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L’illusion De L’ordre


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La "tolérance zéro" est-elle la solution pour les problèmes de sécurité ?

De quand date le concept de « tolérance zéro » ?

Bernard Harcourt. Cette idée remonte à 1982, date à laquelle est paru, dans un mensuel américain, un article écrit par deux criminologues plutôt conservateurs : George L. Kelling et James Q. Wilson. Ils y développaient la théorie dite des vitres brisées (« broken windows »). À savoir que si on laissait sans réponse le moindre délit, aussi petit soit-il, la moindre dégradation (tags, casse du mobilier urbain, etc.), on prenait le risque de voir se multiplier les actes d’incivilité et, ainsi, d’ouvrir la porte à des faits bien plus graves, comme les vols avec violence ou les meurtres. À leurs yeux, il fallait donc s’occuper du moindre désordre dans un quartier, sachant qu’en l’éliminant à la base on éliminait le crime. Dans un premier temps, cette théorie ne recevra pas un grand écho et restera en sommeil pendant une dizaine d’années. Finalement, c’est le maire de New York, Rudolph Guliani, qui, lors des municipales de 1993, la reprendra dans son programme électoral.

Pourquoi ?

Le contexte s’y prêtait. Au début des années 1990, les taux de criminalité étaient très élevés aux États-Unis. En raison, notamment, du trafic extrêmement violent qui se développait autour de l’épidémie de crack et cocaïne. Lorsqu’il est devenu maire, en 1994, Rudolph Giulliani et son chef de la police William Bratton ont donc mis en place cette politique des vitres brisées qui, au gré des besoins, a pris différents noms : « initiatives pour la qualité de la vie », « police des vitres brisées » et, donc, « tolérance zéro ». Or il se trouve que ces mesures ont coïncidé avec une baisse historique du nombre de crimes majeurs… Mais pas seulement à New York : dans tout le pays !

C’est-à-dire ?

C’est-à-dire qu’il n’y a pas, en réalité, de liens directs entre le recul de la criminalité à New York et cette politique de la tolérance zéro. À la même époque, d’autres grandes municipalités qui n’avaient pas appliqué ce type de mesures ont, elles aussi, constaté la même amélioration des chiffres de la criminalité. À Los Angeles entre 1991 et 1998, les vols avec violence ont nettement diminué - plus qu’à New York -, alors même que la police possédait moins d’effectif et se trouvait engluée dans des affaires de corruption ! Même constat à San Diego. Bref, les bons chiffres mis en avant par les autorités new-yorkaises ne sont le fait que d’une tendance constatée à l’échelon national.

Pourquoi cette tendance générale à la baisse ?

Elle est due à plusieurs facteurs. Tout d’abord, les États-Unis ont fait face, dans les années 1990, à une croissance incroyable du nombre d’emprisonnements. En 1970 on avait 200 000 personnes détenues, en 2000 on a dépassé les deux millions. Cette hausse du taux d’incarcération explique, pour environ 25 %, la baisse des taux de criminalité. Ensuite, il y a eu un grand investissement dans la police. À New York, par exemple, on est passé de 28 000 agents en 1992 à 40 000 en 1996. Enfin et surtout, la deuxième moitié des années 1990 marque la fin de l’épidémie de crack et cocaïne et donc des violences qui y étaient liées. Pourquoi ? Sûrement parce que de nombreux jeunes ont rapidement renoncé à cette drogue après avoir été témoins de ses ravages sur la génération précédente.

L’application de la tolérance zéro à New York a eu tout de même des conséquences. Lesquelles ?

Une des conséquences les plus spectaculaires a été la hausse des plaintes pour violence policière. Entre 1993 et 1996, alors que les taux de meurtre baissent de 50 % pour les raisons que l’on vient de voir, le nombre de plaintes pour bavure, lui, augmente de 68 % ! D’une manière générale, aucune expertise scientifique ne vient démontrer que la politique de tolérance zéro a un effet positif sur la délinquance. J’ai effectué moi-même une étude sur chacun des soixante-quinze arrondissements de police à New York. Je cherchais à savoir s’il y avait une relation statistique entre le taux d’arrestation pour des infractions mineures et le taux de crimes. Résultat : il n’y en a pas. Dans le détail, on s’aperçoit juste que les quartiers qui ont vu leur taux de criminalité chuter de manière importante sont aussi ceux qui avaient subi, auparavant, la plus forte augmentation pendant les années crack. On a donc assisté à un simple phénomène de retour à la moyenne. Comme le veut la loi newtonienne du crime : ce qui monte doit descendre et ce qui monte plus doit descendre plus…

Vous dénoncez aussi le coût d’une telle politique…

Il est sûr, en revanche, que la politique de la tolérance zéro coûte cher. Entre le temps de l’interpellation, la détention au commissariat et les transferts à la cour, chacune de ces arrestations pour des délits bénins, qui auraient pu être réglés autrement, coûte environ 1 000 dollars à la société. Si on y ajoute la multiplication des procès pour violence policière, on arrive à un total, depuis 1994, approchant les 400 millions de dollars ! Une somme colossale qui aurait pu être utilisée de manière beaucoup plus pertinente en étant investie, par exemple, dans la lutte contre les crimes majeurs, les gangs, les trafics d’armes ou de drogue, etc.

Voyez-vous des similitudes avec la politique sécuritaire prônée par Nicolas Sarkozy ?

Évidemment. Toute sa rhétorique est importée des États-Unis. Nicolas Sarkozy réutilise le même marketing que celui du maire de New York à la fin des années 1990. Pour lui, comme pour les partisans de la tolérance zéro, il ne faut pas chercher à expliquer la délinquance et la criminalité par des causes profondes comme le chômage, la pauvreté ou la discrimination. C’est beaucoup plus simple : il ne s’agit que d’un « désordre », entretenu par les propres habitants de ces quartiers. Ce sont donc eux les coupables, personnes d’autres ! Et tous les universitaires qui contestent ces idées sont présentés comme de vieux marxistes qui habitent des quartiers privilégiés…

En France, cette politique a provoqué une dégradation des relations entre la police et les citoyens…

C’est exactement ce qu’il s’est passé à New York entre 1994 et 1998. Non seulement on a vu une augmentation du nombre de plaintes contre les policiers mais, en plus, cette période a été ponctuée par plusieurs bavures graves. En août 1997, un jeune homme s’est ainsi fait agresser sexuellement par les policiers qui l’ont interpellé. En février 1999, un jeune Noir est abattu alors qu’il sortait de sa poche un portefeuille. En mars 2000, c’est un autre jeune qui se fait tuer alors qu’il participait à un sit-in. Tout cela a accéléré la dégradation des relations entre la police et la communauté afro-américaine, principale victime des abus.

Quels enseignements tirez-vous de votre analyse de la tolérance zéro ?

Cette théorie n’est qu’une illusion. Créer l’apparence de l’ordre est important, mais, au final, on gaspille les ressources - limitées - de la police en lui demandant de régler des problèmes qui relèvent avant tout du social, comme la prostitution ou l’occupation de halls d’immeuble. Tout cela renforce l’exclusion de gens déjà marginalisés et se fait au détriment d’une lutte contre la vraie criminalité. Par ailleurs, il y a aujourd’hui un consensus qui se dégage pour dénoncer cette théorie des vitres brisées qui voudrait que les désordres mineurs finissent par causer les crimes majeurs. Le désordre ne cause pas le crime. Les deux, en fait, ont les mêmes causes. Ce constat, qui rassemble désormais la communauté scientifique, mais aussi de plus en plus de chefs de police, n’est malheureusement pas encore partagé par le monde politique. Aussi est-il désarmant de voir la France emprunter cette voie de la « tolérance zéro » dont on sait pertinemment qu’elle n’est qu’une impasse.

(1) L’Illusion de l’ordre : incivilités et violences urbaines, tolérance zéro ? Éditions Descartes et Cie.

Des dépenses inconsidérées pour réduire les libertés individuelles… tout un programme !

Que pense Harald de tout cela ?

Posté

En ce qui concerne la municipalité de Los Angeles par exemple, si elle n'a pas adopté la même politique que New-York, il n'en reste pas moins vrai qu'elle a cessé de penser la police comme un maillon de la chaîne de traitement social. Elle lui a redonné son rôle de prévention/repression. Néanmoins, parallèlement elle s'est engagée dans une politique volontariste de présence et d'action dans les quartiers défavorisés. Elle a incité financièrement des promoteurs à la rénovations de quartiers, elle a joué le rôle de partenaire pour des associations d'habitants désireux de recréer un lien social, elle a démarché des mécènes qui ont financés la construction d'équipements collectifs.

Ceci dit, l'état de la sécurité en France est inquiétant car l'état s'engage dans la voie de la poudre aux yeux. La possibilité de faire son service militaire dans la police permettait de donner l'illusion d'une augmentation des effectifs. En fait on mettait sur le pavé des jeunes peu formés, normalement devant être accompagnés de vrais gardiens de la paix. Or dans la pratique, il n'était pas rare de voir des patrouilles sans un seul gardien. Idem pour les ADS. Récemment, un article du Figaro a mis le doigt où ça fait mal. La PN, c'est +/- 100.000 effectifs, en réalité sur le terrain, au quotidien, on a du mal à dépasser les 5.000.

Posté

Je pense qu'en général le problème de la sécurité est un faux problème car la sécurité est un sentiment une impression, et on voudrait nous faire croire que tout va bien en multipliant par deux le nombres de policier.

Le réel problème est au niveau de la Justice avec des lois qui sont rarement appliqués pour les délinquant mineurs par exemple. Il y a, je pense un juste milieu, entre tolérance zéro et laxisme.

Posté

En tout cas ce principe me paraît bon :

"À savoir que si on laissait sans réponse le moindre délit, aussi petit soit-il, la moindre dégradation (tags, casse du mobilier urbain, etc.), on prenait le risque de voir se multiplier les actes d’incivilité et, ainsi, d’ouvrir la porte à des faits bien plus graves, comme les vols avec violence ou les meurtres."

C'est une simple application de la loi de l'offre et de la demande : si le prix de la consommation de violence est nul, alors la demande de violence est forte. Et inversement.

Encore faut-il que le prix à payer pour l'exercice de la violence soit justifier, et que l'on abuse pas de la répression policière et judiciaire pour mettre en prison tout ceux qui nous dérangent (prostitués, drogués,…).

Posté

Je suis assez surpris par cette analyse, les arguments de la "politique des vitres brisées" m'avaient convaincu:

La théorie était la suivante:

La police arrêtait tous les auteurs de délits même les plus mineurs comme le non paiement de son ticket de métro, ou d'une vitre brisée". Pourquoi?

Rien à voir avec la version Sarkosy évidemment. Une étude montrait que les auteurs de délits mineurs étaient dans leur grande majorité les auteurs de délits beaucoup plus importants. Ainsi en arrêtant les auteurs de délits mineurs, la police mettait hors d'état de nuire (©Pasqua), les délinquants dangereux.

L'analyse citée par Serge me semble plus politique qu'autre chose.

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L'analyse citée par Serge me semble plus politique qu'autre chose.

Je l'ai prise dans le Journal l'Humanité, Rubrique Société :icon_up:

Article paru dans l'édition du 15 juillet 2006.

Posté
Attention à ne pas confondre prix et coût.

J'hésitais à mettre l'un ou l'autre, mais finalement cela dépend de comment on interprète la phrase.

Dans ce que j'ai écris "le prix de la consommation de violence" doit être interprété comme "le prix à payer pour la consommmation de violence".

Ce prix est fixé par les offreurs de "sécurité" (les politiques votant les lois, les policiers et les juges).

Posté

Je ne suis pas certain que la grande délinquance, cause du désordre et du crime mineur, soit concernée par cette loi de l'offre et demande de "sécurité".

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Je ne suis pas certain que la grande délinquance, cause du désordre et du crime mineur, soit concernée par cette loi de l'offre et demande de "sécurité".

"la grande délinquance, cause du désordre et du crime mineur" : j'ai pas compris.

"la grande délinquance" comme tu dis, c'est celle qui est la plus répandu ? c'est à dire celle qui fait des délits mineurs et qui cause le plus de désordre ?

Posté

Les cartels de la drogue, par exemple,

1. se contrefoutent des lois qui sont passées en France. Ils sont unis aux mondes de la banque, de la finance, de la politique et "à certaines franges de la police et des services secrets".

2. provoquent le désordre et le crime mineur. Ce ne sont pas les désordres mineurs qui finissent par causer les crimes majeurs.

Posté
Je suis assez surpris par cette analyse, les arguments de la "politique des vitres brisées" m'avaient convaincu:

La théorie était la suivante:

La police arrêtait tous les auteurs de délits même les plus mineurs comme le non paiement de son ticket de métro, ou d'une vitre brisée". Pourquoi?

Rien à voir avec la version Sarkosy évidemment. Une étude montrait que les auteurs de délits mineurs étaient dans leur grande majorité les auteurs de délits beaucoup plus importants. Ainsi en arrêtant les auteurs de délits mineurs, la police mettait hors d'état de nuire (©Pasqua), les délinquants dangereux.

L'analyse citée par Serge me semble plus politique qu'autre chose.

La théorie est intéressante et ne doit pas être balayée d'un revers dédaigneux, seulement il faut être circonspect. La mise en place de cette politique a effectivement donné aux policiers new-yorkais un sentiment d'impunité dont la corollaire fut une montée non négligeable des violences policières.

Ce qui me semble important en l'état actuel pour ce qui nous concerne, c'est surtout un bon nettoyage de la magistrature. Les sursis à répétition, la non application de l'ordonnance de 1945 sur les mineurs qui est loin d'être aussi laxiste que l'on voudrait le faire croire, le fait que seul 1/3 des peines de prison ferme d'une durée de moins de 1 an soit effectué sont à mon sens des symptômes bien plus alarmants que le sentiment d'insécurité ressenti par des citoyens devenus de passifs bovins devant la moindre aggression au point d'oublier la notion élémentaire de secours.

2. provoquent le désordre et le crime mineur. Ce ne sont pas les désordres mineurs qui finissent par causer les crimes majeurs.

A modérer. les émeutes de novembre 2005 se sont développées surtout dans les banlieues où le bizness n'est pas bien ancré. Des villes comme Vitry sur Seine par exemple qui est un des tous premiers marchés de la came sur l'Ile de France a été on ne peut plus calme. Les grandes familles qui tiennent le marché tenaient à ce que la calme règne afin de ne pas attirer outre mesure la maison poulaga ce qui n'aurait pas manqué de gêner fortement leurs affaires.

Posté
La théorie est intéressante et ne doit pas être balayée d'un revers dédaigneux, seulement il faut être circonspect. La mise en place de cette politique a effectivement donné aux policiers new-yorkais un sentiment d'impunité dont la corollaire fut une montée non négligeable des violences policières.

Ce qui me semble important en l'état actuel pour ce qui nous concerne, c'est surtout un bon nettoyage de la magistrature. Les sursis à répétition, la non application de l'ordonnance de 1945 sur les mineurs qui est loin d'être aussi laxiste que l'on voudrait le faire croire, le fait que seul 1/3 des peines de prison ferme d'une durée de moins de 1 an soit effectué sont à mon sens des symptômes bien plus alarmants que le sentiment d'insécurité ressenti par des citoyens devenus de passifs bovins devant la moindre aggression au point d'oublier la notion élémentaire de secours.

Je connais très mal le domaine. En relisant mon message, je m'aperçois qu'il peut prêter à confusion: je n'ai aucune opinion sur la mise en place d'une politique de "tolérance zéro". Je trouvais l'analyse de la police de Newyork très logique.

Quant à la Justice française, tout ce que j'ai pu lire à son sujet m'épouvante :icon_up:

Posté
A modérer. les émeutes de novembre 2005 se sont développées surtout dans les banlieues où le bizness n'est pas bien ancré. Des villes comme Vitry sur Seine par exemple qui est un des tous premiers marchés de la came sur l'Ile de France a été on ne peut plus calme. Les grandes familles qui tiennent le marché tenaient à ce que la calme règne afin de ne pas attirer outre mesure la maison poulaga ce qui n'aurait pas manqué de gêner fortement leurs affaires.

Il faut croire que les clients de ces grandes familles ne résident pas massivement à Vitry sur Seine.

Posté
Une étude montrait que les auteurs de délits mineurs étaient dans leur grande majorité les auteurs de délits beaucoup plus importants. Ainsi en arrêtant les auteurs de délits mineurs, la police mettait hors d'état de nuire (©Pasqua), les délinquants dangereux.

Je ne suis pas d'accord du tout. A moins que tu ne me mettes une étude sérieuse sous les yeux, je ne crois pas plus que ça à cette relation de cause à effets.

Je distingues ici criminels (crimes graves) de délinquants (délits mineurs).

Certes, on peut penser que par rapport à une population totale T, la population des criminels C aura une plus grande propension à commettre des délits mineurs, pour des raisons psycho-sociologiques identifiables. Mais dans les faits, je n'imagine pas qu'Harald dirait le contraire, la population des individus qui commettent plus ou moins régulièrement des délits est BEAUCOUP plus importante que celle de ceux qui commettent des crimes.

Il me paraît donc totalement idiot d'affirmer: "on a chopé un délinquant pour des graffitis ou possession de cannabis, donc on peut lui administrer une sanction sévère car il a beaucoup plus de chances que la moyenne d'être un criminel - politique voleur, un violeur ou un assassin."

I.E. ce n'est pas parce qu'un criminel à de forte chance d'être également un délinquant que l'inverse est vrai.

Je reviens sur ce sujet dans quelques minutes, je vais hercher le Freakonomics.

Posté

sur les causes de la baisse de la criminalité aux Etats-Unis il y a une analyse "marrante" de Levitt qui est de dire que la baisse de la criminalité vient de la légalisation de l'avortement. La baisse de la criminalité aurait ainsi été observée au moment où les "avortés" auraient été en age de commetre les délits. Il a aussi montré (ce qui parait évident) que la population qui a été avortée a des caractéristiques socio-économiques très proches de la polulation des délinquants. Autant dire que cette analyse n'a plu ni aux démocrates ni aux républicains…

Je ne suis pas d'accord du tout. A moins que tu ne me mettes une étude sérieuse sous les yeux, je ne crois pas plus que ça à cette relation de cause à effets.

Je distingues ici criminels (crimes graves) de délinquants (délits mineurs).

Certes, on peut penser que par rapport à une population totale T, la population des criminels C aura une plus grande propension à commettre des délits mineurs, pour des raisons psycho-sociologiques identifiables. Mais dans les faits, je n'imagine pas qu'Harald dirait le contraire, la population des individus qui commettent plus ou moins régulièrement des délits est BEAUCOUP plus importante que celle de ceux qui commettent des crimes.

Il me paraît donc totalement idiot d'affirmer: "on a chopé un délinquant pour des graffitis ou possession de cannabis, donc on peut lui administrer une sanction sévère car il a beaucoup plus de chances que la moyenne d'être un criminel - politique voleur, un violeur ou un assassin."

I.E. ce n'est pas parce qu'un criminel à de forte chance d'être également un délinquant que l'inverse est vrai.

Je reviens sur ce sujet dans quelques minutes, je vais hercher le Freakonomics.

un délinquant a sans aucun doute beaucoup plus de chance qu'un non délinquant de devenir criminel, même si il est certain qu'un délinquant a peu de chance de devenir criminel. Evidemment faire de la prévention à la minority report en pire (puisque probabilistique) serait désastreux.

Posté
Pourquoi cette tendance générale à la baisse ?

Elle est due à plusieurs facteurs. Tout d’abord, les États-Unis ont fait face, dans les années 1990, à une croissance incroyable du nombre d’emprisonnements. En 1970 on avait 200 000 personnes détenues, en 2000 on a dépassé les deux millions [mais tu ne donnes pas le chiffre de 1990 coco :icon_up: ?]. Cette hausse du taux d’incarcération explique, pour environ 25 %, la baisse des taux de criminalité. Ensuite, il y a eu un grand investissement dans la police. À New York, par exemple, on est passé de 28 000 agents en 1992 à 40 000 en 1996. Enfin et surtout, la deuxième moitié des années 1990 marque la fin de l’épidémie de crack et cocaïne et donc des violences qui y étaient liées. Pourquoi ? Sûrement parce que de nombreux jeunes ont rapidement renoncé à cette drogue après avoir été témoins de ses ravages sur la génération précédente.

L’application de la tolérance zéro à New York a eu tout de même des conséquences. Lesquelles ?

Une des conséquences les plus spectaculaires a été la hausse des plaintes pour violence policière. Entre 1993 et 1996, alors que les taux de meurtre baissent de 50 % pour les raisons que l’on vient de voir, le nombre de plaintes pour bavure, lui, augmente de 68 % ! D’une manière générale, aucune expertise scientifique ne vient démontrer que la politique de tolérance zéro a un effet positif sur la délinquance. J’ai effectué moi-même une étude sur chacun des soixante-quinze arrondissements de police à New York. Je cherchais à savoir s’il y avait une relation statistique entre le taux d’arrestation pour des infractions mineures et le taux de crimes. Résultat : il n’y en a pas. Dans le détail, on s’aperçoit juste que les quartiers qui ont vu leur taux de criminalité chuter de manière importante sont aussi ceux qui avaient subi, auparavant, la plus forte augmentation pendant les années crack. On a donc assisté à un simple phénomène de retour à la moyenne. Comme le veut la loi newtonienne du crime : ce qui monte doit descendre et ce qui monte plus doit descendre plus…

Voici maintenant quelques éléments de cet ouvrage:

Levitt souligne tout d'abord, concernant le crack, que l'"épidémie" de consommation de crack n'a pas cessé, elle a juste un peu flanché. Ce qui s'est effondré, dans les années 1990, n'est pas la consommation de crack, mais les bénéfices de la vente de crack! donc, la rentabilité de l'affaire ne justifiait plus de défendre férocement les "territoires", de prendre des vies au risque de lourdes peines de prison… ou simplement de mettre la sienne en jeu.

Levitt chiffre à 15% la baisse de la délinquance liée au crack dans les années 90, tandis que l'augmentation liée à ce phénomène était un chiffre supérieur dans les 80's.

Maintenant, attention: Levitt intègre dans son ouvrage une très importante "cause" de la baisse de la délinquance dans les années 1990 aux USA. Elle est démographique. Je vais donc, dans mon prochain post, devoir prononcer le mot interdit :doigt:

EDIT meeeeeeeeeeeeerde, doublé!

Posté

Et donc pour en revenir à l'avortement, Levitt prétend, sans donner les chiffres (mon édition renvoie à des articles extérieurs):

La criminalité commence à baisser fortement environ 17 ou 18 ans après Roe vs. Wade

Il y a relation en terme de catégorie / classe sociale entre les populations criminelles "manquantes" et celles des mères qui ont plus largement utilisé l'IVG dans les 70's.

Encore plus troublant:

Il y a corrélation, pour chaque Etat américain, entre le taux de recours à l'IVG après 1973 et les taux de baisse de délinquance constatés dans les 90's.

Quelques Etats américains (5) avaient ouvert la porte à l'IVG quelques années avant Roe vs Wade. Selon Levin, il y a des données statistiques significatives montrants que dans ces quelques états, la baisse de la délinquance intervient… quelques années avant la baisse générale dans les autres Etats!

EDIT: autre formule de Levitt: ce n'est pas parce qu'on manque de chapeaux qu'on doit couper des têtes… :icon_up:

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Et donc pour en revenir à l'avortement

T'es malade ? :icon_up:

Posté
Il me paraît donc totalement idiot d'affirmer: "on a chopé un délinquant pour des graffitis ou possession de cannabis, donc on peut lui administrer une sanction sévère car il a beaucoup plus de chances que la moyenne d'être un criminel - politique voleur, un violeur ou un assassin."

Non, tu n'as pas compris. Ce que tu présentes, c'est la "solution" Sarkosy.

Il ne s'agit pas de punir davantage les auteur de délits mineurs mais de "coincer" les grands délinquants.

Il y a beaucoup de grands délinquants en "conditionnelle" ou sous contrôle judicaire (je ne connais pas les termes américains), ce sont ceux là que la justice américaine tente de coincer et de garder "à l'écart de la société" le plus longtemps possible.

Posté

Bon,

Tout d'abord, je ne vois pas forcément la répression des vitres brisées commeune atteinte au droit. Trop de flics (pardon Harald), c'est autre chose (sentiment d'être surveillé).

Enfin, la délinquance a certainement d'autres causes que la quantité de repression, mais sarkozy -et en cela je le rejoint- pense que toute chose égale par ailleurs, la répression va faire baisser la délinquance. si l'on pousse dans sa logique le raisonnement de ceux qui disent que la répression ne résoud rien, la répression est totalement inutile et l'on pourrait s'en passer.

ce qui doit être vrai en revanche, c'est qu'au delà d'un certain seuil l'efficacité de la répression diminue et que l'efficacité de l'autre moyen- lutte contre le chômage- aura plus d'efficacité.

Quant à l'article: se recommander d'un consensus d'expert sur le sujet aussi politique me semble assez douteux. Ca doit être le consensus des experts qui ne sont pas de l'autre avis…

Posté
Enfin, la délinquance a certainement d'autres causes que la quantité de repression, mais sarkozy -et en cela je le rejoint- pense que toute chose égale par ailleurs, la répression va faire baisser la délinquance. si l'on pousse dans sa logique le raisonnement de ceux qui disent que la répression ne résoud rien, la répression est totalement inutile et l'on pourrait s'en passer.

Je pense que toutes choses égales par ailleurs, réprimer la petite délinquance fait baisser la petite délinquance. Mais il n'y a que des effets de voisinage. Prenons un exemple: le ministère de l'intérieur veut s'attaquer au racket et aux atteintes aux biens en général et ne rien laisser passer dans ce domaine. Il joint l'acte à la parole avec grand renfort de campagne médiatique. Ca va sans doute avoir des résultats positifs, mais concernant les atteintes au bien seulement. Pas sur des crimes d'autres type (violences sexuelles ou conjugales, corruption des politiques, détournement de fonds…).

Invité jabial
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On sent quand même un fort a-priori antirépressif. En ce qui me concerne, je me méfie de ce genre de ton.

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