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L'etat Veut-il Tuer Internet En France ?


Matthieu_LC

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Bonjour à tous,

avez lu cet article:

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0,36-899116,0.html

Discrètement, en marge de la campagne, le gouvernement prépare un décret qui, s'il était appliqué, tuerait l'Internet "made in France". En effet, sous prétexte de surveiller au plus près les internautes, un décret d'application de la loi sur la confiance dans l'économie numérique du 21 juin 2004, exige que les éditeurs de sites, les hébergeurs, les opérateurs de téléphonie fixe et mobile et les fournisseurs d'accès à Internet, conservent toutes les traces des internautes et des abonnés au mobile, pour les délivrer à la police judiciaire ou à l'Etat, sur simple demande.

Au-delà du coût incroyable que cette conservation représenterait, cette mesure ne pourrait que déclencher une défiance immédiate des Français à l'égard de leur téléphone mobile ou fixe, comme à l'égard des acteurs français d'Internet, assassinant instantanément l'économie numérique française, pourtant décrite comme stratégique par nos chers candidats.

Le décret en préparation exprime le fantasme "Big Brother" : tout savoir sur tout et tous, même l'impossible. Selon ce texte, les opérateurs téléphoniques, les fournisseurs d'accès à Internet, les hébergeurs et les responsables de services en ligne (sites Web, blogs, etc.), devraient conserver pendant un an à leurs frais toutes les coordonnées et traces invisibles que laissent les utilisateurs lors d'un abonnement téléphonique ou à Internet, lors de leurs déplacements avec un téléphone allumé, lors de chaque appel ou de chaque connexion à Internet, de chaque diffusion ou consultation sur le Web d'un article, d'une photo, d'une vidéo, ou lors de chaque contribution à un blog.

En substance, devraient être conservés les mots de passe, "pseudos", codes d'accès confidentiels et autres identifiants, numéros de carte bancaire, détails de paiement, numéros de téléphone, adresses e-mail, adresses postales, le numéro de l'ordinateur ou du téléphone utilisé, le moyen d'accès à un réseau, les date et heure d'appel, de connexion et de chacune de leurs consultations ou contributions sur un site Internet.

A tant vouloir être exhaustif, le texte imposerait d'identifier quiconque, en France, aura mis en ligne, modifié ou supprimé une virgule dans son blog, un "chat", ou sur le Web. Techniquement, on peut, certes, tenter de savoir qui s'est connecté à un site et constater sur Internet ce qu'il diffuse à un instant donné.

Mais en cherchant à conserver la trace de la publication d'un contenu qui aura, par la suite, été retiré, le texte impose de facto de mémoriser systématiquement tout ce qui est mis en ligne, modifié et supprimé sur "l'Internet français". De l'avis unanime des spécialistes, c'est économiquement et techniquement impossible. Même les Etats-Unis de George W. Bush et leur "Patriot Act" post-11-Septembre n'ont jamais envisagé pareille conservation ou réglementation, qui soulèverait sans doute l'opinion publique américaine d'aujourd'hui, mais s'opère sans bruit en France.

Le coût, aussi bien pénal qu'économique, d'un tel dispositif serait colossal pour la France. En cas de résistance, ou juste de passivité, la sanction encourue est lourde : les fournisseurs d'accès à Internet ou les sites Internet français qui ne conserveraient pas toutes ces données seront passibles de 375 000 euros d'amende et leurs dirigeants, d'un an d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende, sans compter la fermeture de l'entreprise, l'interdiction d'exercer une activité commerciale, etc.

Lors d'une réunion organisée en catimini le 8 mars 2007 par les ministères de l'intérieur et des finances - le ministère de la justice jouait, une nouvelle fois, les absents -, certains professionnels ont fait valoir, notamment, que cette conservation leur coûterait très cher en stockage informatique et en moyens humains. De plusieurs dizaines de milliers à plusieurs millions d'euros par an de perte nette.

Pourtant, la plupart des sites Web, les Web radios, les blogs, la vidéo à la demande ou mobile, sont encore en quête d'un modèle économique pérenne. Déjà insécurisée par la complexité des enjeux de propriété intellectuelle, l'économie numérique de demain - celle du contenu et pas seulement de l'accès - serait encore fragilisée par une telle surenchère réglementaire franco-française.

En imposant aux entreprises françaises d'être des auxiliaires de justice ou des "indics", l'Etat fragilise tout un pan de l'économie de demain et de la démocratie d'aujourd'hui, en favorisant qui plus est, la domination déjà outrancière des grands acteurs internationaux de l'Internet, qui ne seront pas impactés à l'étranger. Jusqu'alors, seuls les fournisseurs français d'accès à l'Internet et hébergeurs étaient soumis à cette exigence et l'Etat, qui avait promis des compensations financières aux coûts induits par une surveillance des moindres faits et gestes de leurs clients, met tant de mauvaise grâce à s'acquitter des indemnités dues que certains d'entre eux ont renoncé à en réclamer le règlement, préférant envisager la délocalisation pure et simple de leurs activités…

Ces menaces proférées par quelques poids lourds de l'Internet en France font sourire Bercy, qui semble n'avoir pas encore compris qu'Internet est un réseau mondial dont de nombreux prestataires peuvent s'établir et payer leurs impôts presque où bon leur semble.

Il reste que la confusion des genres est totale. Toutes les données conservées seraient accessibles à la police administrative (RG, DST, etc.) comme à la police judiciaire, pendant un an. Les réquisitions administratives pour la "prévention du terrorisme" seraient également conservées un an dans des fichiers tenus par les ministères de l'intérieur et de la défense. Les réponses à ces mêmes réquisitions - nos traces, donc - seraient, pour leur part, conservées pendant trois ans supplémentaires et communicables à la police judiciaire.

Ainsi, des données récoltées sur la base de requêtes administratives initialement motivées par la prévention du terrorisme pourraient se retrouver dans le dossier d'un juge d'instruction en charge d'une affaire de droit à l'image, de diffamation ou de contrefaçon, par exemple, sans que les personnes mises en cause par des traces informatiques vieilles de 4 ans, puissent connaître - ni contester - l'origine ou la pertinence de ces données, ni le contexte dans lequel elles avaient été recueillies, en dehors de toute procédure judiciaire, sans magistrat ni contradictoire, quatre ans auparavant.

Ce projet de décret constitue donc une véritable menace de mort. Il est inquiétant pour trois raisons essentielles. D'abord, le coût. A vouloir faire conserver et restituer par les entreprises, sous peine d'investissements à perte, de prison et d'amendes, des traces qu'elles n'ont pas de raisons ou de possibilité d'avoir, la France créerait une distorsion de concurrence au détriment de sa propre économie numérique, pourtant motrice de notre croissance. Un internaute choisira plus aisément un site non surveillé qu'un site français pour s'informer, même s'il n'a rien à craindre de sa recherche.

Ensuite, la confusion entre le renseignement d'Etat et la justice, qui relègue la séparation des pouvoirs au rang de fiction juridique. Enfin, le risque qu'un tel dispositif ferait peser sur la régularité des procédures judiciaires au regard de notre procédure pénale. C'est-à-dire le risque de priver une politique de sécurité de toute efficacité.

Certes, le gouvernement consultera la CNIL, brandie en épouvantail par les ministères. Mais l'avis de celle-ci, même défavorable, sera dépourvu du moindre effet juridique depuis la refonte de la loi informatique et libertés intervenue en 2004. Certes, l'équilibre entre sécurité, croissance, libertés et efficacité est complexe. Au demeurant, aucune de ces valeurs ne s'illustre dans ce projet de décret, dont la rédaction est aujourd'hui laissée à un consensus entre technocrates et techniciens qui, quels que soient les résultats des échéances électorales, seront encore là demain.

Ce qui pourrait n'être qu'un décret illisible de plus est aujourd'hui une menace de mort pour le développement du numérique en France et pour tous les acteurs concernés de près ou de loin par celui-ci, de la presse aux blogueurs, en passant par la grande distribution, les opérateurs de téléphonie, les fournisseurs de logiciels, les fabricants d'ordinateurs, etc.

Sous prétexte de lutter contre la menace réelle du terrorisme, l'Etat français prend - comme aucun autre - le risque de tuer une part non négligeable de l'avenir du pays, sans aucun état d'âme et dans le silence assourdissant d'une campagne présidentielle omniprésente sur Internet, mais muette sur le développement de l'Internet.

Philippe Jannet est président du Groupement des éditeurs de sites en ligne (Geste).

Le Geste regroupe les principaux éditeurs de sites en ligne français, qu'il s'agisse de portails généralistes (Yahoo ! France, Google), d'organismes ou d'entreprises (INA, UFC Que choisir, Manpower, Comareg, France Télécom, Bouygues Télécom, etc.), ou encore de sites de chaînes de télévision (TF1, France télévision, M6, etc.), de radios (Radio France, Skyrock, RTL, RFI, etc.), d'agences (AFP), de journaux (Le Figaro, Les Echos, Libération, Le Monde, L'Equipe, Le Point, L'Express, Le Nouvel Observateur, Le Parisien et les journaux du groupe Hachette Filipacchi Multimedia, etc.).

Posté

Pseudos, codes d'accès et numéros de cartes bancaires ??!! Mais ils sont fous !

Bon, y'a pas une pétition en ligne ?

Posté

Le pire, c'est qu'il y a des esclaves dans les commentaires pour écrire "je n'ai rien à cacher", "c'est juste pour poursuivre les auteurs de délits", etc. Ces gens méritent juste d'être foutus dans une cage et de se nourrir de leurs excréments, car ils entraînent tous les autres avec eux dans leur acceptation de ces réglementations.

Posté
Bonjour à tous,

avez lu cet article:

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0,36-899116,0.html

il y a l'aspect fascisant de l'affaire qui me révulse, mais je ne vois même pas comment c'est réalisable concrètement.

pour sauvegarder tout le traffic internet, il faudrait des dizaines de teraoctets par jour par fournisseur d'accès, et donc l'infrastructure de sauvegarde qui est capable de sauvegarder à ces viteses-là, plus les entrepôts pour stocker les sauvegardes.

Le fric d'une infrastructure de sauvegarde pareil est affolant, aucune entreprise dans le monde sauvegarde ses flux réseaux, et là, ils veulent le faire au niveau d'un pays.

Déjà est-ce que techniquement, ça existe des trucs pareils, je ne sais pas, et deuxio, on va avoir des abonnements internet à 200 euros/mois pour payer tout ça.

Faudrait faire les comptes pour savoir si c'est réalisable et combien ça pourrait coûter.

L'argument du cyber flicage ne touchera pas grand monde, par contre, le porte-feuille, ça fait mal à tout le monde.

Posté
Le pire, c'est qu'il y a des esclaves dans les commentaires pour écrire "je n'ai rien à cacher", "c'est juste pour poursuivre les auteurs de délits", etc. Ces gens méritent juste d'être foutus dans une cage et de se nourrir de leurs excréments, car ils entraînent tous les autres avec eux dans leur acceptation de ces réglementations.

Oui….. COmme les anglais avec leurs caméras de surveillance…

De la servitude volontaire….

Posté
Bientôt, l'internet en France ressemblera à la sinistre parodie bolcholâtre qui sévit à Cuba, en Corée du Nord ou en Chine.

Pas étonnant. On leur vend déjà les outils pour le faire.

Posté

C'est quelque chose qui est déjà en partie réalisé, parce que ça peut permettre aux hébergeurs de se protéger. C'est possible techniquement, c'est aussi comme ça qu'on génère les statistiques de fréquentation, mais ça ne concerne que l'IP, la date, et la page accédée.

Par contre ce qu'ils demandent, c'est que le lien entre toute action (y compris modification de contenu) soit gentiment documentée pour eux, et accessible sans aucune justification de leur part. Ce qui est de la folie technique et une grave atteinte à la vie privée.

Pour les cartes bancaires, c'est n'importe-quoi : c'est une donnée que justement on évite à tout prix de stocker. De même pour les mots de passe, on ne stocke qu'un hash (on ne peut pas obtenir le mot de passe avec, seulement vérifier sa conformité).

Deux possibilités :

- Personne ne va respecter cette règle (déjà, à votre avis, combien de sites se sont enregistrés à la CNIL alors que c'est obligatoire ?)

- Les sites iront s'héberger ailleurs

Posté

Je ne sais pas si l'auteur de l'article s'est bien relu mais dès le début affirmer "En effet, sous prétexte de surveiller au plus près les internautes, " est particulièrement curieux comme formulation.

Posté
Oui….. COmme les anglais avec leurs caméras de surveillance…

De la servitude volontaire….

J'avais vu un exemple où certaines caméras de surveillance servaient entre autres au microcontrôle de la foule : typiquement, quand quelqu'un laisse tomber un mégot de cigarette par terre, un opérateur lui dit, via de puissants hauts-parleurs, de le ramasser et de le jeter dans un endroit plus approprié. Je vous laisse imaginer la honte de se faire tirer l'oreille en public. Et bien j'ai découvert que ce système existe aussi en France, grâce à la RATP ! En effet, j'étais Jeudi à Auber, dans un escalier mécanique qui m'emportait vers la ligne 3. Et bien j'ai eu la désagréable surprise de voir ma voisine de derrière interpelée de la sorte, pour le même motif.

Posté
:icon_up: Ca ne suffit pas d'être l'un des pays les plus ridicules au monde ? Il faut encore qu'ils en rajoute dans le domaine de l'internet ? Pffff ça m'énerve ce genre de trucs. SJe crois bien que seule une défaite de Royal demain pourrait ensoleiller mon week-end.
Invité Arn0
Posté

Il faudrait peut-être penser à délocaliser liberaux.org ? Au moins cela colle bien avec notre image.

Posté
Il faudrait peut-être penser à délocaliser liberaux.org ? Au moins cela colle bien avec notre image.

:icon_up:

A mon avis ils sont plus malins que ça, surtout que liberaux.org est une association française. La liberté d'expression sur Internet pour un français par exemple, ça ne marche pas même si le site est à l'étranger.

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