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Sur Le Droit Naturel


Domi

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Voici quelques réflexions personnelles sur le droit naturel. Il y manque sans doute de l’érudition car je n’ai lu aucun ouvrage traitant du sujet à moins de prendre en compte une lecture rapide de l’éthique de la liberté de Rothbard.

Mais comme pour la plupart des auteurs les principes du droit naturel peuvent être découverts par l’usage de la raison, j’ai tenté de faire l’usage le plus approprié de mes facultés…

Mélodius avait dit dans une autre discussion qu’il ne voyait pas pourquoi le Droit Naturel devrait obéir à un grand principe plutôt qu’à une série de principes.

Pourtant, je dois avouer que j’ai tendance à trouver plus convaincante une philosophie « unitaire », qu’un agrégat de principes hétérogènes dont on ignore le lien. Si l’unité n’est pas la preuve de la vérité de la doctrine dont c’est la caractéristique, en revanche l’hétérogénéité me semble une marque de fausseté.

C’est un peu l’image que j’ai du propriétarisme. Il définit les droits de chacun à partir des droits de propriété. Principalement : droits de propriétés de chacun sur son corps et sur le produit de son activité. Mais l’addition de ces petits principes que sont les droits de propriété sur telle ou telle chose, laisse à mon sens, l’impression d’un manque de cohérence intellectuelle. Je sais par ailleurs que Rothbard en donne une justification dans l’ethique de la liberté, mais je dirais, pour faire court que cette justification ne m’a pas convaincu. Il est vrai que cette défiance est peut-être liée avant tout à ma méconnaissance de la doctrine en question et mon but n’est pas tant de critiquer le propriétarisme que de proposer une autre approche pour parvenir aux mêmes conclusions.

J’ai en effet été plutôt attiré au départ par une réflexion sur la formule de la déclaration des droits de l’homme de 1789 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». Voilà un principe clair pour définir les droits de chacun qui me paraissait plus satisfaisant qu’une addition de droits de propriété.

Toutefois, en tirant les conclusions de cette formule, je suis arrivé tout d’abord à un résultat bien moins satisfaisant que ce à quoi je m’étais attendu au départ et bien inférieur de ce point de vue, sinon dans la méthode de justification du résultat, au propriétarisme.

Aujourd’hui, j’ai une approche un peu différente de cette formule qui me fait penser que l’on peut tenter de fonder le droit naturel à partir d’elle. Avant cela, je vous laisserai découvrir les premiers résultats auxquels j’étais parvenu. Et avant cela encore, quelques avant-propos seront nécessaires.

I. LA LIBERTE CONSISTE A POUVOIR FAIRE TOUT CE QUI NE NUIT PAS A AUTRUI. AVANT- PROPOS.

Avec cette méthode, l’on définit la liberté de A, par rapport à ce qui ne nuit pas à B. Mais il se trouve que cela délimite également la liberté de B, celle-ci se trouvant garantie du fait que A ne pourra rien entreprendre de nuisible pour lui ( = :icon_up:.

Néanmoins, il se poserait un problème si la détermination des droits de B était ainsi différente de celle des droits de A que cette méthode produit simultanément. Or, dans ma première approche, j’en avais conclu que les droits de B ainsi déterminés, étaient largement supérieurs à ceux de A, de telle sorte que B avait la possibilité d’interdire à A d’entreprendre quoi que ce soit. Le problème se corsait lorsqu’il était question de la mise en œuvre de l’interdiction parce qu’à ce moment-là, A pouvait présenter l’interdiction comme étant une initiative nuisible pour lui et, en quelque sorte, inverser les rôles.

Voici comment j’étais parvenu à un tel résultat.

II. LA LIBERTE CONSISTE A POUVOIR FAIRE TOUT CE QUI NE NUIT PAS A AUTRUI- PREMIERE APPROCHE.

Il faut donc définir ce que signifie : « nuire à autrui ».

Je remplace ce terme par « causer A une nuisance à autrui B » ou par « provoquer un changement A qui aura pour autrui le caractère d’une nuisance B ».

Il faut donc déterminer ce que l’on appelle causer et ce qui est nuisible ou pas.

A. La causalité- Provoquer un changement.

Il y a certainement des considérations très approfondies sur la notion de causalité. Ce que je dirai ici sera beaucoup plus simple.

A un moment de ma vie, j’avais pensé qu’on ne pouvait pas faire de distinction entre celui qui passait à côté d’une personne se noyant sans rien faire et celui qui la poussait à l’eau. Ce n’est pas que je rapprochais simplement sur le plan moral les deux comportements mais que je croyais qu’il était impossible de déterminer un rôle causal différent pour ces deux comportements et finalement de les définir l’un par rapport à l’autre.

Je me disais. « Il y a des milliers de manière et de gestes à faire pour entraîner quelqu’un dans l’eau et des milliers de manières différentes de le laisser se noyer. Nous faisons une séparation arbitraire entre les deux ensembles. Il y a dans chaque cas une infinité de comportements différents qui sont suivis d’un résultat et qui donc en sont la cause. Celui qui ne sauve pas cause bien la noyade de l’autre en ne le sauvant pas »

En réalité, il y a un principe simple pour savoir si une personne a causé ou non quelque chose : imaginer ce qui se serait passer si elle n’avait pas été présente ou si elle n’avait pas existé.

Celui qui se noie après être tombé à l’eau tout seul ne peut pas dire : « sans untel qui est passé devant moi sans rien faire, je ne me pas noyé ».

C’est ce que peut affirmer en revanche celui qui s’est noyé en étant poussé à l’eau. Il est vrai que bien souvent ces personnes n’affirment pas grand-chose, ce qui est bien préjudiciable à cette démonstration. Mais il ne faut pas trop attendre des gens qu’ils fassent preuve de bonne volonté.

J’ajoute que dans une approche propriétariste, une atteinte au droit sera définie en fonction du rôle causal de son auteur.

Il me reste à définir le caractère nuisible du changement provoqué.

B- La nuisance. Le caractère de nuisance du changement considéré.

Comme dans une approche libérale nul ne peut dire ce qui est bon pour autrui, il en résulte que l’appréciation du caractère nuisible d’un changement est lié à l’arbitraire de celui qui s’en estime la victime

C- Conclusion :

Tout changement, provoqué par l’action de quiconque, pourra donc être considéré comme nuisible par autrui et en conséquence être prohibé. Seule la première partie de la définition a une importance.

Cela a un domaine très étendu. Je me permets de faire la liste des changements ainsi prohibés, l’interdiction de certains actes paraissant plus ou moins justifiée à un bon libéral selon les cas, cette énumération sera certainement utile.

Je distingue les changements provoqués par A ayant des conséquences sur A, ceux ayant des conséquences sur B et ceux ayant des conséquences sur tout ce qui est extérieur à A et B.

1- changement ayant des conséquences sur soi uniquement.

C’est par exemple le fait d’adopter une religion particulière, de choisir une tenue vestimentaire. Ces choix de A peuvent faire souffrir B qui pourra ainsi les interdire, selon le modèle que je présente ici.

2- Changement ayant des conséquences sur la nature, sur les choses.

Je propose ici deux distinctions :

- A peut toucher à des choses que B aura auparavant travaillées de ses mains ou à des choses qu’il n’aura pas travaillées de ses mains.

- A peut toucher à des choses avec lesquelles B est susceptible d’entrer en interaction ou non.

Concernant la deuxième distinction, j’appelle la motivation de B à empêcher A d’avoir une incidence sur des choses avec lesquelles B n’est pas susceptible d’entrer en interaction, un intérêt putatif.

Je veux préciser ici la distinction entre intérêt interactif et intérêt putatif :

- dans le premier cas le plaisir où la souffrance que me donne une chose dépend de l’existence de cette chose sans laquelle je ne pourrai pas être en interaction avec elle. Le plaisir que j’ai à entendre un morceau de musique à la radio ne peut exister si ce morceau ne passe pas réellement.

- Dans le second cas, la joie ou la peine sont fonction de ma croyance en l’existence d’une chose ou d’une autre. Pour un défenseur des éléphants d’Afrique qui n’est jamais sorti de Paris, la peine qu’il aurait à apprendre la disparition du dernier éléphant de ce continent est indépendante de la réalité de cette disparition.

« Interactivité et putativité » sont toujours fonction de la relation entre une personne et un événement considéré. Dans le deuxième exemple, l’information qui a donné de la peine à l’amoureux des éléphants lui a été transmise par une intéraction, c'est-à-dire par un moyen physique et à l’aide des cinq sens. Néanmoins à l’égard de l’événement « disparition des éléphants en Afrique » la relation du défenseur des éléphants est d’ordre putative.

Il y a des imperfections à ces distinctions- que dire de celui qui est victime d’une illusion des sens ?- mais elle me parait utile. J’ai plus de considération pour la protection d’un intérêt interactif que sur celui d’un intérêt putatif sinon pour l’intérêt lui-même.

Néanmoins pour le moment A ne peut rien entreprendre et B peut tout lui interdire.

3- Changements ayant des conséquences sur B.

Voilà que A se met à frapper B, à le démembrer, etc. aucun libéral ne s’opposerait à ce que B puisse interdire un tel comportement à A. Néanmoins il sera beaucoup plus critique à l’égard des autres interdictions décrites plus haut.

Voici donc une seconde approche qui le satisfera davantage, je l’espère.

II. LA LIBERTE CONSISTE A POUVOIR FAIRE TOUT CE QUI NE NUIT PAS A AUTRUI- SECONDE APPROCHE.

Causer quoi que ce soit qui soit nuisible. Nuisible est laissé à l’arbitraire de B. Donc en fait sans intérêt. Causer suffit. Il suffit que A cause -quoi peu importe- pour que B puisse lui reprocher. Cela créera dans un deuxième temps une appréciation négative de B s’il avait une préférence pour la situation non transformée par A.

Ici je propose une autre formule : nuir à autrui c’est « provoquer un changement sur autrui (1)- qui a le caractère d’une nuisance pour autrui. (2) ».

Le (2) n’a pas d’intérêt, nous l’avons vu dans la première approche. Il suffit de s’en remettre à l’appréciation de B.

Reste le (1) que l’on peut résumer ainsi. :

Provoquer un changement (a) qui a des conséquences sur autrui (:doigt:.

Par conséquent, « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui n’a pas de conséquences sur autrui ».

Il faut préciser ce que j’entends par conséquences et par autrui.

A. Les conséquences.

Il n’y a de conséquences que dans le monde physique. Le fait pour B d’avoir un sentiment sur ce qu’a fait A, qu’il s’agisse de colère ou de satisfaction, n’est donc pas une conséquence.

B. Autrui.

Il reste à définir la personne de B. Je rappelle que nous sommes dans le monde physique.

Le plus simple est de considérer le corps de B. C’est la conception étroite.

Je propose deux autres conceptions élargies.

Dans une première on ajoute à B l’ensemble des interactions qu’il est susceptible d’avoir avec son environnement extérieur- avec tout ce qui n’est ni A ni B-. Ainsi A ne peut cueillir et manger le fruit d’un arbre car cela prive B d’une satisfaction identique. Ce geste a bien des conséquences physiques sur B, de manière indirecte : impossibilité de manger le fruit. Ce qui est élargi ici n’est peut-être pas tant l’idée de ce qu’est autrui mais l’idée de ce qu’est une conséquence.

Dans une seconde conception, je m’intéresse davantage aux interactions passées de B avec son environnement qu’aux interactions futures éventuelles. Tout ce qu’a transformé B sera également concerné en plus de B lui-même. Pris de manière globale sera protégé tout ce qui n’existerait pas si B n’existait pas. Je précise que l’existence d’une chose, dépend de la forme qu’elle a. Ainsi, ce qui existerait sous une autre forme, n’existerait pas…Donc, tout ce que je transforme n’existerait pas si je n’existais pas puisque cela « existerait » sous une autre forme.

Cette dernière approche est la plus proche de la conception de pas mal de libéraux du forum, je pense. Elle est aussi celle que je préfère. Néanmoins, il me semble impossible dans certains cas extrêmes de ne pas protéger B contre les conséquences de l’action de A sur les interactions que B pourrait avoir avec son environnement. Je précise néanmoins que cela est pour moi l’exception.

Donc la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui n’a pas de conséquences physiques sur tout ce qui n’existerait pas si autrui n’existait pas.

Voilà mon droit naturel à moi !!! Mais avec des exceptions liées à l’interaction. Je ne me suis pas occupé des obligations contractuelles et liées à la responsabilité.

En dernier lieu, j'ai conscience que mon approche ne répond pas parfaitement aux impératifs que je m'etais fixé en critiquant le propriétarisme que par ailleurs, je connais mal. Mais je crois qu'il n'était pas inintéressant de vous soumettre ces réflexions.

Posté

Je n'ai pas tout compris, mais tout ça m'a l'air terriblement subjectif. Ce n'est pas à B de décider subjectivement que telle action de A lui nuit. Beaucoup d'actions de A peuvent nuire à B et pourtant être légitimes : insultes, ragots, concurrence commerciale, cocufiage, etc.

N'est vraiment illégitime qu'une action de A qui atteint directement B dans sa liberté ou sa propriété.

Posté
Je n'ai pas tout compris, mais tout ça m'a l'air terriblement subjectif. Ce n'est pas à B de décider subjectivement que telle action de A lui nuit. Beaucoup d'actions de A peuvent nuire à B et pourtant être légitimes : insultes, ragots, concurrence commerciale, cocufiage, etc.

N'est vraiment illégitime qu'une action de A qui atteint directement B dans sa liberté ou sa propriété.

Merci de m'avoir lu, tout d'abord car mon texte était long.

Votre critique est parfaitement valable pour mon II, mais si vous lisez bien, j'ai justement corrigé le problème dans mon III. Il ne suffit pas de nuire, il faut "nuire directement" comme vous dites.

Sur le III, les exemples que vous citez ne devraient pas être des atteintes au droit.

En fait pour faire une comparaison entre ma méthode et la méthode propriétariste, je dirai ceci:

- le propriétariste part de l'idée de propriété et définit au départ la propriété légitime de chacun. C'est à ce moment-là que le raisonnement peut paraitre un peu arbitraire.

- il définit ensuite ce qu'est une agression à cette propriété.

Dans ma méthode, on part de l'idée de non agression. Mais qu'est-ce qu'on ne peut pas agresser? Moi! (équivalent du domaine de propriété). Il reste à dire ce que c'est que moi… La démarche me parait plus pédagogique que l'autre. Mais dans les deux cas, on arrive au même résultat.

Vous remarquerez qu'incidemment par mes remarques sur la causalité je réfute la conception Ronnie Hayekienne d'un droit à la vie.

En ce qui concerne la distinction intérêt "putatif" et "interactif", l'idée me paraissait intéressante à présenter même si elle ne joue pas forcément un rôle décisif ici. C'était un peu une critique indirecte des écologistes.

Les expressions intérêts putatifs et interactifs sont sans doute malaldroite, mais je n'ai pas trouvé mieux.

Posté
Vous remarquerez qu'incidemment par mes remarques sur la causalité je réfute la conception Ronnie Hayekienne d'un droit à la vie.

Où Ronnie Hayek a-t-il exposé cette doctrine ? Ou peux-tu me l'exposer s'il te plaît ? Je ne le connais pas.

En fait pour faire une comparaison entre ma méthode et la méthode propriétariste, je dirai ceci:

- le propriétariste part de l'idée de propriété et définit au départ la propriété légitime de chacun. C'est à ce moment-là que le raisonnement peut paraitre un peu arbitraire.

- il définit ensuite ce qu'est une agression à cette propriété.

Dans ma méthode, on part de l'idée de non agression. Mais qu'est-ce qu'on ne peut pas agresser? Moi! (équivalent du domaine de propriété). Il reste à dire ce que c'est que moi… La démarche me parait plus pédagogique que l'autre. Mais dans les deux cas, on arrive au même résultat.

Comment partir de l'idée de non-agression, si l'on a pas définis au préalable (j'insiste) ce qu'est une propriété légitime ?

Où se situe l'arbitraire du raisonnement propriétariste ?

Posté

Pour Ronnie, je ne suis pas en mesure de retrouver le passage de son oeuvre forumesque où il dit ça, mais il l'a dit, j'en mettrais ma main à tremper dans de l'eau à 25c°. En gros RH était favorable à la répression du refus de porter secours à une personne en péril.

Pour le reste, comment détermines-tu ce qu'est une propriété légitime? Cela me parait arbitraire. En fait c'est la meilleure manière de faire pour qu'une évidence ne le soit plus. Si on commence à dire: "j'ai un droit de propriété sur mon corps" une régle évidente apparait aussitôt arbitraire.

En ce qui concerne le concept de non agression, il faut partir de l'idée d'atteinte directe et non pas de préjudice, je le précise. J'ai un droit de non agression. Donc c'est moi que cela concerne. Le "moi" définit un domaine, tout comme l'énoncé des droits de propriété.

Posté
Comment partir de l'idée de non-agression, si l'on a pas définis au préalable (j'insiste) ce qu'est une propriété légitime ?

On peut définir ce qu'est une agression sans avoir recours à la notion de propriété légitime. Le terme agression a une connotation morale, cela dit. Remplaçons le par le mot "attaque". On peut dire qu'un renard attaque une poule sans partir de l'idée que la poule a une propriété légitime sur son corps.

On analyse on définit une situation de fait. Une fois qu'on la reconnue on la déclare illégitime. On a pas nécessairement besoin d'une illigétimité prédéfinie pour décrire la situation de fait.

A partir du moment où l'on sait ce qu'est une poule on peut définir ce qu'est une attaque sur la poule (sans avoir recours à la notion de propriété). Et dans un deuxième temps dire que c'est pas bien. car c'est pas bien et nous sommes d'accord là dessus.

Posté

DDHC :

Article premier - Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.

Article 2 - Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression.

Article 3 - Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément.

Article 4 - La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi.

Il me semble que l'article 4 présuppose l'article 2, puisque la liberté bornée dont parle l'article 4 consiste à être libre d'exercer ses droits :

droit de propriété sur soi-même —-> "liberté"

droit de propriété sur ces biens (autres que son corps) —-> "propriété"

Le droit de résistance à l'oppression en ait la conséquence. Ce qui est exposé dans les articles 2 et 4 me semble plus se rapprocher d'une doctrine propriétariste qu'autre chose.

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Il me semble que la doctrine propriétariste (comme tu l'appelles) part de ce qu'est l'homme et en déduit certaines conséquences.

L'homme agit, c'est obligatoire. Et chaque homme en agissant reconnaît le fait qu'il doit agir de la manière qu'il agit, car sinon il n'agirait pas. Donc tout le monde pense qu'il doit agir.

Ainsi chaque homme sait qu'il doit agir et est entouré d'homme qui eux-mêmes savent qu'ils doivent agir. Donc A ne peut effectivement agir (mettre en oeuvre ses plans) que s'il n'en ait pas empêché par B.

Or comme A doit agir, si B l'empêche de le faire, A sait qu'il devra se défendre. Mais la même règle s'applique à B : si B agresse A alors B sait qu'il devra se défendre contre A.

Il découle de tout cela que A ne doit pas agresser B, et que B ne doit pas agresser A. Car si l'un des deux transgresse cette règle alors l'autre se défendra et empêchera ainsi le premier de réaliser ce qu'il doit faire.

Mais alors comment faire si ce que A doit faire est incompatible avec ce que B doit faire ? Va t-il y avoir une guerre infinie entre A et B ?

Mais alors si A et B savent qu'ils seront à l'avenir en guerre perpétuelle, qu'est-ce qui les pousserait à agir. En effet cet état de guerre permanent risque de les amener tout les deux à ne pas réaliser ce qu'ils doivent faire :

Si A agit il sait que B se sentira agressé et qu'il se défendra. Ainsi A ne pourra pas faire ce qu'il doit faire car B l'en empèchera. Le même raisonnement vaut pour B : lui aussi n'a aucun intérêt à agir.

La seule solution possible serait que l'un remporte la victoire. Si A élimine B, alors A pourra faire ce qu'il doit faire. Mais il faut remarquer que ce raisonnement est un raisonnement à posteriori (1), et qu'il est non universalisable (2).

En effet :

(1) Aucun des deux ne sait à l'avance qui des deux va gagner.

(2) De plus il n'y a aura qu'un seul gagnant. Or nous cherchons une règle générale d'action qui puissent s'appliquer à tout les hommes (pour chacune de leur action), et non pas seulement à celui qui gagnera la guerre.

Or dire que tout les deux doivent se défendre l'un contre l'autre est contradictoire puisque pour l'un des deux (celui qui perdra) cette règle ne lui permettra pas de faire ce qu'il doit faire (puisqu'il sera éliminé).

Donc la "solution" qui passe par l'attaque de l'adversaire en toute circonstance est un sophisme car elle ne permet pas de savoir à l'avance si cette attaque permettra de se débarrasser de l'adversaire ou non.

De plus même chacun connaît l'état de ses capacités physiques le problème ne sera toujours pas réglé. En effet, celui qui se sait le plus faible est conduit à ce retrouver devant le même dilemne qu'auparavant : agir ou ne pas agir ? S'il n'agit pas, il n'aura pas à subir les attaques de B, mais il ne pourra pas faire ce qu'il doit faire. L'autre possibilité pour lui est d'agir, mais il sait qu'il subira les attaques de B et qu'il perdra, et qu'ainsi il ne pourra pas faire ce qu'il doit faire. Dans les deux cas il ne pourra pas faire ce qu'il doit faire. Alors que faire ?

Donc si l'on considère que ce que doit faire A est incompatible avec ce que doit faire B on se retrouve devant un paradoxe : aucun des 2 ne peux se décider pour savoir s'ils va agir (et risquer de perdre) ou ne pas agir (dans ce cas il ne feront pas ce qu'ils doivent faire). Aucune règle générale d'action ne peut être trouver.

Alors comment faire ? Il faut éliminer le paradoxe.

La prémisse de départ est fausse : en réalité ce que doit faire A est compatible avec ce que doit faire B. Si chacun s'est approprié légitimement ses biens, alors il n'y aura pas de guerre de tous contre tous.

Conclusion : il existe une règle non arbitraire pour juger de la légitimité de l'appropriation d'un bien par une personne.

Invité jabial
Posté

Je trouve ce principe arbitraire. Je reste convaincu de la justesse de l'approche propriétariste : on a le droit de faire ce qu'on veut tant qu'on ne viole pas de droit de propriété.

Posté

Je répond de manière trés partielle à ton précédent message qu'il me faudra davantage de temps pour assimiler.

Apparemment:

1°) Une règle de droit doit être la même pour tous.

2°) Elle ne doit pas être contradictoire et donner à quelqu'un un droit en contradiction avec celui de quelqu'un d'autre.

Rien à expliquer sur les atteintes aux premiers principes. sur le second: "chacun a le droit de faire tout ce qu'il voudra" ne répond pas à la seconde condition. Si l'un veut tuer l'autre, il en a le droit, mais le second a également le droit de ne pas être tué.

Alors, j'ai l'impression que le système propriétariste se pose comme le seul qui remplirait ces deux conditions, mais c'est faux.

Je peux aussi exclure la propriété privée en disant qu'un bien est au premier occuppant, autoriser le chapardage et non la violence. cela remplit les deux conditions énoncées plus haut. Chacun sait à tout moment ce qui est permis ou pas.

Précision: je suis pour la propriété privée. je ne critique pas l'approche propriétariste dans son résultat mais dans sa méthode. Ce que je reproche au propriétarisme n'est pas d'aboutir à un droit de propriété sur les choses mais de protéger les gens contre une agression par un droit de propriété sur son corps qui ne clarifie rien à mon avis.

Mais je vais lire plus attentivement votre analyse pour donner mon avis dessus car en ce moment je ne suis pas en mesure de le faire.

Posté
Mélodius avait dit dans une autre discussion qu’il ne voyait pas pourquoi le Droit Naturel devrait obéir à un grand principe plutôt qu’à une série de principes.

Pourtant, je dois avouer que j’ai tendance à trouver plus convaincante une philosophie « unitaire », qu’un agrégat de principes hétérogènes dont on ignore le lien. Si l’unité n’est pas la preuve de la vérité de la doctrine dont c’est la caractéristique, en revanche l’hétérogénéité me semble une marque de fausseté.

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C’est un peu l’image que j’ai du propriétarisme. Il définit les droits de chacun à partir des droits de propriété. Principalement : droits de propriétés de chacun sur son corps et sur le produit de son activité. Mais l’addition de ces petits principes que sont les droits de propriété sur telle ou telle chose, laisse à mon sens, l’impression d’un manque de cohérence intellectuelle.

Ces deux paragraphes me semblent contradictoire car dans la philosophie libérale, le grand principe, c'est le droit de propriété.

Curieusement, on retrouve dans la suite de ton analyse, ce que tu dénonces au début à savoir l'agréga de "principes" arbitraires.

Posté
Je répond de manière trés partielle à ton précédent message qu'il me faudra davantage de temps pour assimiler.

J'espère que ne pas avoir fait trop compliqué.

En gros ce que j'ai dit, c'est ce que Bastiat désigne par "harmonie économique" (harmonie des intérêts). C'est aussi ce que veut dire Rand quand elle dit qu'il est irrationnel de s'emparer du bien d'autrui, de tuer,… bref d'être anti-capitaliste.

Apparemment:

1°) Une règle de droit doit être la même pour tous.

2°) Elle ne doit pas être contradictoire et donner à quelqu'un un droit en contradiction avec celui de quelqu'un d'autre.

Oui.

Rien à expliquer sur les atteintes aux premiers principes. sur le second: "chacun a le droit de faire tout ce qu'il voudra" ne répond pas à la seconde condition. Si l'un veut tuer l'autre, il en a le droit, mais le second a également le droit de ne pas être tué.

Alors, j'ai l'impression que le système propriétariste se pose comme le seul qui remplirait ces deux conditions, mais c'est faux.

Je peux aussi exclure la propriété privée en disant qu'un bien est au premier occuppant, autoriser le chapardage et non la violence. cela remplit les deux conditions énoncées plus haut. Chacun sait à tout moment ce qui est permis ou pas.

Veux-tu dire que le droit du premier occupant est du chapardage ?

Oppose-tu le droit du premier occupant au systèeme propriétariste ?

J'avoue ne pas avoir bien compris ce que tu veux dire. Peux-tu reformuler la phrase que j'ai mise en gras s'il te plaît ?

Mais je vais lire plus attentivement votre analyse pour donner mon avis dessus car en ce moment je ne suis pas en mesure de le faire.

ça marche

Posté
J'espère que ne pas avoir fait trop compliqué.

Veux-tu dire que le droit du premier occupant est du chapardage ?

Oppose-tu le droit du premier occupant au systèeme propriétariste ?

J'avoue ne pas avoir bien compris ce que tu veux dire. Peux-tu reformuler la phrase que j'ai mise en gras s'il te plaît ?

Je ne répond qu'à cette question en disant: oui, c'est ce que je voulais dire!

Mais en comprenant les choses dans un autre sens, on peut aussi dire: le droit du premier occuppant, c'est du propriétarisme!

Tout dépend du sens que l'on donne au mot "droit du premier occuppant". Je ne voulais pas dire que le premier qui se saisit d'une chose en est définitivement propriétaire, je parlais du droit de celui qui s'en saisit à un moment donné. Par exemple, tu as fabriqué une hache, je m'en saisis en ton absence, c'est moi qui ai des droits dessus. tu ne peux pas me sanctionner.

A la limite, on peut exclure tout droit sur la hache: tu ne pourras pas me la reprendre parce que nul ne pourra user de violence contre moi ( mon corps est protégé). c'est différent, si tu as un droit de propriété sur la hache tu pourras te défendre de l'agression contre ta propriété par la violence.

Le terme droit du premier occupant était malheureux. c'est à cause de l'influence de la fable de La fontaine- la belette et le petit lapin- parlons de droit de chaparder.

Donc un droit de chaparder remplit tout comme le propriétarisme les deux conditions énoncées par moi plus haut.

Donc, comme il y a plusieurs systèmes qui remplissent ces deux conditions, la preuve de leur réunion n'est pas suffisante pour prouver qu'il s'agit du bon système.

C'est donc une mauvaise méthode de se contenter de celle-là.

Voilà mon idée du précédent post.

Tout dépend de ce que tu as voulu dire dans ton post. Au début, après une première lecture rapide, j'avais cru que c'était ton argumentation. Si c'était le cas, prend cela comme une réponse. Mais en fait, je ne crois plus que ce soit le cas. J'y reviendrai.

:icon_up: Ca fait beaucoup: je comprend mal ton post-peut-être- et dans mes arguments je donne une phrase que tu ne peux que comprendre de travers.

Bon a +

Posté
1°) Une règle de droit doit être la même pour tous.

2°) Elle ne doit pas être contradictoire et donner à quelqu'un un droit en contradiction avec celui de quelqu'un d'autre.

Donc un droit de chaparder remplit tout comme le propriétarisme les deux conditions énoncées par moi plus haut.

Donc, comme il y a plusieurs systèmes qui remplissent ces deux conditions, la preuve de leur réunion n'est pas suffisante pour prouver qu'il s'agit du bon système.

C'est donc une mauvaise méthode de se contenter de celle-là.

Le point n°2 dit :

"Elle [la règle] ne doit pas être contradictoire et donner à quelqu'un un droit en contradiction avec celui de quelqu'un d'autre."

Or le mot droit dans cette phrase signifie un droit de propriété, c'est à dire un droit sur une propriété. Or un droit de chaparder n'est pas un droit de propriété. Au contraire c'est l'inverse : dire que je vole autrui c'est reconnaître que je lui prend le droit de propriété qu'il possédait sur la chose.

Explication :

Tout droit est un droit de propriété (usus, abusus, fructus,…) sur un bien.

Un droit de chaparder n'est donc qu'un droit de propriété sur son propre corps. Il dit que l'on peut utiliser son propre corps pour chaparder. Donc dire qu'il y aurait un droit de chaparder reviendrait à reconnaître au préalable un droit de propriété sur son propre corps. Or ce droit de propriété sur son propre corps reste à démontrer. Il n'est démontrable que par les théories "propriétéristes".

De plus ce que tu chapardes (le bien d'autrui) est la propriété d'autrui. Donc autrui a un droit de propriété sur le bien que tu veux lui voler. Ainsi penser le vol revient au préalable à penser que quelqu'un détient un droit de propriété légitime sur le bien volé. Or la notion de droit de propriété légitime n'est démontrable que par les théories "propriétéristes".

Enfin dire qu'il existe un "droit" de chaparder pour Jean et Paul est contradictoire, car il donne à la fois un droit à la propriété du bien A pour Jean et pour Paul.

Conclusion : il n'existe rien de tel qu'un droit de chaparder.

Posté

Le fait de prendre une chose à autrui n'est un vol que selon l'analyse du droit naturel que tu plaques aupravant et a priori au raisonnement.

je n'ai pas besoin de concevoir la propriété (qui est du domaine du droit) pour décrire le fait matériel suivant:

- tu as fabriqué une chose,

- je la saisis.

dire que cela est interdit, c'est plaquer le concept de propriété sur ce fait. mais un fait matériel n'a pas besoin d'être défini juridiquement.

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Le fait de prendre une chose à autrui n'est un vol que selon l'analyse du droit naturel que tu plaques aupravant et a priori au raisonnement.

Pas tout à fait, car je démontre aussi que toute conception qui ne part pas du droit naturel est absurde, contradictoire,… C'est de la simple logique.

je n'ai pas besoin de concevoir la propriété (qui est du domaine du droit) pour décrire le fait matériel suivant:

- tu as fabriqué une chose,

- je la saisis.

dire que cela est interdit, c'est plaquer le concept de propriété sur ce fait. mais un fait matériel n'a pas besoin d'être défini juridiquement.

Oui et alors ? Le droit naturel n'est pas moins VRAI.

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