Taishar Posté 1 décembre 2010 Signaler Posté 1 décembre 2010 C’est un triste tableau que dépeint l’Union Syndicale des Magistrats (USM) dans son livre blanc consacré à l’état de la justice en France. Se livrant à une approche très pragmatique des conditions d’exercice de la justice en France, l’USM pointe sans ménagement les insuffisances budgétaires qui nuisent à l’indépendance et à l’autorité de l’institution. Pour en savoir plus. (et pour ceux que ça intéresse, j'ai le document en entier en pdf). Au-delà du constat, quelles sont vos solutions pour "améliorer" l'état de la justice française ?
F. mas Posté 2 décembre 2010 Signaler Posté 2 décembre 2010 Pour en savoir plus.(et pour ceux que ça intéresse, j'ai le document en entier en pdf). Au-delà du constat, quelles sont vos solutions pour "améliorer" l'état de la justice française ? Il me semble que couper le cordon entre le parquet et le ministère public serait déjà une grande avancée. Confier au procureur, qui dépend hiérarchiquement de l'autorité politique, la sauvegarde des libertés fondamentales est une spécificité bien française qui nous a encore valu une condamnation de la cour européenne des droits de l'homme, pour qui il n'y a pas de séparation des pouvoirs réelle dans ce pays. Et en matière de ratiocinations juridiques, je leur fais confiance, aux juges de Strasbourg.
Invité Arn0 Posté 2 décembre 2010 Signaler Posté 2 décembre 2010 Il me semble que couper le cordon entre le parquet et le ministère public serait déjà une grande avancée. Entre les magistrats du siège et du parquet tu veux dire ?
F. mas Posté 2 décembre 2010 Signaler Posté 2 décembre 2010 Entre les magistrats du siège et du parquet tu veux dire ? Je me suis exprimé un peu vite : je pense que la magistrature, en particulier le parquet, dépend beaucoup trop du pouvoir politique : leur rôle est énorme, et la marge de manoeuvre de leur hiérarchie est telle que toutes ses actions sont entachés du soupçon d'être dépendant du fait du prince (y compris quand le ministère public intervient à bon escient dans une affaire pénale ou civile). Il n'y a pas de relations de dépendance hiérarchique entre siège et parquet (ils sont statutairement similaires en fait), donc, non ce n'est pas exactement ce que je voulais dire. Ceci étant dit, la critique que j'adresse au ministère public peut tout à fait convenir au magistrats de siège. Il me parait seulement plus urgent de régler nos problèmes avec les pouvoirs énormes du procureur, notamment dans toutes les affaires qui touchent au terrorisme (et qui me paraissent démentiels).
h16 Posté 2 décembre 2010 Signaler Posté 2 décembre 2010 Entre les magistrats du siège et du parquet … … il y a les magistrats des roulettes. C'est un siège à roulette. C'est pratique, sur le parquet. Ça roule bien.
Invité jabial Posté 2 décembre 2010 Signaler Posté 2 décembre 2010 Sur le budget de la justice, je suis pleinement en accord avec l'USM. Il y a vraiment peu de choses qui sont aussi prioritaires dans ce pays.
Lameador Posté 5 décembre 2010 Signaler Posté 5 décembre 2010 J'avoue ne pas être d'accord La justice ne rend de comptes à personne, et surtout pas à l'électeur. Elle est au dessus des lois et phagocyte le pouvoir législatif. Les contraintes budgétaires sont de facto le seul contrepouvoir face à cette pieuvre Quant à la surcharge de travail des magistrats et à leur manque de moyens, ils sont à mettre en face du caractère bureaucratique de l'organisation. Toute organisation bureaucratique qui dispose d'un réservoir de force de travail (les soirées des magistrats entre 18h et 23h, qui suivent leurs journées deja remplies de 9h à 18h), d'une autonomie d'organisation et d'une absence de pression sur les résultats va auto-générer par elle même des procédures, taches, méthodes qui vont remplir les marges de capacité de travail disponibles. C'est valable dans toutes les administrations (on crée de nouveaux formulaires pour occuper à plein les employés chargés de les traiter), les services IT des grands groupes (insérez vos histoires de projet bidon destiné à occuper les gens), les services administratifs de la SNCF et … la justice. Les magistrats sont des gens brillants, à la capacité de travail souvent colossale et qui sont à l'aise avec des journées de 10-12 heures. Mais si vous leur retirez 1/3 des affaires, ils seront TOUJOURS autant surchargés, en approfondissant par exemple les affaires qui leur resteront. Inutile de rajouter de l'argent dans ce puits sans fonds. Je vais donner deux exemples concrets : * lorsque le plaider coupable a été introduit, les magistrats ont été vent debout contre cette innovation qui pouvait oter jusqu'à 1/3 de leur charge de travail * lorsque les JAPs doivent faire le point avec les détenus, ils demandent régulièrement à deux policiers d'escorter un détenu depuis son établissement pénitentiaire vers le bureau du juge et vice versa. Un peu comme si les policiers s'ennuyaient et n'avait rien d'autre à faire. Le juge peut pas bouger son c… . Voire mieux découvrir la vidéoconférence ? Tout cela est bien évidemment payé sur le budget de la justice qui "manque de moyens". Donc non, il n'y a pas de manque de moyens, juste un manque d'efficacité.
F. mas Posté 5 décembre 2010 Signaler Posté 5 décembre 2010 Lameador : Que la justice me semble ne pas devoir répondre devant le pouvoir élu, qu'il en conteste la toute puissance, ça me paraît une bonne chose. Après tout, soustraire les droits fondamentaux à la versatilité du suffrage majoritaire est un des principes sur lequel tous les libéraux peuvent tomber d'accord. Maintenant, je suis d'accord avec toi, garantir l'indépendance de la justice en l'intégrant à l'administration publique tend à lui en transférer ses caractéristiques les plus détestables, à savoir se faire seule juge de sa propre efficacité. Et comme telle, ses participants ont tout intérêt à ce que l'Etat injecte de l'argent pour que l'institution prospère tout en évitant de trop grandes prises de risques (c'est à dire en multipliant les rétributions à tous les échelons bureaucratiques plutôt que par exemple en matière de délits financiers). Il y a donc sans doute mauvaise gestion du budget de la justice, qui est pour moi lié à son institutionnalisation bureaucratique (par exemple, l'assouplissement du recrutement des juges, l'encouragement à l'arbitrage et ce genre de choses devraient être sujet à débat).
Invité jabial Posté 5 décembre 2010 Signaler Posté 5 décembre 2010 J'ai énormément oscillé sur la question de la justice en démocratie. Et de fait, c'est une question extrêmement compliquée. Quand on ouvre ce dossier, on déroule un véritable fil d'Arianne inversé qui conduit non pas à vers l'extérieur mais vers l'intérieur d'un labyrinthe où il est très facile de se perdre. Quand la justice est dépendante du pouvoir exécutif, qui correspond à un groupe restreint dirigé par un chef unique, c'est la tyrannie, où un homme, le chef de l'exécutif, est en mesure de contrôler aussi le pouvoir judiciaire. Il faut donc que la justice soit indépendante de l'exécutif. Quand la justice est dépendante du pouvoir législatif, on se retrouve dans une situation où une oligarchie, celle des hommes politiques, est en mesure d'assurer son impunité, créant une justice à deux vitesses. Il faut donc que la justice soit indépendante du législatif. Quand la justice est dépendante du peuple (juges élus pour un mandat court), c'est alors un risque tout aussi grave qui se fait sentir : une bonne campagne de presse, et on fait condamner un innocent ou bien innocenter un assassin. Mais pour autant, les juges sont des hommes, et pas plus que les autres pouvoirs (législatif ou exécutif) ils ne tiennent leur légitimité d'eux-mêmes, de leurs compétences et de leur savoir. Ça ne suffit pas en démocratie. Il faut donc qu'à un moment ou à un autre il y ait un contrôle. Le contrôle de qui, comment ? Mon opinion actuelle est que le meilleur système serait l'élection des juges de première instance: - parmi les titulaires d'un diplôme juridique suffisant (disons bac+4) ayant exercé au moins 10 ans - pour un mandat long (disons 15 ans) - avec des scrutins par nom et non par liste - l'interdiction des affiliations politiques - et surtout au niveau local, avec des scrutins décalés d'une région à l'autre afin d'éviter à tout prix un effet politique national Les juges de seconde instance pourraient être élus par les juges de première instance pour une durée de 15 ans qui interromprait immédiatement leur mandat en cours, et les juges suprêmes (cour de cassation et équivalents européens) seraient élus à vie parmi les juges de seconde instance. À l'heure actuelle, nous avons une politisation croissante de la fonction judiciaire, avec des nominations politiques dans les instances supérieures (notamment à la Cour Suprême des USA), et une volonté de plus en plus forte de juger en équité, ce qui n'est pas forcément un mal en soi, mais qui signifie un rééquilibrage des pouvoirs qui nécessite aussi des poids et contrepoids.
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