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De l'importance d'avoir une armée forte, ou pas


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Comment conduire vraiment la guerre ?

 

Citation

Pouvez-vous donner quelques exemples de cet art opératif soviétique ?

JL : Après la conférence de Téhéran (novembre 1943), Staline prend acte d'un vrai basculement dans l'enjeu de la guerre : il ne s'agit plus ni de libérer le territoire soviétique, ni de battre l'Allemagne – la chose est assurée –, mais de se positionner au mieux en Europe. Dès lors, le but n'est plus seulement d'éventrer les Allemands – ce sera l'opération Bagration, à partir de juin 1944 – mais de foncer vers la Pologne, la Hongrie, la Roumanie. On passe d'une conduite de la guerre à vue à une vision géopolitique prévoyant la conquête d'un glacis et des changements de régime. Dès lors, chaque opération militaire va être pensée en fonction de ce but. Par exemple, comme les frontières de la Pologne seront déplacées de 200 kilomètres vers l'ouest, elle aura besoin d'un grand bassin industriel qui la rende viable et qui lui assure une classe ouvrière forte, base du nouveau régime. La Silésie allemande sera cette base et ce bassin. Elle doit donc être physiquement épargnée. À partir de cette exigence, Koniev dessine une opération intelligente qui n'encercle pas tout à fait la XVIIarmée allemande – ce qui contraindrait à l'assiéger dans le bassin industriel et donc à endommager celui-ci – mais lui laisse une porte de sortie étroite.
 

JL : Les Américains ont une approche libérale de la guerre : ils refusent la guerre comme phénomène politique. Soit il n'y a pas de guerre, soit ils mènent la guerre en autistes, sans relation dialectique avec l'ennemi, sans dialectique des volontés. Cette manière de penser vient en partie de la guerre de Sécession, essentielle pour comprendre toute leur histoire militaire : au début, le Nord a d'abord voulu réintégrer les États sécessionnistes dans l'Union, puis la ligne stratégique a changé ; il a décidé de détruire le Sud, sa société, ses institutions, d'éradiquer l'ennemi.

BB : Cette ligne n'a guère bougé ensuite : regardons la Corée, le Vietnam, l'Irak, l'Afghanistan, où il s'agit à chaque fois d'anéantir l'ennemi et de provoquer un changement de régime (la doctrine du régime change). Les Américains sont victimes de leur culte obsessionnel de la technologie : comme les Allemands auparavant, ils recourent toujours à une solution technique pour anéantir l'adversaire en espérant que la victoire résoudra le problème politique sous-jacent.

 

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