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Let's Make Money (by condemnig the money)


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Let's Make Money

La fabrique des injustices

L'homme conduit sa voiture dans les rues de Chennai en Inde, une ville plus connue sous son ancien nom, Madras. Mirko Kovats est autrichien et dirige A-Tec, une importante société industrielle très présente sur les marchés du cuivre. En route pour l'une de ses usines indiennes, l'industriel ne tarit pas d'éloges sur le pays : «Ici, personne ne demande quoi que ce soit à l'Etat ! Tout le monde se débrouille tout seul», confie-t-il devant la caméra. Un discours parasité par l'arrière-plan. Derrière les vitres du véhicule, les faubourgs loqueteux de Chennai défi lent : chaussées délabrées, bidonvilles installés sous des publicités géantes pour des marques de téléphonie mobile…

C'est une des scènes fortes du documentaire d'Erwin Wagenhofer, réalisateur déjà repéré pour son We Feed the World, un film sur l'industrie alimentaire. Cette fois, il propose un voyage didactique sur une planète dérégulée, sans aucun garde-fou. Sans voix off, sans commentaire, ses pérégrinations sont agrémentées d'interviews de plusieurs businessmen assez saisissantes, telle celle de Mark Mobius, président de Templeton Emerging Markets, qui, ruisselant de sueur après sa séance quotidienne de sport, assure que «l'investisseur ne doit pas être responsable de l'éthique, de la pollution ou de quoi que ce soit que produit la compagnie dans laquelle il investit».

Le périple d'Erwin Wagenhofer débute en Suisse, au Mont-Pèlerin un village surplombant le lac Léman. C'est ici qu'en 1947 a été fondée par l'économiste Friedrich Hayek la Société du Mont-Pèlerin, un groupe réunissant politiques et économistes libéraux. Erwin Wagenhofer dépeint ce groupe comme une société presque secrète, agissant dans l'ombre, dont plusieurs membres figuraient dans les gouvernements Reagan et Thatcher. La Société du Mont-Pèlerin aurait posé et imposé les bases du néolibéralisme : privatisations, libre circulation des marchandises et des flux financiers, affaiblissement de l'Etat… Si la thèse développée par Wagenhofer peut séduire, elle pèche néanmoins par son manque d'argumentation.

En revanche, son reportage sur la Costa del Sol et ses milliers de constructions vides, uniquement bâties pour spéculer sur l'immobilier, est beaucoup plus convaincant. Tout comme celui consacré au Burkina. Dans ce pays africain, l'économie dépend entièrement du coton. Mais les agriculteurs locaux, pourtant bon marché et encouragés par la Banque mondiale à se spécialiser dans cette activité, subissent de plein fouet la concurrence des Etats-Unis, lesquels subventionnent abondamment leur agriculture. «Les Américains pratiquent le protectionnisme tout en nous demandant d'être libéraux. Le coton pourrait rapporter près de 80 milliards de francs CFA au pays chaque année, enrage Francis Kologo, directeur de Sofitex, un producteur burkinabé. Au lieu de quoi, nous recevons 20 milliards d'aides et de subventions. Vous pourrez construire tous les murs que vous voudrez, mais vous ne pourrez pas empêcher les pauvres de vous envahir.» Wagenhofer ponctue son voyage en Afrique avec d'effarantes images : dans une carrière de pierre, sorte de bagne sans chaînes, des femmes et des enfants cassent des pierres pour 50 centimes d'euros par jour.

Notre avis

Cinéaste militant, Erwin Wagenhofer a le sens de l'à-propos. En 2006, son documentaire sur le business de l'alimentaire, We Feed the World, devançait de quelques mois les émeutes de la faim. Cette année, son deuxième film, Let's Make Money, sort en plein débat sur les paradis fiscaux et la régulation du capitalisme.Edifiante et instructive, son enquête pourrait connaître le même succès que Le Cauchemar de Darwin.Un regret : le film ayant été tourné en 2007, avant la crise, l'ignore donc, alors que l'on aurait aimé connaître les réactions aux bouleversements actuels de certains protagonistes du film - industriels et financiers pétris de certitudes libérales…

(Sortie en salles le 15 avril.)

Vincent Monnier

http://www.challenges.fr/styles/culture/01…oney&xtcr=2

Condamner l'excès de dérégulation avec un parfait exemple des méfaits que son absence peut engendrer. Brillant!! Même le journaliste gobe sans broncher!

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Trompeusement attiré par le titre, je pensais avoir droit à quelque chose de "solide" sur la création monétaire. Au final une juxtaposition d'images de méchants en costume et de gentils en haillons.

Je suis sorti à la moitié du film, quand après avoir dénoncé assez justement les subventions agricoles des pays du Nord, le docu refait parler le membre de la MPS sans lui demander son avis sur ces subventions, qui aurait sans doute trop "nuancé" le propos antilibéral…

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