Vilfredo Posté 20 mars 2022 Auteur Signaler Posté 20 mars 2022 Le 16/03/2022 à 20:36, Lancelot a dit : Pas vraiment. Le terme désigne toujours "ce qui est dans la boîte" qui peut être n'importe quoi ou rien, de toute manière par définition dans cette histoire on ne peut pas le savoir à moins de fantasmer un point de vue omniscient qui ne correspondrait à celui d'aucune des personnes concernées. Expand C'est une question intéressante, le "3e point de vue". Il n'y a pas de quiproquo sans 3e point de vue par exemple (tant que dure le quiproquo). Le 16/03/2022 à 20:36, Lancelot a dit : C'est la comparaison que j'aurais voulu voir dans l'article. Par contre désolé j'ai pas compris le rapport avec les histoires de Kant. Soit j'ai perdu le fil entre trois digressions et deux métaphores, soit c'est toi. Si j'essaie de résumer en une phrase tu penses que l'inconscient en sciences cognitives est "technique" ce qui signifie qu'il est défini comme une limite à ce qu'on essaie de faire avec des mécanismes conscients (?) tandis que l'inconscient psychanalytique pousse juste dans une direction (pour le lulz) qui peut ou pas correspondre à ce qu'on essaie de faire mais il y est orthogonal (?). Expand Je réponds essentiellement parce que je viens de lire dans un article (sur Hegel, donc par hasard) une bonne formulation: Citation For Freud, the subject cannot simply state what it desires but instead reveals its desire through the failures and excesses of language. Psychoanalysis functions on the basis of this split between what the subject desires and what the subject says, and it locates the truth of the subject’s unconscious desire where the subject loses track of itself in language. The psychoanalyst locates the subject’s desire when the subject says what it doesn’t want to say, not when the subject corrects itself by explaining what it meant to say. No amount of effort on the part of the subject can align what it desires and what it says because this gap constitutes subjectivity as such. The psychoanalyst can draw attention to the gap between what the subject says it desires and what it desires, but no one can eliminate the alienation of the subject’s desire in the signifier. Expand https://zizekstudies.org/index.php/IJZS/article/download/779/784 (L'article n'a rien à voir, je mets juste la source) Le 16/03/2022 à 20:36, Lancelot a dit : Laisse moi te présenter le paradigme de regard préférentiel. Expand J'ai du mal à voir en quoi ça prouve qu'il a déjà des concepts, le môme. Ça pourrait très bien seulement vouloir dire qu'il réagit instinctivement en fonction de je ne sais quels impératifs darwiniens. Par exemple son attention au mouvement parce que ce qui bouge est vivant donc potentiellement dangereux ou "intéressant" pour sa survie (ça pourrait être ses parents, ça pourrait être plus généralement d'autres humains donc des gens susceptibles de prendre soin de lui et d'assurer sa survie). J'invente une just-so story mais c'est pour dire que je ne vois pas trop où est le concept là-dedans; un concept c'est plutôt être capable de dire ce que le rouge à lèvres de Madonna, le drapeau de la Chine et mes joues quand je suis gêné ont en commun. Je n'en suis plus à un auteur que tu n'aimes pas près, donc je vais citer Rousseau (le Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité), dont le propos me paraît au coeur de notre problème. Citation D’ailleurs, les idées générales ne peuvent s’introduire dans l’esprit qu’à l’aide des mots, et l’entendement ne les saisit que par des propositions. C’est une des raisons pour quoi les animaux ne sauraient se former de telles idées, ni jamais acquérir la perfectibilité qui en dépend. Quand un singe va sans hésiter d’une noix à l’autre, pense-t-on qu’il ait l’idée générale de cette sorte de fruit, et qu’il compare son archétype à ces deux individus ? Non sans doute ; mais la vue de l’une de ces noix rappelle à sa mémoire les sensations qu’il a reçues de l’autre, et ses yeux, modifiés d’une certaine manière, annoncent à son goût la modification qu’il va recevoir. Toute idée générale est purement intellectuelle ; pour peu que l’imagination s’en mêle, l’idée devient aussitôt particulière. Essayez de vous tracer l’image d’un arbre en général, jamais vous n’en viendrez à bout, malgré vous il faudra le voir petit ou grand, rare ou touffu, clair ou foncé, et s’il dépendait de vous de n’y voir que ce qui se trouve en tout arbre, cette image ne ressemblerait plus à un arbre. Les êtres purement abstraits se voient de même, ou ne se conçoivent que par le discours. La définition seule du triangle vous en donne la véritable idée : sitôt que vous en figurez un dans votre esprit, c’est un tel triangle et non pas un autre, et vous ne pouvez éviter d’en rendre les lignes sensibles ou le plan coloré. Il faut donc énoncer des propositions, il faut donc parler pour avoir des idées générales ; car sitôt que l’imagination s’arrête, l’esprit ne marche plus qu’à l’aide du discours. Si donc les premiers inventeurs n’ont pu donner des noms qu’aux idées qu’ils avaient déjà, il s’ensuit que les premiers substantifs n’ont pu jamais être que des noms propres. Expand Après je ne veux pas donner le sentiment que "la philosophie" whatever that is a settled the science et que la pensée n'est pas antérieure au langage. Nietzsche et Bergson beg to differ par exemple. Mais ce sont deux auteurs que je connais assez bien et on ne trouve pas chez eux grand chose qui rende compte de la formation des concepts, à ma connaissance. Le 16/03/2022 à 20:36, Lancelot a dit : Deux choses ici : d'abord le lien entre attention et conscience est compliqué. On peut accorder une attention minimale à quelque chose (par exemple une tâche automatique) sans pour autant être inconscient de ce qu'on fait. Par exemple quand je conduis je peux faire autre chose en même temps et ne pas avoir sans arrêt mon nez sur la route, pour autant je ne vais pas oublier que je suis en train de conduire (et heureusement !). Par contre si on en croit Kahneman ou Dehaene effectivement seuls les processus automatisés peuvent être inconscients. Expand D'accord, et en effet j'ai relu cette partie de mon message et je la trouve partiale et partielle. Mais que Kahneman et Dehaene diraient-ils des traumas (de ce qui est refoulé pour Freud)? Est-ce qu'autre chose que des "processus" peuvent être inconscients? Et le processus de refoulement lui-même est par définition inconscient, mais ce n'est pas un processus automatisé. Ici encore, j'ai bien l'impression qu'on parle d'un inconscient "technique", comme un défaut dans les facultés du sujet (un peu comme l'imperfection de la mémoire) et non comme quelque chose de constitutif, comme ça l'est dès la première topique de Freud (conscience/préconscient/inconscient). Il n'y a pas de situation dans laquelle on pourrait y remédier, comme ça m'a l'air d'être le cas pour l'inconscient des sciences cognitives; il suffirait de développer son attention, quitte même à prendre des amphétamines. Rien ne peut, en revanche, diminuer l'inconscient ou ses effets dans Freud. Cette phrase n'a même pas de sens dans sa théorie.
Lancelot Posté 21 mars 2022 Signaler Posté 21 mars 2022 Le 20/03/2022 à 23:45, Vilfredo a dit : C'est une question intéressante, le "3e point de vue". Il n'y a pas de quiproquo sans 3e point de vue par exemple (tant que dure le quiproquo). Expand Savoir ce qui se trouve dans la boîte ne nécessite pas juste un troisième point de vue mais un point de vue omniscient (i.e. dans ce cas qui n'est pas forcé de respecter la règle du jeu). Si on revient un peu en deçà de l'analogie, quand on parlait des émotions, ça nécessite un point de vue capable de littéralement sonder les cœurs et les reins. Le 20/03/2022 à 23:45, Vilfredo a dit : Je réponds essentiellement parce que je viens de lire dans un article (sur Hegel, donc par hasard) une bonne formulation: https://zizekstudies.org/index.php/IJZS/article/download/779/784 (L'article n'a rien à voir, je mets juste la source) Expand Je ne vois pas le rapport. Le 20/03/2022 à 23:45, Vilfredo a dit : J'ai du mal à voir en quoi ça prouve qu'il a déjà des concepts, le môme. Ça pourrait très bien seulement vouloir dire qu'il réagit instinctivement en fonction de je ne sais quels impératifs darwiniens. Par exemple son attention au mouvement parce que ce qui bouge est vivant donc potentiellement dangereux ou "intéressant" pour sa survie (ça pourrait être ses parents, ça pourrait être plus généralement d'autres humains donc des gens susceptibles de prendre soin de lui et d'assurer sa survie). Expand Ce n'est pas juste le mouvement ici puisqu'on contraste un mouvement quelconque et un mouvement biologique. L'enfant s'intéresse plus au mouvement biologique donc déjà rien que ça montre qu'il perçoit la différence entre les deux sans pour autant pouvoir les différencier par le langage. D'ailleurs je pense que toi aussi tu aurais très aisément perçu la différence entre les deux types de stimuli par exemple ici (source), même avant d'avoir un terme comme "biological motion" pour expliquer cette différence par le langage : Ceci étant j'avais sélectionné cette étude parce que le visuel était amusant mais je suis d'accord qu'on peut aller plus loin, et d'ailleurs allons-y. Une extension du regard préférentiel est le paradigme d'habituation et de réaction à la nouveauté. Quand tu montres plusieurs fois la même chose à un bébé, disons un carré bleu, au début il le regarde beaucoup puis de moins en moins. Maintenant que le bébé est habitué au bleu, tu lui présentes finalement deux carrés, un qui est d'une différente teinte de bleu et un qui est à la même distance du premier bleu d'un point de vue physique mais qui traverse la démarcation entre bleu et vert (imagine un dégradé entre bleu et vert, le premier stimulus est dans le bleu, le second est aussi dans le bleu mais s'éloigne du vert, le troisième est à la même distance du premier que le second mais traverse la frontière). Et tu regardes quel nouveau stimulus le bébé préfère regarder. Quote Franklin, A., & Davies, I. R. (2004). New evidence for infant colour categories. British Journal of Developmental Psychology, 22(3), 349-377. Expand Bien sûr il y a d'autres contrôles. Tu reproduis l'expérience en habituant au vert à la place. Tu reproduis en présentant à la fin deux couleurs qui ne traversent pas la frontière entre les catégories (donc deux bleus si tu as habitué au bleu). Tu testes aussi d'autres paires de couleurs et différentes distances entre le stimulus utilisé pour l'habituation et les deux derniers. Et on s'aperçoit que le bébé ne se fait pas avoir : quand on lui propose deux bleus à la fin, même très différents, il ne regarde pas l'un plus que l'autre. Par contre dès que ça traverse la frontière entre bleu et vert ça l'intéresse et il regarde plus. Le 20/03/2022 à 23:45, Vilfredo a dit : Mais que Kahneman et Dehaene diraient-ils des traumas (de ce qui est refoulé pour Freud)? Est-ce qu'autre chose que des "processus" peuvent être inconscients? Expand Je ne sais pas si ces auteurs ont écrit sur cette question en particulier (et je ne pense pas) mais il y a de la littérature cognitive par exemple sur les ruminations et les pensées intrusives. Encore une fois la clinique n'est vraiment pas mon truc mais genre : Quote Nixon, R. D., Roberts, L. N., Sun, Y. T. J., & Takarangi, M. K. (2021). Are Individuals Always Aware of Their Trauma-Related Intrusive Thoughts? A Study of Meta-Awareness. Behavior therapy, 52(4), 874-882. Individuals are not always aware of their mental content. We tested whether lack of awareness occurs in those who have experienced trauma, with and without posttraumatic stress disorder (PTSD). We also examined the role of proposed cognitive mechanisms (working memory and inhibition) in explaining unnoticed intrusions. Individuals with PTSD (n = 44), and varying levels of symptoms (high posttraumatic stress [PTS]: n = 24; low PTS: n = 37) reported on intrusive thoughts throughout a reading task. Intermittently, participants responded to probes about whether their thoughts were trauma related. Participants were “caught” engaging in unreported trauma-related thoughts (unnoticed intrusions) for between 24 and 27% of the probes in the PTSD and high PTS groups, compared with 15% of occasions in the low PTS group. For trauma-related intrusions only, participants lacked meta-awareness for almost 40% of probes in the PTSD group, which was significantly less than that observed in the other groups (∼60%). Contrary to predictions, working memory and response inhibition did not predict unnoticed intrusions. The results suggest that individuals who have experienced significant trauma can lack awareness about the frequency of their trauma-related thoughts. Further research is warranted to identify the mechanisms underpinning the occurrence of unnoticed intrusions. Expand Idem pour d'autres types de mécanismes j'imagine mais je ne vais pas faire semblant de savoir de quoi je parle. Le 20/03/2022 à 23:45, Vilfredo a dit : Ici encore, j'ai bien l'impression qu'on parle d'un inconscient "technique", comme un défaut dans les facultés du sujet (un peu comme l'imperfection de la mémoire) et non comme quelque chose de constitutif, comme ça l'est dès la première topique de Freud (conscience/préconscient/inconscient). Il n'y a pas de situation dans laquelle on pourrait y remédier, comme ça m'a l'air d'être le cas pour l'inconscient des sciences cognitives; il suffirait de développer son attention, quitte même à prendre des amphétamines. Rien ne peut, en revanche, diminuer l'inconscient ou ses effets dans Freud. Cette phrase n'a même pas de sens dans sa théorie. Expand Par contre je ne vois pas où tu vas chercher que l'inconscient en sciences cognitives est défini comme quelque chose d'intrinsèquement négatif qu'il serait préférable d'éliminer. Au contraire si tu lis Kahneman c'est tout à fait normal, nécessaire et même très bien que la plupart des trucs qu'on fait soient automatisés pour ne pas gaspiller nos précieuses ressources attentionnelles. On serait bien emmerdés si on devait être conscients de tout tout le temps.
Boz Posté 21 mars 2022 Signaler Posté 21 mars 2022 D'ailleurs, il y a des gens qui ont déjà essayé de chiffrer le coût de la conscience ? Parce que j'ai l'impression qu'on est un peu conditionnés à prendre pour évident que c'est que du bénef (comme si on était le pinacle nécessaire de l'évolution).
Vilfredo Posté 21 mars 2022 Auteur Signaler Posté 21 mars 2022 En fait je crois qu’on confond le subconscient (le système 1) le préconscient et l’inconscient (freudien). L’idée qu’on ne pourrait pas survivre en étant conscient de tout on la trouve dans Schopie et Nietzsche. Je vois bien que je galère à expliquer pourquoi Freud dit autre chose je vais y réfléchir et je reviendrai poster quand j’aurai un truc concluant (d’autant que j’ai lu Système 1 système 2)
Vilfredo Posté 21 mars 2022 Auteur Signaler Posté 21 mars 2022 Le 21/03/2022 à 12:31, Lancelot a dit : Savoir ce qui se trouve dans la boîte ne nécessite pas juste un troisième point de vue mais un point de vue omniscient (i.e. dans ce cas qui n'est pas forcé de respecter la règle du jeu). Si on revient un peu en deçà de l'analogie, quand on parlait des émotions, ça nécessite un point de vue capable de littéralement sonder les cœurs et les reins. Expand Par contre la dessus: si deux personnes parlent de leur beetle chacun supposant que l’autre a la même chose que lui dans sa boîte il faut un troisième point de vue qui regarde dans la première puis la deuxième boîte et se rende compte, pour prendre l’exemple le plus extrême, que le premier a un scarabée dans sa boîte et l’autre rien du tout. Ce 3e point de vue considère alors que les deux autres emploient certes les mêmes mots mais ne parlent pas de la même chose. En fait, on a même besoin de ce 3e point de vue (défini comme quiconque a accès à plus que seulement son beetle) pour formuler la règle du jeu, qui est qu’on appelle beetle quoi que ce soit qui se trouve dans la boîte et pas un type d’objet particulier comme chaque participant a toutes les raisons du monde de le supposer tant qu’il n’a pa accès aux beetles des autres ou seulement un accès indirect par le langage Ça fait quand même drôlement penser au complexe de castration cette histoire de beetles
Lancelot Posté 21 mars 2022 Signaler Posté 21 mars 2022 Le 21/03/2022 à 12:39, Boz a dit : D'ailleurs, il y a des gens qui ont déjà essayé de chiffrer le coût de la conscience ? Parce que j'ai l'impression qu'on est un peu conditionnés à prendre pour évident que c'est que du bénef (comme si on était le pinacle nécessaire de l'évolution). Expand Il y a aussi toute une tradition de pensée qui voit la conscience comme un épiphénomène, un truc qui est là par hasard et qui n'a in fine aucun impact sur quoi que ce soit. Puis il y a les gens comme Ligotti qui vont au bout de la logique (je précise tout de même au cas où que c'est à lire avec une saine dose de recul) : Quote https://en.wikipedia.org/wiki/The_Conspiracy_Against_the_Human_Race Ligotti assumes a pessimistic outlook from the outset of the book. Taking as a starting assumption the premise that "being alive is not all right," or that in general suffering outweighs pleasure, he argues that the existence of consciousness entails a tragedy: The more conscious one is of the meaningless and often horrifying nature of the world (which is referred to as being "malignantly useless"), the more one wishes not to be aware of this fact, and so overly conscious beings must constantly engage in exercises which limit their awareness of the negative aspects of existence, either intentionally or instinctively. This makes consciousness something that "should not be," and humanity's attempts at either coping with, ignoring, or actively suppressing this fact drive a significant portion of modern society's obsessions, such as the quest for healthy living (despite the fact that everyone dies regardless), art and horror (as acts of sublimation), and the desire to have children (as a futile attempt at a form of genetic immortality), among many other common behavioral norms. Ligotti argues that the only complete escape from the predicament of consciousness is either to undergo ego death, which very few humans successfully achieve, or for humanity to cease existing, preferably through voluntary human extinction (which Ligotti believes is highly unlikely to ever happen), but which may also be achieved on an individual level through death, although that may entail further suffering in the process, and is therefore not always worth the increased pain. Ligotti posits that very few people would be willing to be born in the past (due in part to the inevitable increased suffering of inferior medical care), but that very few people feel bad about being alive in the present, despite the strong possibility that future generations will feel the same about us that we feel towards the past (that their lives were filled with more suffering than we would be willing to bear). Philosophical pessimism is not held or even widely considered by most humans, which, according to Ligotti, is because of its terrifying implications rather than the strength of the arguments for or against it. Expand
Vilfredo Posté 21 mars 2022 Auteur Signaler Posté 21 mars 2022 Le 21/03/2022 à 13:10, Lancelot a dit : Il y a aussi toute une tradition de pensée qui voit la conscience comme un épiphénomène, un truc qui est là par hasard et qui n'a in fine aucun impact sur quoi que ce soit. Puis il y a les gens comme Ligotti qui vont au bout de la logique (je précise tout de même au cas où que c'est à lire avec une saine dose de recul) : Expand Much edgy content. Ce mec me rappelle une blague juive un juif qui dit à l’autre la vie est tellement horrible il vaudrait mieux n’être pas né (ou ne pas être conscient). L’autre répond oui mais qui a eu cette chance? Pas une personne sur 50k Il faut qu’ils lisent Nietzsche ces gens
Lancelot Posté 21 mars 2022 Signaler Posté 21 mars 2022 Je les trouve un peu adorables (puis Ligotti est par ailleurs un super auteur de fiction donc si ses névroses lui permettent d'alimenter ça good for him)
Vilfredo Posté 23 mars 2022 Auteur Signaler Posté 23 mars 2022 Le 21/03/2022 à 13:52, Boz a dit : Ou les Stoïciens. Expand Désolé, je continue à trouver ça edgy too Citation C’est « conformément à la nature » que vous voulez vivre ! Ô nobles stoïciens, quelle duperie est la vôtre ! Imaginez une organisation telle que la nature, prodigue sans mesure, indifférente sans mesure, sans intentions et sans égards, sans pitié et sans justice, à la fois féconde, et aride, et incertaine, imaginez l’indifférence elle-même érigée en puissance, — comment pourriez-vous vivre conformément à cette indifférence ? Vivre, n’est-ce pas précisément l’aspiration à être différent de la nature ? La vie ne consiste-t-elle pas précisément à vouloir évaluer, préférer, à être injuste, limité, autrement conformé ? Or, en admettant que votre impératif « vivre conformément à la nature » signifiât au fond la même chose que « vivre conformément à la vie » — ne pourriez-vous pas vivre ainsi ? Pourquoi faire un principe de ce que vous êtes vous-mêmes, de ce que vous devez être vous-mêmes ? — De fait, il en est tout autrement : en prétendant lire, avec ravissement, le canon de votre loi dans la nature, vous aspirez à toute autre chose, étonnants comédiens qui vous dupez vous-mêmes ! Votre fierté veut s’imposer à la nature, y faire pénétrer votre morale, votre idéal ; vous demandez que cette nature soit une nature « conforme au Portique » et vous voudriez que toute existence n’existât qu’à votre image — telle une monstrueuse et éternelle glorification du stoïcisme universel ! Malgré tout votre amour de la vérité, vous vous contraignez, avec une persévérance qui va jusqu’à vous hypnotiser, à voir la nature à un point de vue faux, c’est-à-dire stoïque, tellement que vous ne pouvez plus la voir autrement. Et, en fin de compte, quelque orgueil sans limite vous fait encore caresser l’espoir dément de pouvoir tyranniser la nature, parce que vous êtes capables de vous tyranniser vous-mêmes — car le stoïcisme est une tyrannie infligée à soi-même, — comme si le stoïcien n’était pas lui-même un morceau de la nature ?… Mais tout cela est une histoire vieille et éternelle : ce qui arriva jadis avec les stoïciens se produit aujourd’hui encore dès qu’un philosophe commence à croire en lui-même. Il crée toujours le monde à son image, il ne peut pas faire autrement, car la philosophie est cet instinct tyrannique, cette volonté de puissance la plus intellectuelle de toutes, la volonté de « créer le monde », la volonté de la cause première. Expand
Boz Posté 23 mars 2022 Signaler Posté 23 mars 2022 On dirait quelqu'un qui parle de lui-même en croyant parler des autres.
Boz Posté 23 mars 2022 Signaler Posté 23 mars 2022 Blague à part, je ne vois aucune contradiction entre l'idée que la nature soit totalement indifférente et que nous soyons le résultat d'un processus évolutif aveugle avec l'idée qu'on puisse discuter d'une nature humaine (dans un sens différent du mot nature) et que les Stoïciens aient fait d'excellentes découvertes à son sujet pour qui veut mener ce qu'ils appellent une vie bonne et atteindre la tranquillité. Il suffit de les concevoir comme des philosophes/psychologues plutôt que comme des philosophes purement analytiques au sens moderne (ce que je fais allègrement pour ma part, sue me comme dirait l'autre). 1
Vilfredo Posté 23 mars 2022 Auteur Signaler Posté 23 mars 2022 Nietzsche ne dit pas qu'on ne peut pas discuter d'une nature humaine (même si je préfère éviter le terme et que dans Nietzsche il n'aurait pas de sens). L'idée est que comme la nature est totalement indifférente à notre existence, on ne peut pas avoir pour projet éthique de conformer notre existence à la nature. Ça ne marchera pas. Ensuite on atteint toujours et on tend naturellement vers la tranquillité (dans la mort) donc on peut aussi penser que faire autre chose de sa vie peut être une bonne idée. Dans Le Gai Savoir, §1, on trouverait une idée équivalente avec la critique de la volonté de conservation: on est naturellement poussés à se conserver, il n'y a pas à le vouloir! c’est la nature qui détermine le modus vivendi, car il n’y a pas autre chose que la nature. Ce rôle déterminant de la nature et de la vie, qui fait de la morale une manifestation contre-nature (héritage kantien), est analysé dans le Crépuscule des idoles, "Les quatre grandes erreurs", §1, à propos de la diète de Cornaro, qui attribue sa longévité à son régime alimentaire, comme s’il était libre de choisir un autre régime. Il ne l’est pas : s’il choisit un régime trop mauvais, il meurt. Bien sûr, the catch est qu'ils prétendent lire les canons de leurs lois dans la nature, mais ils imposent en fait à la nature leur loi (héritage kantien bis). La philosophie "crée le monde à son image", c’est pourquoi N écrit : "étonnants comédiens qui vous trompez vous-mêmes !" Et ainsi, la morale fait son retour, sous la forme, qualitativement différente, de la volonté de ne pas être trompé, qui est très utilitaire, malgré que les "positivistes" en aient. La volonté de vérité ne peut pas être dans son principe volonté de ne pas être trompé: cette volonté ne peut en être que la conséquence morale.
Boz Posté 24 mars 2022 Signaler Posté 24 mars 2022 Le 23/03/2022 à 19:12, Vilfredo a dit : L'idée est que comme la nature est totalement indifférente à notre existence, on ne peut pas avoir pour projet éthique de conformer notre existence à la nature. Ça ne marchera pas. Ensuite on atteint toujours et on tend naturellement vers la tranquillité (dans la mort) donc on peut aussi penser que faire autre chose de sa vie peut être une bonne idée Expand J'ai beau tourner et retourner ça dans ma tête depuis hier, je n'y comprends rien. Alors je n'ai aucune véritable base en philo et c'est Nietzsche donc j'ai conscience que la probabilité que ça indique juste que je ne comprends tout simplement pas ce qu'il veut dire réellement est très élevée, mais j'ai vraiment l'impression d'un mauvais jeu de mots sur le sens du mot nature. Je ne comprends pas comment tu passes de "nature indifférente" (vision moderne avec laquelle je suis 100% OK) à "on ne peut pas avoir pour projet éthique de conformer notre existence à la nature" (en fait je ne comprends pas ce bout de phrase du tout). Il faut me parler comme à un demeuré (peut-être @Mégille puisqu'il est prof et qu'il doit bien parfois devoir simplifier des idées abstraites ?) : encore une fois, le fait que la nature soit indifférente n'a pour moi aucun lien avec l'idée qu'on peut quand même tirer des caractéristiques de notre espèce des principes pour mener sa vie d'une certaine façon (on a quand même des milliers d'années d'observations sur la nature du désir, des émotions, des épreuves de l'existence, des tentations j'en passe et des meilleures, et puis la psycho moderne, la psycho évolutionniste etc). En plus, la tranquillité décrite par les Stoïciens n'a rien à voir avec la "tranquillité" de la non-existence qu'est la mort, c'est un état mental dans lequel les émotions négatives sont ressenties moins fortement et sont mieux contrôlées, ce qui débouche à terme (je ne fais que paraphraser les auteurs antiques) sur un sentiment de joie et de paix. Moi quand je lis ton paragraphe de Nietzsche j'ai l'impression d'un galopin malicieux qui joue sur la polysémie du mot nature pour se foutre de mecs qui ont vécu 2000 ans avant lui en faisant semblant de ne pas comprendre leur propos, en tissant un bel homme de paille qui passe crème parce que c'est un type brillant qui écrit super bien. Avec un petit côté romantique torturé "parce que je le vaux bien" pour faire classe. Bon j'exagère exprès hein , mais vraiment je comprends rien à ce qu'il raconte.
Vilfredo Posté 24 mars 2022 Auteur Signaler Posté 24 mars 2022 Je suis heureux de te parasiter le cerveau mais je crois que le point de Nietzsche est plus simple que tu ne t'imagines: on ne peut pas se conformer à quelque chose de chaotique. Il faut vouloir créer une forme dans ce chaos. La beauté naturelle, ça n'existe pas. Il ne faut pas y voir un argument sur la nature humaine. Le 24/03/2022 à 14:35, Boz a dit : En plus, la tranquillité décrite par les Stoïciens n'a rien à voir avec la "tranquillité" de la non-existence qu'est la mort, c'est un état mental dans lequel les émotions négatives sont ressenties moins fortement et sont mieux contrôlées, ce qui débouche à terme (je ne fais que paraphraser les auteurs antiques) sur un sentiment de joie et de paix. Expand L'ataraxie quoi, l'absence de troubles. Ce qui est malheureux, c'est qu'on doive faire un effort pour maintenir cet équilibre. Heureusement, avec la mort, même plus besoin de faire cet effort. Vivement.
Vilfredo Posté 30 mars 2022 Auteur Signaler Posté 30 mars 2022 Je fais deux lectures très lancelotiennes en ce moment: Second Philosophy de Maddy, qui explique comment on peut résoudre empiriquement les questions transcendentales, et Freud Biologist of the Mind de Frank J Sulloway qui présente une interprétation empirique biologique de la théorie freudienne; une sorte de biographie intellectuelle. C’est un peu ancien bien sûr mais c’est un bel ouvrage. I’ll be back
poincaré Posté 16 mai 2022 Signaler Posté 16 mai 2022 Série d'interview sur Hayek : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-dans-la-tete-de-friedrich-hayek 2
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