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http://antisophiste.blogspot.com/2005/08/sommaire.html

Voici le sommaire.

http://antisophiste.blogspot.com/2006/05/l…du-travail.html

Un article très actuel.

9 mai 2006

Le sophisme du partage du travail

Dans un pamphlet publié en 1846, Frédéric Bastiat tournait en dérision the lump of labor fallacy : pour protéger plus avant le travail national, menacé par la liberté du commerce et le progrès des techniques, il proposait au Roi d'interdire à ses sujets l'usage de la main droite ! (cf. ici)

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Depuis deux siècles, tous les grands économistes ont dénoncé avec constance le sophisme du partage du travail. C'est pourtant la voie dans laquelle la France s'est engagée en 1997. En pure perte, bien entendu…

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Il est bien vrai que le chômage a baissé chez nous depuis 1997. Mais il a baissé partout, et dans les mêmes proportions:

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L’évolution du chômage s'explique d'abord par la conjoncture. A cet égard, on ne constate pas que la croissance soit tendanciellement plus élevée chez nous. Sur la période 1997-2005, le taux de croissance annuel moyen a été de 2.36 % en France, et de 2.25 % pour l'UE à 15 (Eurostats).

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Les 35 heures étaient aussi censées « enrichir la croissance en emplois ». De ce point de vue, le contenu de la croissance en emplois a bien augmenté entre 1997 et 2002. L'ennui, c'est qu'il a augmenté partout : .

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calculs d'après Eurostats

On peut voir là l’effet de la croissance et des réformes libérales mises en œuvre un peu partout dans les années 90. Dans notre pays, les allègements de charges sur les bas salaires, mis en place entre 1994 et 1997, ont eu réduit de 13 % le coût salarial d'un smicard. Ces mesures ont sans doute permis de nombreuses créations d’emplois :

460 000 emplois auraient été ainsi créés ou sauvegardés grâce à ces mesures. La moitié seraient des emplois non qualifiés. Ces créations d’emplois s’expliquent par d’importantes substitutions de salariés non qualifiés à des salariés qualifiés, et, dans une moindre mesure, du travail au capital. Cela conforte l’idée que l’enrichissement du contenu en emplois de la croissance observé sur cette période est lié aux allégements de charges sur les bas salaires. Des effets de volume, liés aux baisses de prix, elles-mêmes induites par la réduction des coûts de production, contribuent aussi à ces créations d’emplois. Ainsi, si la croissance est plus riche en emplois, et en particulier non qualifié, elle est elle-même plus forte. (Économie & Statistique, n° 348, 2001)

Au bout du compte, il parait bien difficile de faire ressortir un "effet 35 heures"… Au reste, si gonflés soient-ils, les chiffres officiels ne permettent pas de pavoiser : selon la DARES (Ministère du travail), 350 000 emplois auraient été créés ou préservés depuis 1997. Des chiffres à prendre avec des pincettes, tant ils minorent les effets d'aubaine (certains emplois auraient été créés de toutes façons), et ignorent les emplois empêchés ou détruits par le passage aux 35 heures.

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Reste à expliquer pourquoi les 35 heures créent si peu d'emplois à court terme et risquent d'en détruire au moins autant à moyen terme.

Sur le papier, l'effet sur l'emploi est maximum quand on raisonne "toutes choses égales par ailleurs". En ce cas, une baisse de 10 % de la Durée du travail implique une hausse de 11 % de l’Emploi : (1 x Production) = (1 x Productivité horaire) x (0.9 x Durée du travail) x (1.11 x Emploi)

Mais à ce compte, le passage de 39 à 35 heures de 22 millions de salariés aurait dû créer 2.4 millions d’emplois, au lieu des 350 000 annoncés. Il faut croire que dans les faits, toutes choses ne sont pas égales par ailleurs…

En premier lieu, la RTT élève la productivité horaire du travail, réduisant d'autant l'effet sur l’emploi :

o sur une semaine ou sur une journée, le travail est soumis à la loi des rendements décroissants ; par conséquent, travailler 10 % moins longtemps ne signifie pas produire 10 % de moins ;

o les accords de RTT prévoyaient une contrepartie en terme de flexibilité quantitative interne : l’annualisation du temps de travail, les horaires flexibles, censées permettre une utilisation plus efficace de la force de travail ;

Pour ces raisons, d’après l'OFCE, les gains de productivité devaient réduire d’un bon tiers l'effet attendu sur l’emploi dans le privé. Quant au secteur public, l'Etat-employeur a fait comme s'il voulait démontrer que les 35 heures créaient le moins d'emplois possible…

En second lieu, sauf à réduire la capacité physique de production, les 35 heures ne pouvaient s'appliquer à tous les salariés :

o les chômeurs et les actifs occupés ne sont pas interchangeables. Comment une entreprise d'import-export pourrait-elle pallier la RTT de ses employées parlant le japonais, le chinois… et quid de l’entreprise spécialisée dans la soudure en plongée, ou de celle spécialisée en informatique de réseau ? Ce sont là des compétences qui n’abondent pas à l’ANPE ! Voilà pourquoi les cadres ne sont pas tous passés aux 35 heures ; par ex. les lois Aubry ne s'appliquent pas aux cadres dirigeants ; les cadres "autonomes" n'ont obtenu que dix jours de congés supplémentaires.

o dans une PME, si la secrétaire, le contremaître, l’ingénieur, le comptable, le mécanicien… doivent travailler 35 heures au lieu de 39, c’est toute l’entreprise qui travaillera moins, donc produira moins. Pour ces raisons, le gouvernement Jospin a dû assouplir la loi : les entreprises de moins de 20 salariés ne sont pas passées aux 35 heures. Un tiers des salariés du privé sont concernés.

Pour toutes ces raisons, le recours aux heures supplémentaires s'est accru… Tout cela réduit encore l'effet des 35 heures sur l'emploi…

En dernier lieu, sauf à réduire la capacité rentable de production, la RTT ne pouvait que coûter cher, très cher, aux salariés et aux finances publiques. En effet, si le coût du travail devait augmenter plus vite que la productivité, la rentabilité des entreprises et leur compétitivité souffriraient : la RTT créerait alors… du chômage ! Pour éviter cela, le gouvernement tablait sur les trois ajustements suivants :

o les gains de productivité : le travail en équipe permet des économies de capital, l’annualisation permet des économies de travail. Mais nos voisins n'ont pas eu besoin des 35 heures pour développer chez eux la flexibilité ! De fait, depuis 1997, la productivité horaire de la France a augmenté à peine plus vite que celle de nos partenaires : en 1997, la productivité horaire du travail était 15 % plus élevée en France que dans la moyenne de l'Union Européenne à 15 ; en 2004, l'écart est de 17 % (Eurostats).

o la modération salariale : les salariés passés aux 35 heures devaient modérer pendant deux ou trois ans leurs revendications salariales, de façon à permettre aux entreprises d’absorber le choc de la RTT. Effectivement, les coûts salariaux n’ont pas augmenté plus vite que la productivité, et le coût unitaire du travail a évolué en France au même rythme que ses voisins : entre 1997 et 2005, le coût unitaire du travail a baissé de 2.5 % en France contre 1.4 % dans l'UE à 15 (Eurostats).

o une compensation financière, sous forme de réduction de charges sociales : 8 milliards d’euros en 2003, et 15 milliards d’euros en 2005; si l'on ajoute le coût des créations d'emplois dans le public (police, collectivité locales, hôpitaux), on arrive à 18 milliards d’euros en 2005 (rapport de l’Assemblée nationale sur les 35 heures, avril 2004).

Ainsi, dans le meilleur des scénarios roses (effet neutre sur la capacité de production des entreprises), les 35 heures auraient in fine créé 350 000 emplois. Une fantaisie qui coûte chaque année 18 milliards d’euros aux contribuables français ! Avec une pareille somme, on pourrait aussi bien financer la création d’un million d’emplois dans les secteurs sinistrés de la justice, des hôpitaux, des institutions spécialisées… (base : le coût salarial d’un smicard -- 18 000 euros par an).

Un million d’emplois et 18 milliards de services en plus ! Cherchez l'erreur…

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