Aller au contenu

Le capitalisme rhénan réduit à néant ?


Copeau

Messages recommandés

LE MONDE | 24 octobre 2007

C'est un arrêt susceptible de bouleverser l'avenir du constructeur automobile Volkswagen. Tandis que le numéro un européen est courtisé par Porsche, la Cour de justice des communautés européennes a condamné, mardi 23 octobre, le gouvernement allemand à abroger la loi qui limite à 20 % les droits de vote des actionnaires de l'entreprise.

Saisis en mars 2005 par la Commission européenne, les magistrats du Luxembourg se sont rangés sans surprise aux arguments de l'avocat général, l'Espagnol Dámaso Ruiz-Jarabo, pour considérer que cette législation " enfreint la libre circulation des capitaux " au sein de l'Union.

La Cour constate en effet que " les dispositions en cause permettent à l'État fédéral et au Land de Basse-Saxe d'exercer, avec un investissement plus réduit que celui qu'exigerait le droit commun, une influence substantielle dans la société Volkswagen. Cette situation est susceptible de dissuader des investisseurs directs d'autres États membres ". D'après le droit communautaire, " la libre circulation des capitaux peut être limitée par des mesures nationales justifiées par des intérêts légitimes ".

Mais l'Allemagne, jugent les magistrats, " n'a pas démontré en l'espèce en quoi les dispositions litigieuses sont nécessaires afin de protéger les intérêts invoqués au-delà de considérations générales sur la nécessité d'une protection vis-à-vis d'un grand actionnaire qui dominerait seul la société ".

Ainsi Berlin n'a pas été en mesure d'expliquer la raison pour laquelle le maintien, dans le capital de Volkswagen, " d'une position renforcée et inamovible au profit d'acteurs publics serait approprié et nécessaire à la satisfaction de l'objectif de protection des travailleurs ". Elle n'a pas non plus démontré pour quelles raisons le maintien d'une telle position protégerait les intérêts généraux des actionnaires minoritaires. Enfin, Berlin " n'a pas expliqué les raisons pour lesquelles les dispositions de la loi Volkswagen sont appropriées et nécessaires pour préserver les emplois ".

SYMBOLE DU CAPITALISME RHÉNAN

Symbole du capitalisme rhénan, la " loi Volkswagen " a été mise en place afin de protéger le groupe contre tout raid hostile, lors de sa privatisation dans les années 1960. Outre la limitation des droits de vote, le texte fixe à 20 % la minorité de blocage. Ce dispositif a permis de consolider le rôle du Land de Basse-Saxe au tour de table du constructeur de Wolfsburg. Les pouvoirs publics régionaux détiennent 20,8 % du capital de l'entreprise. Et, à l'instar de l'ex-chancelier social-démocrate Gerhard Schröder lorsqu'il présidait aux destinées du Land, deux de ses dirigeants siègent à son conseil de surveillance.

L'abrogation de la législation contestée par la Commission pourrait accélérer la prise de contrôle de Volkswagen par Porsche, qui s'est, au fil des mois derniers, emparé de 31 % de son capital. Le président du conseil de surveillance de Volkswagen, Ferdinand Piëch, par ailleurs actionnaire de Porsche, ne cache pas son intention de rapprocher toujours plus les deux entreprises. " Si les hedge funds - fonds spéculatifs - venaient démanteler Volkswagen, nous pourrions perdre notre partenaire le plus important ", expliquait en mars l'un de ses alliés, le président du directoire de Porsche, Wendelin Wiedeking, dans un entretien au quotidien Bildzeitung.

La décision de la Cour, et l'offensive " amicale " de Porsche surviennent au moment où Berlin appelle à une initiative européenne afin d'encadrer les investissements des fonds d'Etat d'origine étrangère. La chancelière Angela Merkel craint que certains capitaux chinois, ou russes ne soient placés en Europe à des fins politiques dans des activités stratégiques. Cette préoccupation est désormais partagée par le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, alors que ses services ont jusqu'ici veillé à supprimer les entraves à la libre circulation des capitaux, en s'attaquant par exemple aux actions préférentielles (golden shares) détenues par certains Etats membres. En prohibant la " loi Volkswagen ", l'arrêt de la Cour de justice va contribuer à poser les limites des réflexions en cours au sein de l'Union.

Philippe Ricard (sinon rien)

Lien vers le commentaire

Archivé

Ce sujet est désormais archivé et ne peut plus recevoir de nouvelles réponses.

×
×
  • Créer...