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Sur Hayek et la démocratie


F. mas

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Après une discussion avec un membre du forum (salut Apollon !), je me suis repenché sur la critique qu’Hayek adresse à la démocratie, qu’on a abusivement rapproché de sa position jugée trop conciliante sur le Chili de Pinochet. Il me semble qu’Hayek, en confondant un peu trop rapidement parlementarisme et démocratie, formule une critique intéressante du fonctionnement des chambres, mais se trompe sur l’évolution contemporaine du rapport entre les trois pouvoirs, qui a vu triompher la prééminence de l’exécutif dans la définition de la démocratie (et non une hétéronomie absolue entre pouvoir règlementaire et fonctionnement démocratique comme il l’esquisse dans La route de la servitude). Toutefois, il faudrait être totalement idiot pour croire qu’Hayek pose une équivalence morale entre démocratie et dictature, sous prétexte qu’un bon régime est un régime dans lequel un certain nombre de droits (privés) sont protégés.

Dans droit, législation et liberté, Hayek opère une distinction claire entre le principe de la démocratie et sa déviation moderne. La distinction devient par la suite plus floue : la démocratie conforme à son principe devient la démocratie limitée par un nomos en dehors d’elle-même (une charte protégeant les droits individuels ou d’autres sources du droit), tandis que celle déviée prend le moyen pour la fin : la démocratie qui est d’abord une certaine manière d’emporter la décision (une « convention rendant possible un changement pacifique de détenteurs du pouvoir », bref limitant l’usage de la coercition par la règle de la majorité DLL ; 625) devient un idéal indépassable, faisant du principe majoritaire le fondement de toute décision publique. La démocratie moderne fait de la législation la source exclusive du droit. Elle confond donc la production de la loi et les règles qui enserrent l’activité du gouvernement, ouvrant ainsi la voie à l’illimitation de la souveraineté parlementaire (Hayek ne parle pas de souveraineté, qu’il assimile faussement à une superstition constructiviste).

Là, l’argumentaire de Hayek prend une tournure assez « antiparlementaire » : une démocratie illimitée qui repose sur la souveraineté parlementaire n’a pas d’autre choix que de se donner aux intérêts particuliers, quelques soient les déclarations de principe qu’elle prétend défendre. Les élus dépendent d’abord de l’élection, qui demande de se concilier des groupes d’intérêts qui assureront aussi la réélection. Les majorités dégagées dans les assemblées font donc passer les intérêts des factions nécessaires à leur réélection avant les revendications dites d’intérêt général : « Une assemblée qui a le pouvoir de voter les faveurs à des groupes particuliers devient forcément telle que ce sont les marchés et compromis au sein de la majorité (…) qui emporte les décisions. La prétendue « volonté de la majorité élaborée dans ce processus de marchandages n’est rien de plus qu’une entente pour favoriser ses clientèles au détriment du reste. » (DLL ; 634). Cette tendance s’est accélérée à l’époque contemporaine au point d’organiser les intérêts spéciaux en groupes para-gouvernementaux (lobbies, commissions, partis), et cela au détriment de l’idéal d’une loi générale votée dans l’intérêt de tous.

La vision de la démocratie illimitée selon Hayek, je le répète, est essentiellement parlementaire : la législation est le produit exclusif du parlement, qui est considéré comme le pouvoir suprême au dessus de l’autorité judiciaire et de l’exécutif. En cela, il est continuateur de Locke, qui refuse le qualificatif de juste à tout gouvernement n’observant pas cette priorité. Dans un tel système, le gouvernement en tant que fonction exécutante est la créature des parlementaires. Il effectue, rend opératoire des lois qui ne se sont pas de lui. La fonction judiciaire se trouve dans le même cas : les juges appliquent des lois qu’ils ne fabriquent pas, et surtout qu’ils n’interprètent pas. Les lois en tant qu’expression de la souveraineté du parlement (elle-même expression de la souveraineté populaire ou nationale) ne souffrent pas d’être sujettes à l’interprétation subjective des cours et des tribunaux divers et variés.

Seulement, l’ère de la souveraineté parlementaire est censée être finie depuis maintenant plus d’un demi siècle. La plupart des démocraties libérales contemporaines limitent la compétence de leur législation ordinaire par des cours constitutionnelles. Elles ont aussi inversé l’ordre des priorités dans la distribution des pouvoirs : la législation a cédé le pas à l’exécutif (c’est-à-dire à l’administration), qui tend à cumuler l’initiative, l’inspiration, et une frange de la production du droit (le règlement) au détriment des autres organes. Son autorité indépendante du parlement a été renforcé par l’élection au suffrage direct (comme en France) ou même indirect (comme aux Etats-Unis) de la tête de l’exécutif. Ce faisant, la source de sa légitimité ne dérive plus uniquement de l’arbitraire parlementaire, mais aussi de l’opinion publique du moment. Il est donc possible de compléter la critique hayékienne de la « marchandisation » du parlement en regrettant que l’organe exécutif finisse par être la seule instance capable de trancher entre les différents intérêts particuliers présentés. Mais le choix opéré par l’exécutif n’est en aucun cas un choix impartial entre des intérêts concurrents : il est lui-même le produit d’une des factions portées par les partis politiques, ce qui le fera privilégier les coalitions qui l’ont porté au pouvoir.

Mais là, certains lecteurs de Mandeville et de Montesquieu m’arrêteront : diviser la source de légitimité de l’exécutif revient à le soumettre à plusieurs impératifs limitatifs de son pouvoir de commandement. Soumis par la loi parlementaire (ou par les intérêts individuels ou collectifs des parlementaires), par l’opinion publique, peut-être responsable devant l’assemblée et l’opposition, il est obligé de se modérer et de composer avec une plus grande masse d’intérêts agrégés. Comme par magie (ou comme le pensait J Madison dans les federalist papers), la multiplication des intérêts égoïstes oblige pour les concilier à parler et raisonner dans le langage rationnel de l’intérêt général. Ainsi compris, le caractère planiste du pouvoir réglementaire dénoncé dans la route de la servitude s’en trouve un peu amenuisée (puisqu’elle correspond à un moment de l’émergence de la fonction exécutive non encore sanctionnée par le principe démocratique majoritaire). La question qui demeure est de savoir si cette contrainte formelle, qui oblige à des décisions formelles, réussit réellement à « expurger » le processus de décision de ses scories factionnistes. Quand Sarkozy inspire un décret libéralisant le marché des machines à sous, il est obligé de répondre aux contraintes formelles de la règlementation, même si son but essentiel est de favoriser ses amis proches casinotiers. Une lecture optimiste (genre Mandeville Montesquieu) dirait qu’en visant ses intérêts particuliers, il agit aussi pour l’intérêt général (pour tout les citoyens, quelques soient les situations à venir, dans le langage impersonnel du droit).

Il me semble toutefois que le formalisme (l’intégration de l’exécutif à l’équilibre institutionnel de la démocratie libérale) n’a pas obligé les gouvernants à gouverner impartialement, mais plutôt à développer des stratégies individuelles et collectives intégrant les formes constitutionnelles comme des contraintes secondaires portant sur les intérêts particuliers qu’ils défendent. Les intérêts particuliers demeurent, mais parlent le langage généraliste de la loi. Ce qui est en cause ici n’est plus à proprement parler la démocratie, mais l’idéologie de la représentation comme véhicule neutre au service de l’intérêt général (quelque soit la définition qu’on donne à cette expression). Cette fiction morale et juridique tend à masquer non seulement les rapports de force dont est issue l’organisation administrative et bureaucratique de la démocratie, mais aussi ceux qu’elle fait prospérer. Au regard de cela, il est certes non seulement nécessaire de limiter la démocratie par des principes de droit la dépassant, mais aussi de dégonfler la baudruche de la représentation qui ne suppléé pas –hélas- à une morale publique minimum. Et là, on touche à un problème interne à la pensée libérale je pense.

Abstract : Hoppe a raison, l’Etat c’est rien qu’une bande de brigands/ Hoppe is right, State is nothing but a bunch of crooks.

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S'il te plait pourrais-tu réduire la taille de la police? J'ai tout lu et c'est intéressant, mais c'est déplaisant à lire et je pense que pas mal de monde y renoncera.

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Soumis par la loi parlementaire (ou par les intérêts individuels ou collectifs des parlementaires), par l’opinion publique, peut-être responsable devant l’assemblée et l’opposition, il est obligé de se modérer et de composer avec une plus grande masse d’intérêts agrégés. Comme par magie (ou comme le pensait J Madison dans les federalist papers), la multiplication des intérêts égoïstes oblige pour les concilier à parler et raisonner dans le langage rationnel de l’intérêt général. Ainsi compris, le caractère planiste du pouvoir réglementaire dénoncé dans la route de la servitude s’en trouve un peu amenuisée (puisqu’elle correspond à un moment de l’émergence de la fonction exécutive non encore sanctionnée par le principe démocratique majoritaire). La question qui demeure est de savoir si cette contrainte formelle, qui oblige à des décisions formelles, réussit réellement à « expurger » le processus de décision de ses scories factionnistes.

La critique de Hayek porte moins sur le parlementarisme et la représentation que sur le rationalisme constructiviste du législateur, qui tend à faire de la démocratie un système illimité (le despotisme taquin dont parle Tocqueville, plus étendu et plus doux que ceux du passé) en détruisant l'ordre spontané, d'où un processus de décivilisation. Rappelons qu'Aristote classe la démocratie dans les régimes dégénérés, forme corrompue du constitutionnalisme. La social-démocratie ramollit progressivement l'électeur, jusqu'à l'abrutissement maximal où il cesse d'être autonome à mesure qu'il devient consommateur de nouveaux droits et d'avantages particuliers, dépendant davantage de la bienveillance du gouvernement, quelque soient les réformes institutionnelles.

Le formalisme n'a en rien ralentit l'inflation de lois, il l'a augmenté. L'empire de la loi, en prétendant maximiser le bonheur social, s'étend jusqu'à la volonté d'éduquer les citoyens dans leur alimentation ou leur mode de consommation. Quant à l'opinion publique, loin de tempérer l'hybris démagogique, elle l'a amplifié, puisque l'opinion devient un fond de commerce clientéliste de la partitocratie, un marché sur lequel les partis cherchent à maximiser leurs voix par la distribution de faveurs et de flatteries, comme le montre la théorie du choix public. Ainsi l'influence des conseillers et des démagogues s'emparant de l'humanitarisme ou de la cause écologique, devient déterminante. Et le pouvoir illimité de la loi, que l'initiative soit entre les mains du parlement ou du gouvernement, est la conséquence inévitable de la démocratie. Je pense qu'il faut considérer la démocratie pour ce qu'elle est au fond, comme le signale Platon au début de la République : une forme de tyrannie.

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Il me semble qu’Hayek, en confondant un peu trop rapidement parlementarisme et démocratie, formule une critique intéressante du fonctionnement des chambres, mais se trompe sur l’évolution contemporaine du rapport entre les trois pouvoirs, qui a vu triompher la prééminence de l’exécutif dans la définition de la démocratie (et non une hétéronomie absolue entre pouvoir règlementaire et fonctionnement démocratique comme il l’esquisse dans La route de la servitude). Toutefois, il faudrait être totalement idiot pour croire qu’Hayek pose une équivalence morale entre démocratie et dictature, sous prétexte qu’un bon régime est un régime dans lequel un certain nombre de droits (privés) sont protégés.

Pour traiter la question de la démocratie, il faut bien préciser ce qu'on met derrière ce terme. Je pense qu'on peut en donner deux définitions au moins, recoupant la distinction hayékienne entre loi et gouvernement. (Comme je ne suis pas du tout spécialiste des questions institutionnelles, je ne sais pas si ça recoupe exactement la distinction dont tu parles dans la suite de ton texte entre les pouvoirs judiciaires et législatifs, c'est peut-être plus compliqué que ça :icon_up: )

1) Des droits privés étant donnés à tous – droits spécifiés par des règles générales (la loi au sens de Hayek (supposée exogène)) – la démocratie est la liberté du peuple, à la majorité chez la plupart des auteurs dont Hayek, de choisir le reste, c'est-à-dire ce qui ne relève pas de la loi, du domaine privé, mais du gouvernement (l'Etat producteur de James Buchanan) : la gestion des ressources dont le gouvernement dispose. C'est la démocratie gouvernementale.

2) Aucune loi générale, domaine privé, n'est donné au départ aux individus, il s'agit pour eux de choisir ces lois elles-mêmes, qui circonscriront la sphère privée à l'intérieur de laquelle ils devront se tenir et que le gouvernement ne pourra pas outrepasser. Cette démocratie "en amont" est la démocratie constitutionnelle, orientée contractualisme, au sens de Buchanan ou de Rawls.

Si on a cette seconde définition en tête, il est clair que la plupart des libéraux dont Hayek, préfèreraient un autoritarisme constitutionnel = ne pas laisser les individus choisir les lois générales mais imposer celles du marché (c'est ce que Hayek voulait dire je crois, dans une interview donnée à un journal chilien, de même que dans The Constitution of Liberty, où il dit bien qu'il est concevable qu'un gouvernement autoritaire puisse agir selon les principes libéraux, et qu'entre un tel gouvernement, et une démocratie illimitée totalitaire, sa préférence irait bien sûr au premier).

Après, je dois dire que Hayek m'a semblé plus flou dans son dernier volume de Law, Legislation and Liberty, puisque si ma mémoire est bonne, il semble vouloir y généraliser la démocratie à ce second niveau, constitutionnel, ce qui est beaucoup moins apparent dans ses précédents ouvrages. Mais beaucoup de critiques lui ont fait remarquer que le peuple pourrait très bien voté des lois générales, impersonnelles, qui soient pourtant très interventionnistes. Pour résumer, je pense que Hayek, s'il se veut cohérent, doit être autoritariste au niveau constitutionnel. (Je n'y vois pour ma part rien de choquant pour des raisons évoquées dans un autre topic.)

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S'il te plait pourrais-tu réduire la taille de la police? J'ai tout lu et c'est intéressant, mais c'est déplaisant à lire et je pense que pas mal de monde y renoncera.

Fonte rectifiée, taille réinitialisée.

Nous rappelons à nos chers utilisateurs que poster des messages entiers écrits en une police de caractère différente de la police standard est pénible à lire, et que nous décourageons toute utilisation non justifiée de fontes, de tailles ou de couleurs non standard au sein des messages. Merci.

(Si j'écris en bleu, c'est parce qu'il s'agit ici d'une adresse de la modération).

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(Si j'écris en bleu, c'est parce qu'il s'agit ici d'une adresse de la modération).

Et c'est aussi parce que la modération est adroite.

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Si on a cette seconde définition en tête, il est clair que la plupart des libéraux dont Hayek, préfèreraient un autoritarisme constitutionnel = ne pas laisser les individus choisir les lois générales mais imposer celles du marché (c'est ce que Hayek voulait dire je crois, dans une interview donnée à un journal chilien, de même que dans The Constitution of Liberty, où il dit bien qu'il est concevable qu'un gouvernement autoritaire puisse agir selon les principes libéraux, et qu'entre un tel gouvernement, et une démocratie illimitée totalitaire, sa préférence irait bien sûr au premier).

Heum, je ne suis pas sûr de suivre, mais je dirais ni l'une ni l'autre.

Hayek stipule très clairement être en faveur d'une loi des juristes : la loi n'est pas édictée par des représentants du peuple mais par les professionnels du droit. Et ils doivent accomplir une œuvre de cohérence (par rapport à ce qui existe déjà) et non pas suivre une volonté politique particulière.

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Merci F. Mas c'est très aimable de ta part de répondre aussi vite.

J'ai une objection principale qui est que tu tiens à mon avis une conception trop matérialiste de l'intérêt poursuivi par les personnes et les groupes. Je puis me tromper (et au fond je l'espère pour m'attribuer plus directement les idées que je prête à Hayek) mais je pense que lorsque Hayek remarque que les groupes politiques recherchent leur intérêt cela désigne l'accomplissement de fins qui sont essentiellement non matérielles : l'application du programme politique n'est pas le pendant d'un attrait monétaire mais de la volonté de puissance du politique et des passions des masses.

Ainsi les groupes politiques ne sont pas des repaires de brigand mais pire des repères de fanatiques envieux encore que les institutions éliminent effectivement ces fanatiques et amènent au pouvoir des personnes plus près du juste milieu.

A noter aussi que l'affaiblissement du parlement ne correspond pas à un affaiblissement quantitatif de la loi mais, et cela va au fond dans ton sens, à un changement de fait de l'auteur de la loi, aujourd'hui en France à 90% l'exécutif.

Par ailleurs tu remarques, et c'est une problématique à laquelle les liborgiens sont très peu sensibles, que l'administration est aujourd'hui le principal contre-pouvoir du politique et qu'il est malaisé de savoir si cela est un mal ou un bien. Dans la perspective de Hayek il semblerait aussi paradoxal que ça puisse paraitre que ce soit un bien. (les syndicats sont aussi un excellent contre-pouvoir mais on leur dresse peu de louange pour ça).

En tout cas merci pour ces développements intéressants qui aiguisent mon envie de lire l'essai de Hayek consacré à la démocratie :icon_up: Je me demande si Hayek voit la dimension médiatrice du parlement comme obstacle entre la volonté d'ordonner et l'exercice du pouvoir.

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lorsque Hayek remarque que les groupes politiques recherchent leur intérêt cela désigne l'accomplissement de fins qui sont essentiellement non matérielles : l'application du programme politique n'est pas le pendant d'un attrait monétaire mais de la volonté de puissance du politique et des passions des masses.

L'un n'exclut pas l'autre cher ami. Mais je suis assez d'accord pour placer la volonté de puissance des élites & les passions des masses en premier.

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L'un n'exclut pas l'autre cher ami. Mais je suis assez d'accord pour placer la volonté de puissance des élites & les passions des masses en premier.

On peut l'imaginer mais j'ai peine à croire qu'un vice si grand que la volonté de puissance, ou plutôt un vice qui a tellement besoin d'être caché, puisse ne pas montrer patte la plus blanche possible, et donc rejeter les considérations vénales.

Abstract : let's trust crooks.

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Merci F. Mas c'est très aimable de ta part de répondre aussi vite.

J'ai une objection principale qui est que tu tiens à mon avis une conception trop matérialiste de l'intérêt poursuivi par les personnes et les groupes. Je puis me tromper (et au fond je l'espère pour m'attribuer plus directement les idées que je prête à Hayek) mais je pense que lorsque Hayek remarque que les groupes politiques recherchent leur intérêt cela désigne l'accomplissement de fins qui sont essentiellement non matérielles : l'application du programme politique n'est pas le pendant d'un attrait monétaire mais de la volonté de puissance du politique et des passions des masses.

Ainsi les groupes politiques ne sont pas des repaires de brigand mais pire des repères de fanatiques envieux encore que les institutions éliminent effectivement ces fanatiques et amènent au pouvoir des personnes plus près du juste milieu.

A noter aussi que l'affaiblissement du parlement ne correspond pas à un affaiblissement quantitatif de la loi mais, et cela va au fond dans ton sens, à un changement de fait de l'auteur de la loi, aujourd'hui en France à 90% l'exécutif.

Par ailleurs tu remarques, et c'est une problématique à laquelle les liborgiens sont très peu sensibles, que l'administration est aujourd'hui le principal contre-pouvoir du politique et qu'il est malaisé de savoir si cela est un mal ou un bien. Dans la perspective de Hayek il semblerait aussi paradoxal que ça puisse paraitre que ce soit un bien. (les syndicats sont aussi un excellent contre-pouvoir mais on leur dresse peu de louange pour ça).

En tout cas merci pour ces développements intéressants qui aiguisent mon envie de lire l'essai de Hayek consacré à la démocratie :icon_up: Je me demande si Hayek voit la dimension médiatrice du parlement comme obstacle entre la volonté d'ordonner et l'exercice du pouvoir.

En réalité ce sont les politiques qui sont un contre-pouvoir de l'administration (qui est le vrai pouvoir).

Posté
En réalité ce sont les politiques qui sont un contre-pouvoir de l'administration (qui est le vrai pouvoir).

Intéressant ; je vois bien en quoi l'administration peut constituer le vrai pouvoir (pour avoir insisté sur ce fait de nombreuses fois en ces lieux), mais en quoi les politiques sont-ils un contre-pouvoir face à l'administration ? Cette dernière n'arrive-t-elle pas à réorienter les girouettes politiciennes en son sens, que ce soit en "interprétant" les lois qu'ils adoptent (via les décrets d'application) ou en (dés)informant le gouvernement et les commissions parlementaires ?

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Intéressant ; je vois bien en quoi l'administration peut constituer le vrai pouvoir (pour avoir insisté sur ce fait de nombreuses fois en ces lieux), mais en quoi les politiques sont-ils un contre-pouvoir face à l'administration ? Cette dernière n'arrive-t-elle pas à réorienter les girouettes politiciennes en son sens, que ce soit en "interprétant" les lois qu'ils adoptent (via les décrets d'application) ou en (dés)informant le gouvernement et les commissions parlementaires ?

Je n'ai pas dit contre-pouvoir efficace. Cela dit si les gouvernements laissait l'administration suivre librement sa pente naturelle ce serait probablement bien pire encore.

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Je n'ai pas dit contre-pouvoir efficace. Cela dit si les gouvernements laissait l'administration suivre librement sa pente naturelle ce serait probablement bien pire encore.

Je soussigne complètement. Ne réduire que l'influence des politiciens ne peut mener qu'à aider la peste grise de la bureaucratie à s'étendre encore.

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Je soussigne complètement. Ne réduire que l'influence des politiciens ne peut mener qu'à aider la peste grise de la bureaucratie à s'étendre encore.

+ 1

1 – je suis désolé pour la police de caractère : je fais directement un copié collé depuis ma bécane, qui ne supporte pas d’être connectée à internet plus de 10 min. Je vais essayer de corriger ça.

2 – Free Jazz : je ne suis pas certain de déceler chez Hayek une quelconque critique de l’illimitation de la démocratie par sa filiation avec le rationalisme constructiviste, ou alors indirectement quand il reproche au positivisme juridique de faire reposer l’ensemble du droit sur la production de la loi sur expression d’une volonté supérieure. Dans ce dernier cas, il ne distingue pas entre les différents régimes d’inspiration positiviste que ce soient les dictatures, les monarchies ou les démocraties. Je me trompe peut-être si c’est le cas, je suis prêt à voir la référence. Aristote fait effectivement de la démocratie un régime dévié. Toutefois, dans le livre III de la Politique, il semble reconnaître dans la comparaison qu’il fait entre démocratie et oligarchie la capacité collective de la multitude en matière de prise de décision : « La multitude (…) composée d’individus qui, pris séparément sont des gens sans valeur, est néanmoins susceptible, prise en corps, de se montrer supérieure à l’élite de tout à l’heure, non pas à titre individuel, mais à titre collectif (…) » (Pol. III, 11, 1281b trad. Tricot). Sans être particulièrement démocrate, Aristote supporte tout à fait l’alliance entre oligarchie et démocratie (qui n’ont qu’une distance minime du point de vue de la justice) à partir du moment où s’établit un lien de droit qui tempérera les passions des uns et des autres (des riches et des pauvres en l’occurrence).

Mon propos n’était pas de dire que le formalisme a ralenti ou empêché l’inflation législative, mais qu’il n’a pas transformé la somme des intérêts concurrents en une règle abstraite, générale et donc s’appliquant impartialement à tous. C’était un peu l’idée sous jacente de la représentation au sens américain : en obligeant toutes les factions du pays à collaborer entre elles, il y allait forcément avoir une décantation favorisant l’intérêt général. Sur le reste, je suis plutôt d’accord, cela correspond par ailleurs à ce que Hayek désigne comme la démocratie qui se prend comme finalité.

3 – Régis S. : Parler de Hayek comme voulant autoritairement imposer les règles du Marché ou retirer au peuple sa capacité d’autoconstitution (puisque c’est il me semble l’essence du contractualisme d’inspiration hobbésienne de l’ami Buchanan) me chiffonne un peu. En un sens, le contractualisme à la Buchanan-Tullock est plus autoritaire que le spontanéisme de Hayek : il prétend faire reposer l’intégralité de la légitimité de la société dans le contrat, ce qui rend sa révision beaucoup plus contraignante que si une partie lui échappe et naît d’un développement spontané. Hayek ne marque pas de différence franche entre la démocratie et les autres régimes de ce point de vue : à partir du moment où l’Etat prétend reposer sur une loi dont elle assure le monopole de production, il y a danger, superstition constructiviste et tout le toutim.

4 – Apollon : la critique de Hayek est en effet assez terre à terre, dans le sens où pour lui, la pente fatale de la démocratie moderne tourne au marchandage entre factions concurrentes au détriment des principes généraux qu’elle prétend incarner (et j’avoue être assez d’accord avec lui). En cela, il est assez proche des analyses des Michels, Pareto et autres Sombart (assez en vogue au début de sa carrière par ailleurs). Je n’ai pas souvenir d’une quelconque critique de la partitocratie comme lieu de génération ou d’illustration de fanatisme ou de volonté de puissance (mais là encore, je suis prêt à corriger ma position si tu as les références). Que ce soit la position de Hayek ou la tienne, cette remarque m’incite à en faire une autre : je n’ai pas l’impression que la classe politique soit un repaire de fanatiques envieux (même si elle en attire, ‘tention). Les politiques qui durent sont ceux qui prennent la politique comme une profession, et qui voient les partis comme des entreprises de promotion de leurs ambitions. Après tout, le retournement politique des DSK, Lang, Attali, Rocard, Tapie Besson, etc en faveur de Sarkozy s’explique en grande partie par des calculs d’intérêt, pas vraiment par le fanatisme : l’entreprise PS étant dans un état de délabrement avancé, son retour aux affaires n’est pas prévu avant un horizon très lointain. Elle n’est donc pas capable de proposer des postes gouvernementaux à ses employés vieillissants, qui savent qu’en attendant, leur capital d’expérience accumulé va se dégrader et peser sur leur rentabilité personnelle sur le marché politique. En plus de ça, lesdits vieillards auront atteint l’âge de la retraite au moment où le PS redémarrera. Ils ont donc tout intérêt à passer à l’ump, qui elle se porte comme un charme, et donc peut distribuer les postes, les gratifications les rétributions etc. Je n’ai pas eu vent de problèmes de conscience de la part de tout ce petit monde. Cela me fait dire que les convictions ou les croyances politiques en démocratie n’interviennent qu’à la marge (souvent comme des déviations, et même si la motivation des politiques est incompréhensible sans que l'on ne fasse entrer la pathologie narcissique dans l'équation).

Sur l’administration : effectivement, les collectivités et les administrations dans ce pays (comme dans tous les pays démocratiques) forment un pouvoir qui pèse sur toutes les actions des politiques. Les élus (du sommet jusqu’à l’élu local) sont en transaction permanente avec eux pour pouvoir commander effectivement. Un exemple : la plupart des hauts fonctionnaires de Bercy sont de centre gauche (rocardiens). Pour planter un ministre libéral qui vient d’être nommé (au hasard un A Madelin), il suffit de lui refuser purement et simplement toute collaboration. S’il veut faire passer un minimum d’idées ou de réformes, il doit pouvoir se concilier les bonnes grâces de tout le personnel chargé de mettre en place effectivement les initiatives qu’il impulse. Cet exemple est transposable à tous les échelons du pouvoir. La fonction publique et parapublique (les assos subventionnées) s’inquiète en priorité de sa propre conservation, elle tend donc à freiner et empêcher tout ce qu’elle estime aller contre ses intérêts et son extension. Si elle influe les actions et programmes des politiques, c’est donc négativement, comme un plus puissant groupe d’intérêts en faveur du léviathan.

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Mon propos n’était pas de dire que le formalisme a ralenti ou empêché l’inflation législative, mais qu’il n’a pas transformé la somme des intérêts concurrents en une règle abstraite, générale et donc s’appliquant impartialement à tous. C’était un peu l’idée sous jacente de la représentation au sens américain : en obligeant toutes les factions du pays à collaborer entre elles, il y allait forcément avoir une décantation favorisant l’intérêt général. Sur le reste, je suis plutôt d’accord, cela correspond par ailleurs à ce que Hayek désigne comme la démocratie qui se prend comme finalité.

Le critère de pacification des luttes factieuses dans les transitions ou les alternances est aussi l'argument de Mises pour faire de la démocratie le seul régime compatible avec le libéralisme, il va même plus loin en affirmant que le marché est une démocratie des consommateurs, situation où les individus sont d'emblée formellement égaux. Mais cette adéquation vertueuse ne vaut que si la démocratie est bornée à une technique, c'est-à-dire un moyen limité au service de la catallaxie ou au service du droit naturel, subordonnée aux règles involontaires spontanées sécrétées par la société civile, qui par le jeu de la sélection des règles les plus adaptées, est le lieu véritable de la production de droit, la représentation étant limitée à une chambre d'enregistrement. Dans ce schéma, la démocratie ne produit pas de droit, mais conserve les institutions garantissant l'ordre social et l'autorégulation de la société civile, par un jeu de séparation et de contre-pouvoir. Hors de cette limitation politique, la sphère d'influence de la démocratie doit être combattue.

Or cette conception technique d'une démocratie bornée par ses propres institutions est un doux rêve qui évacue la question des fins et le processus démocratique réel. C'est en cela que la critique de Strauss est valide sur la légèreté de l'idéal libéral, et qu'il faut revenir aux analyses de la philosophie antique. Ce que montre Tocqueville, c'est que la démocratie réelle doit être considérée non comme une institution mais comme une logique, un processus, un mouvement de transformation qui poursuit une finalité normative: la démocratisation de la société, c'est-à-dire la production d'un citoyen démocratique et d'une mentalité conforme, d'où la prolifération de l'humanitarisme en tant que norme. Dans ce processus la démocratie se prend elle-même comme sa propre fin et n'en finit pas de produire du droit, ce qui régénère les luttes factieuses sous la forme d'un énorme conflit d'intérêts.

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2 – Free Jazz : je ne suis pas certain de déceler chez Hayek une quelconque critique de l’illimitation de la démocratie par sa filiation avec le rationalisme constructiviste, ou alors indirectement quand il reproche au positivisme juridique de faire reposer l’ensemble du droit sur la production de la loi sur expression d’une volonté supérieure. Dans ce dernier cas, il ne distingue pas entre les différents régimes d’inspiration positiviste que ce soient les dictatures, les monarchies ou les démocraties. Je me trompe peut-être si c’est le cas, je suis prêt à voir la référence.

Si si, Free Jazz a raison : il me semble bien y avoir chez Hayek une relation très directe entre sa critique du rationalisme constructiviste et celle de la démocratie illimitée, puisque ce que Hayek reproche aux constructivistes, c'est de vouloir se passer de toutes règles, de tous principes, pour organiser la société au cas par cas par des expédients (c'est ce qu'il reproche entre autres aux utilitaristes de l'acte). Or la démocratie illimitée est précisément cela, se passer de règles constitutionnelles, contrairement à l'ordre spontané hayékien qui repose sur des règles relativement fixes à l'intérieur desquelles les acteurs évoluent librement et dont le résultat de leurs actions est imprévisible/spontané.

3 – Régis S. : Parler de Hayek comme voulant autoritairement imposer les règles du Marché ou retirer au peuple sa capacité d’autoconstitution (puisque c’est il me semble l’essence du contractualisme d’inspiration hobbésienne de l’ami Buchanan) me chiffonne un peu. En un sens, le contractualisme à la Buchanan-Tullock est plus autoritaire que le spontanéisme de Hayek : il prétend faire reposer l’intégralité de la légitimité de la société dans le contrat, ce qui rend sa révision beaucoup plus contraignante que si une partie lui échappe et naît d’un développement spontané. Hayek ne marque pas de différence franche entre la démocratie et les autres régimes de ce point de vue : à partir du moment où l’Etat prétend reposer sur une loi dont elle assure le monopole de production, il y a danger, superstition constructiviste et tout le toutim.

C'est très intéressant comme remarque, je ne voyais pas les choses ainsi, je vois que je dois relire Hayek pour en apprendre un peu plus.

Idem pour Randian shithead : je crois que tu as raison, je me souviens que Hayek parle beaucoup de cette fonction du juge dans le premier volume de Law, Legislation and Liberty. J'ai peut-être fait une confusion, il me faudrait relire le troisième de volume de la trilogie, pour le moment je n'ai pas les moyens de te répondre, mais je vais y réfléchir !

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Sur l’administration : effectivement, les collectivités et les administrations dans ce pays (comme dans tous les pays démocratiques) forment un pouvoir qui pèse sur toutes les actions des politiques. Les élus (du sommet jusqu’à l’élu local) sont en transaction permanente avec eux pour pouvoir commander effectivement. Un exemple : la plupart des hauts fonctionnaires de Bercy sont de centre gauche (rocardiens). Pour planter un ministre libéral qui vient d’être nommé (au hasard un A Madelin), il suffit de lui refuser purement et simplement toute collaboration. S’il veut faire passer un minimum d’idées ou de réformes, il doit pouvoir se concilier les bonnes grâces de tout le personnel chargé de mettre en place effectivement les initiatives qu’il impulse. Cet exemple est transposable à tous les échelons du pouvoir. La fonction publique et parapublique (les assos subventionnées) s’inquiète en priorité de sa propre conservation, elle tend donc à freiner et empêcher tout ce qu’elle estime aller contre ses intérêts et son extension. Si elle influe les actions et programmes des politiques, c’est donc négativement, comme un plus puissant groupe d’intérêts en faveur du léviathan.

Ce qui me pousserait à dire que le spoil system (qui a aussi le mérite de montrer que l'appareil dEtat est non neutre, mais toujours partisan, contrairement au mythe) serait un moindre mal, même si il facilite le constructivisme en supprimant le contre-pouvoir.

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Or cette conception technique d'une démocratie bornée par ses propres institutions est un doux rêve qui évacue la question des fins et le processus démocratique réel. C'est en cela que la critique de Strauss est valide sur la légèreté de l'idéal libéral, et qu'il faut revenir aux analyses de la philosophie antique. Ce que montre Tocqueville, c'est que la démocratie réelle doit être considérée non comme une institution mais comme une logique, un processus, un mouvement de transformation qui poursuit une finalité normative: la démocratisation de la société, c'est-à-dire la production d'un citoyen démocratique et d'une mentalité conforme, d'où la prolifération de l'humanitarisme en tant que norme. Dans ce processus la démocratie se prend elle-même comme sa propre fin et n'en finit pas de produire du droit, ce qui régénère les luttes factieuses sous la forme d'un énorme conflit d'intérêts.

La démocratie illimitée hayékienne a comme un air de famille avec la démocratie comme état social de Tocqueville : les deux débordent largement la sphère des institutions pour passer l'intégralité de la conduite humaine sous la toise de l'égalité. Seulement (et je vais me faire le plaideur de la cause démocratique, alors que dans la vraie vie, je ne suis pas spécialement démocrate soit dit en passant), en se constitutionnalisant, la démocratie intègre un donné supérieur à la souveraineté des individus égaux qui légitime les activités du Politique, à savoir la loi produite par les institutions et les tribunaux. Par son processus de fabrication (la délibération rationnelle), elle supplée à l'a-rationalité de la foule et protège la liberté des citoyens (le droit institue des pratiques contre-majoritaires). De plus, pour Tocqueville, l'ouverture populaire aux charges publiques ne participe pas du problème du despotisme égalitaire, mais en est la solution : c'est parce qu'en Amérique il existe des institutions libres à tous les niveaux que le pays n'a pas encore été submergé par les maux de l'égalitarisme démocratique. En entretenant l'esprit civique, elles évitent le morcellement individualiste et protège concrètement la liberté (Démocratie en Amérique, "Comment les américains combattent l'individualisme par des institutions libres" II, II, IV.).

Régis S sur le constructivisme et la démocratie illimitée : voilà ce que j'ai en tête (et qui me vient plus des souvenirs de la Route de la servitude que de DLL) : le triomphe du constructivisme finit par donner toute lattitude au pouvoir réglementaire, c'est-à-dire au pouvoir exécutif dont l'organisation est la plus efficace. Celui-ci tend monopoliser la production du droit en remplaçant subrepticement les règles impartiales et universelles de la loi par des commandements concrets et s'appliquant à des groupes d'individus déterminés du règlement: le rationalisme constructiviste triomphe, mais on est déjà sorti de la démocratie.

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Régis S sur le constructivisme et la démocratie illimitée : voilà ce que j'ai en tête (et qui me vient plus des souvenirs de la Route de la servitude que de DLL) : le triomphe du constructivisme finit par donner toute lattitude au pouvoir réglementaire, c'est-à-dire au pouvoir exécutif dont l'organisation est la plus efficace. Celui-ci tend monopoliser la production du droit en remplaçant subrepticement les règles impartiales et universelles de la loi par des commandements concrets et s'appliquant à des groupes d'individus déterminés du règlement: le rationalisme constructiviste triomphe, mais on est déjà sorti de la démocratie.

Oui, voilà. C'est bien ça d'après moi le lien entre le constructivisme et la démocratie illimitée chez Hayek. Sinon pour revenir à ton propos sur la production spontanée de la loi, et celui de Randian précédemment sur les juges, en y repensant je me demande si la question de la démocratie se pose véritablement chez Hayek, dans la mesure où c'est un auteur qui a beaucoup tendance à "scientificiser" l'éthique. Je m'explique : il prend l'épistémologie poppérienne de la réfutation, qui concerne les questions scientifiques, de faits (Hayek se réfère à Kant mais Popper est clairement derrière ces questions), pour l'utiliser sur des questions éthiques (et dire par exemple qu'il n'y a pas de justice sociale). Or à partir du moment où il considère ainsi que la question de la justice est d'ordre scientifique (lui n'emploie pas ce mot mais parle bien du travail intellectuel des juges), de l'ordre du jugement du vrai ou du faux, que reste-t-il au fond de pertinent à la question de la démocratie chez Hayek, se pose-t-elle vraiment ? Comme le dit Randian, on confie cette tâche à des professionnels…

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Il me semble qu'Hayek ne nie pas du tout la légitimité du gouvernement comme organisation (avec des buts qui restent à déterminer via un processus politique) pour autant que les mesures prises par le dit gouvernement soient conformes aux régles abstraites (qui contribuent à la formation et au développement d'un ordre coopératif au niveau de la société) découvertes indépendamment (et au cours d'un processus qui, lui, est davantage l'affaire de "sages" et de professionnels du droit).

La question du type de régime (démocratie ou autre) se pose au niveau des orientations à adopter par le gouvernement dans la limite des moyens consentis par les "citoyens" (qui doivent d'ailleurs être collectés selon les régles abstraites sus-mentionnées). Hayek, tout du moins dans Droit, Législation et Liberté, n'a pas du tout une position "radicale" de ce point de vue là.

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