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Le Libéralisme Français Vs Anglais


ronan

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Le texte qui est proposé ci-dessous est un article de Lucien Jaume, directeur de recherche au CNRS. (si les modos peuvent modifier le sous-titre du fil, guère explicatif :icon_up: )

I. INTRODUCTION

  1. Les rapports du libéralisme avec les phénomène révolutionnaires sont complexes, ce qui contribue aux difficultés pour caractériser le libéralisme comme un ensemble doté d’unité. D’un côté, le libéralisme peut être conservateur, notamment en s’opposant à divers moments aux poussées populaires d’esprit démocratique et radical, comme on le voit en France sous la monarchie de Juillet, ou, à la même période, en Angleterre vis-à-vis du chartisme. Mais en même temps le libéralisme est porteur de la modernité, il est issu d’aspirations révolutionnaires, il vient stabiliser certaines phases révolutionnaires, avec la volonté d’en garder les acquis : le libéralisme anglais, sous la forme du whiggisme, est une consolidation progressive, réformiste, de la « Glorious Revolution » de 1688 ; le libéralisme français est profondément marqué par 10 ans de Révolution, mais aussi par la phase autoritaire de Napoléon dont il voudrait assouplir les institutions. Le combat sur deux fronts à la fois (celui des révolutionnaires, celui des contre-révolutionnaires) le mobilise tout au long du XIXe siècle.

  2. Sur un plan intellectuel, le lien essentiel que le libéralisme possède avec l’idée de liberté le met en phase avec certains aspects de l’esprit révolutionnaire : chez Locke, dans le Second traité du gouvernement, la révolution est l’horizon permanent, le débouché toujours possible par rapport à la normalité politique. Locke est sans doute la pensée libérale qui unit jusqu’à un point inégalé l’esprit de conservation et l’esprit de révolution. Cependant, en France, l’orléanisme, quoique issu d’une révolution (celle de 1830), veut aussitôt freiner ce que Guizot et Rémusat appellent « l’esprit révolutionnaire », et en Angleterre, Burke (qui est un whig et non pas un tory) s’insurge contre la pratique de la « table rase » dans la Révolution française. On peut donc se demander en quoi Benjamin Constant et Guizot, par exemple, ou Locke et Burke, en Angleterre, participent  d’un même univers qualifié de « libéral ». Je vais d’abord essayer de montrer ce qui justifie une telle appellation commune ; ultérieurement j’approfondirai le cadre historique propre à chacun des deux libéralismes. Enfin, dans une dernière étape, je montrerai les conséquences sur trois domaines essentiels.

La suite : http://hc.rediris.es/cuatro/articulos/html/12.htm

N'y-a-t-il de libéralisme théorique que comparatiste (Montesquieu, Tocqueville, Aron) ?

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je n'ai pas encore lu ce texte de Lucien, mais a priori, je trouve la distinction peu opérante au regard d'une autre, qui oppose l'utilitarisme anglais du XIXe au jusnaturalisme français de la même époque. Ce que le vieux Murray a bien souligné, du reste.

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je n'ai pas encore lu ce texte de Lucien, mais a priori, je trouve la distinction peu opérante au regard d'une autre, qui oppose l'utilitarisme anglais du XIXe au jusnaturalisme français de la même époque. Ce que le vieux Murray a bien souligné, du reste.

Tu devrais. Quoique schématique par construction (lecture à un colloque), c'est à mon avis l'une des analyses les plus finement dressées de l'évolution comparée de l'émergence des idées libérales dans le programme politique en France vs UK au début du XIXè afin de définir en creux le libéralisme. Il mentionne à peine Malthus ou Bentham, en effet, sans doute en raison de sa perspective plus pragmatique qu'idéologique. Je n'ai pas lu Murray Rothbard, qui (hélas) ne m'intéresse guère, et ne pourrais donc te suivre sur ce point. En revanche, j'ai dorénavant très envie de lire les ouvrages de Lucien Jaume, un libéral français non doctrinaire (un oiseau rare, en somme).

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j'ai dorénavant très envie de lire les ouvrages de Lucien Jaume, un libéral français non doctrinaire (un oiseau rare, en somme).

C'est vrai, je l'appréciais moi aussi bcp (il est mort récemment, il me semble)

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C'est vrai, je l'appréciais moi aussi bcp (il est mort récemment, il me semble)

La page perso de son labo n'en dit mot; en es-tu sûr ? http://www.afsp.msh-paris.fr/annu/fiches/jaume.html

un article d'une revue interne du CNRS daté du 19 juillet dernier le mentionne aussi bien vivant : http://www.cnrs.fr/SHS/recherche/article.php?id_article=137

L'as tu eu comme prof à Sc Po ?

@Ronnie

Merci de tes précisions, j'irais donc bavarder avec l'auteur en connaissance de cause ;-)

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non je ne l'ai jamais eu comme prof. Il est vraisemblable que je me trompe, car en effet personne ne le mentionne. Je ne sais plus d'où je sors cela, ma mémoire me joue des tours en ce moment…

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non je ne l'ai jamais eu comme prof. Il est vraisemblable que je me trompe, car en effet personne ne le mentionne. Je ne sais plus d'où je sors cela, ma mémoire me joue des tours en ce moment…

C'est sans importance. Je ne sais pas si la gymnique pelvienne prolongée en tenue de fantassin impérial active les neurones, il faudra que je consulte les exégètes qualifiés , Dante et Randal, pour l'apprendre ! http://www.viewaskew.com/clerks/ (:icon_up:

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j'ai lu l'article de Lucien, il est très bien, en effet.

ah, tu vois ! :icon_up: Non seulement, on le ressuscite par le dialogue mais en plus, on est confirmé dans ses préjugés positifs : un bel exemple de processus catallactique, en résumé (;-) . Je l'ai fait lire à un ami trotskiste comme point de départ d'un dialogue sur nos idées politiques respectives, et le texte lui a également plu : très consensuel, Lucien Jaume. En le lisant, j'ai parfois cru lire Aron, chose que je n'éprouve pas en lisant Manent :doigt: .

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catallaxia hébergerait volontiers ce texte, je pense.

Excellente idée. À ce propos, peut-être pourrait-on ouvrir un fil spécialement dédié de Liberaux.org pour poster et discuter des suggestions de texte pour Catallaxia. Les fils et les messages qui y donnent lieu, le cas échéant, sont un peu épars àmha.

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Moi si, Manent et Aron sont aussi soporifiquement académiques l'un que l'autre.

:icon_up:  :warez::doigt:

Bon, ce n'est pas Bastiat soit, mais à ce point-là ? Inscrit en socio à la Sorbonne en 68, te serais-tu endormi en haut de l'amphi ou aurais-tu chahuté le mandarin avec les trots' ?

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Bon, ce n'est pas Bastiat soit, mais à ce point-là ?  Inscrit en socio à la Sorbonne en 68, te serais-tu endormi en haut de l'amphi ou aurais-tu chahuté le mandarin avec les trots' ?

Déjà, je ne me serais jamais inscrit en socio ! :warez:

Mais, ceci dit, je n'apprécie pas la position d'Aron pendant mai 68, genre: "Comment ?! quelques trublions ont osé défier l'appareil d'Etat !!". Il a ainsi montré qu'il était un intellectuel du système en place, quoi qu'il en eût.

Ah, là, je sens que je viens de lancer un beau pavé dans la mare ! :doigt:

N'oublions pas qu'il s'agissait d'une révolution qui comportait au moins autant d'éléments anti-communistes (en dépit de la présence de crétins maos) qu'anti-gaullistes. Voir, d'ailleurs, en Allemagne comment des universitaires marxistes se sont vus chahuter. Je pense à cette anecdote à Francfort: quand une bonne femme avait montré ses loches au pontifiant Adorno. :icon_up:

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ok, à ceci près que je ne crois pas disposer des droits suffisants pour placer le fil en haut du forum, dans la zone intemporelle. Sinon, je crains qu'il ne soit éphémère…

je le mettrai hors du temps.

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Déjà, je ne me serais jamais inscrit en socio !  :warez:

Mais, ceci dit, je n'apprécie pas la position d'Aron pendant mai 68, genre: "Comment ?! quelques trublions ont osé défier l'appareil d'Etat !!". Il a ainsi montré qu'il était un intellectuel du système en place, quoi qu'il en eût.

Ah, là, je sens que je viens de lancer un beau pavé dans la mare !  :icon_up:

D'accord avec toi sur la réaction d'Aron en 68, un peu ridicule, hélas. Mais venant d'une famille de Juifs lorrains au patriotisme naturellement exacerbé (je possèdes des origines lorraines, je le comprends), ayant grandi pendant le 1er conflit mondial et s'étant dévoué, en homme libre vis à vis de César, à la France Libre en 40, je me sens (très) mal placé pour juger les choix qu'il a pu conduire avant même ma naissance.

Et puis, ce qui est excessif est insignifiant comme disait Talleyrand, je crois.

Pour rester aronien, je viens de voir que l'excellent Simon Leys faisait parti du comité de patronage de la revue "Commentaire" : en voilà un d'Outre-Quiévrain qui ne fera pas se retourner dans sa tombe le penseur français ! :doigt:

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Et puis, ce qui est excessif est insignifiant comme disait Talleyrand, je crois.

C'est ce que je me suis dit en lisant les critiques d'Aron adressées à l' "ultralibéralisme" de Hayek. :doigt:

http://www.catallaxia.org/sections.php?op=…rticle&artid=26

Mais je pense surtout à sa conclusion de l'article qu'il consacra à Constitution of Liberty:

La primauté de la liberté telle que la conçoivent les libéraux, primauté que nous n'avons pas acceptée sans réserves sur le plan philosophique, faut-il donc l'accepter sur le plan économico-social? La société conforme à l'idéal des libéraux serait-elle non pas seulement la meilleure moralement mais la plus efficace?

J'ai toujours peine, personnellement, à croire que moralité et utilité, par harmonie préétablie, coïncident pleinement. Je me méfie des ruses de la raison comme de la virtuosité des économistes. Je ne refuserai pas mon admiration à la démonstration de Hayek, mais je réserverai ma foi. Les libéraux ont parfois tendance, comme les marxistes, à croire que l'ordre du monde pourrait réconcilier nos aspirations avec la réalité. Cette confiance ne manque pas de grandeur. "Souffrez que je l"admire et ne l'imite point."

(in "La Définition libérale de la liberté", Etudes politiques, Gallimard, 1972)

Pour rester aronien, je viens de voir que l'excellent Simon Leys faisait parti du comité de patronage de la revue "Commentaire" : en voilà un d'Outre-Quiévrain qui ne fera pas se retourner dans sa tombe le penseur français !  :icon_up:

Leys est un écrivain stylé; pas seulement essayiste, d'ailleurs. Je me suis promis d'acheter bientôt ceci:

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C'est ce que je me suis dit en lisant les critiques d'Aron adressées à l' "ultralibéralisme" de Hayek.  :icon_up:

Mais je pense surtout à sa conclusion de l'article qu'il consacra à Constitution of Liberty: (…)

L'article reproduit par Manent dans son volume sur Les Libéraux m'a moi aussi surpris. Mais cette critique est légitime et finalement salutaire. Comme le rappelle avec juste raison, je crois, Manent, Hayek est doctrinaire : c'est sa force et sa limite. Pour moi, ses utopies représentent un modèle-limite plus qu'un modèle à imiter pour le politique. Certaines idées de The Constitution of Liberty feront leur chemin, d'autres pas. Hayek est bien un "ultra", je m'en suis d'aileurs convaincu en visionnant le documentaire où il apparaît devant des étudiants de Stanford fin 70. Cela ne fera pas moins de certaines parties de son oeuvre, des "classiques" des sciences sociales. Du moins, je l'espère.

Leys est un écrivain stylé; pas seulement essayiste, d'ailleurs.

Je serai plus catégorique : Leys est le plus grand écrivain francophone en activité que je connaisse (qu'on ne me parle pas de Julien Gracq, vain et dérisoire en comparaison de la limpidité classique du sinologue belge)

Je me suis promis d'acheter bientôt ceci:

Trop tard, pour le circuit traditionnel en tout cas, car l'édition est en réimpression…

À défaut, console-toi si ce n'est déjà fait avec le merveilleux ouvrage que voici :

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L'article reproduit par Manent dans son volume sur Les Libéraux m'a moi aussi surpris. Mais cette critique est légitime et finalement salutaire. Comme le rappelle avec juste raison, je crois, Manent, Hayek est doctrinaire : c'est sa force et sa limite. Pour moi, ses utopies représentent un modèle-limite plus qu'un modèle à imiter pour le politique. Certaines idées de The Constitution of Liberty feront leur chemin, d'autres pas. Hayek est bien un "ultra", je m'en suis d'aileurs convaincu en visionnant le documentaire où il apparaît devant des étudiants de Stanford fin 70. Cela ne fera pas moins de certaines parties de son oeuvre, des "classiques" des sciences sociales.   Du moins, je l'espère.

Comparé à Manent ou Aron, il est certain que Hayek peut passer pour un doctrinaire. Cependant, sa pensée n'est pas figée (on pourrait même lui reprocher de ne pas avoir suffisamment établi ses assises théoriques). Il est d'ailleurs connu que les libertariens lui inspiraient quelque scepticisme.

Trop tard, pour le circuit traditionnel en tout cas, car l'édition est en réimpression…

En France, peut-être, mais pas en Belgique: je l'ai encore vu la semaine dernière. "Espaces Nord" est une maison d'édition belge, me faut-il préciser.

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Comparé à Manent ou Aron, il est certain que Hayek peut passer pour un doctrinaire. Cependant, sa pensée n'est pas figée (on pourrait même lui reprocher de ne pas avoir suffisamment établi ses assises théoriques).

Sa pensée est trop systématique pour être adaptative, à mon avis. Son côté doctrinaire s'illustre dans le processus d'inclusion/exclusion qu'il applique aux autres auteurs : il manifeste une propension inquiétante à classer les auteurs et leurs oeuvres, soit parmi ses devanciers (Mandeville/Hume/Smith etc.), soit parmi "les" constructivistes adversaires irréductibles de "sa" tradition libérale.

http://asterion.revues.org/document17.html?format=print

Ses assises théoriques me paraissent plutôt solides : théorie de la connaissance, théorie de la formation psycho-cognitive des idées, individualisme méthodologique (trop rationalisant, certes), théorie de l'histoire du droit etc. L'alliance d'une aperception aussi rigoureuse jointe à une érudition historique aussi poussée tant en psychologie qu'en droit et en sciences est une qualité presque unique parmi les penseurs libéraux depuis Locke ou Adam Smith. Le défaut apparaît plutôt dans la généralisation sans précaution de certains concepts ou l'application sans borne de certains principes. Ce n'est qu'un point de vue.

Il est d'ailleurs connu que les libertariens lui inspiraient quelque scepticisme.

Il n'est pas le seul dans ce cas. :doigt:

En France, peut-être, mais pas en Belgique: je l'ai encore vu la semaine dernière. "Espaces Nord" est une maison d'édition belge, me faut-il préciser.

Damned ! :icon_up: Merci du tuyau, je saurais quoi faire lors de ma prochaine escapade bruxelloise.

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