free jazz Posté 28 août 2013 Signaler Posté 28 août 2013 Drake a une interprétation darwinienne, celle de F.mas est marxienne, les deux sont convaincantes et bien étayées pour expliquer la servitude volontaire. Je vous proposerai la synthèse de Pareto & Gustave Le Bon.
Rübezahl Posté 28 août 2013 Signaler Posté 28 août 2013 Pas trop de remarques sur le wall of text précédent. Un point quand même : Hitler s'appuie sur les masses pour gouverner, il en est la représentation vivante. Pour ce que mes lectures m'en disent, Hitler n'est certainement pas la représentation vivante des masses. L'époque des débuts d'Hitler est coincée entre plusieurs peurs, dont celle du communisme. Hitler, avec ses milices très fournies en homme, se présente comme un "rempart" contre le communisme. Mais, c'est par la peur, par l'agitation de ses milices, par leurs coups extrêmement brutaux, que Hitler s'impose. Pas parce qu'il serait une représentation vivante des masses. Un autre point. Notre époque est moins dans la brutalité que des époques antérieure. L'arme des dirigeants c'est le mensonge et le boniment (qui auront toujours des clients). A cet égard, un bon prisme pour analyser la société, c'est le prisme de la société du spectacle de Debord. Perso je trouve que ce prisme explique/décrit assez bien la société 1970-aujourd'hui, et qu'il contient une part de l'explication du résultat actuel. L'état est devenu de facto une religion dans beaucoup de pays. Après avoir joué le raisonnable/rationnel juste après avoir succédé à l'église, son évolution le conduit à reprendre exactement les mêmes chemins. ça fait plusieurs années que nos ministres ne font rien d'autre que du chamanisme et de l'incantatoire. La cravate a remplacé les plumes, mais c'est 100% pareil. L'église s'est écroulée, faut pas désespérer, l'état finira peut-être pareillement. L'état moderne est un mensonge/spectacle largement financé par l'endettement et l'ignorance. Le tarissement de ses 2 sources va lui poser souci. C'est pour cela que la guerre de l'information, de l'open-data est ama très importante. C'est pour cela que le gros champ de bataille aujourd'hui, c'est internet. L'enjeu majeur c'est d'arriver à comprendre que nous pouvons parfaitement nous gouverner seuls, sans un état pléthorique et sans des millions d'élus. Faut évidemment pas compter sur ces intermédiaires imposés pour nous aider. Cette immense bascule pyramide -> bottom-up est clairement un combat (qui sera sans doute long) pour les vrais libéraux.
Tremendo Posté 28 août 2013 Signaler Posté 28 août 2013 Oups. Je m'aperçois que je viens de pondre un wall of text. Je continuerai plus tard histoire de décompresser et d'affiner. Désolé. Contrepoints?
Serpico Posté 28 août 2013 Signaler Posté 28 août 2013 @Vincent Andrès J'approuve très globalement. Cependant, même si la décadence de l'Eglise est très forte aux alentours du XIII/XIV/XVe siècles, je ne la confondrai pas avec l'Etat, entendu comme autorité politique s'exercant de manière absolue et souveraine sur un territoire donné. Et c'est là que nous, en tant que libéraux, ne sommes pas seuls. Je veux dire par là que le christianisme a énormément apporté à l'Homme. L'Eglise a été le vecteur de la transmission des connaissances antiques, avait un système judiciaire tout bonnement excellent en comparaison avec la justice privée, puis royale. Elle est à l'origine de nombreux concepts tels que la laïcité comme liberté de croyance sans interférence de la part d'une contrainte extérieure, mais aussi de l'inaliénabilité de la conscience humaine, chère aux libéraux, cette idée fondamentale que tous les hommes sont égaux entre eux et on ne saurait atteindre à leur liberté. Pour l'Eglise, si tous les hommes sont égaux devant Dieu, si chaque être humain est titulaire d'une conscience morale inviolable, chaque fois qu'on prend une décision, il faut l'associer. C'est le fondement de l'idée démocratique, exprimée au Moyen Age par un adage : « Quod omnes tangit, ab omnibus tractari et approbari debet » (Ce qui concerne tous doit être approuvé par tous). D'où le développement d'une démocratie décentralisée, fondée sur les corps intermédiaires. Autrement dit, si la Cité est trop grande, on en arrive forcément à la production "d'élites", d'élus, et ce qui s'en suit. Ainsi, on peut parler de "combat", mais, et je rejoins une phrase d'un des mails que j'ai échangé avec h16, je pense sincèrement qu'avec l'explosion des technologies informatiques, et à travers elles les réseaux sociaux, nous pouvons rendre goût à tous ceux qui aspirent à la liberté. Même s'ils ont baigné dans l'étatisme depuis longtemps. Je ne sais pas si vous vous en rendez encore compte, mais je vous le dis en tant que jeune libéral/libertarien, vos idées ont une grande puissance intellectuelle.
F. mas Posté 28 août 2013 Signaler Posté 28 août 2013 Ce que je dis n'est pas publiable en l'état, ça manque de précision et de sources. Je développerai plus tard. Quelques remarques rapides cependant. Drake : ce que tu dis m'intéresses beaucoup, et a occupé mon esprit pendant longtemps (en ce qui concerne la persistance des qualités naturelles dans l'exercice du pouvoir). Mon opinion peut se résumer ainsi : l'administration rationnelle du pouvoir, comme d'ailleurs dans le domaine militaire, vise à faire l'économie des vertus humaines tout en conservant l'efficacité de l'organisation sociale. L'invention du gouvernement représentatif + la révolution industrielle + les deux guerres mondiales = accroissement du rôle politique de l'administration, effacement de certaines qualités naturelles propres aux individus au profit d'autres (capacités cognitives et virtus au sens de Machiavel). On passe du mal alpha naturellement doté pour le commandement à François Hollande et sa horde de bureaucrates. Vincent : si Hitler ne s'appuyait que sur la crainte de ses sujets, il ne serait pas resté en place aussi longtemps. J'évoquais essentiellement la façon dont il envisageait son rôle : se faire la caisse de résonnance du peuple allemand. Etre en quelque sorte la représentation vivante, organique de son peuple là où le parlement s'éternisait en vaines palabres entre factions et intérêts (cf les critiques de Schmitt et Hayek sur le sujet). Serpico : je parlais de l'idée de nation en général, pas celle révolutionnaire du 19e fondée sur le principe de l'autodétermination. On en parle avant le printemps des peuples.
Rübezahl Posté 28 août 2013 Signaler Posté 28 août 2013 le christianisme a énormément apporté à l'Homme. L'Eglise a été le vecteur de la transmission des connaissances antiques, avait un système judiciaire tout bonnement excellent en comparaison avec la justice privée, puis royale. L'église N'EST PAS le christianisme. Plein de gens se comportent spontanément de manière chrétienne (sans même connaitre le mot). Chrétien pourrait aussi bien être l'adjectif décrivant ce comportement. Bref, y a aussi du captage. L'église prétend se placer comme corps intermédiaire ... que chacun appréciera. (exactement comme notre saloperie d'étamoderne). Quant au système judiciaire excellent ... 4 siècles d'inquisition me laissent circonspect. avec l'explosion des technologies informatiques, et à travers elles les réseaux sociaux, nous pouvons rendre goût à tous ceux qui aspirent à la liberté. Même s'ils ont baigné dans l'étatisme depuis longtemps. C'est possible. Mais l'autre mouvement du ciseau (sans doute plus important), c'est la non-pérennité de l'étamoderne actuel. Et cette non-pérennité devient de plus en plus compliquée à dissimuler. L'empilement de mensonges devient un château de cartes.
Serpico Posté 28 août 2013 Signaler Posté 28 août 2013 F.Mas : Donc, si j'ai bien compris ton avis, l'administration a un rôle quasiment politique. Je parle de l'administration comme étant toute la partie publique au service du 1er ministre, et par extension le gouvernement. C'est à dire : les préfets, mais également tous les bureaucrates. Bref, une fonction de l'Etat qui est chargée d'appliquer les lois et d'assurer la continuité des services publics. Si c'est bien le cas, je ne peux qu'approuver également. En effet, la seule permanence qu'il y ait eue, globalement, durant les IIIe et IVe Républiques en France fut celle de l'administration. Son inertie/immobilisme ont permis au pays de continuer à fonctionner malgré la très forte instabilité gouvernementale, qui est de l'ordre d'un gouvernement tous les 7 mois je crois. Edit : @Andrès : - l'Eglise ne prétend pas se placer en corps intermédiaire, elle estime que c'est un meilleur mode de gouvernement qu'un Etat jacobin tel qu'on le connaît aujourd'hui. - D'où mon avertissement très explicite sur la décadence de l'Eglise, puis de l'Eglise catholique à sa suite. La justice ecclésiastique est excellente. Je peux te fournir nombre d'exemples. Quant à ton dernier paragraphe, j'ai pas de commentaire à faire
F. mas Posté 28 août 2013 Signaler Posté 28 août 2013 Quant au système judiciaire excellent ... 4 siècles d'inquisition me laissent circonspect. Hum. C'est pourtant le tribunal de la Sainte inquisition qui est à l'origine de la tradition juridique continentale, qui vaut bien celle de common law en bien des aspects...
Drake Posté 28 août 2013 Signaler Posté 28 août 2013 Je rappelle l'enjeu initial de la discussion pour ne pas trop s'en éloigner : l'explication de la mystique égalitariste des régimes démocratique. J'ajouterais à l'analyse historique de F. mas et à tout ce qui vient d'être dit un élément beaucoup plus basique et terre à terre (esquissée dans ce fil, pardon de ma citer : http://www.liberaux.org/index.php/topic/50991-phtonos-et-déchaînement-des-passions-égalitaires/?p=889176 ) mais sans doute pas marginal : la sociale-démocratie comme forme institutionnalisée de développement et de contrôle du phtonos. Le pouvoir doit arbitrer entre d'un côté l'exaltation des passions populacières et le recueil du bénéfice politique d'un corps social travaillé par l'envie et le ressentiment envers toutes les têtes qui dépassent du troupeau et de l'autre l'endiguement d'un réel élan révolutionnaire et de jacqueries sporadiques déstabilisatrices qui naîtraient de ce ressentiment poussé à l'excès. Une partie de la mystique égalitariste est donc de pure façade: elle ne doit évidemment pas s'exercer aux dépends des privilèges de l'oligarchie politico-administrative et de ses amis et alliés. Une partie du discours égalisateur canalise l'envie vers des zones où elle est neutralisée car sans enjeux véritable de réallocation de ressources.
Serpico Posté 28 août 2013 Signaler Posté 28 août 2013 De plus, c'est la justice ecclésiastique, avec la Rote au Vatican, qui a réintroduit la notion d'appel après la chute de l'Empire. C'est déjà une très bonne garantie. De plus, pas d'ordalies, pas de peine de sang, pas d'arrestation arbitraire. On peut, vraiment, multiplier les exemples.
F. mas Posté 28 août 2013 Signaler Posté 28 août 2013 Serpico : la tête de l'administration publique, c'est le pouvoir exécutif, qui a son histoire propre et est le lieu de la souveraineté politique (la décision déduite de rien, cf Freund) dans les nations occidentales contemporaines. On pourrait reconsidérer toute l'histoire de la modernité en Occident sous l'angle de sa reconnaissance, son émergence, son autonomisation et son triomphe sur le législatif et le judiciaire.
F. mas Posté 28 août 2013 Signaler Posté 28 août 2013 Je rappelle l'enjeu initial de la discussion pour ne pas trop s'en éloigner : l'explication de la mystique égalitariste des régimes démocratique. J'ajouterais à l'analyse historique de F. mas et à tout ce qui vient d'être dit un élément beaucoup plus basique et terre à terre (esquissée dans ce fil, pardon de ma citer : http://www.liberaux.org/index.php/topic/50991-phtonos-et-déchaînement-des-passions-égalitaires/?p=889176 ) mais sans doute pas marginal : la sociale-démocratie comme forme institutionnalisée de développement et de contrôle du phtonos. Le pouvoir doit arbitrer entre d'un côté l'exaltation des passions populacières et le recueil du bénéfice politique d'un corps social travaillé par l'envie et le ressentiment envers toutes les têtes qui dépassent du troupeau et de l'autre l'endiguement d'un réel élan révolutionnaire et de jacqueries sporadiques déstabilisatrices qui naîtraient de ce ressentiment poussé à l'excès. Une partie de la mystique égalitariste est donc de pure façade: elle ne doit évidemment pas s'exercer aux dépends des privilèges de l'oligarchie politico-administrative et de ses amis et alliés. Une partie du discours égalisateur canalise l'envie vers des zones où elle est neutralisée car sans enjeux véritable de réallocation de ressources. Rien à ajouter sur ce point là. Nous sommes d'accord;
Rübezahl Posté 28 août 2013 Signaler Posté 28 août 2013 Vincent : si Hitler ne s'appuyait que sur la crainte de ses sujets, il ne serait pas resté en place aussi longtemps. Mais si, mais si. Et d'ailleurs l'échec du complot des généraux, pourtant à la toute fin de la guerre (20/7/1944) en est une triste illustration. https://fr.wikipedia.org/wiki/Complot_du_20_juillet J'évoquais essentiellement la façon dont il envisageait son rôle : se faire la caisse de résonnance du peuple allemand. Etre en quelque sorte la représentation vivante, organique de son peuple là où le parlement s'éternisait en vaines palabres entre factions et intérêts (cf les critiques de Schmitt et Hayek sur le sujet). oui, d'accord avec ce point. C'est bien la fable/spectacle qu'Hitler aimait raconter. Il a quand même éprouvé le besoin de former une armée privée, et bastonnante en permanence, de dizaines de milliers d'hommes armés. L'adhésion "spontanée" du citoyen dans ces conditions (avec l'épouvantail communiste de l'autre) cherchant un messie pour l'incarner ... Nos minustres aussi nous abreuvent quotidiennement de leurs délires qui n'ont quasiment aucun rapport avec la réalité.
Drake Posté 28 août 2013 Signaler Posté 28 août 2013 Drake a une interprétation darwinienne, celle de F.mas est marxienne, les deux sont convaincantes et bien étayées pour expliquer la servitude volontaire. Je vous proposerai la synthèse de Pareto & Gustave Le Bon. Pour Pareto, tu fais allusion à sa théorie des élites dans le Traité de sociologie générale, ou à des écrits plus généraux?
Serpico Posté 28 août 2013 Signaler Posté 28 août 2013 F.Mas : et c'est particulièrement vrai, du moins en France, pour les régimes en fin de vie. Ainsi la montée de l'exécutif à la fin de la IIIe République avec les décrets-lois, ainsi la remontée de l'exécutif avec les lois-cadres de la IVe. De même pour l'Empire Romain d'Occident. Cependant, je ne trouve pas la même continuité avec la Ve République. En effet, à son introduction en 1958, De Gaulle avait des pouvoirs bien plus étendus que maintenant. J'essaie de trouver un lien avec la mystique égalitariste des régimes démocratiques. Le culte de la personnalité primaire ne me semble pas totalement recevable, puisque nous avons Hollande à la plus haute magistrature. Cependant, les histoires actuelles avec Valls semblent reprendre ce concept. Du moins, c'est ce que j'entends en permanence quand je passe ma demie-heure quasi-quotidienne dans le métro à écouter les inconséquents parler. Après, on peut supposer que cela découle des modalités du scrutin établies en Occident. Le concept "un homme - une voix". Couplé au ressentiment des têtes qui dépassent, ça peut facilement mener à l'organisation de groupes de pressions. D'où la résurgence d'un seul homme pseudo-providentiel censé apporter rapidement des solutions, et ceci au détriment d'une assemblée, trop impersonnelle. Ca découle peut-être également du fait majoritaire propre à la Ve République. Edit : en fait, j'en reviens au culte du chef. Si quelqu'un a de meilleures idées que mes ineptes contributions :3
Rübezahl Posté 28 août 2013 Signaler Posté 28 août 2013 Je rappelle l'enjeu initial de la discussion pour ne pas trop s'en éloigner : l'explication de la mystique égalitariste des régimes démocratique. ok. Je reformule ce que je crois avoir d'ailleurs déjà plus ou moins lu ici. Du point de vue du détenteur du pouvoir, l'égalitarisme, l'uniformité est bien sûr un instrument de conservation du pouvoir. Laisser s'exprimer la diversité, au sens darwinien, c'est augmenter le risque de voir naitre des sujets résistants. A l'inverse, cloner c'est s'assurer que la population soumise transmet bien son caractère de soumission de génération en génération. Il est d'ailleurs amusant de voir comment, en parallèle à l'uniformisation de fond de la population normale (le centre de la distribution statistique) , se multiplient les signes ostentatoires d'une fausse diversité de surface (purement spectaculaire au sens Deborgien). Au plus on est concrètement soumis/uniformisé (... et on se retrouve dans les mêmes queues à mendier les mêmes trucs), au plus pour compenser aux yeux de tous, on se fait tatouer/clouer un machin ultra-super original. Le spectacle est devenu une véritable industrie (industrie de cache-misère, mais industrie quand même).
Ventura Posté 28 août 2013 Signaler Posté 28 août 2013 Il est d'ailleurs amusant de voir comment, en parallèle à l'uniformisation de fond de la population normale (le centre de la distribution statistique) , se multiplient les signes ostentatoires d'une fausse diversité de surface (purement spectaculaire au sens Deborgien).Au plus on est concrètement soumis/uniformisé (... et on se retrouve dans les mêmes queues à mendier les mêmes trucs), au plus pour compenser aux yeux de tous, on se fait tatouer/clouer un machin ultra-super original. Le spectacle est devenu une véritable industrie (industrie de cache-misère, mais industrie quand même). Si beaucoup de gens s'en contentent, ça veut peut-être dire qu'on touche là le point de liberté optimale auquel beaucoup de gens aspirent et dont ils se satisfont. My two cents dans ce débat ô combien intéressant. Pour l'instant je souscris aux trois analyses exposées par FJ, F.Mas et Drake
Rincevent Posté 28 août 2013 Signaler Posté 28 août 2013 De ce passé ont émergé deux éléments du psychisme humain qui nous intéressent ici : la soumission naturelle à l’autorité du chef de horde (ou l’évidence de la présence du chef) et l’hostilité à l’étranger, i.e. à toute personne n’appartenant pas à son groupe, son ethnie ou sa race. Cette hostilité est attestée par la tendance innée de l’humanité à se diviser en camp (« nous et eux ») ainsi qu’à développer des stratégies plutôt égalitaires et altruistes au sein d’un groupe, mais hiérarchisantes et conflictuelles vis-à-vis d’un autre groupe.Vrai, mais l'autorité du chef de horde était-elle si absolue que tu nous la dépeint ? J'en doute. Ceci dit, un article, un article pour CP ! Mon explication est plus conventionnelle. Elle est essentiellement historique et économique (ce qui ne veut pas dire qu'elle soit incompatible avec celle de Drake).Un article, un article pour CP !
Chitah Posté 29 août 2013 Signaler Posté 29 août 2013 Aviez-vous lu cet article d'Atlantico : http://www.atlantico.fr/decryptage/espece-humaine-continue-evoluer-elle-fait-meme-mieux-et-plus-vite-henry-lumley-813190.html. Je me souviens l'avoir apprécié.
Chitah Posté 29 août 2013 Signaler Posté 29 août 2013 F.mas, ce n'est pas une question piège, mais tu décris deux phénomènes, la professionnalisation de la politique et l'accroissement de la taille de la bureaucratie, ce sont des phénomènes parallèle ou l'un en particulier alimente l'autre?
F. mas Posté 29 août 2013 Signaler Posté 29 août 2013 Je dirais deux phénomènes parallèles, qui ont fini par se rejoindre : quand l'administration publique prend son essor fin 19eme, la politique (les organes élus) est encore en voie de professionnalisation, et les partis politiques, notamment en France, n'existent pas encore, ou n'ont pas encore le degré de perfectionnement qu'on leur connait aujourd'hui (cf Rosanvallon et J Rohr par ex). La professionnalisation de la politique commence donc par souci de maîtriser l'extension du suffrage universel (l'exigence démocratique d'égalité politique entre citoyens qui ne cesse d'étendre le suffrage à de nouvelles classes d'individus entraîne du désordre et de l'incertitude politique que les appareils politiques chercheront à maîtriser pour s'assurer la conquête et le maintien au pouvoir). Pendant longtemps, la professionnalisation de la politique est assez close sur elle-même (qu'on garde en tête par exemple le personnel politique de la IIIeme république, celle des notables et des professeurs, ou encore l'existence des appareils politiques faisant le promotion de leurs propres militants) sans nécessairement devoir régler son pas sur celui des administrations. En parallèle, l'administration publique ne cessera de s'accroître pour finir comme l'un des principaux groupes de pression pesant sur la décision politique. Historiquement, à la louche, je dirais que ce moment se répand partout en Europe à peu près au moment de la crise de 29 (la crise et la généralisation des solutions du New deal, avec après le coup de boost de la WWII). Burhnam écrit en 41 sur la Managerial revolution qu'il voit à l'oeuvre partout dans les sociétés occidentales et qui va en quelque sorte constater l'inversion des rapports hiérarchiques entre politique et administrateur (mais qu'on pense à d'autres auteurs qui écrivent à peu près au même moment comme Hayek sur la route de la servitude, Orwell 1984 ou de Jouvenel sur le pouvoir). Les politiques sont des dilettantes, des démagos et des mecs qui restent 5 ans maxi au pouvoir là où les administrateurs sont des experts, qui font carrière et peuvent donc envisager des projets à long terme (c'est toute l'histoire de la construction de l'UE !). De plus en plus, l'efficacité de la décision politique devient tributaire d'une multitude de bureaucraties, de règles et de réglementations publiques qui vont changer le profil pro des politiques. Cette dernière classe va s'adapter à un nouvel environnement en recrutant directement via l'administration publique (mais aussi privée). On voit ça partout en Europe notamment en GB et en France (qu'on pense à la première façon d'envisager la constitution de la 5eme par de Gaulle lui-même : un exécutif fort, et des ministres qui ne sont en fait que des haut fonctionnaires destinés à mettre en place la politique du président). Et puis il va y avoir en France, notamment à cause de l'arrivée de Mitterrand au pouvoir (qui évitera au pays le phénomène de dérégularisation qu'on observera aux USA et en GB oh joie ! l'explosion de la fonction publique territoriale via les lois de décentralisation! ), des réformes sur le financement des partis politiques et de la coupure toujours plus prononcée élites/peuple, une expansion plus importante du poids de l'administration publique, qui à mon avis expliquent en grande partie ce que j'appelle l'internalisation française de la politique à la bureaucratie publique. Plutôt que de s'emmerder à recruter des profils politiques adaptés aux usages des administrations publiques, on recrute directement via ces administrations en court-circuitant les réseaux de recrutement traditionnels (militantisme, sauf militants impliqués dans le parapublic). Aujourd'hui, le personnel politique vieillissant, pour assurer ses arrières ou sa continuité, préfère directement recruter via les grandes écoles des experts intégrables dans le micmac public, produisent des réformes assez similaires entre elles parce que pondues par les mêmes types et qui doivent répondre aux mêmes contraintes bureaucratiques. Il doit faire risette aux mêmes groupes d'intérêts que sont les administrations publiques s'il veut que ses décisions aient un semblant d'efficacité en dehors de ses ministères. C'est là où professionnalisation et bureaucratie se rejoignent. Sinon pour finir sur le cas français : je crois qu'il serait intéressant de voir à quel point les lois de financement de la vie politique ont participé à la transformation de la politique en officine parapublique.
Ael Posté 29 août 2013 Signaler Posté 29 août 2013 Aviez-vous lu cet article d'Atlantico : http://www.atlantico.fr/decryptage/espece-humaine-continue-evoluer-elle-fait-meme-mieux-et-plus-vite-henry-lumley-813190.html. Je me souviens l'avoir apprécié. Sur le sujet, le livre ci-dessous est intéressant, et contredit la thèse principale de l'auteur de l'article,ie l'évolution culturelle a pris le pas sur l'évolution morphologique "normale". Il tente de montrer qu'il vaut mieux voir cela comme un tout. [amazon]978-0465020423[/amazon] Pour ceux qui sont tentés, je recommande les cours de Standford Human Behavioral Biology de Robert Sapolsky (dispo youtube ~30h de cours) En plus des deux éléments du psychisme humain cité par Drake, l'altruisme est aussi une bonne piste de réflexion sur l'égalitarisme: la soumission à l'autorité et la "peur" de l'étranger ne sont pas à mon avis suffisamment explicatifs pour décrire les comportements quasi égalitaires que l'on retrouve chez beaucoup de peuples. Sans compter que les humains, par leur nature (mammifère, né prématuré, gros cerveau...), ont du apprendre à fournir de la nourriture et des soins à ceux qui ne produisaient pas sur le moment: enfants, vieux, femmes enceintes etc.. Ensuite, pour rebondir sur la critique de Serpico au sujet de la thèse de Drake, l'existence de Hollande et autre flans ne remet pas en cause sa capacité d'explication, voir même elle l'a justifié: 1 - Flamby n'a pas la carrure (où l'on voit que la langue, elle, n'oublie pas) et en plus il n'a pas de maîtresse... mais où allons nous? 2 - Il est élu par défaut 3 - Il est nul 4 - Donc la population continue d'apprendre: pas la carrure => mauvais chef Pour ce qui est de Sarko, il n'aurait pas été le premier petit de l'histoire à avoir eu une carrure - il a fait illusion pendant un moment pour beaucoup. Mes 2 cents tout pourris. J'attends avec impatience vos prochains articles , il y a clairement quelque chose a tirer en synthétisant l'approche essentialiste de Drake et historique de F.Mas.
Tremendo Posté 29 août 2013 Signaler Posté 29 août 2013 Un grand bravo à F.Mas et Drake, franchement c'est super passionnant et éclairant.
Chitah Posté 29 août 2013 Signaler Posté 29 août 2013 Ouais bravo, très intéressant. J'ai deux remarques. De plus en plus, l'efficacité de la décision politique devient tributaire d'une multitude de bureaucraties, de règles et de réglementations publiques qui vont changer le profil pro des politiques. Cette dernière classe va s'adapter à un nouvel environnement en recrutant directement via l'administration publique (mais aussi privée). On voit ça partout en Europe notamment en GB et en France (qu'on pense à la première façon d'envisager la constitution de la 5eme par de Gaulle lui-même : un exécutif fort, et des ministres qui ne sont en fait que des haut fonctionnaires destinés à mettre en place la politique du président). Première remarque : on s'aperçoit qu'il y a de fortes chances pour que le président lui-même ne soit que le plus haut des hauts fonctionnaires. Catherine Ney dit que de Gaulle incarnait la fonction présidentielle dans toute sa hauteur alors que pour François Hollande, c'est juste un boulot. Parmi tous les fonctionnaires de sa génération, la fameuse promotion Voltaire de l'ENA, c'est celui qui s'est le mieux démerdé pour arriver au sommet. Deuxième remarque, quand on regarde l'histoire de la création de l'ENA, c'est assez intéressant : Avant 1945, l'État n'assurait pas une formation unique pour les fonctionnaires responsables de sa haute administration. En effet, si le système du concours - considéré alors comme la seule garantie d'un recrutement impartial et fondé sur le mérite - était déjà généralisé depuis la fin du xixe siècle, chaque corps ou ministère organisait son propre concours, sans considération pour l'homogénéité de la haute fonction publique. Certains risques de corporatisme ou de népotisme en résultaient. En 1848 déjà, le ministre de l'Instruction publique Lazare Carnot avait eu l'idée de créer une École d'administration, chargée de la formation des administrateurs gouvernementaux. Un décret de création sera rédigé (décret du 8 mars 1848), mais l'école, installée dans l'ancien bâtiment du Collège du Plessis, sera fermée quelques mois après son inauguration, lorsque Carnot quitta son poste de ministre. À partir de 1936 et consécutivement à l'arrivée au pouvoir du Front populaire et de son ministre de l'éducation nationale Jean Zay, l'idée de créer une unique école de sélection et de formation des hauts fonctionnaires voit à nouveau le jour. Elle se heurtera à un vote défavorable du Sénat. Pendant la Seconde Guerre mondiale, deux projets aux apparences similaires mais aux objectifs opposés émergent. L'École des cadres d'Uriage, créée par Vichy en 1940, a pour objectif l'instauration d'une nouvelle aristocratie basée sur le sens du service de l'État. S'éloignant de l'idéologie vichyste, elle sera finalement dissoute par Pierre Lavalen décembre 1942. Le second projet, qui est quant à lui conduit peu après la libération par Michel Debré et Emmanuel Monick2, aboutira à la création de l'ENA. Et comme par hasard, alors que ce n'est qu'une école de formation de hauts fonctionnaires, ceux-ci parviennent à pantoufler dans le "privé", comprendre, les grands groupes dépendants des commandes de l'Etat : PDG d'entreprises Bernard Lathière (Airbus) Serge Weinberg (Accor) Jean-Cyril Spinetta (Air France) Henri de Castries (Axa) Louis Gallois (EADS) Baudouin Prot (BNP Paribas) Pierre Mongin (RATP) Paul Hermelin (Capgemini) Denis Olivennes (le Nouvel Observateur) Jean-François Cirelli (Gaz de France) Bruno Lafont (Lafarge) Frédéric Saint-Geours (Peugeot) Frédéric Oudéa (Société générale) Alexandre Bompard (Fnac) Guillaume Pepy (SNCF) Gérard Mestrallet (Suez) Pierre-André de Chalendar (Saint-Gobain) Yves-Thibault de Silguy (Vinci) Romain Lagadic (Shopi) Stéphane Richard (France Telecom) En fait, l'ENA, c'est un peu la famille Ben Ali/Trabelsi régnant sur le pays avant 2011.
Chitah Posté 29 août 2013 Signaler Posté 29 août 2013 J'ai oublié de conclure explicitement : à la question "la professionnalisation de la politique et l'accroissement de la taille de la bureaucratie, ce sont des phénomènes parallèle ou l'un en particulier alimente l'autre?", je répondrais à la réflexion qu'il s'agit d'un seul et même phénomène. La bureaucratie s'accroissant, elle prend le pas sur les politiques et les hauts fonctionnaires deviennent potentiellement des politiques. De toute façon, même quand un politique parvient à prendre un poste ministériel par exemple, il est systématiquement cornaqué par un directeur ou chef de cabinet issu de la fonction publique, souvent de la préfectorale. Claude Guéant : son cas montre bien que devenir ministre ou député pour un technocrate, c'est atteindre l'échelon qu'il n'aurait jamais atteint. Idem pour Jeanpoluchon. C'est ce que tu écris je ne sais plus où : à la base (disons avant la Vème République), le poste de ministre (ou d'élu d'une façon générale), c'est quelque chose d'à part, de différent de l'administration, pas sur la même ligne de progression d'une carrière. Maintenant c'est la même ligne de progression. Et à ce titre, la promotion Voltaire, presque exclusivement composée d'ambitieux est l'éclatante illustration de ce que j'écris. Dernier mouvement en date : je ne sais pas si tu es d'accord avec moi, mais l'avènement de Florian Philippot (ENA 2009) au Front National montre bien que l'ENA est partout dans la vie politique. Et regarde ces deux zozos : http://fr.wikipedia.org/wiki/Julien_Aubert et http://fr.wikipedia.org/wiki/Matthias_Fekl .
Chitah Posté 29 août 2013 Signaler Posté 29 août 2013 Sur le sujet, le livre ci-dessous est intéressant, et contredit la thèse principale de l'auteur de l'article,ie l'évolution culturelle a pris le pas sur l'évolution morphologique "normale". Il tente de montrer qu'il vaut mieux voir cela comme un tout. C'est très possible en effet. Merci pour l'info.
Chitah Posté 29 août 2013 Signaler Posté 29 août 2013 C'est un peu confus ce que j'écris à la relecture.
F. mas Posté 29 août 2013 Signaler Posté 29 août 2013 Ah ben pour moi, Florian Philippot au front, c'est l'évolution de la stratégie Le Pen "on est en rupture de l'etablishment politico-médiatique" du père à celle "on a tout ce qui faut pour être un parti de gouvernement, que ce soit tout seul ou en coalition". On vire les folkos un peu hippiz pour des mecs plus compatibles avec la profession à un certain niveau. Sinon le rôle de l'ena est important, mais doit être mis en rapport avec les autres grands corps d'Etat (notamment le conseil d'Etat). Sinon pour répondre brièvement au sujet (Drake a raison de recadrer) : d'où vient la mystique démocratique ? Pour résumer : l'idéologie démocratique, c'est du socialisme pour classe moyenne, et l'extension de son ferment égalitaire a très bien été décrit par Tocqueville. L'extension de l'égalité comme idéologie (ou comme ensemble d'idéologies et de morales) n'est possible qu'au regard d'une contradiction offerte à un moment de l'histoire européenne : l'émergence d'une classe qui a pris toute sa place en se fondant à la fois sur l'exigence d'égalité en droit tout en acceptant la persistance d'inégalités (sociales, économiques et culturelles) désormais perçues comme conventionnelles ou artificielles et plus comme purement naturelles a préparé le terrain à toutes les idéologies égalitaires (socialisme soft comme le démocratisme, radical comme le communisme, ou foireux comme les nazisme et fascisme). La synthèse démocratique et libérale fonctionne sur un mensonge idéologique parce qu'il s'appuie sur deux principes différents et incompatibles quand on y réfléchit plus de deux minutes. Le premier est libéral classique : c'est l'élection (et le concours), qui suppose qu'on sélectionne les plus compétents pour gouverner. Le second est démocratique, et demande de l'homogénéité entre gouvernants et gouvernés : machin est autant compétent que truc à gouverner parce qu'il est citoyen comme lui (et donc aussi gouvernant). On a ici un principe d'identité et non de sélection (d'ailleurs, classiquement, on tirait au sort les gouvernants en démocratie, on ne les élisait pas). Pour que l'ordre social marche, il faut reconnaître que les gens ne sont pas égaux entre eux, que certains sont compétents et d'autres pas, mais en même temps il ne faut pas le dire pour ne pas attiser l'envie et le ressentiment (bien vu Drake). Les deux coexistent en une synthèse plus complexe, mais qui a des effets notables sur le procès de sélection des élites : si l'idéologie égalitaire est le fond de sauce des classes moyennes (et plus tard des classes populaires), alors c'est aussi sur ce fondement qu'on va relégitimer l'inégalité fondamentale qui est au coeur du Politique (la subordination des gouvernés à une petite classe de gouvernants). L'inégalité fondamentale entre gouvernants et gouvernés ne devient supportable qu'à deux conditions : le personnel politique n'est que le prolongement de la volonté du peuple ou de l'individu souverain (d'où la longue littérature sur la souveraineté du peuple en doctrine juridique et en théorie de l'Etat, mais aussi la physionomie spéciale de la "morale" commune des élites notamment progressistes, qui ne peuvent supporter ou envisager leurs privilèges que justifiés au nom de l'approfondissement de l'expérience démocratique (égalitaire).
paulau Posté 29 août 2013 Auteur Signaler Posté 29 août 2013 J'ai trouvé cette lettre de Peillon aux recteurs. Elle se rapporte aux débats sur le mariage gay que l'école catholique souhaitait organiser début 2013. La première ligne de cette lettre affirme : " le gouvernement s'est engagé à s'appuyer sur la jeunesse pour changer les mentalités ". Je trouve cette conception du rôle de l'état inadmissible. La lettre :http://www.lefigaro.fr/assets/pdf/lettre-v-peillon.pdf
Messages recommandés
Créer un compte ou se connecter pour commenter
Vous devez être membre afin de pouvoir déposer un commentaire
Créer un compte
Créez un compte sur notre communauté. C’est facile !
Créer un nouveau compteSe connecter
Vous avez déjà un compte ? Connectez-vous ici.
Connectez-vous maintenant