Calembredaine Posté 20 janvier 2010 Signaler Posté 20 janvier 2010 On en revient au légendaire contrat social ; mais dans ce cas là, il existe réellement c'est ça ? Et « la ville » c'est qui ? L'assemblée des "actionnaires de la ville" en quelque sorte non ? Non. Si tu possèdes un appartement que tu loues, tu signes un bail (ie un contrat) avec ton locataire. Étend le concept à deux, trois, dix appartements, puis à une ville entière. Mais honnêtement, je n'y crois pas. Le propriétaire sera tenté de vendre une ou plusieurs parcelles de temps en temps. Une ville privée ne peut être qu'éphémère: au moment de la création par un richissime promoteur.
Samahell Posté 20 janvier 2010 Signaler Posté 20 janvier 2010 De toute évidence, mais en quoi ça réfute ce que je dis ? Ça illustre que le fait que ça se fasse et que ça soit passé dans le droit ne sont des conditions ni nécessaires ni suffisantes à qualifier la propriété de légitime ou d'utile. Imaginons qu'un type avec qui je travaille décide soudain de me donner un coup de poing tous les matins à 9h37. Pour une raison quelconque je le laisse faire pendant, disons, un mois. Si au bout de ce mois je veux finalement qu'il me laisse tranquille, devrais-je me justifier de ce revirement sous prétexte que je veux modifier le statu quo ? Si l'interdiction de te donner des coups de poing tous les matins à 9h37 lui causait un préjudice, oui. Or, l'appropriation d'un objet ou d'une terre cause un préjudice à tous ceux qui auraient été susceptible d'utiliser ou de profiter librement dudit. Quand bien même tu ne devrais pas te justifier, ça va dans mon sens : ce n'est pas parce qu'un état de choses est présent que les tenants de cet état de chose n'ont pas à justifier sa légitimité envers ceux qu'il ne satisfait pas. La vraie question est donc de savoir s'il était dans son droit de te taper dessus en premier lieu (là évidemment non, et c'est sans doute par là que tu commenceras quand tu devras te justifier, mais avec la propriété c'est plus ambigu) et ce même si vous aviez tous les deux commencé vos existences perspectives avec lui te tapant dessus. Il y a eu et il y a concurrence entre plusieurs définitions de la propriété (avec une longévité exceptionnelle de celle du droit romain) et au final les éléments les plus efficaces se maintiennent. C'est comme ça que ça marche. Avec ce raisonnement, on déduit aussi qu'un impôt conséquent est efficace et légitime. Encore une fois, je me fais le contradicteur des arguments, pas de la thèse à laquelle j'adhère globalement, même si j'aimerais pouvoir justifier cette adhésion plus solidement. Et là je te dis que tu te contredis, parce que c'est justement uniquement à cause de contrats que le patron touche un salaire mille fois plus gros. En effet, des PME avec des patrons qui touchent 1000 SMIC, j'en connais pas beaucoup. On parle donc de grands groupes dont les dirigeants sont des employés et non des propriétaires. Tu as raison, le salaire est un mauvais exemple, d'autant que j'aurais dû dire actionnaire au lieu de patron (même si la propriété n'est évidemment pas hors de cause dans ces différences de revenus qui semblent souvent contredire le sens commun) Je reprends donc avec un autre exemple : "De plus, le fait est que la propriété telle qu'on la conçoit aujourd'hui (illimitée dans le temps, avec fructus) est loin d'être une notion intuitivement acceptée par tout le monde. La plupart des gens trouvent ça naturellement aberrant que certains travailleurs se retrouvent à dormir dehors dans des tentes alors que des résidences alentour sont inhabitées." Oulà oulà, se justifier par le droit coutumier, ce n'est pas de l'utilitarisme.Quand on dit que l'utilitarisme cémal, ça signifie qu'on réprouve l'approche qui consiste à définir une fonction d'utilité dans la population et à chercher à la maximiser. Ça ne veut pas dire qu'on dit qu'il faudrait avoir une théorie politique purement axiomatique et complètement déconnectée du réel, ou qui se moquerait des conséquences de son application. Mes termes sont sans doute mal choisis mais en fait c'est vraiment le couple constructivisme/utilitarisme (ou plutôt conséquentialisme, car je ne l'entends pas ici au sens de l'optimisation d'une fonction de bien-être définissable a priori) qui me dérange, c'est à dire justifier telle ou telle règle uniquement par le soi-disant mieux-être général qu'on envisage qu'elle apporte sur la base d'une construction théorique complexe et discutable. Pour dénoncer cette approche, je renvoie à Hayek. Pour dénoncer l'approche par le droit coutumier, j'emploie une autre critique qui consiste tout simplement à dire que le droit coutumier peut se gourer et que l'usage repose couramment sur des aberrations. D'une manière général, ce qui te gène, il me semble, c'est le fait que les argumentaires en faveur de la propriété soient contestables.A celà, je réponds : oui, bien sûr, eh bien ? C'est plutôt une bonne chose d'avoir un raisonnement contestable, surtout quand on prétend à une approche anthropologique (donc scientifique). Ça te gène peut-être de ne pas avoir de raisonnement axiomatique définitif pour justifier le droit de propriété. Il y en a, mais ils semblent un peu obsolètes. Oui voilà, tu identifies assez bien ce qui me dérange. J'ajouterai que je développe cette gêne par les deux points suivants : - la liberté de disposer de sa personne, l'égalité en droits, le principe de non-agression, etc. se déduisent directement et assez incontestablement les uns des autres, ou même juste à partir du constat de la subjectivité humaine. S'il en va autrement de la propriété, je vois mal comment en faire un droit au même niveau que (au hasard) la liberté d'expression, et d'arbitrer en sa faveur quand elle contredit, par exemple, la libre circulation de l'individu ou qu'elle entraîne l'emprisonnement d'un voleur ; - les raisonnements utilisés pour la justifier valent à ce jour autant pour une propriété "molle", lourdement taxée et soumise dans une certaine mesure à l'arbitraire étatique, que pour une propriété libertarienne dure. Par contre en quoi est-ce une bonne chose d'avoir un raisonnement contestable ?
Esperluette Posté 20 janvier 2010 Signaler Posté 20 janvier 2010 Or, l'appropriation d'un objet ou d'une terre cause un préjudice à tous ceux qui auraient été susceptible d'utiliser ou de profiter librement dudit. L'appropriation suppose que personne n'était propriétaire du bien en question. Dans quels coins existe-il des biens et surtout des terres sans propriétaire ?
Samahell Posté 20 janvier 2010 Signaler Posté 20 janvier 2010 L'appropriation suppose que personne n'était propriétaire du bien en question. Dans quels coins existe-il des biens et surtout des terres sans propriétaire ? Toute propriété suppose qu'il y a eu appropriation originelle. La légitimité de cette propriété est plus ou moins subordonnée à celle de cette appropriation originelle. Il ne reste sans doute pas des masses de coins appropriables (ou en tout cas pas des masses qui soient exploitables pour un usage quelconque), ce qui augmente d'autant le préjudice subi par ceux qui n'ont pas bénéficié de l'appropriation en question (et contrarie d'autant la proviso lockéenne). J'ajouterai que s'approprier le bien d'autrui est légitime avec son consentement et par son consentement. En revanche si le bien en question n'est à personne, je ne vois rien qui me retienne de m'en servir, mais qu'est-ce qui justifie que je me l'approprie ? (i.e. que je m'attribue dessus des droits illimités et exclusifs) Est-ce que je peux vraiment justifier le droit que je me donne d'en priver le reste de l'humanité par le seul raisonnement (fatalement biaisé par l'avidité toute humaine) que si tout le monde fait comme moi, chacun veillera à entretenir sa propriété, à l'améliorer pour produire plus et échanger, et le monde ne s'en portera que mieux ? Est-ce qu'il n'y a pas a priori de bonnes chances pour que je me trompe, et pour que je puisse valider les pires atrocités (eugénisme, totalitarisme, etc.) avec un raisonnement du même ordre ? Et est-ce que je peux valider ce parti pris a posteriori (une fois que j'ai vérifié que la propriété amenait bien une amélioration dans le niveau de vie général) si cette première appropriation était fatalement injuste pour les contemporains du propriétaire originel de mon exemple ?
KeLkUn Posté 20 janvier 2010 Auteur Signaler Posté 20 janvier 2010 Sur je ne sais plus quelle île, les voitures sont collectives. Tu en prends une, tu la laisses, quand tu reviens la prendre, elle ne sera plus là. Le résultat c'est que personne n'en achète, qu'elles sont toutes pourries (car de l'Histoire personne n'a jamais lavé une voituré prêtée), et que la fois où tu en as besoin urgent et grave de se déplacer (par exemple pour aller à l'hôpital) ; et bien quelqu'un d'autre utilise la voiture que tu aurais voulu prendre. Alors je ne vois pas où est la liberté pleine et entière. Parce que la liberté entière et pleine comme tu la définis est une liberté prise au détriment d'autrui. Il n'y a aucune gestion de la rareté. A moins que tu sois associé avec des gens qui sont d'accords pour collectiviser vos voitures. L'anarcho capitalisme et communisme sont compatibles si les communistes ne viennent pas exproprier les capitalistes. Supposons deux types de sociétés: une société anarcap d'un côté et une société anarcho communiste de l'autre. Dans la première on ne peut jouir uniquement des ressources que l'on possède et dans la seconde on peut jouir de toute les ressources inutilisées (retirer une ressource à un autre qui l'utilise déjà c'est faire un acte de violence envers sa personne ce qui n'est pas admis). Si en zone libertaire il se passe ce que tu viens de décrire alors les gens iront naturellement rejoindre la zone anarcap. Pour que la zone libertaire fonctionne convenablement il faut nécessairement que chacun ai conscience de sa responsabilité et, je te l'accorde, la plupart des gens ne sont pas prêt pour vivre de cette façon. C'est d'ailleurs sûrement pour ça que ces expériences ne fonctionnent, pour le moment, qu'à une petite échelle (même si la tendance actuelle est à l'élargissement de cette échelle). Si deux personne veulent cultiver le meme champs, comment determiner laquelle peut le faire ? Et d'ailleurs pourquoi le cultiver, puisque quelqu'un d'autre va prendre la recolte ? Pour ta première question hé bien les deux personnes ont une langue, des oreilles et un cerveau pour communiquer. Les terrains d'ententes sont vastes. Au pire des cas, la planète est grande pour trouver des espaces cultivables. Pour ta deuxième question: ne cultive surtout pas alors et tu verras où ce genre de raisonnement mène… Désolé je ne peux pas faire mieux comme réponse mais avec l'expérience on dépasse ces questions là… et on se rend compte à quel point elles paralysent la productivité et n'apportent strictement rien! C'est ces questions qui sont improductives, pas le système en lui même. Et puis d'ailleurs si le cœur du problème est la sécurité sur l'avenir (j'entends bien ceux qui me tiennent cet argument à propos de la propriété) mais je ne prétend vraiment pas que ce système apporte une sérieuse garantie sur l'avenir et d'ailleurs quel système le fait? La question peut se retourner en anarcapie. Et si je perds mon emploi en anarcapie? Et si mon salaire baisse? Et si on me vole mes biens et qu'on ne les retrouve jamais on me laissera à la rue? Et si il y a un krak? Bref, pas plus de garantie sur l'avenir… Il faudra bien un moment faire confiance à sa vie, au projet que l'on mène, à sa capacité à exposer aux autres individus ce que l'on souhaite et ce que l'on souhaite pas, faire respecter son point de vue, à prendre des initiatives et arrêter de se regarder le nombril parce qu'on a peur de l'avenir et admettre une part d'inconnu dans sa vie. Apprendre à aimer cette part d'inconnue et en tirer toutes les richesse qu'elle peut nous apporter. Moi je ne dirai jamais oui. Voilà, l'hypothèse est morte. Oui j'ai bien compris. Voilà une conception dévoyée de la liberté comme droit à jouir sans entrave, sans frontière et sans limite. Elle dénote une pauvreté philosophique quant à la représentation de l'individu atomisé réduit à un simple consommateur de plaisirs immédiats et une morale misérable. Elle fait abstraction de la nature humaine, de sa nécessaire inscription dans un territoire civilisé, une communauté et une relation à autrui qui borne ma propre liberté.Le droit de propriété est simplement une condition sine qua non de la civilité, sans laquelle c'est l'état de guerre de tous contre tous qui prévaut. Je pars du postulat que la liberté consiste à disposer d'un droit sur sa personne et qu'une société doit être capable de protéger ce droit. Il en suivrait que toutes types de "frontières" (limitation de la propriété privée ou publique) tomberait. Je ne te demande pas d'être d'accord avec ça j'énonce juste ma conception de la liberté qui, il me semble, n'est pas philosophiquement pauvre.
Invité jabial Posté 20 janvier 2010 Signaler Posté 20 janvier 2010 On en revient au légendaire contrat social ; mais dans ce cas là, il existe réellement c'est ça ? Et « la ville » c'est qui ? L'assemblée des "actionnaires de la ville" en quelque sorte non ? "La ville" c'est la société qui en est propriétaire et dont les "citoyens" sont actionnaires. Suivant le type de statuts, ça peut être un homme / une voix ou bien un euro / une voix. Tout est possible dans un régime libre où la distinction artificielle entre société commerciale et association sans but lucratif n'existe pas et où tous les statuts qui respectent le DN sont permis. On verrait probablement émerger des contrats de société spécifiques. Ha, c'est effectivement très différent. Le droit de propriété est alors parfaitement respecté.j'associais la "ville privée" à une co-propriété. Or tu connais mon point de vue sur ce "machin"… La copro telle qu'elle existe actuellement, comme l'association ou la société telle qu'elle existe actuellement, a le défaut majeur d'être un machin figé qui ne peut pas s'adapter aux impératifs topo-temporels. Avec le temps et le lieu, les besoins évoluent. L'appropriation suppose que personne n'était propriétaire du bien en question. Dans quels coins existe-il des biens et surtout des terres sans propriétaire ? Sur Mars. En 2010 c'est virtuel ; peut-être qu'en 2110 ça ne le sera plus du tout. Ou peut-être que si. NB : si on reconnaît l'abandon de propriété, alors il existe probablement de nombreux lieux en France dans ce cas.
jubal Posté 20 janvier 2010 Signaler Posté 20 janvier 2010 Pour ta première question hé bien les deux personnes ont une langue, des oreilles et un cerveau pour communiquer. Les terrains d'ententes sont vastes. Mais justement la propriete est utile pour les cas ou les personnes n'arrivent pas a se mettre d'accord, ca arrive. Si elles y arrivent tant mieux, la propriete n'empeche pas de se mettre d'accord. Si elles n'y arrive pas, la propriete permet de trancher entre elles et evite les conflits. Le seul avantage que tu donne a la non reconnaissance du droit de propriete c'est le cas de quelque chose a l'abandon. Il y a tres peu de chose que les gens abandonnent sans renoncer a leur droit de propriete, donc je suppose que tu pense aux proprietes foncieres en particulier (je ne vois pas d'autres exemples). Mais la encore des maisons a l'abandon il n'y en a pas tant que ca, je ne vois pas l'interet enorme de tout ca. Il faudra bien un moment faire confiance à sa vie, au projet que l'on mène, à sa capacité à exposer aux autres individus ce que l'on souhaite et ce que l'on souhaite pas, faire respecter son point de vue, à prendre des initiatives et arrêter de se regarder le nombril parce qu'on a peur de l'avenir et admettre une part d'inconnu dans sa vie. Apprendre à aimer cette part d'inconnue et en tirer toutes les richesse qu'elle peut nous apporter. Je n'ai aucun probleme a admettre l'inconnu et le risque, ca n'a rien a voir. Quand on a un moyen naturel et evident d'eviter les conflits, je pense qu'il faut l'utiliser.
Lancelot Posté 20 janvier 2010 Signaler Posté 20 janvier 2010 Ça illustre que le fait que ça se fasse et que ça soit passé dans le droit ne sont des conditions ni nécessaires ni suffisantes à qualifier la propriété de légitime ou d'utile. Mon argument n'est pas "ça a toujours existé donc c'est bien" mais "c'est une norme dont le respect s'avère toujours bénéfique et l'irrespect néfaste". Le vol et la plupart des embrouilles étatiques sont considérées (par les libéraux en tout cas) illégitimes parce qu'elles vont à l'encontre de cette norme fondamentale, et ce n'est pas leur institutionnalisation qui y change quoi que ce soit. Si l'interdiction de te donner des coups de poing tous les matins à 9h37 lui causait un préjudice, oui. Or, l'appropriation d'un objet ou d'une terre cause un préjudice à tous ceux qui auraient été susceptible d'utiliser ou de profiter librement dudit. Quel que soit le préjudice causé à ce monsieur, il passe en second avant celui que je subis en me faisant frapper. Et, fondamentalement, pourquoi on n'a pas le droit de frapper les gens ? Parce que c'est une part du droit naturel, ce qui signifie qu'avec le temps on s'est rendu compte (si besoin était) que le respect de cette norme est une condition essentielle à toute société durable et saine. Toutes les fictions juridiques qui s'ensuivent ne sont que des traductions plus ou moins efficaces, toutes les démonstrations scientifiques des explications plus ou moins correctes de cette norme. Pas des justifications. Et pour la propriété c'est pareil. Avec ce raisonnement, on déduit aussi qu'un impôt conséquent est efficace et légitime. Non, d'une part ce n'est pas légitime parce que ça viole la propriété (norme fondamentale) et d'autre part ça n'est pas efficace, comme tendent à le prouver les études des économistes libéraux.
ЄutΞrpЭ Posté 20 janvier 2010 Signaler Posté 20 janvier 2010 Maintenant, merci pour ceux qui ont apporté des réponses constructives. J'ai fais une erreur de démonstration dans mon premier post en admettant une société libérale dans laquelle on aurait pu comprendre que n'importe qui pouvait s'introduire dans n'importe quel propriété, ce n'était pas du tout le message que je voulais faire passer. Prenons plutôt l'exemple inverse, imaginons que plusieurs personnes arrivent sur une planète vierge de toute propriété, c'est à dire où toutes les ressources sont communes (forcément, on ne pourra dire le contraire). Tous s'entendent sur le fait que chacun doit pouvoir disposer d'un droit sur sa personne (pourtant il n'y aucune propriété sur les ressources, nous sommes d'accord). Mais très vite deux groupes se forment: les premiers affirment que les ressources doivent rester communes car leur simple utilisation suffit à conserver le droit de chacun de disposer de sa personne. Le second pense au contraire que les ressources doivent être appropriées.Le premier groupe peut-il légitimement se faire expulser par le second? Et si dans une société libérale un groupe décide de s'exproprier volontairement (abolition du droit de propriété mais maintient du droit de disposer de sa personne). Un capitaliste peut-il s'approprier légitimement les ressources expropriée (qui n'a plus de propriétaire)? Peut-il ensuite expulser les "squatters"? Je pense que vous (enfin ceux qui font vraiment l'effort de me lire) avez compris que selon moi l'absence de droit de propriété privée ne signifie pas absence de droit de disposer de sa personne ni même retour à une paralysie de la productivité (l'ayant expérimenté je sais que c'est une sacrée légende, l'absence de propriété stimule même la créativité). En fait mon objectif n'est pas tant de montrer que l'un a plus raison que l'autre, je préfèrerais largement faire cohabiter les deux visions et je pense que c'est possible mais je ne vois pas encore comment c'est pour ça que je vous pose mon problème si vous avez des idées. Bonsoir KeLkUn quand je lis ton propos, j'ai l'impression de lire un Jean Jacques Rousseau qui s'ignore. Alors, si ce n'est déjà fait, pourquoi ne pas lire (ou relire) son Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes (1755), où il critique la propriété ? Peut-être y trouveras-tu de quoi éclairer ta propre façon de penser la chose. De plus, Pierre Manent à écrit d'excellentes choses sur Rousseau : Naissances de la politique moderne (Ed. Gallimard, coll. Tel), et Histoire intellectuelle du libéralisme (Ed. Hachette, coll. Pluriel). Ce qu'il dit te permettra de voir comment articuler droit naturel et droit de propriété. Enfin, il me semble que, si tu ne parviens pas à argumenter comme tu le voudrais, tombant ainsi dans certaines contradictions ou apories, c'est parce que tu conçois mal "le droit de disposer de sa personne" - de sorte qu'on ne sait pas si tu veux parler de droit naturel ou de liberté individuelle - ; Benjamin Constant est donc indispensable si tu veux aller au bout de ta démarche intellectuelle. Au fond, tu sembles inconsciemment hésiter entre démocratie et libéralisme, comme s'il y avait un conflit irréconciliable entre les deux. Si tu vas au bout de ta réflexion, tu devrais tomber sur des résultats intéressants. Une dernière remarque à propos du droit de propriété. 1/ L'histoire de la guerre civile anglaise (40 ans quand même !) au XVIIe siècle est nécessaire à la compréhension du droit de propriété. 2/ Où trouve-t-on les meilleures conditions pour disposer du droit de sa propre personne ? Dans sa propriété. A bientôt, en souhaitant que tu trouves dans les oeuvres des libéraux de quoi nourrir tes réflexions.
Samahell Posté 20 janvier 2010 Signaler Posté 20 janvier 2010 Parce que c'est une part du droit naturel, ce qui signifie qu'avec le temps on s'est rendu compte (si besoin était) que le respect de cette norme est une condition essentielle à toute société durable et saine. C'est con, ça a beau être dans les grandes lignes une reformulation de ce que tu avais déjà écrit, cette phrase m'offre un nouvel éclairage. Ça ne correspond pas du tout à la définition du droit naturel tel que je l'appréhendais, mais ça a l'air de s'approcher de celle qu'Hayek défendait, je crois que je vais chercher par là. Non, d'une part ce n'est pas légitime parce que ça viole la propriété (norme fondamentale) et d'autre part ça n'est pas efficace, comme tendent à le prouver les études des économistes libéraux. Par contre ça me paraît difficile de considérer que la propriété soit plus fondamentale que l'impôt ou l'état dans cette optique où l'adhésion aux deux se justifie par la même approche (constat en tant que caractéristique toujours présente dans les sociétés durables et saines : on n'a pas, à ce que je sache, d'exemple de société durable sans une forme d'état et donc d'impôt). Quant à la preuve des économistes libéraux, elle relègue le débat aux seuls experts de l'économie. Adhérer à leurs analyses (sur lesquelles il est difficile de ne laisser trainer aucun soupçon de biais idéologique), sans avoir un niveau suffisant dans cette science, juste parce que je veux y croire, ça reviendrait à me comporter comme les réchauffistes primaires dont j'aime à dénoncer couramment la malhonnêteté intellectuelle. En attendant de pouvoir m'estimer suffisamment compétent dans ce domaine, j'espère pouvoir choisir ma voie sans avoir à me fier à un gourou quelconque, fût-ce un économiste libéral sincère et compétent. Bref je pinaille mais merci pour tes réponses, elles ont fini par me montrer un chemin que je vais explorer en espérant que je n'aurai plus à reprendre ce débat après
Calembredaine Posté 21 janvier 2010 Signaler Posté 21 janvier 2010 on n'a pas, à ce que je sache, d'exemple de société durable sans une forme d'état et donc d'impôt). On pouvait dire cela de la démocratie avant son apparition: "on n'a pas d'exemple de société durable sans une forme de monarchie"
Ash Posté 21 janvier 2010 Signaler Posté 21 janvier 2010 La démocratie ne date pas de la Révolution Française.
Calembredaine Posté 21 janvier 2010 Signaler Posté 21 janvier 2010 La démocratie ne date pas de la Révolution Française. Non. Par ailleurs, je chausse du 43.
Ash Posté 21 janvier 2010 Signaler Posté 21 janvier 2010 Ce qui ne t'empêchera pas de trouver un meilleur exemple.
ЄutΞrpЭ Posté 21 janvier 2010 Signaler Posté 21 janvier 2010 Bonjour Ash, il ne faut pas oublier que la terminologie du terme démocratie est délicate. Dans son excellente Introduction à la politique moderne, Philippe Bénéton y consacre des pages essentielles ; et Tocqueville lui-même trouvait la démocratie grecque à ce point aristocratique qu'il la distinguait radicalement de la démocratie moderne… Donc, soyons patients et indulgents les uns avec les autres, en prenant le temps de préciser à chaque fois ce que l'on veut dire quand on le dit. A bientôt
john_ross Posté 21 janvier 2010 Signaler Posté 21 janvier 2010 Donc, soyons patients et indulgents les uns avec les autres, en prenant le temps de préciser à chaque fois ce que l'on veut dire quand on le dit. Si nous faisons cela lib.org va perdre beaucoup de sa saveur.
Tremendo Posté 21 janvier 2010 Signaler Posté 21 janvier 2010 A contrario, les frontières des grands ensembles étatiques agrégés par la conquête sont par définition nulles et non avenues d'un point de vue libéral. Une ville peut avoir des frontières légitimes car une ville est une construction humaine ; un pays, non. Les villes sont nées naturellement, par nécessité les populations se réunissaient dans un espace plus restreint afin de profiter de la division du travail, par contre leur urbanisation et leur organisation se sont faites par des plans d'urbanisme artificiels. Les identités locales ou régionales peuvent être nées naturellement je pense, c'est leur leur organisation en territoires découpées administrativement et artificiellement qui ne le sont pas. En revanche les nations sont des ensembles beaucoup trop grands pour s'être formés naturellement, bien souvent par le sang ce fut et ensuite par le lavage de cerveau. Non. Si tu possèdes un appartement que tu loues, tu signes un bail (ie un contrat) avec ton locataire. Étend le concept à deux, trois, dix appartements, puis à une ville entière.Mais honnêtement, je n'y crois pas. Le propriétaire sera tenté de vendre une ou plusieurs parcelles de temps en temps. Une ville privée ne peut être qu'éphémère: au moment de la création par un richissime promoteur. Je ne suis pas loin de penser qu'une ville privée ne pourrait exister longtemps, plus grosse est-elle plus il y aurait de propriétaires et donc davantage d'intérêts antagonistes, rapidement certains , mis en minorité sur les décisions décideraient de revendre leurs parts ou de se barrer.A la limite des villages privées mais dans les villes , je vois plutôt se former une multitude de "pâtés de maisons privés" , c'est le seul mot qui me vient à l'esprit. La démocratie ne date pas de la Révolution Française. Elle exista de manière éphémère dans quelques cités aussi grandes qu'un département français il y a plusieurs millénaires avant de disparaître oui, un épiphénomène en quelque sorte.
h16 Posté 21 janvier 2010 Signaler Posté 21 janvier 2010 Si nous faisons cela lib.org va perdre beaucoup de sa saveur.
Ash Posté 21 janvier 2010 Signaler Posté 21 janvier 2010 Vous ne comprenez pas. C'est de l'amour-vache. Bonjour Ash,il ne faut pas oublier que la terminologie du terme démocratie est délicate. Dans son excellente Introduction à la politique moderne, Philippe Bénéton y consacre des pages essentielles ; et Tocqueville lui-même trouvait la démocratie grecque à ce point aristocratique qu'il la distinguait radicalement de la démocratie moderne… Donc, soyons patients et indulgents les uns avec les autres, en prenant le temps de préciser à chaque fois ce que l'on veut dire quand on le dit. A bientôt Bonjour, Je taquine, certes, reste que l'argument de Rocou n'en est pas un.
Lancelot Posté 21 janvier 2010 Signaler Posté 21 janvier 2010 C'est con, ça a beau être dans les grandes lignes une reformulation de ce que tu avais déjà écrit, cette phrase m'offre un nouvel éclairage. Ça ne correspond pas du tout à la définition du droit naturel tel que je l'appréhendais, mais ça a l'air de s'approcher de celle qu'Hayek défendait, je crois que je vais chercher par là. C'est que parallèlement à notre discussion je progresse dans ma lecture de Droit, législation et liberté. Je trouve que c'est un très bon signe si je gagne en intelligibilité. Par contre ça me paraît difficile de considérer que la propriété soit plus fondamentale que l'impôt ou l'état dans cette optique où l'adhésion aux deux se justifie par la même approche (constat en tant que caractéristique toujours présente dans les sociétés durables et saines : on n'a pas, à ce que je sache, d'exemple de société durable sans une forme d'état et donc d'impôt). Après effectivement on rentre dans des débats type "l'oeuf et la poule". Je m'en sortirai en disant que si une structure politique semble bien nécessaire, l'Etat nation moderne est récent dans l'Histoire et n'a donc pas à être pris comme modèle de référence, a fortiori si on considère sa tendance à basculer dans le liberticide. Quant à la preuve des économistes libéraux, elle relègue le débat aux seuls experts de l'économie. Adhérer à leurs analyses (sur lesquelles il est difficile de ne laisser trainer aucun soupçon de biais idéologique), sans avoir un niveau suffisant dans cette science, juste parce que je veux y croire, ça reviendrait à me comporter comme les réchauffistes primaires dont j'aime à dénoncer couramment la malhonnêteté intellectuelle. En attendant de pouvoir m'estimer suffisamment compétent dans ce domaine, j'espère pouvoir choisir ma voie sans avoir à me fier à un gourou quelconque, fût-ce un économiste libéral sincère et compétent. Malheureusement je ne suis pas expert en tout (même si j'essaie d'y travailler), et je suis donc forcé à un moment donné de faire confiance à d'autres. C'est aussi ça la division du travail. Je ne peux qu'espérer que mon estimation est la bonne étant données les connaissances fragmentaires dont je dispose. Bref je pinaille mais merci pour tes réponses, elles ont fini par me montrer un chemin que je vais explorer en espérant que je n'aurai plus à reprendre ce débat après C'est toujours un plaisir de débattre.
Invité jabial Posté 21 janvier 2010 Signaler Posté 21 janvier 2010 Je taquine, certes, reste que l'argument de Rocou n'en est pas un. Pourquoi n'en serait-il pas un puisque tu admets que la démocratie moderne n'a rien à voir avec la démocratie antique ?
Samahell Posté 21 janvier 2010 Signaler Posté 21 janvier 2010 On pouvait dire cela de la démocratie avant son apparition: "on n'a pas d'exemple de société durable sans une forme de monarchie" Ce qui renforce en fait mon contre-argument. En effet, mon objet n'était pas de démontrer la nécessité de l'état, mais qu'on pouvait arriver à des conclusions dérangeantes en définissant le droit naturel comme un critère nécessaire de durabilité de la société. Cela dit je ne suis pas sûr que ça invalide cette vision pour autant. Je pense que la clé repose sur la différence entre corrélation et causalité. La société est-elle durable grâce à - au choix - la propriété, l'état, la monarchie ou l'est-elle malgré eux ? La question est aussi épistémologique : peut-on le déterminer avec un degré de certitude suffisant pour un élément central comme la propriété et si oui comment ? Je pense que c'est là que l'analyse historique et économique de la propriété et de l'état auxquelles les libéraux s'adonnent depuis quelque temps viennent prendre leur rôle et qu'il me reste pas mal à étudier avant de pouvoir blinder mes raisonnements justifiant la légitimité de la propriété (enfin d'une propriété ferme, version libérale). Je crois que je vais commencer par voir ce qu'en disent Hayek et ses contradicteurs.
ЄutΞrpЭ Posté 21 janvier 2010 Signaler Posté 21 janvier 2010 Bonsoir Samahell, La société est-elle durable grâce à - au choix - la propriété, l'état, la monarchie ou l'est-elle malgré eux ? Si tu inscris cette question dans celle, plus large, de l'action réciproque de la société et de la politique, Charles de Rémusat a écrit des textes importants dans lesquels il intègre les doctrinaires et Tocqueville, par exemple ; textes à partir desquels tu peux ensuite t'orienter dans tes propres recherches. Si tu as le temps et la possibilité de le trouver, je te conseille cet article en particulier, "De l'esprit de réaction. Royer-Collard et Tocqueville", La Revue des deux Mondes, tome 35, 15 octobre 1861. avant de pouvoir blinder mes raisonnements justifiant la légitimité de la propriété A ce propos, l'histoire de la guerre civile anglaise est trop souvent négligée - il peut être intéressant, avant de lire les historiens modernes, de lire l'oeuvre de Guizot à ce sujet, Histoire de la Révolution d'Angleterre. Bonne soirée, à bientôt
Ash Posté 22 janvier 2010 Signaler Posté 22 janvier 2010 Pourquoi n'en serait-il pas un puisque tu admets que la démocratie moderne n'a rien à voir avec la démocratie antique ? Je n'ai pas écrit cela. En outre ça n'a rien d'évident. Les premières démocraties modernes ne donnaient pas le droit vote aux femmes, il faudrait donc les classer comme trop aristocratiques pour en être ?
Invité jabial Posté 22 janvier 2010 Signaler Posté 22 janvier 2010 Je n'ai pas écrit cela.En outre ça n'a rien d'évident. Les premières démocraties modernes ne donnaient pas le droit vote aux femmes, il faudrait donc les classer comme trop aristocratiques pour en être ? Non, car contrairement à la légende féministe, les femmes n'ont jamais été une classe d'esclaves dont les intérêts étaient diamétralement opposés à ceux des hommes. C'est précisément pour cela que les démocraties antiques n'ont strictement rien à voir avec la vision actuelle de la démocratie. On peut considérer qu'elles tenaient plutôt de l'association à cooptation, et les non-sociétaires n'avaient pour ainsi dire aucun droit. Le suffrage universel donne à celui qui est tout juste naturalisé un droit de regard sur ce qui a été accumulé sur des générations par ceux qui l'ont précédé ; c'est en cela aussi qu'il est choquant.
Hildegarde Posté 22 janvier 2010 Signaler Posté 22 janvier 2010 Non, car contrairement à la légende féministe, les femmes n'ont jamais été une classe d'esclaves dont les intérêts étaient diamétralement opposés à ceux des hommes. Moi je les appelles les bolcho-féministes, la lutte des classes façon opposition des hommes et des femmes…
Samahell Posté 22 janvier 2010 Signaler Posté 22 janvier 2010 Bonsoir Samahell,Si tu inscris cette question dans celle, plus large, de l'action réciproque de la société et de la politique, Charles de Rémusat a écrit des textes importants dans lesquels il intègre les doctrinaires et Tocqueville, par exemple ; textes à partir desquels tu peux ensuite t'orienter dans tes propres recherches. Si tu as le temps et la possibilité de le trouver, je te conseille cet article en particulier, "De l'esprit de réaction. Royer-Collard et Tocqueville", La Revue des deux Mondes, tome 35, 15 octobre 1861. A ce propos, l'histoire de la guerre civile anglaise est trop souvent négligée - il peut être intéressant, avant de lire les historiens modernes, de lire l'oeuvre de Guizot à ce sujet, Histoire de la Révolution d'Angleterre. Bonne soirée, à bientôt Je prends note, merci pour ces recommandations.
Invité jabial Posté 22 janvier 2010 Signaler Posté 22 janvier 2010 Le livre de référence sur la révolution anglaise est d'un auteur français, vraiment ?
Théo31 Posté 22 janvier 2010 Signaler Posté 22 janvier 2010 Moi je les appelles les bolcho-féministes Connes avec tout plein de superlatifs avant serait un terme plus approprié.
ЄutΞrpЭ Posté 22 janvier 2010 Signaler Posté 22 janvier 2010 Bonsoir jabial, Le livre de référence sur la révolution anglaise est d'un auteur français, vraiment ? Je ne sais pas si on peut l'affirmer, pour ma part je le range aux côtés de Hallam et de Macaulay, parmi les classiques de l'historiographie du XIXe sur l'Angleterre. A bientôt
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