres personnes qui nous environnent.

Si un individu existe, il ne peut par définition qu'être unique, et donc l'idée d'individualisme détruit automatiquement la doctrine de l'individu générique. Si des individus existent, ils ne peuvent être égaux, sur aucun plan. Ils sont donc absolument incommensurables. C'est pourquoi le droit s'attache à définir la personne et non l'individu (on parle plutôt d'auteur de tel ou tel acte), car la personne implique le sens de fiction, représentation, d'acteur.

Le concept de personne vient du latin persona qui signifie masque de l'acteur.

http://www.universalis.fr/encyclopedie/T926817/PERSONA.htm

  Citation
Le mot latin persona désignait le masque de l'acteur. Puis il a signifié le personnage ou le rôle. « Personne » et ses dérivés en proviennent. Carl Gustav Jung reprend ce terme vers 1920 pour désigner une instance psychique d'adaptation de l'être humain singulier aux normes sociales. D'une façon très générale, la persona est le masque que tout individu porte pour répondre aux exigences de la vie en société.

La persona donne à tout sujet social une triple possibilité de jeu : « apparaître sous tel ou tel jour », « se cacher derrière tel ou tel masque », « se construire un visage et un comportement pour s'en faire un rempart » (Dialogue du moi et de l'inconscient). Nous prenons un visage de circonstance, nous jouons un rôle social, nous nous différencions par un titre (docteur, professeur, maître, colonel, etc.), autant d'effets de cette fonction psychique que la persona recouvre.

Si le sens de « masque » semble porter une connotation négative, en fait la persona correspond à une fonction générale de socialisation dont l'aspect « duperie » est plus l'exception que la règle. S'adapter à la société (« faire sa place au soleil ») est une nécessité qui remplit toute la première partie de la vie humaine.[…]

Bref l'individu générique est une fiction utile mais incertaine, une idée, mais pas plus.

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  free jazz a dit :
Bref l'individu générique est une fiction utile mais incertaine, une idée, mais pas plus.

Cela dit, même si l’individu ne préexiste pas nécessairement à la société, l’individu existe bien, pour le prouver, il suffit d’observer qu’un homme peut quitter sa communauté pour devenir un hermite ou en intégrer une autre.

Invité jabial
Posté

Si je savais que le débat individualisme/collectivisme aurait lieu sur liborg un jour… :icon_up: Bien sûr que les individus ont besoin d'autres individus pour les former d'abord et pour vivre une vie qui en vaille la peine ensuite ; vous pouvez les appeler "la société" si ça vous chante, mais prétendre que les individus sont une abstraction et que la société est une chose, c'est vraiment surréaliste.

Posté
  jabial a dit :
Si je savais que le débat individualisme/collectivisme aurait lieu sur liborg un jour… :icon_up:

Je crois que tu es à côté de la plaque si tu le vois comme ça.

  jabial a dit :
Bien sûr que les individus ont besoin d'autres individus pour les former d'abord et pour vivre une vie qui en vaille la peine ensuite

Tu dis ça comme si ce n'était pas essentiel. "Vivre une vie qui en vaille la peine", est-ce que ça n'inclut pas la relation aux autres, justement ? Et, sorti de tout ça, un "individu", c'est quoi ? Je veux dire, supprimons la vie avec les autres, il reste quoi ? Une bête sauvage ?

  jabial a dit :
vous pouvez les appeler "la société" si ça vous chante, mais prétendre que les individus sont une abstraction et que la société est une chose, c'est vraiment surréaliste.

Il ne s'agit pas de parler de la société (qui, si on la considère comme une collection d'individus, est tout autant une abstraction, d'ailleurs), mais des autres personnes avec lesquelles nous sommes chacun en relation.

Posté
  neuneu2k a dit :
Cela dit, même si l’individu ne préexiste pas nécessairement à la société, l’individu existe bien, pour le prouver, il suffit d’observer qu’un homme peut quitter sa communauté pour devenir un hermite ou en intégrer une autre.

La figure de l'hermite est encore une déclinaison de la robinsonade, qui renonce à toute vie sociale, à toute forme d'échange. Si l'homme est un animal politique, alors l'hermite n'est pas un homme au sens strict, il est une forme de vie intermédiaire entre l'être humain et la bête, et son existence solitaire est misérable. C'est probablement pour ça que les hermites sont rares. Tu en connais toi des hermites? :icon_up:

Pour l'autre exemple, un homme peut bien sûr changer de communauté, mais partant, il doit accepter de s'adapter à un autre mode de vie, d'autres règles sociales, us & coutûmes, autres moeurs & normes, une autre langue. Adoptant un genre de vie différent, c'est-à-dire d'autres modalités de relation avec autrui, il devra jouer un autre rôle (bien qu'étant toujours l'auteur de ses propres actions); et ne sera plus la même personne, puisque ces modifications affecteront sa personnalité.

Finalement en revient au point de départ : seuls existent des individus singuliers, qui en tant qu'individus, sont inégaux en tout point, et doivent s'adapter aux règles de vie en société pour s'affirmer et se faire une place.

Posté
  free jazz a dit :
Adoptant un genre de vie différent, c'est-à-dire d'autres modalités de relation avec autrui, il devra jouer un autre rôle (bien qu'étant toujours l'auteur de ses propres actions); et ne sera plus la même personne, puisque ces modifications affecteront sa personnalité.

Oui, ce n’est plus la même personne, mais c’est bien le même homme, le même individu.

  free jazz a dit :
Finalement en revient au point de départ : seuls existent des individus singuliers, qui en tant qu'individus, sont inégaux en tout point, et doivent s'adapter aux règles de vie en société pour s'affirmer et se faire une place.

Oui, donc ils existent, espèce de nominaliste.

Posté
  JIM16 a dit :

tiens, question magique: peut-on etre religieux et incroyant ?

Probablement…la réciproque doit être vraie…

J'étonne toujours quand j'explique que je pratique une religion sans clergé….

Invité jabial
Posté
  Luis a dit :
Je crois que tu es à côté de la plaque si tu le vois comme ça.

Appeller un chat un chat c'est être à côté de la plaque? Alterlibéral, parce qu'un autre libéralisme est posible?

  Citation
Tu dis ça comme si ce n'était pas essentiel.

Ben justement non. Je dis ça parce que c'est essentiel. Tu veux vivre sur une île toi?

  Citation
"Vivre une vie qui en vaille la peine", est-ce que ça n'inclut pas la relation aux autres, justement ?

Heuuuu… Tu as lu mon messages?

  Citation
Et, sorti de tout ça, un "individu", c'est quoi ? Je veux dire, supprimons la vie avec les autres, il reste quoi ? Une bête sauvage ?

Supprimons la vie avec les autres, c'est un peu comme supprimons la science : théoriquement c'est possible et ça rendrait la vie bien plus dure, mais en pratique c'est de la SF. C'est dans la nature des individus de vivre ensemble. Mais ça n'en fait pas des cellules interchangeables. La société n'est qu'une abstraction qui désigne les interactions nécessaires et indispensables entre individus, pas un corps supérieur destiné à se substituer au divin. Si tu veux communier, il y a la religion pour cela.

  Citation
Il ne s'agit pas de parler de la société (qui, si on la considère comme une collection d'individus, est tout autant une abstraction, d'ailleurs), mais des autres personnes avec lesquelles nous sommes chacun en relation.

Justement non, pas du tout. Aucun individualiste libéral n'a jamais déclaré que les individus étaient supposés vivre sur des îles désertes ; combattre l'individualisme, ce n'est pas attaquer cet homme de paille mais tout autre chose.

  free jazz a dit :
La figure de l'hermite est encore une déclinaison de la robinsonade, qui renonce à toute vie sociale, à toute forme d'échange. Si l'homme est un animal politique

La voilà l'erreur. L'homme n'est pas un animal politique, l'homme est un animal intelligent. Ce n'est pas un animal social au sens où les insectes sociaux le sont, ni un animal de meute comme les loups, ni un animal solitaire comme le sont les tigres ; c'est un animal tellement flexible et tellement intelligent qu'il n'est plus vraiment un animal.

  Citation
alors l'hermite n'est pas un homme au sens strict, il est une forme de vie intermédiaire entre l'être humain et la bête

Tu la veux l'image de propagande nazie? La déshumanisation d'une catégorie de personnes en général ce n'est pas un bon signe du tout en ce qui concerne le caractère sain d'une théorie. La meilleure forme d'organisation pour les hommes est une société où la plupart des gens vivent ensemble, auto-organisés parce que personne ne peut être assez intelligent pour construire a priori une organisation meilleure que le réseau qui se tisse par le lien naturel entre les individus librement formé et brisé. Mais ceux qui choisissent la dure vie solitaire n'en restent pas moins des hommes.

  Citation
Pour l'autre exemple, un homme peut bien sûr changer de communauté, mais partant, il doit accepter de s'adapter à un autre mode de vie, d'autres règles sociales, us & coutûmes, autres moeurs & normes, une autre langue. Adoptant un genre de vie différent, c'est-à-dire d'autres modalités de relation avec autrui, il devra jouer un autre rôle (bien qu'étant toujours l'auteur de ses propres actions); et ne sera plus la même personne, puisque ces modifications affecteront sa personnalité.

Tu as une vision sacrément bizarre de ce qui fait une personne. Il n'y a pas des jour où tu as l'impression de ne pas exister réellement? Je demande juste, hein.

  Citation
Finalement en revient au point de départ : seuls existent des individus singuliers, qui en tant qu'individus, sont inégaux en tout point, et doivent s'adapter aux règles de vie en société pour s'affirmer et se faire une place.

Heu…. Bien entendu.

Posté

Bon, franchement, je n'ai pas l'impression qu'il y ait vraiment une discussion, là, on est tous d'accord. Simplement, on voit mal ce que tu reproches à nono. Ce qu'il dit, c'est que le pur individu fantasmé par les théories politiques n'existe pas. Or, c'est bien souvent la base des collectivismes, de parler de l'Homme comme une abstraction.

Cf, au passage, le film de Soderbergh sur le Che, où celui-ci, une fois capturé, demande à son geôlier :

"En quoi crois-tu ?

- Je crois en Dieu.

- Moi, je crois en l'Homme."

Tout un symbole.

Quant à dire que l'homme est un animal politique, ça me paraît inévitable, dans le sens où la politique, au sens le plus large, est l'art de prendre des décisions cadrées qui vont influer sur la vie d'un groupe de personnes. Bien sûr, les libéraux croient que ce n'est pas la politique prise dans ce sens-là qu'ils conspuent la plupart du temps.

Invité jabial
Posté

Je pense au contraire avoir très, très bien compris ce qu'il voulait dire.

Posté
  neuneu2k a dit :
Cela dit, même si l’individu ne préexiste pas nécessairement à la société, l’individu existe bien, pour le prouver, il suffit d’observer qu’un homme peut quitter sa communauté pour devenir un hermite ou en intégrer une autre.

Ce que Nono met en avant est la question de l'identité : il n'y a pas de sujet pur antérieur à la vie sociale, contrairement à ce qui est postulé dans les fictions libérales.

L'immense majorité des questions auxquelles une personne fait face est liée à un héritage structurant qui lui préexiste : langage, éducation, histoire, problématiques sociales, politiques… Le fait même de se poser la question de quitter une communauté est lié à l'histoire de cette communauté intériorisée par la personne. Et quand vous quittez une communauté, vous emportez votre bagage avec vous.

Posté

Bon, il faut reconnaitre que Nono n' y a pas été de main morte tout de même:

  Nono a dit :
Un jour vous en reviendrez de votre blabla sur "l'individu", "la liberté de l'individu", "la volonté de l'individu". Surement le jour où vous découvrirez - comme l'on fait les générations qui vous ont précédé - que tout ça n'existe pas. Il n'y a pas un seul individu sur toute la surface de la Terre. (…)

Et "la liberté" ça n'existe pas non plus.

Maintenant, de là à dire s'il y a ou non matière à nonossage… IDK.

Il me semble (il rectifiera si je me trompe) qu'il avait dit qu'il n'était pas libéral à proprement parler, mais qu'il se sentait proche des idées libérales. Il serait peut-être judicieux de créer une catégorie intermédiaire entre "libéral" et "yabon nonosse"? Par exemple: "invité non libéral" ou "explorateur", ou quelquechose de ce style.

Posté
  neuneu2k a dit :
Oui, donc ils existent, espèce de nominaliste.

Je n'ai jamais prétendu le contraire. Les singularités existent, mais l'identité de l'individu générique, coupé de ses responsabilités et obligations sociales, est une fiction collectiviste et égalitariste, une étiquette bien collante qui sert à revendiquer des droits nouveaux. Une abstraction qui permet de justifier le droitdelhommisme et tout ce qui s'en suit en terme d'oppression politique.

  jabial a dit :
Si je savais que le débat individualisme/collectivisme aurait lieu sur liborg un jour… Bien sûr que les individus ont besoin d'autres individus pour les former d'abord et pour vivre une vie qui en vaille la peine ensuite ; vous pouvez les appeler "la société" si ça vous chante, mais prétendre que les individus sont une abstraction et que la société est une chose, c'est vraiment surréaliste.

Oui, mais en l'occurence, le débat est biaisé par un faux individualisme tiré d'un modèle géométrique, défendu par des constructivistes qui s'abritent derrière une façade mécaniste et atomiste. Ce faux individualisme qui s'appuie sur la fiction d'une robinsonade est le point de départ du socialisme moderne, tel qu'il fut initié par Rousseau. Au demeurant l'idée générale d'individu identique est une contradiction dans les termes, puisque chaque individu est une singularité unique. Ce que j'essaye de te faire comprendre, c'est que la conception pseudo rationaliste de l'individu que tu défends conduit tout droit au collectivisme.

Je te renvoie à l'article de Hayek sur "Vrai et faux individualisme":

http://www.catallaxia.org/wiki/Friedrich_A…_individualisme

  Citation
Il n'y a pas de terme politique qui en ait plus souffert que celui d"'individualisme". Non seulement a-t-il été réduit à une caricature méconnaissable par ses adversaires - et on devrait toujours se rappeler, à propos des idées politiques aujourd'hui passées de mode, que la plupart de nos contemporains ne les connaissent que par la description que leurs ennemis en font - Mais on l'a utilisé pour décrire des attitudes différentes vis-à-vis de la société, opinions qui ont aussi peu en commun entre elles qu'avec celles qu'on leur oppose traditionnellement.

Ce second courant de Pensée, de nature totalement différente, également connu sous le nom d' individualisme, est principalement représenté par les auteurs français et Continentaux. - Un fait dû, à mon avis, à l'influence dominante du rationalisme cartésien dans sa composition. Les Encyclopédistes, Rousseau et les physiocrates sont les représentants les plus éminents de cette tradition. Et cet individualisme rationaliste, pour des raisons que nous allons maintenant examiner, a toujours tendance à se transformer en l'opposé de l'individualisme, à savoir le socialisme ou collectivisme. C'est parce que la première forme d'individualisme est la seule qui ne soit pas contradictoire que je revendique pour lui l'exclusivité de ce titre, alors qu'il faut probablement considérer la seconde comme une source du socialisme au moins aussi importante que les théories expressément collectivistes [4].

Je ne peux donner de meilleure illustration que la confusion dominante quant au sens de l'individualisme que le fait que l'on présente couramment Edmund Burke, pour moi l'un des plus grands représentants de l'individualisme authentique, comme le principal adversaire de l"'individualisme" de Rousseau, dont il craignait que les théories ne dissolvent rapidement la communauté "dans la poussière la poudre de l'individualisme" [5]. Un autre exemple est que le terme même d"'individualisme" fut introduit dans la langue anglaise par les traductions de Tocqueville, un autre des grands représentants de l'individualisme authentique. Il l'utilise dans sa Démocratie en Amérique pour désigner une attitude qu'il déplore et rejette [6].

Quels sont, alors, les caractères essentiels du vrai individualisme ? La première chose qui doit être dite est qu'il s'agit d'abord d'une théorie sociale : un essai pour comprendre les forces qui déterminent la vie sociale de l'homme, et ensuite seulement un ensemble de principes politiques déduits de cette vision de la société. Ce fait devrait en lui-même suffire à refuser le plus sot des malentendus qui courent à ce sujet : l'idée suivant laquelle l'individualisme postulerait (ou fonderait ses arguments sur cette hypothèse) l'existence d'individus isolés ou autosuffisants, au lieu de partir de l'étude de gens dont la nature et le caractère sont déterminés par le fait qu'ils existent en société [7] . Si cela était vrai, l'individualisme n'aurait vraiment rien à apporter à notre compréhension de la société. Mais son postulat essentiel est en fait différent, à savoir qu'il n'existe aucun autre moyen de s'assurer des phénomènes sociaux que de comprendre les actions que les individus entreprennent vis-à-vis des autres, dans l'idée qu'ils se conduiront d'une certaine façon [8].

Cet argument s'attaque principalement aux théories proprement collectivistes de la société, qui se prétendent capables d'appréhender directement des formations sociales comme la société, etc., c'est-à-dire comme des entités en soi, qui seraient censées exister indépendamment des individus qui les composent. L'étape suivante de l'analyse sociale de l'individualisme est dirigée, elle, contre un pseudo-individualisme rationaliste qui ne conduit pas moins au collectivisme dans la pratique. Elle consiste à affirmer que nous pouvons découvrir, en examinant les effets combinés des actions individuelles, que bien des institutions sur lesquelles repose le propres humain sont apparues et fonctionnent sans qu'aucun esprit ne les ait connues ni ne les contrôle. Que, suivant l'expression d'Adam Ferguson, "Les nations se retrouvent face à des institutions qui sont bel et bien le résultat de l'action des hommes, sans être celui d'un projet humain" [9] et que la collaboration spontanée des hommes libres engendre souvent des résultats qui dépassent ce que leur cervelle d'individus pourra jamais entièrement saisir. C'est bien la grande idée de Josiah Tucker et Adam Smith, d'Adam Ferguson et Edmund Burke, la grande découverte de l'économie politique classique, qui est devenue la base de notre compréhension, non seulement de la vie économique mais de la plupart des phénomènes véritablement sociaux.

La différence entre cette vision des choses qui explique la plus grande part de l'ordre visible dans les affaires humaines, comme le résultat inattendu des actions individuelles, et l'autre vision qui attribue tout ordre observable à un dessein délibéré, est la première grande différence entre le véritable individualisme des penseurs britanniques et le prétendu individualisme de l'école cartésienne [10]. Mais ce n'est là qu'un des aspects de la différence bien plus vaste entre une vision des choses qui attribue dans les affaires humaines une faible part au rôle de la raison, qui affirme que l'homme est parvenu là où il en est malgré le fait qu'il n'est que partiellement guidé par la raison, et que sa raison personnelle est fort limitée et imparfaite, et une vision des choses qui postule que la Raison (avec un grand R) éclaire toujours parfaitement, avec la même intensité, tous les humains, que tout progrès de l'homme est le résultat direct de la raison individuelle et qu'il est donc soumis à son contrôle. On pourrait même dire que la première résulte d'une conscience aiguë des limites de l'esprit individuel, qui entraîne une attitude d'humilité face aux processus impersonnels et anonymes de la société, grâce auxquels les gens contribuent à créer des choses qui dépassent leur entendement, alors que la seconde est le produit d'une croyance excessive dans les pouvoirs de la raison individuelle, avec le mépris qui en découle pour tout ce qui n'a pas été consciemment élabore ou ce qu'elle ne peut pas entièrement expliquer.

L'approche antirationaliste qui considère l'homme non comme un être hautement rationnel et intelligent mais comme une créature bien irrationnelle et bien faillible, dont les erreurs individuelles ne sont corrigées qu'au sein d'un processus social, et qui cherche à tirer le meilleur parti d'un matériau fort imparfait, cette approche est probablement le trait le plus caractéristique de l'individualisme anglais. Son influence dans la pensée britannique me semble principalement due à la profonde influence de Bernard Mandeville, qui avait été le premier à formuler clairement cette idée [11].

(…)

Mais ce dont nous avons à traiter ici, c'est que cette opinion, quoiqu'elle passe aussi pour "individualiste", s'oppose complètement à l'individualisme authentique sur deux points décisifs. Il est parfaitement exact que pour le pseudo-individualisme "la croyance dans des formations sociales spontanées était logiquement impossible pour tout philosophe qui considère l'individu comme le point de départ et qui l'imagine formant des sociétés par des actes de volonté propre en s'unissant à d'autres par un contrat en bonne et due forme" [15] . Le vrai individualisme, au contraire, est la seule théorie qui puisse prétendre rendre intelligible l'apparition de formations sociales spontanées. Si bien que les théories sociales créationnistes mènent nécessairement à la conclusion qu'on ne peut faire servir les processus sociaux aux fins humaines qu'à condition de les soumettre au contrôle de la raison humaine individuelle, ce qui conduit directement au socialisme.

Alors que le vrai individualisme est, au contraire, d'avis que si les gens sont laissés libres, ils en feront souvent plus que ce que la raison humaine individuelle ne serait capable de planifier ou de prévoir.

(…)

Il est une autre formule trompeuse, que l'on utilise pour souligner un point important : c'est la fameuse supposition selon laquelle chacun est le meilleur juge de ses intérêts. Exprimée sous cette forme, une telle affirmation n'est ni plausible, ni nécessaire pour arriver aux conclusions de l'individualisme. Le vrai fondement de cet argument est que personne ne peut savoir qui est le meilleur juge, et que le seul moyen de le découvrir est de passer par un processus social dans lequel chacun a le droit d'essayer pour voir ce dont il est capable. L'hypothèse essentielle, là comme ailleurs, est que les talents et les aptitudes des gens sont infiniment variables, et que par conséquent chacun ignore la plus grande part de ce que savent tous les autres membres de la société pris ensemble. En d'autres termes, que la Raison humaine, avec un grand R, n'existe pas au singulier, comme a l'air de le croire l'approche rationaliste. On doit au contraire la concevoir comme un processus interpersonnel au cours duquel lequel la contribution de chacun est testée et corrigée par les autres. Cet argument ne suppose pas que tous les hommes soient égaux quant à leurs dons et capacités réels, mais seulement que personne n'est qualifié pour formuler un jugement définitif sur les capacités qu'un autre possède ou qu'on lui permettra d'exercer.

(…)

Je n'ai pas besoin de m'étendre sur ce premier point. Que le vrai individualisme affirme la valeur de la Famille, de tous les efforts communs de la communauté restreinte ou du groupe, qu'il croit aux libertés locales, et aux associations volontaires ; que son argument repose bel et bien sur l'idée que bien des fonctions pour lesquelles il est commun de réclamer l'action coercitive de l'État peuvent être mieux remplies par la coopération volontaire. Rien ne peut être plus opposé à ces conceptions que le pseudo individualisme : celui-ci veut dissoudre tous les groupes de taille inférieure pour obtenir des atomes qui ne tiennent ensemble que par les règles imposées de force par l'État, et cherche à rendre obligatoires tous les liens sociaux, au lieu de n'utiliser l'État que pour empêcher l'usurpation d'un pouvoir de contrainte par des groupes plus petits.

Invité jabial
Posté

Après la robinsonnade, le rousseauisme. Tu en as encore beaucoup des hommes de paille dans ce style?

Posté
  free jazz a dit :
Une abstraction qui permet de justifier le droitdelhommisme et tout ce qui s'en suit en terme d'oppression politique.

Que mets tu exactement derrière l’étiquette "droitdelhommisme" ?

  free jazz a dit :
Au demeurant l'idée générale d'individu identique est une contradiction dans les termes, puisque chaque individu est une singularité unique.

Qui ici a parlé d’individus identiques ?

Posté
  Sloonz a dit :
Que mets tu exactement derrière l’étiquette "droitdelhommisme" ?

Je l'ai défini avant : "une fiction collectiviste et égalitariste, une étiquette bien collante qui sert à revendiquer des droits nouveaux". Le droitdelhommisme est la prolongation socialiste des Droits de l'Homme, tels qu'ils furent posés par les utopistes libéraux des Lumières, en se basant sur une illusion cosmopolitique où l'individu doit être émancipé de sa communauté, de sa famille, des traditions, etc. L'expérience montre que le résultat cette utopie émancipatrice, c'est une destruction des liens sociaux spontanés, d'où l'accroissement des prérogatives de l'Etat, une perte d'autodiscipline, un affaiblissement de l'autonomie et de la volonté personnelles, au profit d'une revendication des droits individuels.

  Citation
Qui ici a parlé d’individus identiques ?

Nos amis atomistes.

  wikiberal a dit :
L'individualisme vise à ériger en norme suprême l'individu, quel qu'il soit. C'est-à-dire que l'individu forme une réalité autonome, particulière et distincte de toute communauté politique. (…)

L'individu est un être considéré comme une unité distincte, indépendante (un "in-dividu" ne peut être ni partagé ni divisé). (…)

Même les socialistes reconnaissent à présent le rôle primordial et l'importance qu'il faut donner à l'indivdu.

Pour le reste tout est expliqué dans l'article de Hayek ci-dessus.

Invité jabial
Posté
  free jazz a dit :
Je l'ai défini avant : "une fiction collectiviste et égalitariste, une étiquette bien collante qui sert à revendiquer des droits nouveaux". Le droitdelhommisme est la prolongation socialiste des Droits de l'Homme, tels qu'ils furent posés par les utopistes libéraux des Lumières, en se basant sur une illusion cosmopolitique où l'individu doit être émancipé de sa communauté, de sa famille, des traditions, etc. L'expérience montre que le résultat cette utopie émancipatrice, c'est une destruction des liens sociaux spontanés, d'où l'accroissement des prérogatives de l'Etat, une perte d'autodiscipline, un affaiblissement de l'autonomie et de la volonté personnelles, au profit d'une revendication des droits individuels.

+1 si tu ajoutes "faux" devant droits. Ce n'est pas la notion de droits individuels qui est mauvaise ; au contraire, elle est consubstantielle au libéralisme. Ce qui est mauvais c'est l'idée qu'il puisse exister des droits nécessitant le travail d'autrui.

  Citation
Nos amis atomistes.

Ben, heu, où ça?

  Citation
Pour le reste tout est expliqué dans l'article de Hayek ci-dessus.

Oui mais non :icon_up:

Posté
  free jazz a dit :
Nos amis atomistes.

Tu as vraiment une faculté hors du commun à ne pas comprendre ce que tes contradicteurs te disent et à en tirer des strawmen à la chaîne. :icon_up:

Posté
  Rincevent a dit :
Tu as vraiment une faculté hors du commun à ne pas comprendre ce que tes contradicteurs te disent et à en tirer des strawmen à la chaîne. :icon_up:

A moins que ce soit dû à ta courte vue, va savoir. La belle réaction d'indignation aux propos de Nono montrerait plutôt qu'il a mis le doigt sur un os, que Hayek a excellemment explicité.

Posté

Je verrais plutôt les atomiciens -farouchement anti-individualistes- dans le camp d'en face (excusez-moi pour ma banale binarité).

Là à faire de la sémantique…je suis sceptique et pas vraiment convaincu (je suis individualiste, pour les raisons que l'on reproche à l'atomisme, j'avoue me perdre)

Posté
  free jazz a dit :
Rien ne peut être plus opposé à ces conceptions que le pseudo individualisme : celui-ci veut dissoudre tous les groupes de taille inférieure pour obtenir des atomes qui ne tiennent ensemble que par les règles imposées de force par l'État

Si tu montrais explicitement qui a défendu cette vision de l’individualisme ici, par des citations précises, au lieu de critiquer un soi-disant droitdelhommisme créateur de faux droits qui serait défendu par des libéraux ici présent sans aucun autre fondement que ta vague impression ? Personnellement, je n’ai rien vu de tel.

Je crois que tu n’as pas vu une chose (enfin, si, mais que tu t’es emballé un peu trop rapidement): Hayek aussi, dans le texte que tu cites, défendait l’individualisme, et aurait probablement sursauté à la lecture de "l’individu n’existe pas". S’il savait que son texte serait utilisé pour défendre l’assertion selon laquelle "l'individu", "la liberté de l'individu", "la volonté de l'individu" sont du pipeau, je pense qu’il se retournerait dans sa tombe. Ça en fait un méchant droitdelhommiste ?

Question subsdidiaire, que je me pose après avoir lu passivement ce forum pendant quelques mois : à t’en croire, le pragmatisme, l’idéalisme, le bouddhisme, l’athéisme, le féminisme, les droits de l’homme, 1789, le rationalisme, le mysticisme et maintenant l’individualisme (qui est nécessairement rousseauiste chez tous ses défenseurs, on dirait, à voir ta réaction) sont tous des formes de socialisme (j’en oublie sûrement). Qu’est-ce qui ne mène pas au socialisme, au juste, selon toi ? (je ne demande pas ça méchamment, c’est une vraie question)

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