condorcet Posté 9 février 2014 Signaler Posté 9 février 2014 Le parti démocrate fait coexister le queer de san francisco, l'employé latino du new jersey, et l'artisan noir de Louisiane, il leur parle de manière segmentée en appuyant sur des mesures catégorielles, de l'autre côté les républicains agissent comme repoussoir. en France, Boutin et Copé sont les recruteurs les plus efficaces du vote PS dans les communautés gay et maghrebine.
free jazz Posté 9 février 2014 Signaler Posté 9 février 2014 en France, Boutin et Copé sont les recruteurs les plus efficaces du vote PS dans les communautés gay et maghrebine. Bof, je suis pas du tout sûr que le clientélisme façon Terra Nova suffise pour garder le vote musulman (même s'il continue d'être acheté localement), il y a quelqu'incompatibilités à céder à toutes les exigences du lobby LGBT. Si le PS continue à faire de l'ingénierie sociale prog à pleins tubes, à intégrer les délires queer dans les programmes scolaires, je ne crois pas que la droite catho ou traditionnaliste restera longtemps un repoussoir pour les muslims - et réciproquement. On a déjà vu cette défiance à l'oeuvre lors du mouvement de retrait des enfants, principalement suivi dans la communauté.
condorcet Posté 9 février 2014 Signaler Posté 9 février 2014 86-14 au second tour de la présidentielle dans l'électorat musulman, pour le moment la stratégie du PS est très efficace. L'immense majorité des musulmans a envie de vivre tranquille et chaque fois que la droite les pointe du doigt, la gauche récupère des voix, si en plus celle-ci leur dit qu'elle favorisera la construction d'un lieu de culte, c'est jackpot. du coup le mariage gay ça passe à la trappe (surtout que l'immense majorité des français (musulmans compris) n'en a pas grand chose à faire).
Noob Posté 9 février 2014 Signaler Posté 9 février 2014 FJ à mon avis tu passes à côté de l'essentiel, tout le raout mené par Jamel attire bien les jeunes. Les plus éduqués d'entre eux, les banlieues malgré les clichés ne sont pas que des usines à barbares, sont clairement repoussé pas l'UMP. Ils sont loin d'être embrigadé dans le culte, simplement quand ils ou le plus souvent elles ont un prénom arabe et qu'elles entendent un Zemmour leur parler de dépouillement et de nom chrétien uniquement, elles vont voter en face au PS, qui a en plus toute les structures pour les accueillir. SOS Racisme anyone ?
free jazz Posté 9 février 2014 Signaler Posté 9 février 2014 si en plus celle-ci leur dit qu'elle favorisera la construction d'un lieu de culte, c'est jackpot. du coup le mariage gay ça passe à la trappe (surtout que l'immense majorité des français (musulmans compris) n'en a pas grand chose à faire). On voit de plus en plus de convergences pourtant, entre la droite catho et les musulmans. Là pour le coup je crois que ton biais prog te fait sous-estimer la réaction des musulmans aux bricolages sociétaux qui suivent le mariage gay - qui en soi n'est pas grand chose -, mais ils ne sont pas prêts à accepter toutes les joyeusetés qui sont vendues avec, notamment en matière d'éducation et de lutte contre les discriminations. Il me paraît donc que cette fameuse coalition Terra Nova des minorités repose sur des bases sociologiques et culturelles très fragiles, même si elle peut être une coalition de circonstance, il ne s'agit pas d'un socle stable comme pouvait l'être l'électorat ouvrier.
Cthulhu Posté 9 février 2014 Signaler Posté 9 février 2014 86-14 au second tour de la présidentielle dans l'électorat musulman, pour le moment la stratégie du PS est très efficace. Ce n'est pas leur stratégie qui est efficace, c'est la droite qui est mauvaise (comme tu le faisais toi-même remarquer). Si elle était efficace, les banlieues n'auraient pas un tel taux d'abstention aux élections. Quand j'y vivais encore et que je votais, il n'y avait pas franchement foule à l'isoloir.
Rincevent Posté 10 février 2014 Signaler Posté 10 février 2014 Le parti démocrate fait coexister le queer de san francisco, l'employé latino du new jersey, et l'artisan noir de Louisiane, il leur parle de manière segmentée en appuyant sur des mesures catégorielles, de l'autre côté les républicains agissent comme repoussoir.Il est rare que les blacks américains soient aussi -phobes (remplacez le tiret par la dernière minorité à la mode) que les maghrébins en France. Les Latinos, je ne sais pas. Qui plus est, les minorités dont tu parles sont géographiquement très segmentées, et à des milliers de kilomètres les unes des autres. En France, si un maire de Montreuil suivait la ligne "phobo-phobe" qui plait aux bobos de sa commune, je le verrais mal plaire aux immigrés qui constituent une autre partie importante de son électorat. En France, les différentes clientèles de la gauche sont aussi sociétalement éloignées qu’elles peuvent être géographiquement proches. 86-14 au second tour de la présidentielle dans l'électorat musulman, pour le moment la stratégie du PS est très efficace. L'immense majorité des musulmans a envie de vivre tranquille et chaque fois que la droite les pointe du doigt, la gauche récupère des voix, si en plus celle-ci leur dit qu'elle favorisera la construction d'un lieu de culte, c'est jackpot. du coup le mariage gay ça passe à la trappe (surtout que l'immense majorité des français (musulmans compris) n'en a pas grand chose à faire). Ce n'est donc évidemment pas la stratégie de la gauche qui attire les musulmans, mais celle de la droite qui les repousse (et je les comprends).
condorcet Posté 10 février 2014 Signaler Posté 10 février 2014 La stratégie de la gauche conjuguée au repoussoir de la droite aboutit au résultat observé, l'un sans l'autre n'aurait pas d'efficacité électorale. Le parti républicain espère la jonction de l'électorat évangélique blanc, avec l'électorat catholique latinos sur les valeurs, force est de constater que cela ne fonctionne pas. Si en France on espère la jonction des cathos tradis et des musulmans pratiquants c'est encore plus hasardeux. L'électorat d'origine musulmane français s'intéresse plus à sa place dans la société et l'économie française qu'aux questions de sociétés, quand l'UMP et le PS auront le même discours sur l'immigration et l'islam alors peut être que l'électorat musulman se détachera de la gauche par désaccord sur les questions sociétales, mais tant que celui-ci aura le sentiment d'être ostracisé par la droite, les désaccord sociétaux seront insuffisants pour le détacher du PS. Melenchon qui est ouvertement pro PMA, pro mariage gay, etc, fait 20% dans l'électorat musulman....
Miss Liberty Posté 10 février 2014 Signaler Posté 10 février 2014 Petite précision à toute fin utile : "les cathos tradis", ça ne constitue pas un électorat. On est bien trop peu. Même "les cathos pratiquants", ça n'est pas un électorat intéressant en terme de nombre de bulletins de vote. Les "personnes avec un vague vernis de culture chrétienne", peut-être. Je ne sais pas si les "cathos tradis" et les musulmans pourraient trouver un terrain d'entente électorale, mais 1.Ça ne pourra se faire qu'en double aveugle, c'est-à - dire qu'ils voteront pour un même parti sans se concerter : chaque groupe n'a pas envie de s' associer à l'autre, et ça n'est pas l'enthousiasme ultra médiatisé de certains membres qui va les convertir à l'idée. 2. Il n'y a aucun parti qui défende réellement leurs "valeurs", comme on appelle ça. L'ump ne peut pas profiter de ces votes, elle n'est pas mieux et elle n'a pas franchement réussi à convaincre du contraire. À part l'Ump, il y a qui? Le Front? Ceux qui seraient prêts à voter Front pour ce genre de raisons le font depuis longtemps. Les autres ne le feront probablement jamais. Et puis très franchement, la plupart de la communauté immigrée musulmane ne vote pas de toute façon. Le PS avait réussi à les sortir de leur torpeur pour une élection présidentielle (ou plus exactement, ils s'étaient déplacés pour voter contre quelqu'un). S'il a perdu leur vote, la grande gagnante sera l'abstention. Et peut-être dans un second temps l'émergence de partis locaux communautaires si vraiment l'envie de voter émerge chez suffisamment de gens.
F. mas Posté 10 février 2014 Signaler Posté 10 février 2014 Je précise quand même encore une fois que je vois un fossé entre les intentions de la gauche sociétale et la pratique électorale réelle du PS : c'est une chose de vouloir fidéliser la clientèle électorale issue de l'immigration, c'en est une autre de le faire effectivement. Hollande a cru réussir ce tour de force quand une partie d'entre elle s'est mobilisée pour sanctionner Sarkozy, ce qui ne veut pas dire qu'il y a adhésion réelle à la plateforme programmatique du PS. Fédérer une coalition électoral comporte un coût d'organisation que le PS ne semble pas complètement prêt à assumer pour l'instant.
free jazz Posté 10 février 2014 Signaler Posté 10 février 2014 Je pense que c'est plus compliqué. Déjà il faut distinguer le culturalisme de l'anti-essentialisme. Il y a un culturalisme qui n'est pas anti-essentialisme, ou en tout cas qui ne minimise pas la force des déterminismes. L'anti-essentialisme et l'idée que l'Homme est une potentialité est arrivée dans les sciences humaines dans le débat entre Sartre et Levi-Strauss, et le grand méchant déterministe dans cette histoire, c'est Levi-Strauss, le structuraliste, qui dit que pour lui les humains sont des fourmis. Levi-Strauss, structuraliste, était à la fois assez essentialiste et n'était pas culturaliste, à la fin de sa vie il disait que l'anthropologie devait se rapprocher de la génétique et de l'étude du cerveau. Il faut distinguer la démarche rigoureuse de Lévi-Strauss de la vulgate qui s'en est réclamée, amalgamant structuralisme, marxisme, psychanalyse et théories en vogue de la déconstruction. Mais tu as raison de signaler que la scientificité de l'anthropologie sous le patronnage de Lévi-Strauss a longtemps joué un rôle de garde-fou face à la pénétration de l'idéologie féministe et culturaliste qui faisait florès dans les universités américaines. D'ailleurs Butler et ses copines queer se plaignent sans cesse de l'influence délétère de Lévi-Strauss dans la conservation des archétypes patriarcaux. Depuis les sixties, les campus ont été graduellement phagocytés par la New Left (gauche post-soixante-huitarde radicale) au point qu'aujourd'hui, 90% des chaires sont trustées par leurs représentants et que les éditeurs n'osent plus sortir des clous. De telle sorte que les thèses jargonnantes déconstructionnistes-féministes-queer s'empilent, qu'une piété conformiste de plomb s'est installée dans le milieu académique. Depuis que que Roland Barthes a décrété la "mort de l'auteur" dans les années 60, étudier les auteurs est très mal vu, les études sont ultra-politisées et l'on trouve carrément des UV fantaisistes de type "Madonna Studies" (censées étudier l'impact des paroles de Madonna sur la communauté LGBT) à Harvard. Et c'est diplômant ! Alors, les humanités, dans ces conditions... Là je veux bien des exemples, parce qu'à mon avis l'introduction des modèles physiques en sociologie c'est très récent. Toute la sociologie du XIXè siècle est conçue comme une physique sociale, selon le modèle des sciences objectives, et ce jusqu'à Durkheim compris, qui a énoncé dans les Règles de la méthode sociologique le fameux principe selon lequel les faits sociaux doivent être observés et étudiés comme des choses. "La différence entre la sociologie et les discours politiques ou littéraires réside dans le fait que la sociologie s'efforce d'apporter une réponse « scientifique » à ces questions. Le xixe siècle est notamment marqué par le positivisme scientifique . La biologie, la physique et la chimie connaissent des progrès considérables qui transforment la façon dont les hommes perçoivent leur environnement matériel. Ces disciplines participent également à la révolution industrielle et trouvent des applications techniques qui modifient fortement les modes de vie. Dans ce contexte, La sociologie est influencée par ce positivisme : nombre de sociologues empruntent leurs modèles d'analyse à la biologie ou la physique. Les progrès des sciences et leurs applications semblent donc prouver qu'un discours scientifiquement fondé est capable d'intervenir sur le monde et de répondre aux problèmes que le siècle pose. Émile Durkheim -qui s'inspire d'ailleurs pour partie des théories d'Auguste Comte pour renouveler cette science humaine- affirme en particulier qu'il faut « étudier les faits sociaux comme des choses »). Pour la plupart des sociologues, il s'agit donc de produire une représentation scientifique de la vie sociale capable de répondre aux problèmes que pose le xixe siècle." http://fr.wikipedia.org/wiki/Sociologie
Chitah Posté 10 février 2014 Auteur Signaler Posté 10 février 2014 Certes certes, mais qui te parle de ça ? J'imagine mal que l'idée d'insérer la théo-pardon les études de g-pardon l'éducation à la non-discrimination dont sexuelle dans les programmes et les habitudes de l'école est apparue, pouf, il y a 6 mois. Ceci tend bien à montrer que c'est un mouvement d'ensemble qui s'inscrit sur la durée. On peut même aller jusqu'à supposer (soyons fous) que les lobbies LGBT ont obtenu une oreille certainement plus attentive avec NVB et Peillon qu'avec le gouvernement de droite qui les précédait. C'est tout à fait cela, si tu lis le paragraphe 2.1 du document dont tu as posté le lien, on y lit qu'en réalité, ce collectif ne s'est fait recevoir qu'une seule fois en 2009, et revendique d'être légitime sur les sujets LGBT, réunion mentionnée ici : http://www.fsu.fr/Le-Collectif-education-contre-les.html. Sa lecture est instructive, on y lit notamment : Prise en compte de la notion de genre et d’identité de genre dans lesactions ministérielles au même titre que l’orientation sexuelle (tel que c’était engagé M. DARCOS)
Chitah Posté 10 février 2014 Auteur Signaler Posté 10 février 2014 À la vache... Ça fait beaucoup de gros mots tout ça. Comment un lobby, somme toute, assez peu représentatif de la population française (même celle de gauche) et donc au niveau des votes, finit par avoir une emprise sur le PS ? Comment ? Excusez-moi mais lisez bien le paragraphe 2.1 de ce document. Ce que vous citez ce sont les intentions mégalonames de ce lobby, on parle ici du paragraphe où ils exposent leurs intentions. Ensuite dans le 2.1 ils expliquent où ils en sont concrètement en terme d'actions palpables, à peu près nul part. Un début de réponse pertinente à mon avis ici http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2014/02/05/31001-20140205ARTFIG00405-tournant-liberal-reformes-societales-chomage-o-va-la-gauche.php "C'est avec la gauche, à la fin des années 80, que l'action publique, en matière de politique sociale notamment mais aussi de la ville par exemple est devenue une politique de ciblage: de populations, de quartiers… Une partie de la gauche a alors commencé à raisonner en termes de niches électorales. Elle a développé, à l'appui des programmes de politiques publiques, un discours destiné à des populations spécifiques. Or cette évolution a correspondu au reflux historique de la «classe ouvrière» comme représentation centrale du «peuple de gauche» lui-même délaissé au profit de la société et des individus. Si bien qu'à gauche, une fois au pouvoir, certains ont commencé à penser à une nouvelle «coalition» électorale (inspirée du modèle démocrate américain rassemblant les minorités connu sous le nom de «rainbow coalition») permettant de remplacer l'électorat traditionnel de la gauche forgé autour d'une alliance entre classes populaires et classes moyennes. C'est ce processus ancien et récurrent à gauche depuis le milieu des années 1980 (on pense à l'usage fait par François Mitterrand de SOS Racisme notamment vis-à-vis des jeunes) qu'a repris et figé en quelque sorte la fameuse note de Terra Nova en mai 2011 en proposant que la gauche s'appuie sur un socle électoral constitué des femmes, des jeunes, des immigrés, des diplômés, des grands centres urbains… validant ainsi une double évolution, économique et «sociétale» libérale. Et laissant à l'abandon (aux mains du Front national notamment) toute une partie des classes populaires (ouvriers, petits employés, retraités… notamment dans le «périurbain» et en zone rurale) dont les «valeurs» ne seraient plus, par définition, de gauche. Le défaut d'un tel raisonnement, outre son fondement sociologique bancal, tient à ce que le projet d'une telle gauche ne vise plus à construire un monde commun et à faire vivre ensemble les différences, mais à les exacerber en les mettant sans cesse en avant dans l'espace public, et finalement à satisfaire la revendication infinie de nouveaux droits liés aux situations identitaires de chacun." Elle est intéressante cette lecture, car il s'agit bien d'une lecture. Lecture qui zoome sur les réformes sociétales de la gauche, et seulement sur ces réformes. Après avoir lu le texte, on a l'impression que les créations de la gauche telles que le RMI, les contrats aidés, les lois sur les 35h (pour ne citer qu'elles) n'existent pas, et que seules des réformes LGBT ont été menées.
Chitah Posté 10 février 2014 Auteur Signaler Posté 10 février 2014 Petite précision à toute fin utile : "les cathos tradis", ça ne constitue pas un électorat. On est bien trop peu. Même "les cathos pratiquants", ça n'est pas un électorat intéressant en terme de nombre de bulletins de vote. Les "personnes avec un vague vernis de culture chrétienne", peut-être. Oui je suis d'accord, et d'ailleurs je ne comprends pas cette notion de "vote musulman", m'enfin.
Chitah Posté 10 février 2014 Auteur Signaler Posté 10 février 2014 Je précise une dernière chose : dans le document pdf posté plus haut, pas une seule fois le terme "théorie du genre" n'apparaît. A cette époque donc (en mai 2012) il faisait bien moins polémique que maintenant (notamment parce que la manif pour tous n'existait pas encore). Alors de deux choses l'une : soit ce collectif ne veut pas du tout parler de théorie du genre puisque ce n'est pas leur sujet (c'est ce que j'ai déduis en lisant le document), soit en réalité ils veulent imposer la théorie du genre, mais ils se sont bien gardés de mentionner ce terme dans leur document de mai 2012 parce qu'ils ont prévu que dans le futur une organisation appelée Manif Pour Tous et une dénommée Farida Belgoul allait essayer de les troller. Tout cela me laisse perplexe, la substance concrète de toute cette cabale m'échappe. Des pdf postés sur les sites du ministère, quelques émissions de TV et colloques confidentiels...
free jazz Posté 10 février 2014 Signaler Posté 10 février 2014 Chitah, je ne comprends pas ton point. Il est de notoriété publique que c'est la droite avec Darcos qui a introduit la théorie du genre dans les programmes scolaires, et donné l'agrément aux associations LGBT pour intervenir à l'école. Mais cela ne contredit en rien l'argument de h16 quand il dit que cette connivence a pris de plus amples proportions sous la houlette du calendrier féministe du gouvernement socialiste, notoirement phagocyté par ces associations.
Malky Posté 10 février 2014 Signaler Posté 10 février 2014 C'est pas comme si la théorie du genre était sortie comme par enchantement de la couille de Jupiter. (nb : je parle là du cas de la France) Les apparences biologiques et les effets bien réels qu'a produit, dans les corps et dans les cerveaux, un long travail collectif de socialisation du biologique et de biologisation du social se conjuguent pour renverser la relation entre les causes et les effets et faire apparaître une construction sociale naturalisée (les «genres» en tant qu'habitus sexués) comme le fondement en nature de la division arbitraire qui est au principe et de la réalité et de la représentation de la réalité et qui s'impose parfois à la recherche elle-même. P. Bourdieu, La domination masculine (1998), Préambule p.9
Chitah Posté 10 février 2014 Auteur Signaler Posté 10 février 2014 Chitah, je ne comprends pas ton point. Il est de notoriété publique que c'est la droite avec Darcos qui a introduit la théorie du genre dans les programmes scolaires, et donné l'agrément aux associations LGBT pour intervenir à l'école. Mais cela ne contredit en rien l'argument de h16 quand il dit que cette connivence a pris de plus amples proportions sous la houlette du calendrier féministe du gouvernement socialiste, notoirement phagocyté par ces associations. Je conteste deux choses les deux choses soulignées : à la lecture du document du collectif machin bidule (voir ci-dessus) je n'ai rien vu concernant la théorie du genre, mais j'ai peut-être mal lu. cette augmentation de l'ampleur peut éventuellement concerner les enseignements sur l'égalité hommes/femmes (10h par an, méthode appelée "ABCD de l'égalité", testée dans 600 classes cette rentrée scolaire) mais là encore pas de théorie du genre en vue Enfin bon, je dois être naïf j'imagine. J'en reste là.
poney Posté 10 février 2014 Signaler Posté 10 février 2014 Non, le sociologisme et le culturalisme, le grand bullshit idéologique actuel, sont des paradigmes récents apparus dans les années 60, notamment au croisement du marxisme et du structuralisme (cf, entre autres, le livre de Sokal et Bricmont). Auparavant la sociologie, la psychologie et l'anthropologie étaient ancrées dans les sciences descriptives, avec des modèles physiques ou mécaniques. Non, tu te trompe à mon avis. Le pari majeur de l'anthropologie c'est, depuis le début,que la vie en société et la condition humaine ne pouvaient fondamentalement se comprendre sans la mise en perspective comparative de telle ou telle expérience sociale ou culturelle. Et que donc, les chose ne sont pas donnée per se. L'anthropologie, même chez ses plus vieux auteurs, à toujours été attachée à une vison relationnelle du réel et non essentielle. Une vieille habitude de pensée disciplinaire suggère que le détour par d’autres sociétés ou d’autres cultures peut aider à mieux comprendre tant les aspects singuliers que ceux qui apparaissent comme bien plus communs dans telle ou telle société. Quand Durkheim étudie le suicide (1895 de mémoire), il ne fait jamais mention d'un je-ne-sais-quoi essentialiste. Il travail sur des statistiques et essaye d'expliquer le suicide en fonction caractéristique sociale. Durkheim montre que le suicide n'appartient pas "par essence" à l'un ou l'autre groupe social ou penchant psychologique (Durkheim s'oppose durement au psychologisme béat), mais qu'il y a différentes déterminants et causes à prendre en considération. Quand Edward Tylor dans "primitive culture", écrit vers 1870, décrit -en bon évolutionniste- différent stades religieux (animisme en bas et monothéisme en haut), il montre la diversité des systèmes religieux (il est un des premiers à considérer l'animisme comme phénomène religieux et non une "simple" croyance). Il théorise l'idée de culture universaliste au sens "une définition de culture" et différentialiste, parce que chacun la sienne, mais non "essentialiste" car il n'attribue pas "une culture" à "un groupe", et il introduit avec son évolutionnisme l'idée que la culture d'un groupe peut évoluer, elle n'est donc pas "essentielle". Quand Lewis Morgan, encore plus tôt, décrit le tout premier différents systèmes de parenté dans le monde, il montre que les différentes formes de possibilité d'organisation sociale et familiale et que donc, la famille "occidentale" n'est pas "essentielle" de l'humain. Et que les variations de significations sous le terme "papa" ou "oncle" ou "cousin" n'est pas essentielle non plus (certaines sociétés n'utilisent pas certains de ses termes, pourtant la relation sociale existe, mais elle est typifiée différemment. Mais tu as lu Levi-Strauss, donc tu sais déjà ça. Que le sens donné à essentialisation puisse changer avec les époques, je te l'accorde (sans doute que les marxistes des 70's que tu décris pense que Tylor est essentialiste, et selon leur grille de lecture, ils ont peut-être raison). Mais comme je pense qu'il faut juger les auteurs du passé en fonction des modes de pensée de leur époque, Tylor, avec toutes les critiques que l'ont peut faire à un évolutionniste n'était pas -pour son époque- un essentialiste.
free jazz Posté 10 février 2014 Signaler Posté 10 février 2014 Quand Durkheim étudie le suicide (1895 de mémoire), il ne fait jamais mention d'un je-ne-sais-quoi essentialiste. Il travail sur des statistiques et essaye d'expliquer le suicide en fonction caractéristique sociale. Durkheim montre que le suicide n'appartient pas "par essence" à l'un ou l'autre groupe social ou penchant psychologique (Durkheim s'oppose durement au psychologisme béat), mais qu'il y a différentes déterminants et causes à prendre en considération. Dans ce cas il faudrait jeter à la poubelle son livre fondamental, Les règles de la méthode sociologique, car ça n'aurait aucun sens de partir du principe "étudier les faits sociaux comme des choses naturelles", c'est-à-dire des phénomènes objectifs et quantifiables agissant en dehors de notre conscience. Je pourrais retrouver toute la démonstration où Durkheim explique comment l'observation sociologique doit partir d'une neutralité axiologique et d'une position de spectateur impartial pour décrire les phénomènes sociaux, qui s'imposent par une pression extérieure, selon un modèle thermodynamique. C'est pourquoi la sociologie fut d'abord une physique sociale, lorsqu'elle s'est constituée comme une discipline sérieuse et autonome. Je suis un peu court niveau temps maintenant. Sur le caractère récent de l'affaiblissement de cette discipline sous les assauts conjugués d'une vulgate culturaliste et d'une idéologie militante, je te renvoie à cet article de Raymond Boudon, dont cet extrait est éclairant. La question des minorités J’évoquerai d’abord l’exemple des minorités aux États-Unis. Il est particulièrement intéressant parce que le problème des minorités est à l’origine d’un mouvement de rupture avec les principes du libéralisme sans précédent, je crois, dans les milieux universitaires américains. À partir de la fin des années 60, les intellectuels découvrent dans l’extase les disciples européens des maîtres du soupçon : les plus grandes universités américaines offrent des cours sur Althusser ou sur Foucault. Le problème des minorités prend l’allure d’un phénomène saillant dans la vie politique américaine à partir des événements de Little Rock. La tradition marxiste était peu vivace dans les États-Unis de l’après-guerre ; le marxisme n’est alors guère représenté dans les universités ; l’image de la lutte de classes y est peu utilisée. Par la suite, l’immigration des étrangers d’origine hispanophone, puis le développement du travail des femmes nourrissent l’apparition de mouvements visant à défendre d’autres « minorités », un mot qui, bien qu’à l’évidence peu adapté au cas des femmes, tend à désigner depuis les années 70 toute catégorie traitée d’une manière perçue comme discriminatoire. Entre temps, à la faveur du free speech movement, les catégories marxistes ont pénétré les milieux universitaires. Des universitaires d’orientation marxiste, dont certains originaires de l’Europe, se voient offrir des chaires aux États-Unis. Un marxisme souvent sommaire s’installe dans certaines disciplines. Le problème des minorités favorise une représentation dualiste de la société, opposant des minorités opprimées à une majorité ou du moins à une classe dominante opprimante. Bien des intellectuels se mettent alors à produire des théories souvent simplistes, mais qui se placent sans trop de difficulté apparente sur le marché des idées. On explique que l’histoire a été écrite par des hommes et par suite déformée au préjudice des femmes ; qu’elle a été écrite par des Blancs et ainsi déformée aux dépens des Noirs ; qu’elle a été écrite par des Européens et par suite déformée aux dépens des autres civilisations. Ici encore le schéma explicatif A qui profite le crime ? A la classe dominanteguide cette floraison de théories : c’est pour assurer la domination des hommes sur les femmes, des Blancs sur les Noirs, des Européens sur les non-Européens que l’histoire a été écrite de façon mystificatrice. Ces versions sommaires de la théorie du complot sont facilement acceptées, notamment parce qu’elles évoquent discrètement des catégories et des schémas explicatifs que le marxisme a rendus familiers : la société est composée de deux catégories antagonistes ; la classe dominante impose à tous – à leur insu des idées qui lui sont favorables. L’histoire des sciences elle-même est prise dans ce tourbillon : selon certains, elle est réputée minimiser, elle aussi, les contributions des « minorités » opprimées. L’histoire de la littérature est réanalysée selon les mêmes schémas. Une historienne de l’éducation, Diane Ravitch, décrit les opérations de censure et d’autocensure auxquelles sont soumis les recueils de textes destinés aux écoliers américains. Car il ne faut heurter la sensibilité d’aucune « minorité ». Ainsi, on élimine d’un texte l’évocation d’un séquoia : un conifère familier, très répandu en Amérique du Nord, mais qui évoque par trop l’arbre de Noël de la tradition chrétienne. Peu de textes sont empruntés aux classiques de la littérature enfantine, car tout texte antérieur à 1970 fait inévitablement preuve de « racisme » et de « sexisme ». Une commission chargée de débusquer les biais présents dans les textbooks recommande d’éliminer un passage sur l’histoire de la culture de la cacahouète sous prétexte que cette graine fut exportée du Brésil à l’issue de la victoire des Portugais sur les tribus locales. Ces épisodes hauts en couleurs ne sont pas propres à la société américaine. Des phénomènes analogues s’observent aussi dans les universités d’Allemagne et d’Europe du Nord, quoique de façon plus discrète. Au Québec, en 2003, un groupe de féministes exige dans les colonnes du quotidien de Montréal Le Devoir (27 mars 2003) que les candidates au doctorat soient soumises à des exigences moins rigoureuses que leurs collègues masculins, afin de satisfaire aussi rapidement que possible au principe de l’égalité des « genres ». Elles précisent que l’idée d’un savoir objectif est une idée fallacieuse, développée par les hommes pour écraser les femmes. En France, le musicien Hector Berlioz a été naguère soupçonné d’avoir voulu comploter contre le Sud au profit de l’Occident. En l’an 2000, le ministre français de la Culture propose de transférer ses restes au Panthéon. Ce projet a été finalement bloqué au plus haut niveau de l’État à la suite d’une polémique où Berlioz fut accusé d’avoir été politiquement incorrect. En effet, son opéra inspiré de L’Enéide de Virgile,Les Troyens, a été présenté comme un hymne incongru à la civilisation occidentale laquelle a, comme on sait, opprimé les autres civilisations. La polémique fut si ardente que le président d’Arte, la chaîne de télévision franco-allemande, a cru devoir s’excuser d’avoir programmé la retransmission de la représentation des Troyens au festival de Salzbourg. Ces épisodes sont instructifs : ils nous permettent sans doute de mieux comprendre les campagnes que la Révolution culturelle chinoise organisa contre Beethoven et Confucius. Afin de confirmer la généralité du processus que j’ai cherché à mettre en évidence à propos de l’inégalité des chances scolaires et du « problème des minorités », je l’illustrerai encore, si vous me le permettez, par l’évocation rapide d’un exemple supplémentaire. http://www.institutcoppet.org/2013/10/02/pourquoi-les-intellectuels-naiment-pas-le-liberalisme-par-raymond-boudon-2003/
poney Posté 10 février 2014 Signaler Posté 10 février 2014 Dans ce cas il faudrait jeter à la poubelle son livre fondamental, Les règles de la méthode sociologique, car ça n'aurait aucun sens de partir du principe "étudier les faits sociaux comme des choses naturelles", c'est-à-dire des phénomènes objectifs et quantifiables agissant en dehors de notre conscience. Je pourrais retrouver toute la démonstration où Durkheim explique comment l'observation sociologique doit partir d'une neutralité axiologique et d'une position de spectateur impartial pour décrire les phénomènes sociaux, qui s'imposent par une pression extérieure, selon un modèle thermodynamique. C'est pourquoi la sociologie fut d'abord une physique sociale, lorsqu'elle s'est constituée comme une discipline sérieuse et autonome. What ? Tu mélanges tout. Tu ne comprends absolument pas Durkheim. Ce que je disais sur le suicide est exactement ce qu'il a fait : l'étudier à base de statistique et non comme une catégorie psychologisante essentialiste. Tu ne fais que répéter ce que je dis en disant que "dans ce cas il faudrait jeter un autre livre". Ca n'a aucun sens.
free jazz Posté 10 février 2014 Signaler Posté 10 février 2014 What ? Tu mélanges tout. Tu ne comprends absolument pas Durkheim. Ce que je disais sur le suicide est exactement ce qu'il a fait : l'étudier à base de statistique et non comme une catégorie psychologisante essentialiste. Tu ne fais que répéter ce que je dis en disant que "dans ce cas il faudrait jeter un autre livre". Ca n'a aucun sens. Les Règles de la méthode sociologique Pour devenir une science, la sociologie doit répondre à deux conditions : Elle doit avoir un objet d’étude spécifique, c’est-à-dire que pour obtenir une légitimité académique, elle doit se distinguer des autres sciences : la sociologie serait l’étude du fait social ; Elle doit mettre en œuvre une méthode de recherche scientifique, rigoureuse, objective, qui se rapproche le plus possible des sciences exactes (comme la biologie) de manière à se détacher le plus possible des prénotions, des préjugés, de la subjectivité produites par l’expérience ordinaire et vulgaire : la sociologie se devra d’étudier les faits sociaux comme des choses. En bref, la sociologie sera la science des faits sociaux, définie par une méthode qui lui est propre. http://fr.wikipedia.org/wiki/Les_R%C3%A8gles_de_la_m%C3%A9thode_sociologique
Anton_K Posté 10 février 2014 Signaler Posté 10 février 2014 Notre débat est miné par un désaccord sur le sens des termes. Je pense que Poney n'entend pas par essentialisme la simple supposition d'une clôture déterministe, préalable à l'étude et qui assure qu'on pourra expliquer, comme dans les sciences naturelles. J'ai l'impression que Poney entend par essentialisme la réduction des phénomènes à une essence exprimable par une ou quelques propositions générales et simplistes auquelles on voudrait ramener toutes les observations. Est-ce que je me trompe ?
José Posté 10 février 2014 Signaler Posté 10 février 2014 Tu mélanges tout. Tu ne comprends absolument pas... free jazz est journaliste.
poney Posté 10 février 2014 Signaler Posté 10 février 2014 Les Règles de la méthode sociologique Pour devenir une science, la sociologie doit répondre à deux conditions : Elle doit avoir un objet d’étude spécifique, c’est-à-dire que pour obtenir une légitimité académique, elle doit se distinguer des autres sciences : la sociologie serait l’étude du fait social ; Elle doit mettre en œuvre une méthode de recherche scientifique, rigoureuse, objective, qui se rapproche le plus possible des sciences exactes (comme la biologie) de manière à se détacher le plus possible des prénotions, des préjugés, de la subjectivité produites par l’expérience ordinaire et vulgaire : la sociologie se devra d’étudier les faits sociaux comme des choses. En bref, la sociologie sera la science des faits sociaux, définie par une méthode qui lui est propre. http://fr.wikipedia.org/wiki/Les_R%C3%A8gles_de_la_m%C3%A9thode_sociologique Ce qui est exactement ce que je disais : se détacher des prénotions c'est refuser l'essentialisme. Je crois que tu penses que dans Durkheim veut une épistémologie pour les sc. sociales proches des sciences la nature et que donc les faits sociaux le seraient par essence, ils seraient "naturels". Ou quelque chose dans ce gout. Or, Durkheim n'a jamais pensé comme ça. Sinon il se serait contenter de dire que le suicide est un fait naturel essentiellement présent chez les hommes pour x raisons. Mais il ne l'a pas fait, il s'oppose à cette vision psychologisante. Notre débat est miné par un désaccord sur le sens des termes. Je pense que Poney n'entend pas par essentialisme la simple supposition d'une clôture déterministe, préalable à l'étude et qui assure qu'on pourra expliquer, comme dans les sciences naturelles. J'ai l'impression que Poney entend par essentialisme la réduction des phénomènes à une essence exprimable par une ou quelques propositions générales et simplistes auquelles on voudrait ramener toutes les observations. Est-ce que je me trompe ? Non, c'est a peu près ça. C'est pour ça que j'ai insisté sur le fait que l'essentialisme peut varier de significations selon l'époque, même si dans les grandes lignes il veut toujours dire la même chose. Mais en gros, c'est l'idée qu'il n'y a pas de signification indépendante d'un contexte. Il peut y avoir du biologique, mais ce n'est pas le rôle des sciences sociales d'en parler. On y connait rien. Ceux qui essayent sont au mieux des fumistes. Certains font des papiers intelligents en s'appuyant sur les sciences cognitives, personnellement ça ne me passionne pas même si je trouve les résultats intelligents. Par exemple, quand les cognitives montrent que le cerveaux est plutôt plastique (ce livre "le cerveau sur mesure" de Vincent et Lledo) et s'adapte aux conditions de vie des individus (récemment encore je lisais dans la presse que les chauffeurs de taxis ont des zones dans leur cerveau dédiées à la géographie bien spécifique qui réagissent mieux que chez l'individu moyen), elle vient "prouver", en quelque sorte, une vieille théorie sociologique qui consiste à dire que la socialisation à un impact très important sur la façon dont individu perçoit le monde.
Ataraxie Posté 11 février 2014 Signaler Posté 11 février 2014 Compte rendu de l'ouvrage Le suicide par Pareto : C'est un livre bien écrit, qu'on lira avec intérêt. L'auteur commence par éliminerles facteurs qu'il nomme extra-sociaux, parmi lesquels on est étonné de trouver l'imitation; il considère ensuite les causes sociales, qui, dit-il, déterminent principalementle phénomène.L'auteur distingue trois espèces de suicides : le suicide égoïste, altruiste et anomique.Il n'est pas facile de bien comprendre ce qu'il entend par là. Mais il paraît que lesuicide égoïste est celui de l'individu qui se tue parce qu'il n'en est pas empêché parl'action sociale ou d'un groupe ; le suicide altruiste au contraire résulterait de ce quel'individu considère que sa vie n'a guère de valeur ; enfin le suicide anomique résulteraitdu manque de réglementation. L'ouvrage se termine par la recherche des remèdespratiques pour empêcher l'augmentation des suicides. Seul le groupement professionnelaurait cette vertu, selon l'auteur.Le raisonnement est malheureusement, dans tout l'ouvrage, fort peu rigoureux.C'est là d'ailleurs un caractère que l'on rencontre dans un grand nombre d'ouvragessociologiques de notre époque. Les auteurs discutent fort peu les sources de leursinformations et donnent souvent des rapprochements fortuits pour des démonstrationsrigoureuses.Pour noter toutes les erreurs de ce genre dans l'ouvrage que nous examinons, ilfaudrait écrire un autre ouvrage d'un nombre égal, ou même plus grand, de pages ;nous nous bornerons donc à citer quelques exemples.L'auteur, parlant du nombre des suicides dit, p. 8 : « Pour une même société, tantque l'observation ne porte pas sur une période trop étendue, ce chiffre est à peu prèsinvariable, comme le prouve le tableau I. C'est que d'une année à la suivante les circonstancesau milieu desquelles se développe la vie des peuples demeurent à peu prèsles mêmes. » On est tout d'abord frappé de voir que le tableau qui est donné pour preuve necontient le nombre des suicides que jusqu'en 1872. On n'arrive même que jusqu'en1869 pour la France. Cela est singulier pour un ouvrage publié en 1897, et ce qui estsurtout regrettable c'est que, pour la France, ce sont précisément les chiffres depuis1872 jusqu'à 1893, lesquels ne cadrent absolument pas avec l'hypothèse de l'auteur.Celle-ci est fondamentale, dans le système de Mr. Durkheim. Il affirme, p. Il quele taux des suicides pour une société considérée « non seulement est constant pendantde longues périodes de temps, mais l'invariabilité est même plus grande que celle desprincipaux phénomènes démographiques. La mortalité générale, notamment, variebeaucoup plus souvent d'une année à l'autre et les variations par lesquelles elle passesont beaucoup plus importantes. »L'auteur croit pouvoir prouver cette proposition en considérant un seul pays : laFrance, et trois périodes : de 1841 à 1846, de 1849 à 1855, de 1856 à 1860. Quellebase fragile pour une proposition générale ! Encore si ces périodes étaient choisies auhasard, mais on les a choisies de manière à donner des résultats favorables à l'hypothèseque l'on veut démontrer. Les années 1847 et 1848 sont exclues parce qu'ellesdonnent des chiffres « exceptionnels » pour les suicides ; mais on conserve, au contraire,des années qui ont présenté une mortalité générale exceptionnelle, telles qu'uneannée de guerre - 1855 - et des années où il y a eu le choléra, comme en 1849. Enprocédant à de semblables choix et en raisonnant de la sorte, il est clair qu'on peutdémontrer tout ce que l'on veut. Ainsi, si l'on voulait démontrer la proposition contraireà celle de Mr. Durkheim, c'est-à-dire que la mortalité générale est beaucoupplus constante que les suicides, on n'aurait qu'à choisir la période 1881-1887. Pendantce temps le maximum de la mortalité générale a été de 860 222, le minimum :828 828, la moyenne : 843 887. Le plus grand écart est donc 0,0194 de la moyenne.Pour les suicides, le maximum a été de 8 202, le minimum : 6 741, la moyenne 7 583.Le plus grand écart arrive donc à 0, 111 de la moyenne.D'ailleurs si l'on trace la courbe qui indique le nombre des suicides en France,depuis 1872 jusqu'à 1893, on verra que ces nombres ne demeurent nullement constants,mais qu'ils augmentent plutôt assez régulièrement.L'auteur met les suicides militaires parmi les « suicides altruistes ». Il prétendqu'ils ne peuvent être causés par le dégoût du métier. Cela est en contradiction avecun grand nombre de faits particuliers bien constatés. Les preuves que donne l'auteursont des preuves a priori qui indiquent non comment les faits se passent maiscomment ils devraient se passer. C'est ainsi qu'il dit, p. 25 : « Il est logique d'admettreque le dégoût du métier doit être beaucoup plus prononcé pendant les premièresannées de service et aller en diminuant à mesure que le soldat prend l'habitude de lavie de caserne. » Cela est possible, mais le contraire l'est aussi, et c'est à l'observationseule qu'il appartient de décider. Si le raisonnement de l'auteur était valable en touscas, on pourrait le répéter pour les difficultés de la vie en général, et en déduire que lenombre des suicides doit aller en diminuant à partir de 20 ou 25 ans, à mesure quel'homme prend l'habitude de la lutte pour la vie. Or on sait que c'est le contraire qui alieu. Pour prouver que « les causes du suicide militaire sont, non seulement différentes,mais en raison inverse de celles qui contribuent le plus à déterminer les suicides civils» (p. 257), l'auteur cite le fait qu'à Bologne, en Italie, on a un maximum de suicidesmilitaires et un minimum de suicides civils. Or comme en Italie le recrutement n'estpas régional, il y a à Bologne des conscrits de toutes les parties du royaume, et l'on necomprend pas comment ces conscrits peuvent se trouver soumis à certaines influences« sociales » propres à Bologne. Mr. Durkheim nous dit lui-même (p. 361), qu'on a taxé sa conception de « scolastique» et qu'on lui a reproché « de donner pour fondement aux phénomènes sociaux...un principe vital d'un genre nouveau ». C'est bien là l'impression qui se dégagede la lecture de son ouvrage. Il paraît donner des abstractions métaphysiques pourcause des phénomènes réels, ce qui est le propre des théories du genre de celle de « laforce vitale». Il se peut que sous ces abstractions se cache quelque réalité. C'est à l'auteurde l'en dégager et de nous faire connaître par quels faits réels il entend expliquerd'autres faits. Pour tout disciple de la méthode expérimentale, aucune autre explicationne saurait être admise. [Zeitschrift für Socialwissenschaft, I, 1898, p. 78-80.]
poney Posté 11 février 2014 Signaler Posté 11 février 2014 Merci pour cette contribution de haut-vol. Dommage que ça rate l'essentiel de "pourquoi lit-on encore Durkheim ?". Bon, à son époque, Pareto ne pouvait pas, bien sur, y répondre. Ca me fait penser que, au début des 90's, un sociologue américain dont le nom m'échappe, avait dit au micro de la conf' annuelle de American Sociologist Association "Durkheim ? Who cares ?"
free jazz Posté 12 février 2014 Signaler Posté 12 février 2014 Ce qui est exactement ce que je disais : se détacher des prénotions c'est refuser l'essentialisme. Je crois que tu penses que dans Durkheim veut une épistémologie pour les sc. sociales proches des sciences la nature et que donc les faits sociaux le seraient par essence, ils seraient "naturels". Ou quelque chose dans ce gout. J'ai relu les Règles de la méthode sociologique, et tu as définitivement tort : Durkheim est absolument essentialiste, au point de concevoir les faits sociaux comme des phénomènes naturels qui s'imposent avec la même force aux individus que les déterminations biologiques. Sinon, enfin un peu de bon sens dans l'inflation d'idéologie genreuse : la vertu des stéréotypes, condition du développement psychique équilibré et de la coopération sociale. Sans stéréotypes, pas d'autonomie ni d'exercice du libre-arbitre possibles. Les bons stéréotypes 12.02.2014 Les classes françaises sont devenues mixtes sans grands débats entre 1960 et 1970. On pensait qu’éduquer les garçons et les filles ensemble suffirait pour qu’ils se dirigent plus tard vers des métiers différents de ceux auxquels ils étaient assignés. Le résultat n’est pas au rendez-vous. Puis, on s’est aperçu que filles et garçons n’étaient pas orientés de la même façon, la faute aux stéréotypes. D’où la remise en question de ces fameux stéréotypes dès le primaire. L’ABCD de l’égalité vise donc à transmettre une culture de l’égalité dans le but de réduire les inégalités professionnelles à l’âge adulte. Pas de quoi s’émouvoir sauf que l’égalité est un horizon quasiment inconnu qui peut faire peur. Nous sommes tellement habitués à ce que les différences servent à établir des hiérarchies que nous avons tendance à penser qu’en supprimant les différences, on abolira la hiérarchie. Est-ce si sûr ? « C’est un garçon » ou « c’est une fille » sont souvent les premières paroles qu’un nourrisson entend quand il vient au monde. Ce n’est pas toujours une surprise, la faute à l’échographie. Paradoxalement, la connaissance prénatale du sexe fait disparaître la seule période où les enfants ne sont pas différenciés par le sexe. Tout reste encore à faire pour que l’identité psychique et sociale se construise sur cette identité biologique. À contre-courant, je pense que certains stéréotypes sont structurants pour les garçons comme pour les filles. Je suis effarée de voir dans les crèches suédoises l’emploi du genre « neutre » et l’indifférentiation qui est prônée. À l’âge de la crèche, garçons et filles doivent s’affirmer dans leur sexe par l’identification aux adultes et aux enfants du même sexe qu’eux et…grâce aux stéréotypes. Ceux-ci ne sont pas immuables : on peut proscrire ceux qui introduisent une hiérarchie ou des comparaisons dévalorisantes; on peut ne porter aucun jugement sur les enfants qui ne s’y conforment pas : libre à eux de se dégager des stéréotypes mais pas de les ignorer. Ce n’est pas la même chose de « faire comme les garçons » et « d’être un garçon ». Etre assuré dans la fierté de son sexe est un préalable incontournable au respect égalitaire de l’autre sexe. Je trouve ridicule de débaptiser l’école maternelle au prétexte que l’enfant y aurait besoin de soins forcément dévolus à la mère. Il serait plus efficace que davantage d’hommes prodiguent ces fameux soins dont les enfants d’âge pré-scolaire ont effectivement besoin. Ça leur montrerait que le « maternel » est une fonction qui n’est pas l’apanage des femmes! Le médecin et psychologue Leonard Sax qui vient de publier « Pourquoi les garçons perdent pied et les filles se mettent en danger » (JC Lattès) montre avec force exemples que la non reconnaissance des différences dans l’enseignement renforce les stéréotypes de genre au lieu de les atténuer. C’est contre les inégalités et non contre les différences qu’il faut lutter et des approches pédagogiques qui en tiennent compte montrent qu’on peut atteindre ce noble but. http://www.franceculture.fr/emission-les-idees-claires-de-caroline-eliacheff-les-bons-stereotypes-2014-02-12
Anton_K Posté 12 février 2014 Signaler Posté 12 février 2014 J'ai relu les Règles de la méthode sociologiques, et tu as définitivement tort : Durkheim est absolument essentialiste, au point de concevoir les faits sociaux comme des phénomènes naturels qui s'imposent avec la même force aux individus que les déterminations biologiques. Je crois que nous avons établi que vous n'utilisiez pas la même définition du mot essentialisme.
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