Taranne Posté 27 avril 2008 Signaler Posté 27 avril 2008 Via Pierre Assouline: L’affaire Aristote, chronique d’un scandale annoncéContrairement à une vulgate largement répandue, l’Occident chrétien ne doit pas la découverte et la transmission de la pensée grecque ancienne aux Arabes musulmans mais aux chrétiens d’Orient. Telle est, à gros traits, la conviction que l’on retire après avoir lu Aristote au Mont Saint-Michel. Les racines grecques de l’Europe chrétienne (282 pages, 21 euros, Seuil). La thèse n’est pas nouvelle, elle est même archaïque puisqu’à la fin du XIXème et au début du XXème, elle rencontrait un certain succès. Sauf que depuis, la recherche savante a fait des progrès. Paru au début du mois dernier, le livre a aussitôt suscité colère et indignation du côté des médiévistes. Le ton est vite monté. Une “affaire” est en train de naître dans les milieux universitaire, intellectuel et éditorial car, on le devine, cette révision de l’Histoire a bien une dimension politique. L’homme par qui le scandale est arrivé s’appelle Sylvain Gouguenheim. Professeur d’histoire médiévale à l’Ecole Normale supérieure de Lyon, il est un spécialiste des chevaliers teutoniques, de la mystique rhénane ainsi que des croisades sur l’histoire desquelles il travaille actuellement. L’affaire a pris véritablement son envol le 3 avril lorsque lui fut consacré un important article le légitimant dans Le Monde des livres.Dès lors, les médiévistes se donnèrent le mot pour faire un tir de barrage contre ce qu’ils tiennent pour un méchant pamphlet moins innocent qu’il n’y paraît. Ils ont fait circuler tribunes libres, droits de réponse et pétition. Evidemment pas pour le faire interdire mais pour marquer le coup, appeler le lecteur à la vigilance et dénoncer l’opération. Ce qui lui est reproché ? De présenter comme inconnu ce qui était déjà bien connu : à savoir le rôle joué par Jacques de Venise et les moines de l’abbaye du Mont-Saint-Michel dans la traduction des textes grecs en latin. De monter en épingle une prétendue vulgate (L’Europe doit ses savoirs à l’Islam) pour mieux la réfuter alors que nul historien sérieux ne prétend rien de tel. D’être aussi systématiquement bienveillant avec ses sources latines qu’il est méfiant avec ses sources arabes. De faire du miracle grec le soleil de la raison et l’absolu critère de la hiérarchie des civilisations. De surévaluer le rôle du monde byzantin. De prétendre révéler le rôle de Hunayn ibn Ishaq, traducteur du grec au IXème siècle, alors que l’importance de cet Arabe chrétien a maintes fois été étudiée. De se tromper en affirmant que Jean de Salisbury a fait oeuvre de commentateur, ou que les Syriaques ont traduit l’Organon dans son intégralité. D’emprunter son titre à un article de C. Viola paru en 1967. De dévaluer la production savante des arabo-musulmans, en mathématiques et en astronomie notamment, entre le IX et le XIIIème siècle. De mêler fondamentalisme musulman et civilisation de l’Islam. De postuler que par principe la pensée arabo-musulmane était incapable de rationaliser tant elle était bloquée par la Parole révélée du Coran. D’ignorer (ou de le feindre) qu’au Moyen-Age “Aristote” désignait tant le texte du philosophe que celui de son commentateur Averroès (ainsi qu’Avicenne et Algazel) absolument liés. De ne pas voir que les Arabo-musulmans n’ont pas simplement transmis mais réinventé Aristote. De ne pas voir que sans Cordoue, les Lumières à Paris et Berlin n’auraient pu recevoir l’héritage grec et romain comme elles l’ont reçu. D’être aussi péremptoire dans ses conclusions alors qu’il ignore tant le grec que l’arabe. D’ignorer tant dans sa bibliographie que dans ses remerciements d’éminents spécialistes de la philosophie médiévale qui contredisent ses thèses. D’en inclure d’autres en revanche bien en cour sur les sites islamophobes. De confondre à dessein ”musulman” et “islamique”, autrement dit religion et civilisation. De dévoyer sa fonction d’historien et d’être au fond un idéologue gouverné par la peur et l’esprit de repli. Voilà condensés les reproches et accusations, vivement énoncés, que l’on trouve sous la plume de ses collègues Gabriel Martinez-Gros et Julien Loiseau, du philosophe Alain de Libera, de l’historienne Hélène Bellosta et de dizaines de chercheurs français (la France compte plus de 600 médiévistes en activité !) et étrangers (c’est assez exceptionnel pour être remarqué, l’affaire Toaff n’ayant pas été aussi immédiatement internationale) qui ont signé une “pétition” à sa suite. Certaines de ces réactions ont été partiellement publiées, d’autres me sont parvenues directement dans leur intégralité, de même que d’autres dsc20010606036-abbaye_du_mont_saint-michel-med.1209234231.jpgencore qui devraient paraître dans les jours prochains du côté de Libération notamment. Un hourvari qui n’aurait pas lieu d’être si ce livre ne jouissait pas de deux instances de validation enviables pour un travail aussi contestable : l’Ecole Normale supérieure de Lyon et la non moins prestigieuse collection “L’Univers historique” au Seuil. Il n’y a pas d’autre “clé” à chercher (comme le croit la responsable éditoriale du livre) dans l’unanime virulence des réactions à cette publication. Ni jalousie, ni complot. Ni même corporatisme puisque l’intéressé appartient à la corporation, même s’il a mené cette recherche en dehors d’elle (séminaires, colloques etc) à l’égal d’un franc-tireur. Dans un long texte particulièrement mordant, Alain de Libera, spécialiste de philosophie médiévale et directeur de collection au Seuil, écrit notamment :”Vue dans la perspective de la translatio studiorum, l’hypothèse du Mont-Saint-Michel, “chaînon manquant dans l’histoire du passage de la philosophie aristotélicienne du monde grec au monde latin” hâtivement célébrée par l’islamophobie ordinaire, a autant d’importance que la réévaluation du rôle de l’authentique Mère Poulard dans l’histoire de l’omelette”. D’autres universitaires, collègues de Sylvain Gouguenheim, préfèrent relever dans le dernier chapitre de son livre ce qui y flatte un tendance bien actuelle : une certaine jubilation dans sa manière de conclure sur l’impossibilité ontologique de tout échange culturel entre les civilisations. On n’est même pas dans leur affrontement, comme chez Samuel Huntington. Car si celui-ci offre un choix politique entre deux camps, Gouguenheim n’en offre aucun : nous sommes européens, donc chrétiens, donc grecs. Partant, notre histoire est donc inconciliable avec quatorze siècles d’Islam qui n’ont mené à rien. CQFD. Les reproches dont on l’accable, l’intéressé s’en défend naturellement. Il se dit “bouleversé” par la violence de la campagne dont il est l’objet, dénonçant le procès d’intention à son endroit et excipant de sa naïveté lorsque sont mis à jour les relais idéologiques dont son travail a bénéficié. Car la polémique a atteint une telle ampleur que certains de ses détracteurs ont fouillé la Toile pour y trouver les preuves de collusion qu’ils soupçonnaient. Non seulement le site Occidentalis a publié les “bonnes feuilles” de ce livre neuf mois avant sa parution, alors qu’il était encore à l’état de manuscrit, mais Sylvain Gouguenheim a semble-t-il posté des commentaires, nettement plus vifs et directs que dans son livre, pour défendre la même thèse (le rôle de l’Islam dans la transmission du savoir gréco-latin à l’Occident est un mythe) sur le blog d’Occidentalis, site d’”islamovigilance”, et sur Amazon.fr, commentaires signés “Sylvain G.”… Encore reste-t-il à établir s’il s’agit bien de lui et non d’un provocateur ayant parfaitement épousé sa rhétorique. La critique triomphaliste du Figaro littéraire ne fut certainement pas pour lui déplaire même si elle peut être embarrassante tant elle dévoile clairement le véritable enjeu de son ouvrage :“Félicitons M.Gouguenheim de n’avoir pas craint de rappeler qu’il y eut bien un creuset chrétien médiéval, fruit des héritages d’Athènes et de Jérusalem. Alors que l’islam ne devait guère proposer son savoir aux Occidentaux, c’est bien cette rencontre, à laquelle on doit ajouter le legs romain, qui “a créé, nous dit Benoît XVI, l’Europe et reste le fondement de ce que, à juste titre, on appelle l’Europe”. S’il y a un homme dont on aimerait connaître la réaction à toutes les facettes de cette affaire, c’est bien Michel Chodkiewicz, traducteur des écrits spirituels de l’Emir Abd-el-Kader, commentateur inspiré de Ibn ‘Arabi et ancien président des éditions du Seuil. Lui n’aurait certainement jamais publié Aristote au Mont-Saint-Michel, non plus que l’historien Michel Winock qui dirigeait alors “L’univers historique” fondé avec Jacques Julliard. Le comble, c’est que rien n’atteste que Jacques de Venise ait jamais mis les pieds dans cette abbaye ! Il eut peut-être fallu commencer par là. P.S. Hommage soit rendu à Losfeld et Pseudofurgole, deux commentateurs de la “République des livres” qui, très tôt, m’ont enjoint de lire ce livre, mais peut-être pas pour parvenir à de telles conclusions… (Illustrations : Aristote, Averroès, la salle des hôtes de l’abbaye du Mont-Saint-Michel) Une démonstration suspecteLE MONDE DES LIVRES | 24.04.08 | 18h01 • Mis à jour le 24.04.08 | 18h05 rmé d'une solide réputation de sérieux (acquise par ses travaux sur la mystique rhénane), fort également d'une position institutionnelle prestigieuse, Sylvain Gouguenheim entend réviser une idée largement reçue et même redresser une véritable injustice de l'histoire : l'Europe chrétienne du Moyen Age n'a pas reçu l'héritage grec, passivement, des Arabes ; elle a toujours conservé la conscience de sa filiation grecque ; mieux, elle s'est réapproprié, de sa propre initiative, ce legs qui lui revenait de droit, accueillant les savants grecs fuyant l'islam, entreprenant de retrouver la lettre des textes grecs en les traduisant directement en latin. C'est la gloire oubliée de Jacques de Venise et de l'abbaye du Mont-Saint-Michel. Si l'on suit Sylvain Gouguenheim, la civilisation islamique se serait avérée incapable d'assimiler l'héritage grec ou d'accepter Aristote, faute de pouvoir accéder aux textes sans les traductions des chrétiens d'Orient, faute de pouvoir subordonner la révélation à la raison (ce qu'au passage personne ne put faire en Europe avant le XVIIIe siècle). Il devient dès lors possible de rétablir la véritable hiérarchie des civilisations, ce que fait Sylvain Gouguenheim en prenant comme mètre étalon leur degré d'hellénisation. A sa droite, l'Europe, dont la quête désintéressée du savoir et la modernité politique plongent leurs racines dans ses origines grecques et son histoire chrétienne. A sa gauche, l'islam, quatorze siècles de civilisation qu'il convient de ramener à ses fondations religieuses sorties nues du désert, à son littéralisme obsessionnel, à son juridisme étroit, à son obscurantisme, son fatalisme, son fanatisme. Dans son éloge de la passion grecque de l'Europe chrétienne, Sylvain Gouguenheim surévalue le rôle du monde byzantin, faisant de chaque "Grec" un "savant", de chaque chrétien venu d'Orient un passeur culturel. On sait pourtant que dans les sciences du quadrivium, en mathématiques et en astronomie surtout, la production savante du monde islamique est, entre le IXe et le XIIIe siècle, infiniment plus importante que celle du monde byzantin. Dans sa démystification de l'hellénisation de l'islam, Sylvain Gouguenheim confond "musulman" et "islamique", ce qui relève de la religion et ce qui relève de la civilisation. Les chrétiens d'Orient ne sont certes pas musulmans, mais ils sont islamiques, en ce qu'ils sont partie prenante de la société de l'islam et étroitement intégrés au fonctionnement de l'Etat. On ne peut nier la diversité ethnique et confessionnelle de la civilisation islamique sans méconnaître son histoire. Dans sa révision de l'histoire intellectuelle de l'Europe chrétienne, Sylvain Gouguenheim passe pratiquement sous silence le rôle joué par la péninsule Ibérique, où on a traduit de l'arabe au latin les principaux textes mathématiques, astronomiques et astrologiques dont la réception allait préparer en Europe la révolution scientifique moderne. D'Aristote, Sylvain Gouguenheim semble ignorer que la pensée scolastique du XIIIe siècle a moins retenu la lettre des textes que le commentaire qu'on en avait déjà fait, comme celui d'Averroès, conceptualisant les contradictions entre la foi et une pensée scientifique qui ignore la création du monde et l'immortalité de l'âme. Alain de Libera l'a montré, c'est moins l'aristotélisme qui gagne alors l'université de Paris que l'averroïsme : le texte reçu par et pour son commentaire. Le livre aurait pu s'arrêter là et n'aurait guère mérité l'attention, tant il nie obstinément ce qu'un siècle et demi de recherche a patiemment établi. Mais Sylvain Gouguenheim entreprend également de mettre sa démonstration au coeur d'une nouvelle grammaire des civilisations, où la langue et les structures mentales qu'elle porte jouent un rôle déterminant. La langue, dont la valeur ontologique expliquerait l'inanité des traductions d'un système linguistique à un autre, d'une langue indo-européenne (le grec) à une langue sémitique (l'arabe) et retour (le latin). La langue, à la recherche de laquelle Sylvain Gouguenheim réduit la longue quête de savoir des chrétiens de l'Occident médiéval, quand Peter Brown montre à l'inverse comment le christianisme a emprunté les chemins universels de la multitude des idiomes. La langue, à laquelle Gouguenheim ramène le génie de l'islam, qui n'aurait jamais échappé aux rets des sourates du Coran. L'esprit scientifique, la spéculation intellectuelle, la pensée juridique, la création artistique d'un monde qui a représenté jusqu'à un quart de l'humanité auraient, depuis toujours, été pétrifiés par la Parole révélée. Le réquisitoire dressé par Sylvain Gouguenheim sort alors des chemins de l'historien, pour se perdre dans les ornières d'un propos dicté par la peur et l'esprit de repli. Dans ces troubles parages, l'auteur n'est pas seul. D'autres l'ont précédé, sur lesquels il s'appuie volontiers. Ainsi René Marchand est-il régulièrement cité, après avoir été remercié au seuil de l'ouvrage pour ses "relectures attentives" et ses "suggestions". Son livre, Mahomet. Contre-enquête, figure dans la bibliographie. Un ouvrage dont le sous-titre est : "Un despote contemporain, une biographie officielle truquée, quatorze siècles de désinformation". Or René Marchand a été plébiscité par le site Internet de l'association Occidentalis, auquel il a accordé un entretien et qui vante les mérites de son ouvrage. Un site dont "l'islamovigilance" veille à ce que "la France ne devienne jamais une terre d'islam". Qui affirme sans ambages qu'avant la fin du siècle, les musulmans seront majoritaires dans notre pays. Qui appelle ses visiteurs à combattre non le fondamentalisme islamique, mais bel et bien l'islam. Qui propose à qui veut les lire, depuis longtemps déjà, des passages entiers de l'Aristote au Mont Saint-Michel. Les fréquentations intellectuelles de Sylvain Gouguenheim sont pour le moins douteuses. Elles n'ont pas leur place dans un ouvrage prétendument sérieux, dans les collections d'une grande maison d'édition. Gabriel Martinez-Gros, Professeur d'histoire médiévale à l'université Paris-VIII Julien Loiseau, Maître de conférences en histoire médiévale à l'université Montpellier-III Gabriel Martinez-Gros Julien Loiseau Article paru dans l'édition du 25.04.08
Legion Posté 27 avril 2008 Signaler Posté 27 avril 2008 En plus c'est idiot son truc : si les racines historiques grecques c'est le Bien, mais qu'est-ce qu'on attend pour intégrer la Turquie en Europe ?
Taranne Posté 27 avril 2008 Auteur Signaler Posté 27 avril 2008 Polémique sur les "racines" de l'EuropeLE MONDE DES LIVRES | 24.04.08 | 17h59 • Mis à jour le 24.04.08 | 18h05 Dans son édition du 4 avril, sous le titre "Et si l'Europe ne devait pas ses savoirs à l'islam ?", "Le Monde des livres" publiait le compte rendu d'un ouvrage de Sylvain Gouguenheim, professeur d'histoire médiévale à l'Ecole normale supérieure de Lyon. Intitulé Aristote au Mont-Saint-Michel. Les racines grecques de l'Europe chrétienne, le livre venait de paraître aux éditions du Seuil dans la prestigieuse collection "L'Univers historique". Cet article a suscité une vive émotion dans une partie de la communauté universitaire. Ainsi, quarante historiens et philosophes des sciences, emmenés par Hélène Bellosta (CNRS), nous ont fait parvenir un texte intitulé "Prendre de vieilles lunes pour des étoiles nouvelles, ou comment refaire aujourd'hui l'histoire des savoirs", dans lequel ils expriment leur "surprise". S'élevant contre les thèses de Sylvain Gouguenheim, qu'ils assimilent aux "propos d'un idéologue", ils écrivent : "Il n'est aucun philosophe ou historien des sciences sérieux pour affirmer que "l'Europe doit ses savoirs à l'islam" ; la science en tant que telle se développe selon ses voies propres et ne doit pas plus à l'islam qu'au christianisme, au judaïsme ou à toute autre religion. En revanche, l'idée que l'Europe ne doit rien au monde arabe (ou arabo-islamique) et que la science moderne est héritière directe et unique de la science et de la philosophie grecques n'est pas nouvelle. Elle constitue même le lieu commun de la majorité des penseurs du XIXe siècle et du début du XXe siècle, tant philosophes qu'historiens des sciences, dont le compte rendu du Monde reprend tous les poncifs." De même, le médiéviste Alain de Libera, directeur d'études à l'Ecole pratique des hautes études, par ailleurs directeur de collection au Seuil, fustige "un plaisant exercice d'histoire fiction", digne des "amateurs de croisades", et propre à déclencher la "mobilisation huntingtonienne" du choc des civilisations. "Encore un pas et l'on verra fanatiques religieux et retraités pavillonnaires s'accorder sur le fait que, après tout, l'Europe chrétienne, qui bientôt n'aura plus de pétrole, a toujours eu les idées…", ironise-t-il. "Je croyais naïvement qu'en échangeant informations, récits, témoignages, analyses et mises au point critiques, nous, femmes et hommes de sciences, d'arts ou de savoirs (…), nous, citoyens du monde, étions enfin prêts à revendiquer pour tous, comme jadis Farabi pour les Arabes, le "grand héritage humain". C'était oublier l'Europe aux anciens parapets. (…). Cette Europe-là n'est pas la mienne", écrit encore Alain de Libera. Une position partagée par les historiens Gabriel Martinez-Gros et Julien Loiseau, dont nous avons publions la tribune, et qui résument à leur manière la plupart des arguments utilisés par leurs collègues. Nous donnons également la parole à Sylvain Gouguenheim. Quant aux éditions du Seuil, enfin, elles manifestent leur perplexité : " Je ne comprends pas très bien toute cette agitation, affirme Monique Labrune, responsable des sciences humaines. De notre côté, nous n'avons que des échos positifs sur ce livre. C'est un peu étrange. Je voudrais être sûre qu'il n'y a pas autre chose que le livre derrière tout cela. J'aimerais avoir toutes les clefs…" Jean Birnbaum Article paru dans l'édition du 25.04.08
Ash Posté 27 avril 2008 Signaler Posté 27 avril 2008 S'élevant contre les thèses de Sylvain Gouguenheim, qu'ils assimilent aux "propos d'un idéologue", ils écrivent : "Il n'est aucun philosophe ou historien des sciences sérieux pour affirmer que "l'Europe doit ses savoirs à l'islam" En ce cas pourquoi une telle levée de boucliers ? Il y a comme un décalage, je trouve, qui donne plutôt raison à ce Gouguenheim.
Polydamas Posté 27 avril 2008 Signaler Posté 27 avril 2008 Marrant, le Monde des Livres qui démonte le bouquin, mais le Monde, tout court, l'avait encensé (en même temps, c'est Roger Pol-Droit, pour ce que j'en connais il est un peu plus honnête que la moyenne). Bon, sinon, j'ai le bouquin sous les mains, je vais me faire ma propre opinion moi-même. Dans sa démystification de l'hellénisation de l'islam, Sylvain Gouguenheim confond "musulman" et "islamique", ce qui relève de la religion et ce qui relève de la civilisation. Les chrétiens d'Orient ne sont certes pas musulmans, mais ils sont islamiques, en ce qu'ils sont partie prenante de la société de l'islam et étroitement intégrés au fonctionnement de l'Etat. Pour ce que j'ai commencé à lire, au contraire, Gouguenheim fait précisément la différence entre musulmans et arabes, ne cesse pas de distinguer son propos. La distinction musulman/islamiste dans le cadre du bouquin me parait superfétatoire. Les fréquentations intellectuelles de Sylvain Gouguenheim sont pour le moins douteuses. Elles n'ont pas leur place dans un ouvrage prétendument sérieux, dans les collections d'une grande maison d'édition.Gabriel Martinez-Gros, Professeur d'histoire médiévale à l'université Paris-VIII Julien Loiseau, Maître de conférences en histoire médiévale à l'université Montpellier-III Ils ont quoi de condamnable, ces messieurs ? Ils nient la vulgate officielle ? Le réquisitoire dressé par Sylvain Gouguenheim sort alors des chemins de l'historien, pour se perdre dans les ornières d'un propos dicté par la peur et l'esprit de repli. La betimmoooooooooooooooonde est de retour, ils ont vraiment pas peur du ridicule, ces abrutis. D’ignorer (ou de le feindre) qu’au Moyen-Age “Aristote” désignait tant le texte du philosophe que celui de son commentateur Averroès (ainsi qu’Avicenne et Algazel) absolument liés. De ne pas voir que les Arabo-musulmans n’ont pas simplement transmis mais réinventé Aristote. De Reinventé Aristote ? Quelqu'un peut m'expliquer ?
William White Posté 5 mai 2008 Signaler Posté 5 mai 2008 Après en avoir lu une bonne partie, ce livre est plutôt intéressant. Effectivement, les réactions de la presse étaient plutôt positives à sa sortie, dans Le Monde et dans Le Figaro notamment, jusqu'à ce qu'une poignée de médiévistes appellent leur copains de Libé et de Télérama pour relayer leur pétition condamnant ceux qui remettent en cause leur thèse. Cette réaction au quart de tour, avec des invectives de type "extrémisme" ou "islamophobie", montre la volonté d'établir une pensée dominante sur un sujet désormais tabou, l'islam. Cette réaction est inquiétante, l'ouvrage de Gouguenheim rassurant: il y a encore des gens qui pensent dans ce pays.
Taranne Posté 5 mai 2008 Auteur Signaler Posté 5 mai 2008 La pétition: Oui, l’Occident chrétien est redevable au monde islamiqueUn collectif international de 56 chercheurs en histoire et philosophie du Moyen Age QUOTIDIEN : mercredi 30 avril 2008 35 réactions Historiens et philosophes, nous avons lu avec stupéfaction l’ouvrage de Sylvain Gouguenheim intitulé Aristote au Mont- Saint-Michel. Les racines grecques de l’Europe chrétienne (Seuil) qui prétend démontrer que l’Europe chrétienne médiévale se serait approprié directement l’héritage grec au point de dire qu’elle «aurait suivi un cheminement identique même en l’absence de tout lien avec le monde islamique». L’ouvrage va ainsi à contre-courant de la recherche contemporaine, qui s’est efforcée de parler de translatio studiorum et de mettre en avant la diversité des traductions, des échanges, des pensées, des disciplines, des langues. S’appuyant sur de prétendues découvertes, connues depuis longtemps, ou fausses, l’auteur propose une relecture fallacieuse des liens entre l’Occident chrétien et le monde islamique, relayée par la grande presse mais aussi par certains sites Internet extrémistes. Dès la première page, Sylvain Gouguenheim affirme que son étude porte sur la période s’étalant du VIe au XIIe siècle, ce qui écarte celle, essentielle pour l’étude de son sujet, des XIIIe et XIVe siècles. Il est alors moins difficile de prétendre que l’histoire intellectuelle et scientifique de l’Occident chrétien ne doit rien au monde islamique ! Sur le même sujet * “Aristote au Mont-Saint-Michel", savant et ambiguë * Aristote, un détour arabe contesté Il serait fastidieux de relever les erreurs de contenu ou de méthode que l’apparence érudite du livre pourrait masquer : Jean de Salisbury n’a pas fait œuvre de commentateur ; ce n’est pas via les traductions syriaques que ce qu’on a appelé la Logica nova (une partie de l’Organon d’Aristote) a été reçue en Occident ; enfin, et surtout, rien ne permet de penser que le célèbre Jacques de Venise, traducteur et commentateur d’importance, comme chacun le sait et l’enseigne, ait jamais mis les pieds au Mont-Saint-Michel ! Quant à la méthode, Sylvain Gouguenheim confond la présence d’un manuscrit en un lieu donné avec sa lecture, sa diffusion, sa transmission, ses usages, son commentaire, ou extrapole la connaissance du grec au haut Moyen Age à partir de quelques exemples isolés. Tout cela conduit à un exposé de seconde main qui ignore toute recherche nouvelle - notons que le titre même de son livre est emprunté à un article de Coloman Viola… paru en 1967 ! Certains éléments du livre sont certes incontestables, mais ce qui est présenté comme une révolution historiographique relève d’une parfaite banalité. On sait depuis longtemps que les chrétiens arabes, comme Hunayn Ibn Ishaq, jouèrent un rôle décisif dans les traductions du grec au IXe siècle. De plus, contrairement aux affirmations de l’auteur, le fameux Jacques de Venise figure aussi bien dans les manuels d’histoire culturelle, comme ceux de Jacques Verger ou de Jean-Philippe Genet, que dans ceux d’histoire de la philosophie, tel celui d’Alain de Libera, la Philosophie médiévale, où l’on lit : «L’Aristote gréco-latin est acquis en deux étapes. Il y a d’abord celui de la période tardo-antique et du haut Moyen Age, l’Aristote de Boèce, puis, au XIIe siècle, les nouvelles traductions gréco-latines de Jacques de Venise.» La rhétorique du livre s’appuie sur une série de raisonnements fallacieux. Des contradictions notamment : Charlemagne est crédité d’une correction des évangiles grecs, avant que l’auteur ne rappelle plus loin qu’il sait à peine lire ; la science moderne naît tantôt au XVIe siècle, tantôt au XIIIe siècle. Le procédé du «deux poids, deux mesures» est récurrent : il reproche à Avicenne et Averroès de n’avoir pas su le grec, mais pas à Abélard ou à Thomas d’Aquin, mentionne les réactions antiscientifiques et antiphilosophiques des musulmans, alors que pour les chrétiens, toute pensée serait issue d’une foi appuyée sur la raison inspirée par Anselme - les interdictions d’Aristote, voulues par les autorités ecclésiastiques, n’ont-elles pas existé aux débuts de l’Université à Paris ? La critique des sources est dissymétrique : les chroniqueurs occidentaux sont pris au pied de la lettre, tandis que les sources arabes sont l’objet d’une hypercritique. L’auteur enfin imagine des thèses qu’aucun chercheur sérieux n’a jamais soutenues (par exemple, «que les musulmans aient volontairement transmis ce savoir antique aux chrétiens est une pure vue de l’esprit»), qu’il lui est facile de réfuter pour faire valoir l’importance de sa «révision». Au final, des pans entiers de recherches et des sources bien connues sont effacés, afin de permettre à l’auteur de déboucher sur des thèses qui relèvent de la pure idéologie. Le christianisme serait le moteur de l’appropriation du savoir grec, ce qui reposerait sur le fait que les Evangiles ont été écrits en grec - passant sous silence le rôle de la Rome païenne. L’Europe aurait ensuite réussi à récupérer le savoir grec «par ses propres moyens». Par cette formule, le monde byzantin et les arabes chrétiens sont annexés à l’Europe, trahissant le présupposé identitaire de l’ouvrage : pour l’auteur, l’Europe éternelle s’identifie à la chrétienté, le «nous» du livre, même quand ses représentants vivent à Bagdad ou Damas. La fin du livre oppose des «civilisations» définies par la religion et la langue et ne pouvant que s’exclure mutuellement. L’ouvrage débouche alors sur un racisme culturel qui affirme que «dans une langue sémitique, le sens jaillit de l’intérieur des mots, de leurs assonances et de leurs résonances, alors que dans une langue indo-européenne, il viendra d’abord de l’agencement de la phrase, de sa structure grammaticale. […] Par sa structure, la langue arabe se prête en effet magnifiquement à la poésie […] Les différences entre les deux systèmes linguistiques sont telles qu’elles défient presque toute traduction». On n’est alors plus surpris de découvrir que Sylvain Gouguenheim dit s’inspirer de la méthode de René Marchand (page 134), auteur, proche de l’extreme droite, de Mahomet : contre-enquête (L’Echiquier, 2006, cité dans la bibliographie) et de La France en danger d’Islam : entre Jihad et Reconquista (L’Âge d’Homme, 2002), qui figure en bonne place dans les remerciements. Il confirme ainsi que sa démarche n’a rien de scientifique : elle relève d’un projet idéologique aux connotations politiques inacceptables. La liste des signataires Cyrille Aillet, Maître de conférences (MCF), histoire de l’islam médiéval, Un. de Lyon II Etienne Anheim, MCF, histoire médiévale, Un. de Versailles/Saint-Quentin-en-Yvelines Sylvain Auroux, Directeur de recherches au CNRS Louis-Jacques Bataillon (Dominicain), Commission Léonine pour l’édition critique des œuvres de Thomas d’Aquin, comité international pour l’édition de l’Aristote latin Thomas Bénatouïl, MCF, histoire de la philosophie antique, Un. de Nancy II Luca Bianchi, Centro per lo studio del pensiero filosofico del Cinquecento e del Seicento, CNR, Milano Joël Biard, Professeur, philosophie médiévale, Un. de Tours Patrick Boucheron, MCF, histoire médiévale, Un. de Paris I, IUF Jean-Patrice Boudet, Professeur, histoire médiévale, Un. d’Orléans Alain Boureau, Directeur d’études, histoire médiévale, EHESS Jean-Baptiste Brenet, MCF, Philosophie médiévale, Un. de Paris X Charles Burnett, Professor, history of arabic/islamic influence in Europe, Warburg Institute, London Philippe Büttgen, Chargé de recherches, CNRS, Laboratoire d’études sur les monothéismes, Villejuif Irène Caiazzo, Chargée de recherches, CNRS, Laboratoire d’études sur les monothéismes, rédactrice en chef des Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge Barbara Cassin, Directrice de recherches au CNRS, dir. du centre Léon Robin Laurent Cesalli, Assistant scientifique, Un. de Freiburg-im-Breisgau Joël Chandelier, Ecole française de Rome (Moyen Âge) Riccardo Chiaradonna, Professore associato, filosofia antica, Università di Roma III Jacques Chiffoleau, Directeur d’études, histoire médiévale, EHESS Jacques Dalarun, Directeur de recherches, CNRS, IRHT Isabelle Draelants, Chargée de recherches, CNRS, UMR 7002, Un. de Nancy II Anne-Marie Eddé, Directrice de recherches, CNRS, directrice de l’Institut de Recherches et d’Histoire des Textes (IRHT) Sten Ebbesen, Institut du Moyen Age Grec et Latin, Copenhague Luc Ferrier, Ingénieur d’études, histoire médiévale, CNRS, CRH (EHESS) Kurt Flasch, Professeur émérite à l’Université de Bochum Christian Förstel, Conservateur en chef de la section des manuscrits grecs, Bibliothèque Nationale de France Dag N. Hasse, Institut für Philosophie, Lichtenberg-Professur der VolkswagenStiftung Isabelle Heullant-Donat, Professeur, histoire médiévale, Un. de Reims Dominique Iogna Prat, Directeur de recherches, histoire médiévale, CNRS, LAMOP Charles Genequand, Professeur ordinaire, philosophie arabe, Un. de Genève Jean-Philippe Genet, Professeur, histoire médiévale, Un. de Paris I Carlo Ginzburg, Professore, Scuola Normale Superiore, Pisa Christophe Grellard, MCF, Un. de Paris I Benoît Grévin, Chargé de recherches, CNRS, LAMOP. Ruedi Imbach, Professeur, philosophie médiévale, Un. de Paris IV Catherine König-Pralong, Maître assistante, philosophie médiévale, Un. de Lausanne Djamel Kouloughli, Directeur de Recherches au CNRS (UMR 7597) Max Lejbowicz, Ingénieur d’études honoraire, CNRS, UMR 81 63, Univ. de Lille III Alain de Libera, Professeur ordinaire, Un. de Genève, Directeur d’études à l’EPHE (Ve section) John Marenbon, Professor, History of Medieval Philosophy, Trinity College, Cambridge Christopher Martin, Professor, Philosophy department, Auckland University, Visiting Fellow All Souls College, Oxford Annliese Nef, MCF, histoire de l’islam médiéval, Un. de Paris IV Adriano Oliva (Dominicain), Chargé de recherches, CNRS, IRHT, Commission Léonine pour l’édition critique des œuvres de Thomas d’Aquin, comité international pour l’édition de l’Aristote latin Christophe Picard, Professeur, histoire de l’islam médiéval, Un. de Paris I Sylvain Piron, MCF, histoire médiévale, EHESS David Piché, Professeur adjoint, Département de Philosophie, Univ. de Montréal Pasquale Porro, Professore ordinario di Storia della filosofia medievale, Universita di Bari Marwan Rashed, Professeur, philosophie ancienne et médiévale, ENS Paris Aurélien Robert, Membre de l’Ecole française de Rome (Moyen Âge) Andrea Robiglio, Phil. Seminar, Univ. Freiburg-im-Breisgau ; Irène Rosier-Catach, Directrice de recherches au CNRS (UMR 7597), Directrice d’études à l’EPHE (Ve section) Martin Rueff, MCF, Théorie littéraire et esthétique, Un. de Paris VII Jacob Schmutz, MCF, philosophie médiévale, Un. de Paris IV Valérie Theis, MCF, histoire médiévale, Un. de Marne-la-Vallée Mathieu Tillier, MCF, histoire de l’islam médiéval, Un. d’Aix-Marseille Luisa Valente, Ricercatrice, Filosofia medievale, Università di Roma – La Sapienza Dominique Valérian, MCF, histoire de l’islam médiéval, Un. de Paris I Eric Vallet, MCF, histoire de l’islam médiéval, Un. de Paris I. 56 chercheurs, menaçant en effet..
Polydamas Posté 5 mai 2008 Signaler Posté 5 mai 2008 La pétition des étudiants de l'ENS, qui demandent rien de moins qu'une enquête sur les sites et adresses IP, pour débusquer cette fouine de Sylvain G. Il n'a strictement rien fait de mal, mais la police est déjà mise à contribution… Quand est-ce que je me tire de ce pays… 1-Un enseignant de l’ENS-LSH, M. Sylvain Gouguenheim, professeur d’histoire médiévale, vient de faire paraître dans la collection « L’Univers historique » au Seuil un ouvrage, Aristote au Mont Saint-Michel. Les racines grecques de l’Europe chrétienne, qui entreprend de réviser l’idée d’une participation du monde islamique à l’élaboration des savoirs en Europe à l’époque médiévale. Les assises méthodologiques et les thèses de ce livre sont discutables et actuellement discutées par la communauté des spécialistes de cette période, historiens et philosophes (voir en pièce jointe PDF l’article de Julien Loiseau et Gabriel Martinez-Gros, paru dans Le Monde des livres du 25 avril 2008, ceux d’Alain de Libera et d’Hélène Bellosta dont des extraits ont été publiés dans ce même numéro). Dans un souci d’information, nous avons joint également à ce dossier documentaire les articles favorables de Roger Paul-Droit (Le Monde des Livres, 4 avril 2008 ) et de Stéphane Boiron (Le Figaro, 17 avril 2008). 2- Il est tout à fait légitime qu’un chercheur puisse défendre et faire valoir son point de vue, surtout lorsque celui-ci est inattendu et iconoclaste ; il appartient alors aux spécialistes de répondre à ses arguments et de les contester le cas échéant. C’est ce que font les collègues dont nous avons reproduit les contributions dans le dossier ci-joint (PDF). Nous appelons d’ailleurs à prolonger ce débat intellectuel dans des journées d’études qui seront organisées à l’ENS LSH à l’automne 2008. Malheureusement, l’affaire semble bien dépasser la simple expression de thèses scientifiques. L’ouvrage de Sylvain Gouguenheim contient un certain nombre de jugements de valeur et de prises de position idéologiques à propos de l’islam ; il sert actuellement d’argumentaire à des groupes xénophobes et islamophobes qui s’expriment ouvertement sur internet. Par ailleurs, des passages entiers de son livre ont été publiés sur ces blogs, au mot près, plusieurs mois avant sa parution. On trouve également sur internet des déclarations qui posent question, signées «Sylvain Gouguenheim» (commentaire sur le site Amazon, 16 avril 2002) ou « Sylvain G. » (site Occidentalis, 8 novembre 2006). Bien évidemment, et nous en sommes parfaitement conscients, rien de ce qui circule sur internet n’est a priori certain, mais, au minimum, ces points méritent une explication et, le cas échéant, une enquête approfondie. Nous ne sommes pas du tout convaincus par les arguments fournis par Sylvain Gouguenheim au Monde des livres (« J’ai donné depuis cinq ans […] des extraits de mon livre à de multiples personnes. Je suis totalement ignorant de ce que les unes et les autres ont pu ensuite en faire »). Sur ce point, on peut consulter les liens suivants : http://www.occidentalis.com/blog/index.php…d-tu-nous-tiens http://www.amazon.fr/gp/cdp/member-reviews…ostRecentReview http://passouline.blog.lemonde.fr/2008/04/…andale-annonce/ 3- L’ENS-LSH, institution laïque, républicaine et humaniste, à laquelle Sylvain Gouguenheim appartient et dont il tire pour bonne part sa légitimité, ne peut, par son silence, cautionner de telles déclarations. - Nous, enseignants, chercheurs, élèves et anciens élèves de l’Ecole normale supérieure Lettres et sciences humaines, affirmons solennellement que les prises de position idéologiques de Sylvain Gouguenheim n’engagent en rien les membres de son Ecole. - En nous gardant des querelles corporatistes, des conflits de personnes et des récupérations de tous ordres, nous souhaitons réaffirmer avec force notre attachement à la nécessaire distinction entre recherche scientifique et passions idéologiques. - Nous demandons une enquête informatique approfondie sur les points évoqués plus haut. - Nous demandons que toutes les mesures nécessaires soient prises afin de préserver la sérénité pédagogique et la réputation scientifique de l’ENS-LSH.
h16 Posté 5 mai 2008 Signaler Posté 5 mai 2008 Je ne sais pas la valeur des arguments du Gouguenheim en question, mais au vu des réactions ulcérées et des tentatives d'étouffement que je trouve bien caractéristiques d'un establishment totalitaire dans ses méthodes de fonctionnement, j'ai envie de soutenir sa démarche. Encore une fois, je ne comprends pas ce qui pousse ces gens à tenter de museler l'auteur : c'est lui faire une publicité manifeste, ce qui est, finalement, très contre-productif. De la même sorte qu'un Le Pen est toujours plus dangereux quand on tente de le bâillonner (et que sa menace se dégonflement lamentablement quand on le laisse parler), la censure est, dans ce genre de cas, toujours ridicule et finit par se retourner contre ceux qui la mettent en place.
Sous-Commandant Marco Posté 5 mai 2008 Signaler Posté 5 mai 2008 Je ne sais pas la valeur des arguments du Gouguenheim en question, mais au vu des réactions ulcérées et des tentatives d'étouffement que je trouve bien caractéristiques d'un establishment totalitaire dans ses méthodes de fonctionnement, j'ai envie de soutenir sa démarche.Encore une fois, je ne comprends pas ce qui pousse ces gens à tenter de museler l'auteur : c'est lui faire une publicité manifeste, ce qui est, finalement, très contre-productif. De la même sorte qu'un Le Pen est toujours plus dangereux quand on tente de le bâillonner (et que sa menace se dégonflement lamentablement quand on le laisse parler), la censure est, dans ce genre de cas, toujours ridicule et finit par se retourner contre ceux qui la mettent en place. Tout pareil. On n'aurait jamais entendu parler de ce livre sans le barouf dont il est l'objet. Je gage que la jalousie en est à l'origine.
Ash Posté 5 mai 2008 Signaler Posté 5 mai 2008 Je ne sais pas la valeur des arguments du Gouguenheim en question, mais au vu des réactions ulcérées et des tentatives d'étouffement que je trouve bien caractéristiques d'un establishment totalitaire dans ses méthodes de fonctionnement, j'ai envie de soutenir sa démarche.Encore une fois, je ne comprends pas ce qui pousse ces gens à tenter de museler l'auteur : c'est lui faire une publicité manifeste, ce qui est, finalement, très contre-productif. De la même sorte qu'un Le Pen est toujours plus dangereux quand on tente de le bâillonner (et que sa menace se dégonflement lamentablement quand on le laisse parler), la censure est, dans ce genre de cas, toujours ridicule et finit par se retourner contre ceux qui la mettent en place. La France est un pays où la politique établie une vérité historique officielle. Adriano Oliva (Dominicain), Chargé de recherches, CNRS, IRHT, Commission Léonine pour l’édition critique des œuvres de Thomas d’Aquin, comité international pour l’édition de l’Aristote latin
Taranne Posté 5 mai 2008 Auteur Signaler Posté 5 mai 2008 Les liens vers Occidentalis et Amazon sont morts; y a du louche…
Taranne Posté 5 mai 2008 Auteur Signaler Posté 5 mai 2008 Landerneau terre d'Islam, par Alain de LiberaPublié le lundi 28 avril 2008 à 19h36 | LE FIL IDéES | Tags : europe histoire . Alain de Libera est directeur d’études à l’École pratique des hautes études, Professeur ordinaire à l’université de Genève, Vice-président de la Société internationale pour l’étude de la philosophie médiévale, Directeur de la collection Des Travaux aux Éditions du Seuil. En 1857, Charles Renouvier faisait paraître Uchronie (l’utopie dans l’histoire) : esquisse historique apocryphe du développement de la civilisation européenne tel qu’il n’a pas été, tel qu’il aurait pu être. L’histoire alternative (What-if history) était née. Ce qui s’énonce sous le titre Et si l’Europe ne devait pas ses savoirs à l’Islam ? pourrait annoncer un plaisant exercice d’histoire fiction. Le public du Monde se voit au contraire offrir l’éloge d’une histoire réelle, étouffée par les « préjugés de l’heure » et les « convictions devenues dominantes ces dernières décennies », en suivant (au choix) « Alain de Libera ou Mohammed Arkoun, Edward Saïd ou le Conseil de l’Europe ». L’« étonnante rectification » à laquelle le « travail » (mirabile dictu !) récemment publié aux Éditions du Seuil soumet les thèses de la nouvelle Bande des Quatre, autrement dit : une vulgate « qui n’est qu’un tissu d’erreurs, de vérités déformées, de données partielles ou partiales », vient de loin. Elle courait depuis beau temps sur les sites néoconservateurs, traditionnalistes ou postfascistes stigmatisant pêle-mêle mon « adulation irrationnelle » et ma « complaisance » pour l’« Islam des Lumières » ou le « mythe de l’Andalousie tolérante », sans oublier l’accumulation de « mensonges destinés à nous anesthésier » (« on ne nous dit jamais que les textes grecs ont été traduits par des Chrétiens d’Orient, à partir du syriaque ou directement du grec » ; on nous cache soigneusement que « ni Avicenne, ni Averroès ne connaissaient le grec », comme, serais-je tenté de dire, on ne nous dit pas volontiers qu’il en allait de même pour Pierre Abélard, Albert le Grand, Thomas d’Aquin ou Guillaume d’Ockham). Après l’extraordinaire publicité faite à Aristote au Mont-saint-Michel, « nous » voilà définitivement débriefés. L’univers des blogs souffle : le « lavage de cerveau arabolâtre » par une « triste vulgate universitaire de niveau touristique », « tiers-mondiste » et « néostalinienne » n’opérera plus sur « nous ». Les médiévistes, eux, ont du mal à respirer. Si détestable soit l’air ambiant, leurs réponses viendront. Étant nommément mis en cause, je me crois autorisé ici à quelques remarques personnelles, supposant que « le Conseil » incriminé ne se manifestera guère, non plus qu’Edward Saïd mort en 2003, et espérant que mon ami Mohammed Arkoun trouvera le moyen de se faire entendre. Si Ernest Renan a cru bon d’écrire en 1855 que « les sémites n’ont pas d’idées à eux », aucun chercheur virtuellement mis au ban du « courage » intellectuel par l’article paru le 3 avril 2008 dans Le Monde n’a jamais parlé d’une « rupture totale entre l’héritage grec antique et l’Europe chrétienne du haut Moyen Âge », ni soutenu que la « culture grecque avait été pleinement accueillie par l’islam », ni laissé entendre que « l’accueil fait aux Grecs fut unanime, enthousiaste » ou « capable de bouleverser culture et société islamiques ». Aucun historien des sciences et des philosophies arabes et médiévales n’a jamais présenté « le savoir philosophique européen » comme « tout entier dépendant des intermédiaires arabes » ni professé qu’un « monde islamique du Moyen Âge, ouvert et généreux » soit venu « offrir à l’Europe languissante et sombre les moyens de son expansion ». La vulgate dénoncée dans Le Monde n’est qu’un sottisier ad hoc, inventé pour être, à peu de frais, réfuté. En ce qui me concerne, j’ai, en revanche, « répété crescendo » depuis les années 1980 que le haut Moyen Âge latinophone avait préservé une partie du corpus philosophique de l’Antiquité tardive, distingué deux âges dans l’histoire de la circulation des textes d’Orient (chrétien, puis musulman) en Occident, l’âge gréco-latin et l’arabo-latin, marqué la différence entre « philosophie en Islam » et « philosophie de l’islam », mis en relief le rôle des Arabes chrétiens et des Syriaques dans « l’acculturation philosophique des Arabes » et souligné la multiplicité des canaux par lesquels les Latini s’étaient sur la « longue durée » (le « long Moyen Âge » cher à Jacques Le Goff) réapproprié une partie croissante de la pensée antique. Un historien, dit Paul Veyne, « raconte des intrigues », qui sont « autant d’itinéraires qu’il trace » à travers un champ événementiel objectif « divisible à l’infini » : il ne peut « décrire la totalité de ce champ, car un itinéraire doit choisir et ne peut passer partout » ; aucun des itinéraires qu’il emprunte « n’est le vrai », aucun « n’est l’Histoire ». Les mondes médiévaux complexes, solidaires, conflictuels dont j’ai tenté de décrire les relations, les échanges et les fractures ne sauraient s’inscrire dans une hagiographie de l’Europe chrétienne, ni s’accommoder de la synecdoque historique qui y réduit l’Occident médiéval : il y a un Occident musulman et un Orient musulman comme il y a un Orient et un Occident chrétiens, un kalam (le nom arabe de la « théologie ») chrétien, juif, musulman. Vue dans la perspective de la translatio studiorum, l’hypothèse du Mont-saint-Michel, « chaînon manquant dans l’histoire du passage de la philosophie aristotélicienne du monde grec au monde latin » hâtivement célébrée par l’islamophobie ordinaire, a autant d’importance que la réévaluation du rôle de l’authentique Mère Poulard dans l’histoire de l’omelette. Pour construire mon propre itinéraire, j’ai utilisé, en l’adaptant, l’expression de translatio studiorum (transfert des études) pour décrire les transferts culturels successifs qui, à partir de la fermeture de la dernière école philosophique païenne, l’école néoplatonicienne d’Athènes, par l’empereur chrétien Justinien (529), ont permis à l’Europe d’accueillir les savoirs grecs et arabes dans ses lieux et institutions d’enseignement. L’homme dont le nom « mériterait de figurer en lettres capitales dans les manuels d’histoire culturelle », Jacques de Venise, que tout le monde savant connaît grâce à Lorenzo Minio Paluello et l’Aristoteles Latinus, figure en bas de casse dans l’index de mon manuel de Premier cycle, désormais (providentiellement) rebaptisé Quadrige, où il occupe plus de deux lignes, comme celui, au demeurant, de Hunayn Ibn Ishaq. Les amateurs de croisades pourraient y regarder avant d’appeler le public à la grande mobilisation contre les sans-papiers. Vue dans la perspective de la translatio studiorum, l’hypothèse du Mont-saint-Michel, « chaînon manquant dans l’histoire du passage de la philosophie aristotélicienne du monde grec au monde latin » hâtivement célébrée par l’islamophobie ordinaire, a autant d’importance que la réévaluation du rôle de l’authentique Mère Poulard dans l’histoire de l’omelette. Le sous-titre de l’ouvrage paru dans la collection « L’Univers historique » est plus insidieux. Parler des « racines grecques de l’Europe chrétienne » n’est pas traiter des « racines grecques du Moyen Âge occidental latin ». On ne peut annexer Byzance ni à l’une ni à l’autre. Les interventions de Charlemagne dans la « querelle des images », le schisme dit « de Photios », le sac de Constantinople par les « Franks », le nom byzantin des « croisés », le Contra errores Graecorum ne plaident guère en faveur d’une réduction des christianismes d’Orient et d’Occident à une Europe chrétienne étendue d’Ouest en Est. Quant aux fameuses « racines grecques » opposées à l’« hellénisation superficielle de l’Islam », faut-il encore rappeler que la philosophia a d’abord été présentée comme une science étrangère (« du dehors ») chez les Byzantins avant de l’être chez les penseurs juifs et musulmans, l’appellation de « science étrangère » – étrangère à la Révélation et au « nous » communautaire qu’elle articule – étant née à Byzance, où la philosophie a été longtemps qualifiée de « fables helléniques » ? Faut-il encore rappeler que si les chrétiens d’Occident se sont emparés de la philosophie comme de leur bien propre, ce fut au nom d’une théorie de l’acculturation formulée pour la première fois par Augustin, comparant la sagesse des païens et la part de vérité qu’elle contient à l’or des égyptiens légitimement approprié par les Hébreux lors de leur sortie d’Égypte (Ex 3, 22 et Ex 12, 35) ? Je « nous » croyais sortis de ce que j’ai appelé il y a quelques années, dans un article du Monde diplomatique : la « double amnésie nourissant le discours xénophobe ». Voilà, d’un trait de plume, la falsafa redevenue un événement marginal, pour ne pas dire insignifiant, sous prétexte que « l’Islam ne s’est pas véritablement hellénisé ». Averroès ne représente qu’Ibn Rushd, Avicenne qu’Ibn Sina, c’est-à-dire « pas grand-chose, en tout cas rien d’essentiel ». Encore un pas et l’on verra fanatiques religieux et retraités pavillonnaires s’accorder sur le fait que, après tout, l’Europe chrétienne qui, bientôt, n’aura plus de pétrole a toujours eu les idées. J’ai assez dénoncé le « syndrome de l’abricot » pour ne pas jouer la reconnaissance de dette contre le refus de paternité ni tout confondre dans la procédure et la chicane accompagnant tout discours de remboursement. Le lieu commun consistant à recommencer l’inlassable inventaire des emprunts de l’Occident chrétien au monde arabo-musulman n’a pas d’intérêt, tant, du moins, qu’il ne s’inscrit pas dans une certaine vision philosophique et culturelle de l’histoire européenne. De fait, aller répétant que le mot français abricot vient de l’espagnol albaricoque, lui même issu de l’arabe al-barqûq (« prune ») ne changera rien au contexte politique et idéologique teinté d’intolérance, de haine et de refus que vit une certaine Europe – sans parler évidemment des États-Unis d’Amérique – par rapport à l’Islam. Qu’elle soit ou non « étrangère », reste que la philosophie n’a cessé de voyager. C’est la longue chaîne de textes et de raison(s) reliant Athènes et Rome à Paris ou à Berlin via Cordoue qui a rendu possibles les Lumières : Mendelssohn lisait Maïmonide, qui avait lu Avicenne, qui avait lu Alfarabi, et tous deux avaient lu Aristote et Alexandre d’Aphrodise et les dérivés arabes de Plotin et de Proclus. Le « creuset chrétien médiéval », « fruit des héritages d’Athènes et de Jérusalem », qui a « créé, nous dit Benoît XVI, l’Europe et reste le fondement de ce que, à juste titre, on appelle l’Europe », est d’un froid glacial, une fois « purifié » des « contributions » des traducteurs juifs et chrétiens de Tolède, des Yeshivot de « sciences extérieures » de l’Espagne du Nord, où les juifs, exclus comme les femmes des universités médiévales, nous ont conservé les seuls fragments attestés d’une (première) version arabe du Grand Commentaire d’Averroès sur le De anima d’Aristote. Combien de manuscrits judéo-arabes perdus à Saragosse ? Combien de maîtres oubliés ? Autant peut-être que dans les abbayes bénédictines normandes du haut Moyen Âge. Je confie à d’autres le soin de rappeler aux fins observateurs des « tribulations des auteurs grecs dans le monde chrétien » que la Métaphysique d’Aristote a été traduite en arabe et lue par mille savants de l’Inde à l’Espagne, qu’un livre copié, a contrario, ne fait pas un livre lu, que la mise en latin de scholies grecques trouvées telles quelles dans le manuscrit de l’œuvre que l’on traduit n’est pas nécessairement une « exégèse » originale, qu’il a existé des Romains païens, que les adversaires musulmans de la falsafa étaient tout imprégnés des philosophies atomistes reléguées au second plan dans les écoles néoplatoniciennes d’Athènes et d’Alexandrie, et bien d’autres choses encore. Les médias condamnent les chercheurs au rôle de Sganarelle, réclamant leurs gages, seuls, et passablement ridicules, sur la grande scène des pipoles d’un jour. Je n’ai que peu de goût pour ce rôle, et ne le tiendrai pas. Je pourrais m’indigner du rapprochement indirectement opéré dans la belle ouvrage entre Penser au Moyen Âge et l’œuvre de Sigrid Hunke, « l’amie de Himmler », appelant les amateurs de pensée low cost à bronzer au soleil d’Allah. Je préfère m’interroger sur le nous ventriloque réclamant pour lui seul l’usufruit d’un Logos benoîtement assimilé à la Raison : nous les « François de souche », nous les « voix de la liberté », nous les « observateurs de l’islamisation », nous les bons chrétiens soucieux de ré-helléniser le christianisme pour oublier la Réforme et les Lumières. Je ne suis pas de ce nous-là. Méditant sur les infortunes de la laïcité, je voyais naguère les enfants de Billy Graham et de Mecca-Cola capables de sortir enfin de l’univers historique du clash des civilisations. Je croyais naïvement qu’en échangeant informations, récits, témoignages, analyses et mises au point critiques, nous, femmes et hommes de sciences, d’arts ou de savoirs, aux expertises diverses et aux appartenances culturelles depuis longtemps multiples, nous, citoyens du monde, étions enfin prêts à revendiquer pour tous, comme jadis Kindi pour les Arabes, le « grand héritage humain ». C’était oublier l’Europe aux anciens parapets. La voici qui, dans un remake qu’on voudrait croire involontaire de la scène finale de Sacré Graal, remonte au créneau, armée de galettes « Tradition & Qualité depuis 1888 ». Grand bien lui fasse. Cette Europe-là n’est pas la mienne. Je la laisse au « ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale » et aux caves du Vatican. Alain de Libera A lire : Alain de Libera La Philosophie médiévale (Que sais-je ?, n° 1044), P.U.F. Penser au Moyen Age (Chemins de pensée), Paris, Éd. du Seuil (Points) Averroès et l'averroïsme (Que sais-je ?, n° 2631), [en collaboration avec M.-R. Hayoun], P.U.F.
G7H+ Posté 5 mai 2008 Signaler Posté 5 mai 2008 Aristote au Mont Saint Michel, Les racines grecques de l'Europe chrétiennepar Sylvain Gouguenheim, dans les éditions Seuil Professeur d’Histoire médiévale à l’Ecole Normale Supérieure de Lyon, spécialiste des Croisades - sujet à propos duquel il vient de publier une remarquable synthèse consacrée aux Chevaliers Teutoniques (Tallandier), Sylvain Gouguenheim nous propose, avec son Aristote au Mont Saint Michel, un ouvrage majeur, qui fera certainement date en matière d’Histoire médiévale. Contre le discours, aujourd’hui dominant, qui attribue au monde arabo-musulman une place essentielle dans la transmission des savoirs antiques et, plus particulièrement, de l’héritage grec à un Occident plongé dans les ténèbres du Haut Moyen Age, il affirme la permanence de la culture antique dans l’Europe latine et nous révèle que la quasi totalité de l’oeuvre d’Aristote était déjà traduite depuis plus d’un demi-siècle quand les premières écoles mises en place par les rois de Castille ont commencé à fonctionner à Tolède pour traduire en latin les textes grecs transmis grâce à la médiation de l’Andalousie musulmane. Le poids des idées reçues est tel en la matière que le propos pourrait être interprété comme une provocation mais l’auteur fonde ses affirmations sur une enquête d’une érudition foisonnante qui témoigne de sa parfaite connaissance, outre celle de l’Occident latin, des mondes byzantin et arabe. Comme on le sait, les siècles réputés obscurs du Moyen Age européen furent en réalité animés par de multiples renaissances intellectuelles, mises en lumière par les historiens depuis près d’un siècle : renaissance carolingienne puis ottonienne, « grandeurs de l’an mil », renaissance du XIIème siècle enfin. Elles témoignent d’une inlassable curiosité intellectuelle, d’une quête ininterrompue du savoir dont on doit créditer les chrétiens médiévaux. Cette quête aboutira à une récupération des oeuvres antiques, à leur introduction dans la pensée médiévale et à leur assimilation, l’ensemble contribuant à l’éclosion d’un savoir nouveau. Loin de minorer les somptueuses réalisations d’une culture arabo-musulmane qui, de la Badgdad des Abbassides à l‘Andalousie des Ommeyades ou des Nasrides, nous a laissé le brillant héritage que l’on sait, l’auteur démontre l’altérité de cette culture orientale et méditerranéene par rapport au monde de Byzance et de l’Europe occidentale. Il ré-évalue la fonction de transmission trop souvent négligée qui revient à Byzance, où l’héritage grec demeura vivant pendant tout le millénaire que dura l’Empire d’Orient. Il insiste sur la place qu’il faut accorder aux Chrétiens de Syrie dans la préservation du savoir antique au sein du monde musulman, établissant ainsi, au coeur du monde arabe, une distinction importante entre les Chrétiens, héritiers de la tradition antique, et les disciples du Prophète qui, attachés à la lettre du Coran, n’accordèrent qu’une place minime aux questions soulevées par la philosophie grecque, les plus grands noms de la pensée musulmane ignorant même la langue de Platon et d’Aristote et n’ayant connaissance de leurs textes qu’à travers leurs traductions en arabe. L’une des révélations les plus remarquables auxquelles aboutit cette enquête réside dans la mise en lumière de l’oeuvre de Jacques de Venise, un moine d’origine grecque qui fut traducteur au Mont Saint Michel de 1127 jusqu’à 1150, date de sa mort, dont l’auteur nous dit « qu’il mériterait de figurer en lettres capitales dans les manuels d’Histoire culturelle ». C’est, pour une bonne part, le travail qu’il accomplit qui permit la floraison, au siècle suivant de la grande philosophie scolastique et la construction de la synthèse thomiste appelée à réconcilier la raison et la foi. Au risque de déranger les certitudes apparemment établies, Sylvain Gouguenheim pointe le caractère limité de l’hellénisation d’un monde musulman rétif à tout ce qui pourrait être susceptible de remettre en cause le dogme, une préoccupation partagée par les plus grands esprits, ainsi al Ghazali ou ibn Khaldoun. Un monde musulman qui se ferme dès le XIIème siècle, notamment en Andalousie, à toute remise en cause de la tradition établie, ce qui entraînera les ennuis que l’on sait pour le Musulman Averroès (Ibn Rochd) et le Juif Maïmonide. Il serait évidement aussi faux que réducteur d’interpréter ce travail novateur comme un argument susceptible de conforter l‘hypothèse d’un choc inéluctable des civilisations : la reconnaissance de l’altérité n’implique pas automatiquement la culture de l’antagonisme. Nouvelles de Clio
Polydamas Posté 5 mai 2008 Signaler Posté 5 mai 2008 Connaissant un peu Clio, il était évident qu'ils allaient plutôt soutenir le bouquin…
Bastiat Posté 6 mai 2008 Signaler Posté 6 mai 2008 Je ne sais pas la valeur des arguments du Gouguenheim en question, mais au vu des réactions ulcérées et des tentatives d'étouffement que je trouve bien caractéristiques d'un establishment totalitaire dans ses méthodes de fonctionnement, j'ai envie de soutenir sa démarche.Encore une fois, je ne comprends pas ce qui pousse ces gens à tenter de museler l'auteur : c'est lui faire une publicité manifeste, ce qui est, finalement, très contre-productif. De la même sorte qu'un Le Pen est toujours plus dangereux quand on tente de le bâillonner (et que sa menace se dégonflement lamentablement quand on le laisse parler), la censure est, dans ce genre de cas, toujours ridicule et finit par se retourner contre ceux qui la mettent en place. Je suis personnellement assez convaincu de la transition par le monde islamique de la pensée grec, ce n'est pas une quelconque qualification d'historien qui m'en à convaincu mais plutôt la ressemblance frappante que j'ai notée en entre la conception coranique de l'astronomie et celle proposée par Aristote. en gros 7 sphères/cieux sur les quelles se déplacent les planètes connues hormis la terre (Mercure, Vénus, Mars, Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune) plus la lune et le soleil un peut à part, le tout tournant autour de la terre. L’univers géocentrique d’Aristote et de Ptolémée http://www.cite-sciences.fr/cs/Satellite?c=Page&cid=1195216649556&pagename=Portail/GRU/PortailLayout&pid=1195216502897 Les réalités scientifiques et les miracles du Coran http://www.islam-paradise.com/miracles_coran.php Ceci me fait dire deux choses au passage. 1- Allah à révélé à Mohamed des chose fausses mais déjà bien admises depuis 10 sciécles. 2- Mohamed, n'était sans doutes pas si illétré que ça. Mais surtout j'aimerais qu'un historien m'explique 2 choses: 1- pourquoi serait-il "impossible" qu'une partie du savoir grec ne soit remonté aussi en oxydent Occident par le haut de la méditerranée notamment du fait du commerce et des migrations. 2- pourquoi avec autant de "médiévistes en activité", 600, comment se fait il que l'on nous apprenne toujours que le moyen âge était une époque d'obscurantisme primaire à la limite de la débilité profonde (alors que pour ce que j'en ai lu bien plus tard, ça semble franchement l'inverse).
Dardanus Posté 6 mai 2008 Signaler Posté 6 mai 2008 Mais surtout j'aimerais qu'un historien m'explique 2 choses:1- pourquoi serait-il "impossible" qu'une partie du savoir grec ne soit remonté en oxydent par le haut de la méditerranée notamment du fait du commerce et des migrations. L'Occident se porte décidément de plus en plus mal, excès d'oxydation ?
Harald Posté 6 mai 2008 Signaler Posté 6 mai 2008 2- pourquoi avec autant de "médiévistes en activité", 600, comment se fait il que l'on nous apprenne toujours que le moyen âge était une époque d'obscurantisme primaire à la limite de la débilité profonde (alors que pour ce que j'en ai lu bien plus tard, ça semble franchement l'inverse). Parce que la recherche historique en France n'intéresse pas grand monde. En outre, pour être véritablement éclatantes, les Lumières ont besoin de ténèbres, quitte à ce que la version officielle de l'histoire aille à l'encontre de la vérité.
Rincevent Posté 6 mai 2008 Signaler Posté 6 mai 2008 Parce que la recherche historique en France n'intéresse pas grand monde. Il en va de l'histoire comme de l'économie. C'est là où les spécialistes sont le plus d'accord que les politiciens les écoutent le moins.
Dardanus Posté 6 mai 2008 Signaler Posté 6 mai 2008 Ceci dit les réactions sur ce fil sont pour l'essentiel idéologiques et non historiques. La recherche historique n'intéresse pas grand monde non plus sur ce forum sauf si elle permet de conforter des a priori.
Highlife Posté 6 mai 2008 Signaler Posté 6 mai 2008 Je suis personnellement assez convaincu de la transition par le monde islamique de la pensée grec, ce n'est pas une quelconque qualification d'historien qui m'en à convaincu mais plutôt la ressemblance frappante que j'ai notée en entre la conception coranique de l'astronomie et celle proposée par Aristote.en gros 7 sphères/cieux sur les quelles se déplacent les planètes connues hormis la terre (Mercure, Vénus, Mars, Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune) plus la lune et le soleil un peut à part, le tout tournant autour de la terre. L’univers géocentrique d’Aristote et de Ptolémée http://www.cite-sciences.fr/cs/Satellite?c=Page&cid=1195216649556&pagename=Portail/GRU/PortailLayout&pid=1195216502897 Les réalités scientifiques et les miracles du Coran http://www.islam-paradise.com/miracles_coran.php Ceci me fait dire deux choses au passage. 1- Allah à révélé à Mohamed des chose fausses mais déjà bien admises depuis 10 sciécles. 2- Mohamed, n'était sans doutes pas si illétré que ça. Cela me fait dire une chose: prendre une seule source n'est vraiment pas la méthode pour se dire des choses. A l'instar de tes deux déductions.
Apollon Posté 6 mai 2008 Signaler Posté 6 mai 2008 Ceci dit les réactions sur ce fil sont pour l'essentiel idéologiques et non historiques. La recherche historique n'intéresse pas grand monde non plus sur ce forum sauf si elle permet de conforter des a priori. Vrai mais il faut porter au crédit du forum d'avoir promu pour le concours wikibéral 2008 un livre d'histoire dont le libéralisme ne serait pas reconnu par beaucoup (peut-être a-t-on voté sans lire).
Punu Posté 6 mai 2008 Signaler Posté 6 mai 2008 Si j'ai bien compris, la contribution capitale des musulmans de l'époque fut d'avoir des bibliothèques plus solides que celles des Européens. On peut bien leur laisser cela.
Taranne Posté 6 mai 2008 Auteur Signaler Posté 6 mai 2008 Baston chez les médiévistes autour de l'apport de l'islamPar Pascal Riché Créé 05/02/2008 - 11:43 Pierre Lombard écrivant, fin XIIème siècle (DR). Contrairement au stéréotype, le médiéviste n'est pas toujours un calme historien retranché dans le silence monacal de sa bibliothèque. Il est loin d'être immunisé contre les passions politiques, et il lui arrive de saisir sa batte de base-ball (c'est une métaphore) pour arranger la tête d'un de ses collègues. Il peut même s'y mettre en bande. En témoigne la polémique déclenchée par le livre de Sylvain Gouguenheim, "Aristote au Mont Saint Michel". De quoi s'agit-il? Gouguenheim a décidé de prendre à rebrousse-poil les recherches les plus récentes tendant à montrer que les musulmans ont facilité l'intégration de la culture grecque (médecine, philosophie, astronomie…) dans l'occident chrétien. Une alchimie qui a préparé le terrain des lumières et de notre démocratie, au sens moderne du terme. Selon Gouguenheim, le rôle des savants arabes dans la transmission de cette culture a été très exagéré. Il affirme que le savoir grec a été, pour l'essentiel, directement traduit du grec au latin, sans passer par la case "arabe". Mais pour beaucoup d'historiens, cette thèse est guidée par des arrières pensées idéologiques. Roger Pol Droit encense le livre Sous la plume du philosophe et critique Roger-Pol Droit, Le Monde des livres a présenté l'ouvrage [1], au début du mois d'avril, dans des termes très favorables, mais sans illusions sur sa charge polémique: "Etonnante rectification des préjugés de l'heure, ce travail de Sylvain Gouguenheim va susciter débats et polémiques. Son thème: la filiation culturelle monde occidental-monde musulman. Sur ce sujet, les enjeux idéologiques et politiques pèsent lourd. Or cet universitaire des plus sérieux, professeur d'histoire médiévale à l'Ecole normale supérieure de Lyon, met à mal une série de convictions devenues dominantes." L'article se termine par un franc coup de chapeau: "Somme toute, contrairement à ce qu'on répète crescendo depuis les années 1960, la culture européenne, dans son histoire et son développement, ne devrait pas grand-chose à l'islam. En tout cas rien d'essentiel. Précis, argumenté, ce livre qui remet l'histoire à l'heure est aussi fort courageux." Pendant ce temps, le Figaro Littéraire publie le 17 avril une autre critique dithyrambique [2] qui se termine par ces mots: "Félicitons M. Gouguenheim de n'avoir pas craint de rappeler qu'il y eut bien un creuset chrétien médiéval, fruit des héritages d'Athènes et de Jérusalem. Alors que l'islam ne devait guère proposer son savoir aux Occidentaux, c'est bien cette rencontre, à laquelle on doit ajouter le legs romain, qui 'a créé, nous dit Benoît XVI, l'Europe et reste le fondement de ce que, à juste titre, on appelle l'Europe'." Des médiévistes accusent Gouguenheim de sympathies suspectes On commence à percevoir un grondement parmi les médiévistes. Laissera-t-on passer ce qui s'apparente selon eux à du "révisionnisme"? La contre-offensive se prépare. Première salve, le 24 avril, dans le Monde: deux historiens, Gabriel Martinez-Gros (Paris-VIII) et Julien Loiseau (Montpellier-III) tirent à boulet rouge [3]: "Dans sa révision de l'histoire intellectuelle de l'Europe chrétienne, Sylvain Gouguenheim passe pratiquement sous silence le rôle joué par la péninsule Ibérique, où on a traduit de l'arabe au latin les principaux textes mathématiques, astronomiques et astrologiques dont la réception allait préparer en Europe la révolution scientifique moderne. Ils vont plus loin, puisqu'ils accusent l'auteur de sympathies suspectes: "Dans ces troubles parages, l'auteur n'est pas seul. D'autres l'ont précédé, sur lesquels il s'appuie volontiers. Ainsi René Marchand est-il régulièrement cité, après avoir été remercié au seuil de l'ouvrage pour ses 'relectures attentives' et ses 'suggestions'. "Son livre, "Mahomet. Contre-enquête", figure dans la bibliographie. Un ouvrage dont le sous-titre est : "Un despote contemporain, une biographie officielle truquée, quatorze siècles de désinformation". Or René Marchand a été plébiscité par le site Internet de l'association Occidentalis, auquel il a accordé un entretien et qui vante les mérites de son ouvrage. "Un site dont 'l'islamovigilance' veille à ce que 'la France ne devienne jamais une terre d'islam'. […] Les fréquentations intellectuelles de Sylvain Gouguenheim sont pour le moins douteuses. Elles n'ont pas leur place dans un ouvrage prétendument sérieux, dans les collections d'une grande maison d'édition." Couverture du livre de Gouguenheim "On me prête des intentions que je n'ai pas" Une pétition commence à circuler contre la thèse de Gouguenheim et l'dée de "choc des civilisation" qu'elle est accusée de véhiculer. Gouguenheim doit se défendre [4]: il se déclare "bouleversé" par ces attaques: "on me prête des intentions que je n'ai pas" clame-t-il, toujours dans le Monde: "Mon enquête porte sur un point précis: les différents canaux par lesquels le savoir grec a été conservé et retrouvé par les gens du Moyen Age. Je ne nie pas du tout l'existence de la transmission arabe, mais je souligne à côté d'elle l'existence d'une filière directe de traductions du grec au latin, dont le Mont-Saint-Michel a été le centre au début du XIIème siècle, grâce à Jacques de Venise." Plusieurs mois avant la parution du livre, des extraits avaient été publiés sur le site d'extrême droite Occidentalis [5]. Interrogé sur le sujet, Gouguenheim écarte l'argument: "J'ai donné depuis cinq ans -époque où j'ai 'découvert' Jacques de Venise- des extraits de mon livre à de multiples personnes. Je suis totalement ignorant de ce que les unes et les autres ont pu ensuite en faire. "Je suis choqué qu'on fasse de moi un homme d'extrême droite alors que j'appartiens à une famille de résistants: depuis l'enfance, je n'ai pas cessé d'être fidèle à leurs valeurs". "l'Europe du ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale et des caves du Vatican" Mais cette interview n'éteint pas les passions, loin de là. Dans Télérama, dans un article plein d'envolées lyriques, le Philosophe Alain de Libera (mis en cause par Gouguenheim dans son livre) enfonce le clou [6]: "Vue dans la perspective de la 'translatio studiorum [7]', l’hypothèse du Mont-saint-Michel, 'chaînon manquant dans l’histoire du passage de la philosophie aristotélicienne du monde grec au monde latin' hâtivement célébrée par l’islamophobie ordinaire, a autant d’importance que la réévaluation du rôle de l’authentique Mère Poulard dans l’histoire de l’omelette." Ce spécialiste du moyen âge conclut plus vertement encore: "Cette Europe-là n’est pas la mienne. Je la laisse au ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale et aux caves du Vatican." Max Gallo, dimanche dernier sur France culture, dans l'émission "Esprit public", prend la défense du livre. Le même jour, un pilier du Monde des Livres, Pierre Assouline, relaie l'émotion des historiens [8] sur son blog. Il relève (non sans arrière pensée?) que Gouguenheim est un "spécialiste des chevaliers teutoniques, de la mystique rhénane ainsi que des croisades". Il accuse: "Non seulement le site Occidentalis [9] a publié les 'bonnes feuilles' de ce livre neuf mois avant sa parution, alors qu’il était encore à l’état de manuscrit, mais Sylvain Gouguenheim a semble-t-il posté des commentaires, nettement plus vifs et directs que dans son livre, pour défendre la même thèse (le rôle de l’islam dans la transmission du savoir gréco-latin à l’Occident est un mythe) sur le blog d’Occidentalis, site d’'islamovigilance', et sur Amazon.fr, commentaires signés 'Sylvain G.'… Encore reste-t-il à établir s’il s’agit bien de lui et non provocateur ayant parfaitement épousé sa rhétorique. Libération, sous la plume de jean-Yves Grenier publie le 29 avril une critique nuancée [10] de ce livre. Mais le lendemain, un collectif d'universitaires, dans les pages rebonds du quotidien, attaquent violemment [11] le livre, sous le titre "Oui, l’Occident chrétien est redevable au monde islamique": "Historiens et philosophes, nous avons lu avec stupéfaction l’ouvrage de Sylvain Gouguenheim […] qui prétend démontrer que l’Europe chrétienne médiévale se serait approprié directement l’héritage grec au point de dire qu’elle 'aurait suivi un cheminement identique même en l’absence de tout lien avec le monde islamique'. L’ouvrage va ainsi à contre-courant de la recherche contemporaine…" Selon eux, la démarche de Gouguenheim "relève d’un projet idéologique aux connotations politiques inacceptables". Suit une longue liste de signataires. Une autre pétition, signée par des élèves et anciens élèves de l’école normale supérieure de Lyon, est publiée sur Télérama.fr. [12] Elle demande pas moins qu'une "une enquête approfondie" sur les commentaires signés "Sylvain G" , et souhaite que "toutes les mesures nécessaires soient prises afin de préserver la sérénité pédagogique et la réputation scientifique de l’ENS LSH." Le soutien de la réacosphère Gouguenheim est soutenu par la "réacosphère", un terme de plus en plus utilisé pour désigner la partie la plus incisive [13] de la blogosphère de droite. Un blog catholique, "le salon beige" conclut euphorique [14]: "Somme toute, contrairement aux idées politiquement correctes, la culture européenne ne doit rien à l'islam". Un autre, "Baroque et fatigué", sous le titre "mort aux cons" s'en prend avec mordant [15] aux historiens-pétitionnaires: "Ce qui est atterrant, c’est le déchaînement qu’a suscité l’ouvrage. Communiqués sur le thème 'ah, mais attention, ce type-là est tout seul, hein, nous on ne pense pas du tout comme lui'. […] Que disent-ils alors? Hé bien, sachez que 'l’ouvrage de Sylvain Gouguenheim […] sert actuellement d’argumentaire à des groupes xénophobes et islamophobes qui s’expriment ouvertement sur Internet'. "Mon Dieu mon Dieu mon Dieu. Des groupes xénophobes s’expriment sur Internet. Que fait la police. Et alors, bordel de cul. Mais qu’est ce que ça peut faire, bon sang? Depuis que le monde est monde, les écrivains voient leur livres recyclés par des types auxquels ils n’auraient pas été serrer la main, c’est regrettable, mais c’est ainsi. "Je préfère voir les groupes xénophobes et islamophobes plongés dans les bouquins de M. Gouguenheim qu’en train de taguer des croix gammées sur les cimetières, personnellement." Le bloggeur SIL, lui, parle de procès de Moscou [16]: "Cette fois-ci c’est au tour du médiéviste Sylvain Gouguenheim de comparaître devant le tribunal du Politburo islamogauchiste. Il n’est pas le premier. Il ne sera pas le dernier. […] Moralité de l’histoire, au lieu de nous proposer un intéressant débat, ces historiens préfèrent nous proposer un petit procès moscovite, visant à classer cette thèse dans 'l’islamophobie ambiante', le tout à quarante contre un. Bravo, quel courage." Et je vous passe les blogs d'extrême-droite. Toute cette controverse, qui aurait pu partir d'un bon pied -celui d'un échange musclé mais riche sur les racines de l'Europe, entre intellectuels adultes- semble donc tourner à l'échange stérile de noms d'oiseaux (l'insulte "fascistes" marche d'ailleurs dans les deux sens): de part et d'autre, on est invité à choisir son camp, sans forcément avoir lu le livre en question, et le débat ne passe plus que par des termes formatés, tranchés et définitifs. Dommage. ► Aristote au Mont Saint-Michel. Les racines grecques de l’Europe chrétienne de Sylvain Gouguenheim - 282 p. - éd. du Seuil - 21€. URL source: http://www.rue89.com/2008/05/02/baston-che…pport-de-lislam Liens: [1] http://www.lemonde.fr/archives/article/200…_1030415_0.html [2] http://www.lefigaro.fr/livres/2008/04/17/0…e-chretien-.php [3] http://www.lemonde.fr/livres/article/2008/…37823_3260.html [4] http://www.lemonde.fr/livres/article/2008/…l?xtor=RSS-3260 [5] http://www.occidentalis.com/home.php [6] http://www.telerama.fr/idees/landerneau-te…ibera,28252.php [7] http://fr.wikipedia.org/wiki/Translatio_studiorum [8] http://passouline.blog.lemonde.fr/2008/04/…andale-annonce/ [9] http://www.occidentalis.com/home.php [10] http://www.liberation.fr/culture/livre/323…PRINTERFRIENDLY [11] http://www.liberation.fr/rebonds/323893.FR.php [12] http://www.telerama.fr/idees/petition-de-l…aines,28371.php [13] http://legrandcharles.wordpress.com/2008/0…sphere-et-libe/ [14] http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/20…acines-mus.html [15] http://baroqueetfatigue.wordpress.com/2008…/mort-aux-cons/ [16] http://extremecentre.org/2008/04/30/le-cau…in-gouguenheim/ Europe's debt to Islam given a skeptical lookBy John Vinocur Monday, April 28, 2008 When Sylvain Gouguenheim looks at today's historical vision of the history of the West and Islam, he sees a notion, accepted as fact, that the Muslim world was at the source of the Christian Europe's reawakening from the Middle Ages. He sees a portrayal of an enlightened Islam, transmitting westward the knowledge of the ancient Greeks through Arab translators and opening the path in Europe to mathematics, medicine, astronomy and philosophy - a gift the West regards with insufficient esteem. "This thesis has basically nothing scandalous about it, if it were true," Gouguenheim writes. "In spite of the appearances, it has more to do with taking ideological sides than scientific analysis." For a controversy, here's a real one. Gouguenheim, a professor of medieval history at a prestigious university, l'École Normale Supérieure de Lyon, is saying "Whoa!" to the idea there was an Islamic bridge of civilization to the West. Supposedly, it "would be at the origin of the Middle Ages' cultural and scientific reawakening, and (eventually) the Renaissance." In a new book, he is basically canceling, or largely writing off, a debt to "the Arabo-Muslim world" dating from the year 750 - a concept built up by other historians over the past 50 years - that has Europe owing Islam for an essential part of its identity. "Aristote au Mont Saint-Michel" (Editions du Seuil), while not contending there is an ongoing clash of civilizations, makes the case that Islam was impermeable to much of Greek thought, that the Arab world's initial translations of it to Latin were not so much the work of "Islam" but of Aramaeans and Christian Arabs, and that a wave of translations of Aristotle began at the Mont Saint-Michel monastery in France 50 years before Arab versions of the same texts appeared in Moorish Spain. When I talked to Gouguenheim about his book a couple of weeks ago, he said he had no interest in polemics, just some concern that his research could be misused by extremists. At the same time, he acknowledged that his subject was intensely political. Gouguenheim said it was in light of a 2002 recommendation from the European Union that schoolbooks give a more positive rendering of Islam's part in European heritage "that an attempt at a clarification becomes necessary." Reading Gouguenheim without a background in the history of the Byzantine Empire or the Abassid caliphate is a bit of a challenge. It justifies distance and reserving judgment. But Le Figaro and Le Monde, in considering the book in prominent reviews, drank its content in a single gulp. No suspended endorsements or anything that read like a caution. "Congratulations," Le Figaro wrote. "Mr. Gouguenheim wasn't afraid to remind us that there was a medieval Christian crucible, a fruit of the heritage of Athens and Jerusalem," while "Islam hardly proposed its knowledge to Westerners." Le Monde was even more receptive: "All in all, and contrary to what's been repeated in a crescendo since the 1960s, European culture in its history and development shouldn't be owing a whole lot to Islam. In any case, nothing essential. "Precise and well-argued, this book, which sets history straight, is also a strongly courageous one." But is it right? Gouguenheim attacks the "thesis of the West's debt" as advanced by the historians Edward Said, Alain de Libera and Mohammed Arkoun. He says it replaces formerly dominant notions of cultural superiority advanced by Western orientalists, with "a new ethnocentrism, oriental this time" that sets off an "enlightened, refined and spiritual Islam" against a brutal West. Nuggets: Gouguenheim argues that Bayt al-Hikma, or the House of Wisdom, said to be created by the Abassids in the ninth century, was limited to the study of Koranic science, rather than philosophy, physics or mathematics, as understood in the speculative context of Greek thought. He says that Aristotle's works on ethics, metaphysics and politics were disregarded or unknown to the Muslim world, being basically incompatible with the Koran. Europe, he said, "became aware of the Greek texts because it went hunting for them, not because they were brought to them." Gouguenheim calls the Mont Saint-Michel monastery, where the texts were translated into Latin, "the missing link in the passage from the Greek to the Latin world of Aristotelian philosophy." Outside of a few thinkers - he lists Al-Farabi, Avicenne, Abu Ma'shar and Averroes - Gougenheim considers that the "masters of the Middle East" retained from Greek teaching only what didn't contradict Koranic doctrine. Published less than a month ago, the book is just beginning to encounter learned criticism. Sarcastically, Gabriel Martinez-Gros, a professor of medieval history, and Julien Loiseau, a lecturer, described Gouguenheim as "re-establishing the real hierarchy of civilizations." They said that he disregarded the mathematics and astronomy produced by the Islamic world between the 9th and 13th centuries and painted the period's Islamic civilization exactly what it was not: obscurantist, legalistic, fatalistic and fanatic. Indeed, Gouguenheim's thesis, they suggest, has "intellectual associations that are questionable at their very heart" - which I take to mean nastily right-wing. If you read Gougenheim's appendix, he's preemptively headed off that kind of accusation. He offers his book as an antidote to an approach to Islam's medieval relations to the West exemplified by the late Sigrid Hunke, a German writer, described as a former Nazi and friend of Heinrich Himmler. Hunke describes a pioneering, civilizing Islam to which "the West owes everything." Gouguenheim replies that, in deforming reality, her work from the 1960s continues as a reference point that unfortunately still "shapes the spirit of the moment." He says he means to rectify that. His book is interesting and bold. At the very least, it is kindling for arguments on a touchy subject where most people don't have more than inklings and instincts to sort out even shards of truth from angry and conflictual expertise.
Bastiat Posté 6 mai 2008 Signaler Posté 6 mai 2008 Cela me fait dire une chose: prendre une seule source n'est vraiment pas la méthode pour se dire des choses. A l'instar de tes deux déductions. Ces ceux exemples je les ais retrouvé pour l'occasion mais ces arguments se retrouvent de nombreuses fois ailleurs, des livres y sont consacré, j'en ai lu un partiellement il y a 3 ans. J'aurais plaisir à être réfuté. J'ai un Coran bilingue traduit par le Dr KECHRID.
h16 Posté 6 mai 2008 Signaler Posté 6 mai 2008 Si j'ai bien compris, la contribution capitale des musulmans de l'époque fut d'avoir des bibliothèques plus solides que celles des Européens. On peut bien leur laisser cela. l'Ikea Böris sera la fin du monde occidental !
Bastiat Posté 6 mai 2008 Signaler Posté 6 mai 2008 heureusement le modèle Ivar supporte 18kg par étagère. A noter que les éditions complètes originales du Capital pèse 19kg, d'où les problèmes récents de civilisation.
Taranne Posté 7 mai 2008 Auteur Signaler Posté 7 mai 2008 L’affaire Aristote n’est pas terminéeDécidément, l’affaire Aristote est loin d’être close. A la polémique médiatique succède enfin une disputatio strictement universitaire. On n’ose écrire “plus sereine” car elle est précédée d’un appel d’enseignants, de chercheurs, de personnels, d’étudiants de l’Ecole Normale supérieure (Lettres et sciences humaines) comptant désormais par plus de 200 signatures. La direction de l’Ecole vient en effet de faire savoir qu’elle créait une comité ad hoc d’experts recrutés essentiellement en dehors de son conseil scientifique afin d’étudier toutes les pièces du dossier (le livre même, objet de tant de courroux, Aristote au Mont Saint-Michel, ainsi que les réactions qu’il a suscitées) avant de proposer à l’auteur Sylvain Gouguenheim, professeur d’Histoire médiévale en son sein, de l’auditionner afin qu’il s’explique, avant de transmettre un avis à la direction du conseil d’administration de l’Ecole “qui évaluera les suites à donner”. Ultime précision assez troublante en son principe, quand bien même aurait-on dénoncé le fond de son travail : sanction ? mise à pied ? renvoi ? procès ? A moins qu’il ne soit condamné à réécrire son livre. Sans aller jusqu’à le brûler en place de Grève, il y aurait là amplement de quoi en faire un martyr. En attendant, le dossier de l’affaire s’est enrichi ce matin d’une intéressante réflexion du philosophe Alain de Libera.
h16 Posté 7 mai 2008 Signaler Posté 7 mai 2008 heureusement le modèle Ivar supporte 18kg par étagère.A noter que les éditionS complèteS originalES du Capital pèse 19kg, d'où les problèmes récents de civilisation. Karl en aurait conclu que non seulement le capital vendra la corde pour se pendre, mais en plus, il sera suffisamment bête pour construire des bibliothèques ne pouvant pas contenir de livres. @Taranne : Source ?
William White Posté 7 mai 2008 Signaler Posté 7 mai 2008 @Taranne : Source ? http://passouline.blog.lemonde.fr/2008/05/06/laffaire-aristote-nest-pas-terminee/
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