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Français Fuyant De L'arrivée Du Communisme à L'est De L'europe


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A la fin de 1948 10 000 personnes, à l'origine alsaciens, lorrains ou luxembourgeois installés autour du XVIIe dans le Banat, région entre la Roumanie, la Serbie et la Hongrie, ont fuit le monde communiste et sont revenus France :

L’accueil en France, à partir du 1er novembre 1948 de 10.000 réfugiés, provenant majoritairement, (mais pas exclusivement) du Banat (roumain, yougoslave ou hongrois) (Oberläuter 1957 : 5 et 8) est le résultat de démarches longues et compliquées, étroitement liées à ce contexte d’après-guerre. Ces réfugiés ne représentaient qu’une petite partie d’une population qui se trouvait depuis 1945 en exode de l’Est vers l’Ouest de l’Europe, traversant l’Autriche vers l’Allemagne (cf. la note 4) et s’installant dans des camps spécialement aménagés dans ces deux pays. Etant dans leur grande majorité des ethniques allemands, les réfugiés ayant quitté la Roumanie et la Yougoslavie avaient perdu le droit à la citoyenneté, que ces pays leur avaient retiré, et se trouvaient dans la condition difficile d’apatrides, en attente d’un droit d’asile dans différents pays de l’Ouest de l’Europe ou dans les Etats-Unis. C’est grâce aux efforts diplomatiques de l’un d’entre eux, Jean - Hans Lamesfeld, banatais roumain originaire de Lorraine (Thionville), qui a organisé un Comité des Français du Banat à Vienne, intervenant auprès d’officiers français de haut rang, et gagnant en dernière instance le précieux soutien de Robert Schuman, que le projet d’arrivée en France de « plusieurs milliers de Banatais (sur les trois cents mille prévus au départ) originaires de Banat de Temesvar (Timisoara) » (Noiriel 1991 : 135) fut possible.

Dans un article publié déjà le 9 mai 1946 dans Le Monde, dont le titre est Une minorité française de l’Europe orientale et dont le but semble être celui de préparer l’opinion publique à l’implantation en France des Banatais en tant que réfugiés de guerre ou immigrés, Francis Cabour fait l’histoire de cette minorité en commençant par la même époque, celle du XVIIIe s. Selon les dates qui lui sont disponibles, des 4580 familles installées au Banat jusqu’en 1770, suite aux colonisations successives de l’Empire des Habsbourgs, 1855 étaient lorraines, 873 alsaciennes, 639 luxembourgeoises et 1000 allemandes. Il parle lui-aussi, comme beaucoup d’auteurs l’ont fait, de la germanisation progressive de cette population et, en contre-partie, des efforts de celle-ci pour maintenir son identité française en dépit des pressions de toutes sortes. Il attire l’attention sur les responsabilités de la France qui a « ignoré ses fils lointains », se trouvant à l’époque dans des camps de réfugiés, sans pouvoir retourner en Roumanie ou en Yougoslavie. Il parle des efforts d’un comité qui s’est constitué afin « d’obtenir pour les réfugiés la qualité de protégés français » et de l’attention portée par le gouvernement parmi les personnes déplacées d’Allemagne, « à la population déracinée de Temesvar », « race de pionniers robustes, aux mœurs simples et saines », qui, « en quête d’une terre à féconder et d’une patrie où elle ne serait plus une minorité, tourne son regard vers notre pays », qui à son tour, conclut l’auteur, « a besoin d’elle ».

C’est dans le même esprit que dans un article publié le 8 février 1947 dans Les Dernières Nouvelles d’Alsace, le directeur du journal, Maximilien Felsenstein, une des personnes qui a soutenu le projet de Jean Lamesfeld, parle « d’une immigration qui pourrait se faire rapidement et nous assurerait l’appoint d’une main d’œuvre de tout premier ordre, un enrichissement indiscutable de notre agriculture, enfin un élément humain merveilleux, d’autant qu’il est d’origine française et qu’il nous supplie aujourd’hui de l’admettre de nouveau au foyer national ». Comme il le précise plus loin, « ses traditions sont celles d’Alsaciens qui ont conservé à travers les vicissitudes de l’histoire le sentiment de leur origine ». Edouard Delebecque, maire de La Roque sur Pernes au moment de l’installation des Français du Banat dans ce village de Vaucluse, parle lui-aussi de « ces émigrés qui cherchent à réintégrer la mère-patrie » (1951 : 77).

De l’autre côté de l’Europe, à Timisoara en Roumanie, Emil Botis, publie en 1946 un petit livre intitulé Recherches sur la population française de Banat (inclus d’ailleurs dans la bibliographie de la thèse de Guillot) pour démontrer que, même disparus des statistiques en 1910 sous la couverture générique d’Allemands, les Français du Banat continuent à exister et à se manifester comme tels. Botis reproduit, en citant Grisellini, les statistiques du premier recensement fait par le gouverneur Comte de Clary en 1770, où sont enregistrés sur une population de 317.928 habitants, d’un total de 450.000 habitants que comptait à l’époque le Banat tout entier, un nombre de 42.201 Soaubes, Italiens et Français (Botis 1946 : 17). Un recensement de 1840 compte 6150 Français à côté de 207.720 Souabes, 576.230 Roumains, 202.210 Serbes, 59.342 Hongrois etc. (Botis 1946 : 17). En 1910 en revanche les statistiques hongroises n’indiquent que la présence de 287.545 Allemands (Botis 1946 : 18), les Français n’y figurant plus, tandis que, le recensement le plus important fait par les Roumains en 1930, donc après le partage du Banat en 1919, entre la Roumanie, la Yougoslavie et l’Hongrie, indique lui-aussi la présence de 221.762 Allemands, ce qui « fait aussi sombrer une population dont “l’appartenance ethnique” est incontestablement française » (Botis 1946 : 19, 20 ).

Cette disparition des statistiques est expliquée par Botis par les principes des recensements en cause, qui prennent comme critères prioritaires la langue maternelle des personnes enregistrées, la langue « qui est enseignée par les parents et que l’on parle d’habitude » (Botis 1946 : 21). Or, ceux qui à l’époque de la colonisation, au XVIIIe s. parlaient français -dont une large majorité d’Alsaciens et de Lorrains- ont été germanisés jusqu’au milieu du XIXe s. ou même magyarisés.

Smaranda Vultur - De l’Ouest à l’Est et de l’Est à l’Ouest : les avatars identitaires des Français du Banat

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