Nicolas Azor Posted August 6, 2011 Report Posted August 6, 2011 Il paraît qu'au Japon, sauver la vie de quelqu'un est une grave offense. Les japonais considèrent en effet qu'un tel acte constitue, pour celui qui en bénéficie, une dette bien trop importante dont il est souvent impossible de s'acquiter. Bon ce n'est peut-être qu'une légende, et j'imagine qu'avec l'occidentalisation du pays, les mentalités ont changé sur le sujet. N'empêche que ça en dit long sur les différences qui peuvent exister concernant l'obligation morale à venir en aide à autrui. Par contraste, en France la non-assistance à personne en danger est un grief passible d'une peine de prison. Je ne suis pas quelqu'un de particulièrement cynique. Je suis capable de compassion comme tout un chacun. Mais je suis aussi, comme beaucoup de gens, capable d'indifférence. C'est pourquoi j'ai envie de dire qu'il y a de nombreuses circonstances où il faut savoir laisser mourir. Quand j'y pense je me dis que l'attitude à avoir face à la mort d'autrui est un sujet finalement très important de nos jours. De nombreux problèmes sociaux, politiques et même parfois géopolitiques y sont liés. Ainsi par exemple en ce moment l'ONU se soucie de la répression sanglante en Syrie, et de la famine en Somalie. Dans les deux cas, une intervention est jugée nécessaire, et on discute plus des modalités de cette intervention que de sa légitimité. "Il faut sauver les vies" semble être le credo implicitement invoqué. Personnellement je pense que de telles interventions sont plus que douteuses. Les peuples doivent faire face seuls à leur destin. La famine en Somalie est un problème somalien. Le peuple syrien, s'il veut faire tomber le dictateur qui l'opprime, doit le faire lui-même. L'état fait son commerce de la protection du citoyen face au danger. Donc il est dans son intérêt de protéger de la mort, même lorsque celle-ci est choisie. Un individu qui fait usage de drogues dures atteint gravement à sa santé et augmente donc sensiblement sa probabilité de mourir. Souvent, il en a parfaitement conscience: même pas besoin d'invoquer un "instinct de mort" freudien pour décrire cela. Face à ce "suicide lent", l'État impose une interdiction ferme, quitte pour cela à mener une véritable guerre contre les trafiquants, guerre qui, peut-on penser, fait plus de victime que la drogue elle-même. Quelle est l'attitude libérale concernant une éventuelle obligation à sauver autrui ? Avant de répondre à cette question je voudrais préciser que je ne parle pas d'obligation morale ici. D'un point de vue moral, sauver autrui c'est toujours une bonne chose, je n'ai que peu de doutes là-dessus. Mais nul n'est tenu d'être vertueux, et la politique ça ne consiste pas à distinguer ce qui est bien de ce qui est mal, mais ce qui est tolérable de ce qui ne l'est pas. Donc face à la mort imminente de quelqu'un, suis-je coupable d'un crime si je décide de ne rien faire et de laisser la personne s'en sortir seule ou mourir ? Mon avis est que d'un point de vue libéral, laisser quelqu'un mourir n'est pas répréhensible. Une telle absence d'action est parfois due à la lâcheté, parfois au cynisme, à une certaine perversion, à de l'égoïsme, que sais-je encore. Ça n'est quasiment jamais glorieux, mais ce n'est jamais un crime, et il n'y a pas nécessairement de raison d'en éprouver de la honte ou des remords. Sauver la vie de quelqu'un n'est jamais un acte gratuit. Ou plutôt, quand il l'est, c'est qu'il a un coût nul. Si on peut sauver une vie en appuyant sur un bouton (je ne sais pas moi, par exemple une personne tombée dans une colonne d'ascenseur, et dont la cage menace de l'écraser si personne ne stoppe l'appareil), alors il faudrait vraiment être le dernier des sadiques pour ne pas le faire. Même un japonais le ferait, j'imagine. De même, si je peux sauver une personne en lui donnant un peu de mon sang, je le fais sans problème. Mais je ne donnerais pas mon sang tous les jours, et je ne donnerais jamais un de mes reins pour sauver un inconnu. J'imagine aussi qu'il y a sûrement au moins une personne que je pourrais sauver en vendant tous mes biens pour lui acheter une opération chirurgicale, ou un truc du genre. Je serai ruiné, mais une vie aurait été sauvée. Je ne ferais jamais une chose pareille. Même pour un membre de ma famille, j'avoue que j'hésiterais. Sauver la vie de quelqu'un n'est jamais un acte gratuit, disais-je donc. Un sociologue a montré, expérience à l'appui, qu'un individu a d'autant plus de chance de plonger dans un cours d'eau pour sauver une personne en difficulté, qu'il y a de monde sur la berge pour assister à l'acte d'héroïsme. C'est dire à quel point l'altruisme n'est que rarement désintéressé. Nous vivons dans un monde d'informations, où le moindre événement à l'autre bout du monde est quasi-instantanément relayé partout dans le monde. Cela nous enlève la saine ignorance qui nous servait de protection face aux malheurs d'autrui. Qu'on me dise qu'un enfant meurt de faim quelque part dans le monde, je peux le regretter et espérer que les choses s'arrangent pour les autres enfants à l'avenir. Mais si on me montre la photo d'un enfant famélique, qu'on m'explique qu'il ne faut que deux euros par jour pour lui permettre de survivre, et qu'on me demande de débourser sur le champ ces deux euros, suis-je un monstre si je refuse ? L'empathie, la compassion, c'est bien. Mais sans notre capacité d'indifférence, nous serions tous condamnés à faire voeu de pauvreté, à vivre dans un monastère, ou comme Mère Térésa parmi les indigents dans un bidon-ville indien, ou un truc du genre. Pourquoi pas, c'est un choix de vie comme un autre, mais ce n'est pas le mien, et ce n'est pas non plus celui de la plupart des gens. Je pense qu'il ne faut pas intervenir dans les conflits étrangers, qu'il ne faut pas s'immiscer dans les économies sous prétexte de sauver des vies, qu'il ne faut pas empêcher quelqu'un de se ruiner la santé si tel est son choix. Et cætera. Le titre de la chanson de McCartney, "Live and let die", m'a toujours intrigué et il faudra qu'un de ces quatre je me penche sur les paroles, mais je trouve qu'il résume bien mon propos, d'où mon choix pour le titre ce fil. JK2hKzZss5Y
Lancelot Posted August 6, 2011 Report Posted August 6, 2011 Si on peut sauver une vie en appuyant sur un bouton (je ne sais pas moi, par exemple une personne tombée dans une colonne d'ascenseur, et dont la cage menace de l'écraser si personne ne stoppe l'appareil), alors il faudrait vraiment être le dernier des sadiques pour ne pas le faire. Même un japonais le ferait, j'imagine. Ça me donne presque envie de changer de signature, ça Sinon, sur la NAPD, c'est effectivement un sujet, comment dire… glissant. Mais on peut déjà le restreindre aux cas où la personne ne peut pas s'aider elle-même ni se faire aider par quelqu'un d'autre plus proche, est en danger immédiat et qui ne nécessitent pas de se mettre soi-même en danger, histoire d'y voir plus clair.
Guest jabial Posted August 6, 2011 Report Posted August 6, 2011 Le droit est le domaine de légitimité de la violence. Encore une fois, il n'y a pas le moindre doute dans mon esprit sur la NAPD. Il n'est pas légitime d'être violent envers quelqu'un en raison de ce qu'il n'a pas fait.
Nicolas Azor Posted August 6, 2011 Author Report Posted August 6, 2011 Sinon, sur la NAPD, c'est effectivement un sujet, comment dire… glissant. Mais on peut déjà le restreindre aux cas où la personne ne peut pas s'aider elle-même ni se faire aider par quelqu'un d'autre plus proche, est en danger immédiat et qui ne nécessitent pas de se mettre soi-même en danger, histoire d'y voir plus clair. Si tu te restreins à ce cas de figure, tu évites la partie réellement intéressante.
Lancelot Posted August 6, 2011 Report Posted August 6, 2011 Si tu te restreins à ce cas de figure, tu évites la partie réellement intéressante. Je préfère dire que je me limite à la partie qui peut réellement faire débat. Pour le reste il est parfaitement clair que je ne suis pas responsable juridiquement de toute la misère du monde ou si je ne me mets pas en danger pour autrui. Je pourrais être responsable (du moins ce genre de décision ne me choquerait pas, et je ne vois pas a priori d'effets pervers masqué si on s'en tient strictement là) si par exemple je tombe sur une personne visiblement blessée dans une ruelle déserte qui ne peut pas se déplacer et qui me demande de l'aide, et que je refuse d'appeler au moins les secours.
Nicolas Azor Posted August 6, 2011 Author Report Posted August 6, 2011 Je préfère dire que je me limite à la partie qui peut réellement faire débat. Pour le reste il est parfaitement clair que je ne suis pas responsable juridiquement de toute la misère du monde ou si je ne me mets pas en danger pour autrui. Je pourrais être responsable (du moins ce genre de décision ne me choquerait pas, et je ne vois pas a priori d'effets pervers masqué si on s'en tient strictement là) si par exemple je tombe sur une personne visiblement blessée dans une ruelle déserte qui ne peut pas se déplacer et qui me demande de l'aide, et que je refuse d'appeler au moins les secours. De toute façon la question ne concerne même pas tant ton attitude à titre individuel, que la position de la société dans son ensemble. Ainsi, selon l'importance qu'on donne au fait de sauver des vies humaines, une société aura une politique différente concernant, en vrac, la sécurité sociale, l'interventionnisme géopolitique, l'euthanasie, la pénalisation des drogues, le suicide, les violences conjugales, etc… En fait ça me parait couvrir tellement de sujets que je me demande si je ne fais pas fausse route et si je ne m'égare pas un peu. Faut que je creuse un peu plus la question je pense.
Esperluette Posted August 6, 2011 Report Posted August 6, 2011 Mais si on me montre la photo d'un enfant famélique, qu'on m'explique qu'il ne faut que deux euros par jour pour lui permettre de survivre, et qu'on me demande de débourser sur le champ ces deux euros, suis-je un monstre si je refuse ? Tu parles de politique ou de morale, finalement ? Je crois surtout que, même si tu veux distinguer la morale des lois, tu ne peux pas échapper aux reproches des gens, voire à l'ostracisme plus ou moins marqué. Il n'y aurait alors pas de sanction légale, mais la sanction sociale reste. Et ce, que la société ait raison ou tort. Remarque, tu peux bien entendu estimer que ça ne te fait ni chaud ni froid de te faire traiter soit de monstre, soit de héros.
Nicolas Azor Posted August 6, 2011 Author Report Posted August 6, 2011 Tu parles de politique ou de morale, finalement ? Je crois surtout que, même si tu veux distinguer la morale des lois, tu ne peux pas échapper aux reproches des gens, voire à l'ostracisme plus ou moins marqué. Il n'y aurait alors pas de sanction légale, mais la sanction sociale reste. Et ce, que la société ait raison ou tort. Remarque, tu peux bien entendu estimer que ça ne te fait ni chaud ni froid de te faire traiter soit de monstre, soit de héros. C'est très vrai, ça. C'était probablement difficile à percevoir pour un asocial comme moi
Marlenus Posted August 6, 2011 Report Posted August 6, 2011 Là comme ça je pense au fameux: "Maintenant quand quelqu'un se fait tuer dans le métro, tout le monde continue de lire son journal" (bon ok c'est plus violer la phrase, mais l'idée reste là). Actuellement, législativement et moralement c'est répréhensible de lire son journal quand une fille se fait tuer devant toi. Je me demande à quel point on arriverait à faire admettre que légalement tu as le droit de t'en foutre et de griller une cigarette. Parce que perso, je perçoit bien pourquoi législativement on ne devrait pas poursuivre le bonhomme, mais j'avoue que cela entre en conflit avec ma morale. (en dehors bien sûr du fait que la personne n'agit pas, par peur).
Kuing Yamang Posted August 6, 2011 Report Posted August 6, 2011 De toute façon la question ne concerne même pas tant ton attitude à titre individuel, que la position de la société dans son ensemble. Ainsi, selon l'importance qu'on donne au fait de sauver des vies humaines, une société aura une politique différente concernant, en vrac, la sécurité sociale, l'interventionnisme géopolitique, l'euthanasie, la pénalisation des drogues, le suicide, les violences conjugales, etc… En fait ça me parait couvrir tellement de sujets que je me demande si je ne fais pas fausse route et si je ne m'égare pas un peu. Faut que je creuse un peu plus la question je pense. Tiens ce n'est pas exactement le sujet, mais il y a beaucoup de points communs, notamment sur les justifications morales à sauver quelqu'un ou pas, qui permettent d'y réfléchir. Connais-tu le dilemme du trolley ? - Trolley: Un homme conduit un train dont les freins ont lâché. Le train se précipite à toute allure vers cinq personnes, mais le conducteur peut dévier le train vers une voie où il n'écrasera qu'une seule personne. Est-il moralement acceptable pour le conducteur de faire dévier le train vers la personne toute seule ? Ensuite compliquons un peu: - Manifestation de colère: Un crime a été commis. Des émeutiers demandent au magistrat en charge de l'affaire de trouver le coupable, sinon ils feront eux-mêmes justice en se vengeant sur cinq otages. Mais le véritable coupable reste inconnu. Le magistrat peut néanmoins sauver les cinq otages en prenant un suspect au hasard pour le charger et l'exécuter. Est-ce moralement acceptable de prendre un suspect au hasard ? voyons d'autres cas: - Médecin 1: Un médecin a un stock très limité d'un certain médicament. Il s'apprête à donner tout ce qui lui reste de ce médicament à un patient qui mourra s'il ne reçoit pas une dose massive de ce médicament. Soudain, une infirmière lui annonce que cinq nouveaux malades viennent d'arriver, qui ont besoin du même médicament, mais d'une dose plus petite. Il pourra sauver les cinq patients rien qu'en répartissant la dose qu'il s'apprêtait à donner à l'ancien patient. Est-il moralement acceptable de laisser mourir le premier patient pour donner le médicament aux cinq autres et les sauver ? - Médecin 2: Cinq patients vont mourir s'ils ne reçoivent pas très vite une dose massive d'une certaine vitamine. Il est possible de préparer ce sérum en tuant et utilisant les organes d'un autre patient (qui ne risque pas de mourir) dont le corps est rempli de cette vitamine. Est-il moralement acceptable de tuer ce patient pour préparer un médicament pour les cinq autres personnes ? - Médecin 3: Cinq patients, dans un hôpital, peuvent être sauvés, à condition que l'on fabrique sur le champ un certain gaz. Mais, pendant la fabrication, le gaz va envahir le système d'aération de l'hôpital, et tuer un patient qui y est allergique, et qui, pour une raison ou une autre, ne peut être bougé. Est-il moralement acceptable de commencer la fabrication de ce gaz ? Ensuite, et après avoir répondu tu pourras aller ici : http://blog.philotropes.org/post/2008/12/26/364-le-dilemme-du-trolley-les-origines
Guest jabial Posted August 6, 2011 Report Posted August 6, 2011 Un homme conduit un train dont les freins ont lâché. Le train se précipite à toute allure vers cinq personnes, mais le conducteur peut dévier le train vers une voie où il n'écrasera qu'une seule personne. Est-il moralement acceptable pour le conducteur de faire dévier le train vers la personne toute seule ? Oui, parce qu'il est plus facile pour une personne seule d'éviter le train. Si je suis le conducteur, je le fais. Un crime a été commis. Des émeutiers demandent au magistrat en charge de l'affaire de trouver le coupable, sinon ils feront eux-mêmes justice en se vengeant sur cinq otages. Mais le véritable coupable reste inconnu. Le magistrat peut néanmoins sauver les cinq otages en prenant un suspect au hasard pour le charger et l'exécuter. Est-ce moralement acceptable de prendre un suspect au hasard ? Non. Si je suis le juge, je refuse catégoriquement. Un médecin a un stock très limité d'un certain médicament. Il s'apprête à donner tout ce qui lui reste de ce médicament à un patient qui mourra s'il ne reçoit pas une dose massive de ce médicament. Soudain, une infirmière lui annonce que cinq nouveaux malades viennent d'arriver, qui ont besoin du même médicament, mais d'une dose plus petite. Il pourra sauver les cinq patients rien qu'en répartissant la dose qu'il s'apprêtait à donner à l'ancien patient. Est-il moralement acceptable de laisser mourir le premier patient pour donner le médicament aux cinq autres et les sauver ? De deux chose l'une. Soit j'ai déjà promis la dose au premier patient, auquel cas c'est fini puisque ma parole m'engage. Soit je ne l'ai pas encore fait, auquel cas je répartis la dose entre les 5. Cinq patients vont mourir s'ils ne reçoivent pas très vite une dose massive d'une certaine vitamine. Il est possible de préparer ce sérum en tuant et utilisant les organes d'un autre patient (qui ne risque pas de mourir) dont le corps est rempli de cette vitamine. Est-il moralement acceptable de tuer ce patient pour préparer un médicament pour les cinq autres personnes ? Totalement hors de question, ce serait un meurtre. Cinq patients, dans un hôpital, peuvent être sauvés, à condition que l'on fabrique sur le champ un certain gaz. Mais, pendant la fabrication, le gaz va envahir le système d'aération de l'hôpital, et tuer un patient qui y est allergique, et qui, pour une raison ou une autre, ne peut être bougé. Est-il moralement acceptable de commencer la fabrication de ce gaz ? En imaginant que l'exemple soit réaliste, la réponse est non. Fabriquer ce gaz en sachant qu'il est nocif pour un patient serait un meurtre.
jamkan Posted August 6, 2011 Report Posted August 6, 2011 Tiens ce n'est pas exactement le sujet, mais il y a beaucoup de points communs, notamment sur les justifications morales à sauver quelqu'un ou pas, qui permettent d'y réfléchir. Connais-tu le dilemme du trolley ? - Trolley: Un homme conduit un train dont les freins ont lâché. Le train se précipite à toute allure vers cinq personnes, mais le conducteur peut dévier le train vers une voie où il n'écrasera qu'une seule personne. Est-il moralement acceptable pour le conducteur de faire dévier le train vers la personne toute seule ? Ensuite compliquons un peu: - Manifestation de colère: Un crime a été commis. Des émeutiers demandent au magistrat en charge de l'affaire de trouver le coupable, sinon ils feront eux-mêmes justice en se vengeant sur cinq otages. Mais le véritable coupable reste inconnu. Le magistrat peut néanmoins sauver les cinq otages en prenant un suspect au hasard pour le charger et l'exécuter. Est-ce moralement acceptable de prendre un suspect au hasard ? voyons d'autres cas: - Médecin 1: Un médecin a un stock très limité d'un certain médicament. Il s'apprête à donner tout ce qui lui reste de ce médicament à un patient qui mourra s'il ne reçoit pas une dose massive de ce médicament. Soudain, une infirmière lui annonce que cinq nouveaux malades viennent d'arriver, qui ont besoin du même médicament, mais d'une dose plus petite. Il pourra sauver les cinq patients rien qu'en répartissant la dose qu'il s'apprêtait à donner à l'ancien patient. Est-il moralement acceptable de laisser mourir le premier patient pour donner le médicament aux cinq autres et les sauver ? - Médecin 2: Cinq patients vont mourir s'ils ne reçoivent pas très vite une dose massive d'une certaine vitamine. Il est possible de préparer ce sérum en tuant et utilisant les organes d'un autre patient (qui ne risque pas de mourir) dont le corps est rempli de cette vitamine. Est-il moralement acceptable de tuer ce patient pour préparer un médicament pour les cinq autres personnes ? - Médecin 3: Cinq patients, dans un hôpital, peuvent être sauvés, à condition que l'on fabrique sur le champ un certain gaz. Mais, pendant la fabrication, le gaz va envahir le système d'aération de l'hôpital, et tuer un patient qui y est allergique, et qui, pour une raison ou une autre, ne peut être bougé. Est-il moralement acceptable de commencer la fabrication de ce gaz ? Ensuite, et après avoir répondu tu pourras aller ici : http://blog.philotropes.org/post/2008/12/26/364-le-dilemme-du-trolley-les-origines Moralement acceptable : - Trolley : Oui. C'est un meurtre, mais vu qu'il y a le choix entre 1 et 5 morts, autant choisir le moindre mal. - Manifestation de colère : Non. C'est un meurtre. Peut importe si le but est noble, le sacrifice est inacceptable. - Médecin 1 : Oui. Laisser mourir n'est pas condamnable. - Médecin 2 : Non. C'est un meurtre. Peut importe si le but est noble, le sacrifice est inacceptable. - Médecin 3 : Non. C'est un meurtre. Peut importe si le but est noble, le sacrifice est inacceptable.
Lancelot Posted August 6, 2011 Report Posted August 6, 2011 Tiens ce n'est pas exactement le sujet, mais il y a beaucoup de points communs, notamment sur les justifications morales à sauver quelqu'un ou pas, qui permettent d'y réfléchir. La version pertinente pour la question du fil, ce serait : Un homme conduit un train dont les freins ont lâché. Le train se précipite à toute allure vers une personne, il n'y a qu'une seule personne dans la cabine qui n'est pas le conducteur (donc pas de problème de déontologie) et il peut dévier le train vers une voie où il n'écrasera personne (par hypothèse, il sait comment faire). Doit-il être jugé coupable de quoi que ce soit si il ne dévie pas le train ?
jamkan Posted August 6, 2011 Report Posted August 6, 2011 La version pertinente pour la question du fil, ce serait : Un homme conduit un train dont les freins ont lâché. Le train se précipite à toute allure vers une personne, il n'y a qu'une seule personne dans la cabine qui n'est pas le conducteur (donc pas de problème de déontologie) et il peut dévier le train vers une voie où il n'écrasera personne (par hypothèse, il sait comment faire). Doit-il être jugé coupable de quoi que ce soit si il ne dévie pas le train ? Non, il n'est coupable de rien. Mais c'est un salopard. C'est pareil qu'un homme qui vend des armes aux FARC ou un homme qui vote Besançenot (dans le fait que ce n'est pas condamnable, mais immonde et méprisable).* PS : je ne met pas au même niveau laisser mourir quelqu'un et voter NPA.
Marlenus Posted August 6, 2011 Report Posted August 6, 2011 La version pertinente pour la question du fil, ce serait : Un homme conduit un train dont les freins ont lâché. Le train se précipite à toute allure vers une personne, il n'y a qu'une seule personne dans la cabine qui n'est pas le conducteur (donc pas de problème de déontologie) et il peut dévier le train vers une voie où il n'écrasera personne (par hypothèse, il sait comment faire). Doit-il être jugé coupable de quoi que ce soit si il ne dévie pas le train ? Judiciairement, mon inclinaison serait de dire non. Mais je ne dénoncerais pas un proche de la victime qui irait le descendre d'une balle dans le dos. J'imagine même pas si en plus il filme et met ça sur youtube derrière.
Nicolas Azor Posted August 7, 2011 Author Report Posted August 7, 2011 Là comme ça je pense au fameux: "Maintenant quand quelqu'un se fait tuer dans le métro, tout le monde continue de lire son journal" (bon ok c'est plus violer la phrase, mais l'idée reste là). Actuellement, législativement et moralement c'est répréhensible de lire son journal quand une fille se fait tuer devant toi. Je me demande à quel point on arriverait à faire admettre que légalement tu as le droit de t'en foutre et de griller une cigarette. Parce que perso, je perçoit bien pourquoi législativement on ne devrait pas poursuivre le bonhomme, mais j'avoue que cela entre en conflit avec ma morale. (en dehors bien sûr du fait que la personne n'agit pas, par peur). En même temps, en interdisant le port d'armes, la société a décidé de faire du citoyen un inoffensif mouton. Inutile de s'étonner si in fine il se comporte comme tel. Mis à part prévenir les forces de l'ordre, que voulez-vous qu'il fasse ?
Marlenus Posted August 7, 2011 Report Posted August 7, 2011 En même temps, en interdisant le port d'armes, la société a décidé de faire du citoyen un inoffensif mouton. Inutile de s'étonner si in fine il se comporte comme tel. Tiens le vieux débat. Même si je suis pour l'autorisation du port d'armes, pour moi c'est à mettre au même niveau que la légalisation de la beuh, une chose néfaste, mais comme elle appartient au droit individuel, à ne pas interdire. Cela dit: L'immense majorité des agressions se font sans armes à feu, en France. Ce qui veut dire que 3 types décidés arrêtent un type tout seul sans trop de problèmes. Perso j'ai moins peur de m'attaquer à 3 contre 1 un type avec chacun des armes blanches, que le même 3 vs 1 avec chacun une kalachnikov. Le problème c'est de trouver un leader pour emmener les autres. (et d'ailleurs je doute fortement que l'on arrive à violer dans le métro ou le RER avec du monde à l'intérieur alors que l'on est seul). Mis à part prévenir les forces de l'ordre, que voulez-vous qu'il fasse ? C'est déjà un premier pas. Mais dans notre discution, il ne fait rien, même pas appeler les secours et c'est pour ça que le cas de conscience arrive.
henriparisien Posted August 7, 2011 Report Posted August 7, 2011 Judiciairement, mon inclinaison serait de dire non. Mais je ne dénoncerais pas un proche de la victime qui irait le descendre d'une balle dans le dos. J'imagine même pas si en plus il filme et met ça sur youtube derrière. Heu… Dans cette hypothèse, la réponse est bien sûr oui. Il ne s'agit pas de non assistance à personne en danger, mais de mise en danger volontaire de tiers ; Tiens, puisqu'on est dans les dilemmes moraux ; On reprend l'exemple du train, d'un coté il y a 5 inconnus (peut-être même socialiste ) de l'autre, votre compagnon ou votre enfant, vous prenez toujours la même décision ? Vous tenez un proche d'un terroriste qui a posé une bombe qui va tuer 5 personnes ? Vous torturez cette personne pour lui faire avouer où se trouve le terroriste ?
WBell Posted August 7, 2011 Report Posted August 7, 2011 […] Perso j'ai moins peur de m'attaquer à 3 contre 1 un type avec chacun des armes blanches, que le même 3 vs 1 avec chacun une kalachnikov. […] Pour avoir traîné dans pas mal de dojos pour des arts-martiaux différents, testé différents trucs de combat et m'être intéressé pas mal aux métiers de la sécurité, du gardiennage ou de la survie, il faut faire gaffe avec ce genre de raisonnement. En se sortant du cas particulier d'un zone de guerre (où quelqu'un avec une arme de guerre type kalachnikov va tirer de toutes façons), il y a plusieurs paliers psychologiques avec les armes. Ainsi, pour quelqu'un qui n'est pas un psychopathe (un vrai, cliniquement déclaré) - donc même un malfrat de base, il y a toujours une résistance psychologique à l'escalade des armes. C'est à dire qu'une fois qu'on a passé le verrou psychologique de l'utilisation d'un type d'arme, on va explorer l'éventail de ses possibilités, avant de s'attaquer au verrou psychologique suivant de la catégorie supérieure. Dès lors, quelqu'un qui utilise une arme blanche se dit que c'est moins "grave" qu'une arme à feu. (Pour le petit criminel, malgré l'attrait du gros gun et de l'expression virile derrière, on change de catégorie entre le couteau et l'arme à feu). Prendre la décision de tirer avec une arme à feu, dans une société civile, ça demande une force psychologique plus grande que que donner un coup de couteau. Et ces barrières empêchent de se rendre compte d'une réalité : on peut faire des dégâts beaucoup plus importants lorsqu'on est aux derniers stades d'utilisation d'un couteau qu'aux premiers d'un pistolet. Au final, la dangerosité est partout, mais en plus pas forcément où l'on croit. (Et une règle de la plupart de mes profs - en tout cas ce qui ne se la jouaient pas Bruce Lee… : tu vises les parties avec ton pied et tu t'enfuis )
Nicolas Azor Posted August 7, 2011 Author Report Posted August 7, 2011 Au passage je trouve que les dilemmes que vous évoquez n'en sont pas vraiment. Les choix possibles sont tous mauvais. Quand on est confronté à Charybde et Scylla, il n'y a pas de bonne décision.
Hank Rearden Posted August 7, 2011 Report Posted August 7, 2011 Au passage je trouve que les dilemmes que vous évoquez n'en sont pas vraiment. Les choix possibles sont tous mauvais. Quand on est confronté à Charybde et Scylla, il n'y a pas de bonne décision. Les dilemmes moraux montrent simplement qu'il n'y a pas de règle morale ou de règle de droit applicable universellement, que même le "tu ne tueras point" peut être mis en défaut et que "tuer" peut, dans des circonstances exceptionnelles (celle du terroriste qui menace de nombreuses personnes par exemple) , devenir une chose acceptable au sens moral, une chose juste au sens légal. Mais il est vrai que dans la plupart des dilemmes moraux, le libre arbitre de l'acteur est mis à mal par les circonstances qui font qu'il n'a plus guère que des mauvais choix.
Guest jabial Posted August 7, 2011 Report Posted August 7, 2011 Ce qui veut dire que 3 types décidés arrêtent un type tout seul sans trop de problèmes. Le type tout seul sort un couteau. Couic, un des 3 types est mort. Les deux autres tentent de lui porter secours, l'agresseur se barre. Situation imaginaire ? Non, ça s'est passé il y a quelques années. Perso j'ai moins peur de m'attaquer à 3 contre 1 un type avec chacun des armes blanches, que le même 3 vs 1 avec chacun une kalachnikov. Ben moi j'aurais beaucoup plus peur de m'attaquer à 3 contre 1 à un type avec chacun des armes blanches. Parce que dans la réalité, une arme blanche, on ne peut s'en servir que d'une seule façon : l'utiliser. Donner un coup de couteau dans le mur n'impressionne personne. Et que statistiquement, les combats à l'arme blanche donnent un pronostic plus grave que ceux à l'arme à feu. Un combat à outrance à l'arme blanche donne deux morts. À l'arme à feu, une balle met hors de combat, avec 30% de chances d'y rester seulement. Mais dans notre discution, il ne fait rien, même pas appeler les secours et c'est pour ça que le cas de conscience arrive. Tiens, il y a six mois ou quelque chose comme ça, quelqu'un s'est fait défoncer pour avoir tiré la sonnette d'alarme dans le métro. Il n'est pas mort, si je me souviens bien, mais c'est sacrément dissuasif. Au passage je trouve que les dilemmes que vous évoquez n'en sont pas vraiment. Les choix possibles sont tous mauvais. Quand on est confronté à Charybde et Scylla, il n'y a pas de bonne décision. Si les choix n'étaient pas tous mauvais, ce ne serait pas un dilemme.
WBell Posted August 7, 2011 Report Posted August 7, 2011 Ben moi j'aurais beaucoup plus peur de m'attaquer à 3 contre 1 à un type avec chacun des armes blanches. Parce que dans la réalité, une arme blanche, on ne peut s'en servir que d'une seule façon : l'utiliser. Donner un coup de couteau dans le mur n'impressionne personne. Et que statistiquement, les combats à l'arme blanche donnent un pronostic plus grave que ceux à l'arme à feu. Un combat à outrance à l'arme blanche donne deux morts. À l'arme à feu, une balle met hors de combat, avec 30% de chances d'y rester seulement. +1. Tu résumes parfaitement ce que je voulais expliquer.
Lancelot Posted August 7, 2011 Report Posted August 7, 2011 Judiciairement, mon inclinaison serait de dire non.Mais je ne dénoncerais pas un proche de la victime qui irait le descendre d'une balle dans le dos. Je comprends la logique de cette position. Cependant, n'est-il pas paradoxal de reconnaitre une certaine légitimité à la sanction (par la non dénonciation) tout en refusant à un tribunal le droit de la prononcer ?
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