Rincevent Posté 11 juillet 2008 Signaler Posté 11 juillet 2008 Tidju, je me sens de plus en plus conservateur. La forme du gouvernement importe moins que son étendue.
Saucer Posté 11 juillet 2008 Signaler Posté 11 juillet 2008 La forme du gouvernement importe moins que son étendue. Attention cependant, Harald parlait de théocratie, ici c'est bien le type de gouvernement qui importe (aux yeux du peuple). Mais en effet, prenant un Etat laïque, ce qui importe est plus le comment gouverne que le qui gouverne.
William White Posté 11 juillet 2008 Signaler Posté 11 juillet 2008 Non. Il existe des exemples récents (en Algérie par exemple) où les élections ont été annulées car elles risquaient de donner la majorité à des mouvements religieux souhaitant un modèle plus théocratique que démocratique. Par ailleurs, il faut prendre du recul puisque la fin de l'histoire est une hypothèse multiséculaire. La démocratie est une exception dans l'histoire humaine, et le fait qu'elle ait été tentée une première fois (par les Grecs) ne lui a pas valu une très grande popularité, y compris chez les meilleurs penseurs ayant tous conclu à son insuffisance et préféré des régimes mixtes. La modernité a bien sûr une tout autre ampleur, mais ce qu'elle appelle "démocratie" est aussi plus ambivalent. La démocratie désigne en théorie le pouvoir du peuple de se donner des représentants et de choisir son destin. Une démocratie vraie pourrait par exemple abolir les droits de l'homme si une majorité du peuple le décide. Or, sous le label démocratie libérale, on désigne plutôt un régime où certaines choses dont les droits de l'homme sont hors de portée des décisions populaires. Et la tendance semble être de vider la démocratie au sens classique de sa substance, avec de moins en moins de choix réels pour les peuples, donc une dépolitisation croissante. Tu prends une échelle temporelle infimes (quelques années) alors que le fil suggère une échelle temporelle de plusieurs siècles au moins. A terme, les démocraties se sont imposées partout où elles ont été testées, et je pense que cette tendance va durer, toutes choses égales d'ailleurs. Quant à ses mutations qui risquent de nous éloigner du sens originel, je ne suis pas aussi pessimiste (sauf pour la France!).
CMuller Posté 11 juillet 2008 Auteur Signaler Posté 11 juillet 2008 Tu prends une échelle temporelle infimes (quelques années) alors que le fil suggère une échelle temporelle de plusieurs siècles au moins. A terme, les démocraties se sont imposées partout où elles ont été testées, et je pense que cette tendance va durer, toutes choses égales d'ailleurs. Quant à ses mutations qui risquent de nous éloigner du sens originel, je ne suis pas aussi pessimiste (sauf pour la France!). Je doute un peu que le citoyen d'une démocratie contemporaine ait le sentiment de maîtriser le destin collectif de son pays ou d'avoir un éventail de choix décisifs pour son avenir. Entre la gestion bureaucratique par l'alternance droite/gauche (un peu plus ou un peu moins d'Etat), la gouvernance technocratique (décisions et normes par des experts cooptés et non élus), les mécanismes impersonnels du marché ou de la technique, la plupart des événements sont subis et ne sont plus l'objet de décisions politiques. Partant de là, la démocratie paraît assez de vide de portée parce que son "cratein" s'exerce sur peu de choses concrètes, et la tendance longue est plutôt à une baisse de la participation du premier concerné, le "demos". Sinon, vivre avec un Etat qui garantit des droits fondamentaux est plutôt apprécié des individus. Mais je ne suis pas certain que la forme démocratique de cet Etat soit une nécessité de long terme et en un sens, une vraie forme démocratique serait sans doute une menace pour ces droits fondamentaux, dont l'existence serait suspendue au choix de la majorité.
0100011 Posté 12 juillet 2008 Signaler Posté 12 juillet 2008 Je doute un peu que le citoyen d'une démocratie contemporaine ait le sentiment de maîtriser le destin collectif de son pays ou d'avoir un éventail de choix décisifs pour son avenir. Entre la gestion bureaucratique par l'alternance droite/gauche (un peu plus ou un peu moins d'Etat), la gouvernance technocratique (décisions et normes par des experts cooptés et non élus), les mécanismes impersonnels du marché ou de la technique, la plupart des événements sont subis et ne sont plus l'objet de décisions politiques. Partant de là, la démocratie paraît assez de vide de portée parce que son "cratein" s'exerce sur peu de choses concrètes, et la tendance longue est plutôt à une baisse de la participation du premier concerné, le "demos". Relire B. Constant et son "De la liberté des anciens comaprée à celle des modernes".
pankkake Posté 12 juillet 2008 Signaler Posté 12 juillet 2008 Quand je lis un manuel d'histoire, j'ai souvent l'impression de lire :
CMuller Posté 12 juillet 2008 Auteur Signaler Posté 12 juillet 2008 Relire B. Constant et son "De la liberté des anciens comaprée à celle des modernes". En effet un classique : Le danger de la liberté antique était qu'attentifs uniquement à s'assurer le partage du pouvoir social, les hommes ne fissent trop bon marché des droits et des jouissances individuelles. Le danger de la liberté moderne, c'est qu'absorbés dans la jouissance de notre indépendance privée, et dans la poursuite de nos intérêts particuliers, nous ne renoncions trop facilement à notre droit de partage dans le pouvoir politique.
Invité jabial Posté 15 juillet 2008 Signaler Posté 15 juillet 2008 La vie est un récit plein de bruit et de fureur, raconté par un idiot et qui n'a pas de sens. J'expire
CMuller Posté 15 juillet 2008 Auteur Signaler Posté 15 juillet 2008 Pour en revenir au sujet, un échange avec SCM dans un autre fil m'incite à le reposer un peu différemment. SCM parlait de "civilisation", et je lui faisais remarquer que la modernité avait changé le sens de ce terme : en fait de "civilisation", ce qui se construit sous nos yeux ressemblent plutôt à un système technomarchand à vocation planétaire, dont les mécanismes sont à peu près les mêmes quelles que soient les colorations culturelles des anciennes civilisations. C'est-à-dire que le marché et la technoscience sont indifférents à l'origine des individus, à la nature des liens sociaux, aux traditions morales ou religieuses : ils "fonctionnent" dans une relative indifférence au sens, aux valeurs, au passé. Peut-être y a-t-il là matière à réflexion sur une certaine forme post-histoire, où l'essentiel de l'énergie et de l'intelligence humaines est absorbé dans des systèmes autorégulés n'ayant plus besoin du conflit "externe" (avec d'autres systèmes) comme motivation.
Apollon Posté 19 août 2008 Signaler Posté 19 août 2008 Le Monde propose cet été diverses rétrolectures : présentation de livres influents du XXe siècle (2e moitié je crois). Les articles sont souvent intéressants et en ce moment il y en a un sur la fin de l'histoire de Fukuyama : Rétrolecture 1992"La Fin de l'Histoire", par Daniel Vernet LE MONDE | 19.08.08 | 13h21 • Mis à jour le 19.08.08 | 13h21 Penser l'après-1989, c'est-à-dire penser l'après-guerre froide et l'après-communisme. Penser le monde après la disparition de l'URSS et l'extension de la démocratie chez les anciens satellites de Moscou. Voilà la tâche à laquelle se sont attelés, à quelques années d'intervalle, deux intellectuels américains. Avec des conclusions différentes pour ne pas dire opposées, tous deux ont gagné l'attention d'un vaste public aux Etats-Unis comme dans le monde entier. Le premier est Francis Fukuyama. Alors conseiller au ministère de la défense à Washington, il signe un article intitulé "La fin de l'Histoire" dans le numéro de l'été 1989 de la revue The National Interest. Une traduction française est publiée par Commentaire. L'article sera développé trois ans plus tard dans un livre : La Fin de l'Histoire et le dernier homme (Flammarion, 1992). Le titre est en lui-même éloquent. Francis Fukuyama réfléchit sur la fin du XXe siècle avec des concepts empruntés à Hegel, et à son interprète français, Alexandre Kojève, à Nietzsche, auxquels il convient d'ajouter, s'agissant de la démocratie, Alexis de Tocqueville. L'essai a tout de suite été critiqué par ceux qui, l'ayant mal lu, voire ne l'ayant pas lu du tout, ont compris La Fin de l'Histoire comme la disparition même de toute Histoire. Fukuyama affirmait, prétendait la vulgate, que l'Histoire s'était arrêtée avec la victoire des démocraties libérales sur le totalitarisme, d'abord fasciste entre les deux guerres mondiales, puis communiste. Et qu'il n'y aurait désormais plus de guerres entre les peuples, de conflits entre les hommes, d'événements même. Présentée, ainsi la thèse était facile à réfuter. Elle n'a toutefois qu'un très lointain rapport avec le travail de Fukuyama, à la fois plus ambitieux, plus aride et plus complexe. L'auteur part de la formule d'Hegel qui considérait que l'Histoire s'était arrêtée en 1806, quand il avait vu passer Napoléon à cheval sous sa fenêtre. Dans un entretien avec Gilles Lapouge, en 1968, Alexandre Kojève fera référence à cette anecdote. Il n'avait pas "vu Staline passer à cheval sous sa fenêtre. Mais enfin", il n'en considérait pas moins que l'URSS avait contribué à amener l'Histoire vers sa fin. Que signifie pour Fukuyama, suivant Hegel et Kojève, "la fin de l'Histoire" ? Cela veut dire que "la solution du problème de l'Histoire a été trouvée dès la Révolution française (…). Nous n'avons pas pu aller au-delà de ses principes, ni politiquement ni philosophiquement. Les expériences historiques postérieures ont été des mises en oeuvre de ces principes. Les grandes formes d'alternative ne sont pas parvenues à les dépasser. Ce sont des "détours"". Cela ne veut pas dire que l'Histoire n'est plus contingente, mais qu'elle a été pensée dans sa fin. Comme le fascisme et le communisme, le fondamentalisme islamique n'est dans cette hypothèse qu'un "détour" parmi d'autres, énormes, parfois monstrueux, mais qui ne sont pas décisifs contre l'idée de la démocratie libérale. Il n'est pas possible en quelques lignes de rendre parfaitement compte de toutes les interrogations et critiques, qui ne sont pas toutes vulgaires, provoquées par cette thèse. Fukuyama lui-même en fait part à la fin de son livre. Si la "bonne cause" a triomphé, les hommes n'auront plus besoin de lutter pour elle. Pour continuer à lutter, c'est-à-dire à être des hommes distincts de l'animal, ne seront-ils pas alors tentés de se retourner contre cette bonne cause ? De même, le triomphe de la démocratie libérale ne conduira pas nécessairement à un "Etat universel et homogène" (Kojève), mais plutôt à des réseaux d'institutions, à des connexions d'intérêts croisés. L'Europe en est un exemple, dit Fukuyama, sans pour autant être une préfiguration d'un Etat mondial. "LES LIGNES DE FRACTURE" Le second intellectuel américain à avoir abordé "l'après-communisme" ne croit pas un seul instant que la démocratie libérale soit l'horizon indépassable de notre temps, pour paraphraser Jean-Paul Sartre à propos du marxisme. Samuel Huntington, professeur à Harvard, s'est inquiété au contraire d'un Clash of Civilizations, d'abord dans un article publié en 1993 par la revue Foreign Affairs, puis dans un livre paru en français sous le titre Le Choc des civilisations (Odile Jacob, 1997). Pour lui, "dans ce monde nouveau, la source fondamentale et première de conflit ne sera ni idéologique ni économique. Les grandes divisions au sein de l'humanité et la source principale de conflit sont culturelles. Les Etats-nations resteront les acteurs les plus puissants sur la scène internationale, mais les conflits centraux de la politique globale opposeront des nations et des groupes relevant de civilisations différentes. Le choc des civilisations dominera la politique à l'échelle planétaire. Les lignes de fracture entre civilisations seront les lignes de front des batailles du futur". Et pour Samuel Huntington, les civilisations se définissent par rapport à leur religion de référence, le christianisme, l'islam, le bouddhisme, etc. Ce livre a également fait l'objet de nombreuses controverses. Les uns ont reproché à son auteur de peindre un Occident assiégé par des civilisations hostiles, sans tenir compte de la "stupéfiante interdépendance de notre époque", comme l'écrivait l'intellectuel palestinien vivant aux Etats-Unis Edward Said, dans un point de vue publié par Le Monde, sous le titre "Le choc de l'ignorance". D'autres, au contraire, se sont appuyés sur "le retour des religions" pour justifier la position d'Huntington, qui, dans le dernier chapitre de son livre, imagine les islamistes en possession de l'arme nucléaire. Les "huntingtoniens" se sont sentis confirmés dans leur crainte par les attentats du 11 septembre 2001 contre le World Trade Center et le Pentagone. Il ne s'agit pas de tenter de départager les deux thèses. Mais simplement de remarquer que, si l'on suit Fukuyama, le scénario-catastrophe d'Huntington n'est peut-être qu'un de ces "détours" de l'histoire passant à cheval sous les fenêtres de Hegel. La Fin de l'Histoire et le dernier homme de Francis Fukuyama Flammarion, 448 pages, 9 € Le Choc des civilisations de Samuel Huntington Odile Jacob, 400 pages, 11,20 € Daniel Vernet A noter aussi que l'auteur de l'article a fait une excellente petite série en trois parties sur l'histoire des deux partis américains, au début du mois.
condorcet Posté 13 octobre 2008 Signaler Posté 13 octobre 2008 S'il y a des horizons indépassables, alors une fin de l'histoire est attendue, s'il y a une infinie perfectibilité, alors non l'histoire ne peut s'arréter.
Johnnieboy Posté 17 octobre 2008 Signaler Posté 17 octobre 2008 Pourquoi placer les cultures au-dessus de la nature humaine? Si l'homme est universel, alors un système universel existe. Si l'Homme est universel, le dénominateur commun entre les hommes est forcément tres pauvre. C'est ainsi que dans les romans d'anticipation et de SF qui proposent un systeme universel, ce systeme ne présente au final plus grand chose d'humain. Ce débat est fort intéressant ! ps : désolé pour certains accents, j'ai un clavier qwerty.
Tremendo Posté 17 octobre 2008 Signaler Posté 17 octobre 2008 ps : désolé pour certains accents, j'ai un clavier qwerty. Non c'est inacceptable
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