Ronnie Hayek Posté 25 janvier 2008 Signaler Posté 25 janvier 2008 roubachov a dit : Nous sommes bien d'accord en ce qui concerne le renvoi de Turgot. … Lequel était, reconnaissons-le, un beau constructiviste libéral. http://www.fritzwagner.com/ev/turgot.html Eric Voegelin a dit : On Turgot and the Invention of "Humanity"(the "Masse Totale" ) Turgot [1727-1781] transposes the Christian dichotomy of [sacred history, which does have meaning] and profane history [which can have no meaning because its whole is not yet known] into the context of intramundane thought through his dichotomy of the “thread of progress” [softening of the mores, enlightenment of the mind and the intensification of world trade] and the vast ballast of historical ups and downs and asides that have no meaning in themselves. However, he cannot extract from the “sacred” thread of progress a meaning for the spiritual destiny of the concrete person [man in the fullness of his dimensions, including the intellectual and spiritual]. . . . . Since the finite lines of meaning, which can be found in the civilizational process, can have no meaning for man as a spiritual person, man and his concrete problems have to be brushed aside; since concrete man cannot be the subject for whom history has a meaning, the subject has to be changed; man is replaced by the masse totale . The masse totale , however, has no concrete existence, nor is the masse given to human experience; it is the evocation of a carrier of meaning, of a new divinity, into which a man who has lost his openness toward the transcendental realissimum has projected his desire for salvation. The masse totale is not a reality in the experiential sense; it is the tentative evocation of a new intramundane divinity. . . . . . . . The Christian idea of mankind is the idea of a community whose substance consists of the Spirit in which the members participate; the homonoia of the members, the likemindedness through the Spirit that has become flesh in all and each of them, welds them into a universal community of mankind. This bond of the spirit is timeless; the Spirit is not more present today than it was yesterday, and it will not be more present tomorrow than it is today. Only because the Spirit is transcendentally out of time can it be universally present in time, living in each man equally, irrespective of the age or place in which the man lives; only because the course of the community is out of time is mankind a universal community within historical time. . . . . . . .[ Turgot’s concept of humanity (the masse totale )] can have no appeal to a humanist and Christian; and whenever Positivist ideas spread in a socially menacing form, the clash with the traditions of Western high civilization is inevitable. . . . The idea of being in substance a member of a masse totale can appeal only to a man who has not much substance of his own. His personality must be sufficiently underdeveloped, that is to say it must be deficient in spiritual organization and balance to such a degree, that the anxiety of existence cannot be controlled and absorbed by the normal processes of the mature, meditative life. As a consequence he will be plagued by insecurities, frustrations, fears, aggressiveness, paranoic obsessions, uncontrollable hatreds, and so on. The great escape for the man who cannot extricate himself from this state through the personal solution has always been, and will always be, to submerge himself in a collective personality that he either will find ready at hand in his environment or will evoke for the occasion. Tribalism is the answer to immaturity because it permits man to remain immature with the sanction of his group. A man who is not much of a person can still be quite a useful individual. Hence a tribe of immature utilitarians can be highly efficient and a very powerful community, and at the same time a very dangerous one if its insecurities, its provincialism, its xenophobia and paranoia turn, for one reason or another, aggressively ad extra . . . .
roubachov Posté 25 janvier 2008 Signaler Posté 25 janvier 2008 Ronnie Hayek a dit : … Lequel était, reconnaissons-le, un beau constructiviste libéral.http://www.fritzwagner.com/ev/turgot.html Peut-être, mais ce n'est pas le constructivisme à la Turgot qui m'effraie franchement le plus.
Ronnie Hayek Posté 26 janvier 2008 Signaler Posté 26 janvier 2008 roubachov a dit : Peut-être, mais ce n'est pas le constructivisme à la Turgot qui m'effraie franchement le plus. La perfectibilité de l'espèce humaine (thème repris, du reste, par Constant) fut typiquement une idée défendue par plusieurs libéraux, mais dont les conséquences furent des plus funestes. Sans cette croyance dans le progrès nécessaire de l'humanité (foi partagée par le disciple de Turgot qu'était Condorcet), bien des désastres eussent été évités.
roubachov Posté 26 janvier 2008 Signaler Posté 26 janvier 2008 Ronnie Hayek a dit : La perfectibilité de l'espèce humaine (thème repris, du reste, par Constant) fut typiquement une idée défendue par plusieurs libéraux, mais dont les conséquences furent des plus funestes.Sans cette croyance dans le progrès nécessaire de l'humanité (foi partagée par le disciple de Turgot qu'était Condorcet), bien des désastres eussent été évités. T'inscrirais-tu dans cette école de pensée selon laquelle le communisme est la vérité du libéralisme ?
José Posté 26 janvier 2008 Signaler Posté 26 janvier 2008 Harald a dit : …en cherchant à moderniser les institutions d'un pays archaïque. La France de la fin du 18e siècle était aussi archaïque ou bien même moins que 99,5% des pays de la Terre.
Ronnie Hayek Posté 26 janvier 2008 Signaler Posté 26 janvier 2008 Lucilio a dit : La France de la fin du 18e siècle était aussi archaïque ou bien même moins que 99,5% des pays de la Terre. Tout à fait, et en meilleure santé économique que d'autres pays européens. roubachov a dit : T'inscrirais-tu dans cette école de pensée selon laquelle le communisme est la vérité du libéralisme ? Je n'irais pas jusque là. Dans l'état actuel de mes recherches, je considère le libéralisme comme une déviation gnostique du christianisme.
Toast Posté 26 janvier 2008 Signaler Posté 26 janvier 2008 Ronnie Hayek a dit : Tout à fait, et en meilleure santé économique que d'autres pays européens. Le système politique était tout de même usé jusqu'à la corde. Les tentatives de reforme ayant toutes échouées, une révolution était semble-t-il nécessaire - je regrette pour ma part qu'elle ait été ce qu'elle a été.
Rincevent Posté 26 janvier 2008 Signaler Posté 26 janvier 2008 Ronnie Hayek a dit : Je n'irais pas jusque là. Dans l'état actuel de mes recherches, je considère le libéralisme comme une déviation gnostique du christianisme. Apocalypse : le voile tombe.
Domi Posté 26 janvier 2008 Signaler Posté 26 janvier 2008 Ronnie Hayek a dit : La perfectibilité de l'espèce humaine (thème repris, du reste, par Constant) fut typiquement une idée défendue par plusieurs libéraux, mais dont les conséquences furent des plus funestes.Sans cette croyance dans le progrès nécessaire de l'humanité (foi partagée par le disciple de Turgot qu'était Condorcet), bien des désastres eussent été évités. Si perfectibilité veut dire rendre parfait, c'est une croyance néfaste. Si elle signifie améliorer l'humanité, c'est une démarche plus séduisante, même s'il y a un aspect constructiviste.
Ronnie Hayek Posté 26 janvier 2008 Signaler Posté 26 janvier 2008 Rincevent a dit : Apocalypse : le voile tombe. Peux-tu être plus explicite ? Domi a dit : Si perfectibilité veut dire rendre parfait, c'est une croyance néfaste. Si elle signifie améliorer l'humanité, c'est une démarche plus séduisante, même s'il y a un aspect constructiviste. Vouloir améliorer l'humanité par la politique ne peut que conduire au désastre.
José Posté 26 janvier 2008 Signaler Posté 26 janvier 2008 Ronnie Hayek a dit : Tout à fait, et en meilleure santé économique que d'autres pays européens. C'est bien là ce qui fait mal aux propagandistes de la Révolution française : cette dernière a fait perdre à jamais à la France son rang de première puissance européenne (politique, diplomatique, économique, culturelle, etc.)
Harald Posté 26 janvier 2008 Signaler Posté 26 janvier 2008 Lucilio a dit : La France de la fin du 18e siècle était aussi archaïque ou bien même moins que 99,5% des pays de la Terre. Le XVIIIème siècle est celui de la première révolution industrielle britannique alors que la France se complaît dans son caractère agricole et que depuis le colbertisme rien ou presque de significatif n'a été fait. Considérons par exemple que la première législation sur les brevets n'apparait en France qu'en 1791. Considérons également l'intérêt suscité par les travaux de Papin sur la motricité à vapeur en regard de celui porté sur ceux de Watt de l'autre côté du Channel. Etc.
Timur Posté 26 janvier 2008 Signaler Posté 26 janvier 2008 Lucilio a dit : C'est bien là ce qui fait mal aux propagandistes de la Révolution française : cette dernière a fait perdre à jamais à la France son rang de première puissance européenne (politique, diplomatique, économique, culturelle, etc.) En omettant l'Angleterre, oui.
Ronnie Hayek Posté 27 janvier 2008 Signaler Posté 27 janvier 2008 Harald a dit : Le XVIIIème siècle est celui de la première révolution industrielle britannique alors que la France se complaît dans son caractère agricole et que depuis le colbertisme rien ou presque de significatif n'a été fait. Considérons par exemple que la première législation sur les brevets n'apparait en France qu'en 1791. Considérons également l'intérêt suscité par les travaux de Papin sur la motricité à vapeur en regard de celui porté sur ceux de Watt de l'autre côté du Channel. Etc. En comparaison de la Grande-Bretagne, la France était effectivement au second plan. Toutefois, elle était en avance sur la plupart des pays continentaux. L'historien Simon Schama (qui la définit comme "la plus importante puissance industrielle du Continent") explique, par exemple, qu'entre les années 1720 et 1790 la croissance des industries métallurgiques était de l'ordre de 500% (en Grande-Bretagne, de 100%). De même, le nombre de manufactures de coton dans les Vosges crût de 1800% durant cette période. Quant à l'agriculture, à la fin du règne de Louis XVI, 30% des biens étaient vendus et consommés en dehors de l'endroit où ils avaient été produits (signe que la France n'était plus dans une économie de subsistance). Enfin, la noblesse - loin de s'engourdir dans le souvenir du passé - comportait nombre de personnalités ouvertes aux sciences et techniques nouvelles.
José Posté 27 janvier 2008 Signaler Posté 27 janvier 2008 Harald a dit : Le XVIIIème siècle est celui de la première révolution industrielle britannique alors que la France se complaît dans son caractère agricole et que depuis le colbertisme rien ou presque de significatif n'a été fait. C'est très caricatural comme présentation de l'économie française : alors que l'Angleterre se lançait dans la production industrielle de masse de qualité souvent médiocre, la France connaissait une production industrielle de haute qualité élaborée dans des petites unités de production (produits de luxe, etc.)
Taranne Posté 27 janvier 2008 Signaler Posté 27 janvier 2008 melodius a dit : Moi je ne pleure pas un intellectuel qui théorise le meurtre de masse et se fait ensuite dézinguer en application de ses théories. Je trouve qu'il y a là une certaine justice poétique. Donc Condorcet était un théoricien du meurtre de masse? Intéressant… Toast a dit : Le système politique était tout de même usé jusqu'à la corde. Les tentatives de reforme ayant toutes échouées, une révolution était semble-t-il nécessaire - je regrette pour ma part qu'elle ait été ce qu'elle a été. Toutafé. Les contre-révolutionnaires de ce forum semblent oublier une chose: aucun absolutisme, je dis bien aucun, n'a jamais évolué de lui-même vers la monarchie constitutionnelle. Affirmer que les choses pouvaient s'améliorer d'elles-mêmes, et Louis XVI ou ses descendants se convertir progressivement au modèle anglais relève du wishful thinking. Alors après on peut discuter sur les modalités et le bilan définitif de la révolution, mais prétendre que celle-ci est un bloc, et qu'on aurait pu s'en passer (sans expliquer comment) c'est de l'idéologie, pas de l'histoire.
Ronnie Hayek Posté 27 janvier 2008 Signaler Posté 27 janvier 2008 Taranne a dit : Toutafé. Les contre-révolutionnaires de ce forum semblent oublier une chose: aucun absolutisme, je dis bien aucun, n'a jamais évolué de lui-même vers la monarchie constitutionnelle. Affirmer que les choses pouvaient s'améliorer d'elles-mêmes, et Louis XVI ou ses descendants se convertir progressivement au modèle anglais relève du wishful thinking. Alors après on peut discuter sur les modalités et le bilan définitif de la révolution, mais prétendre que celle-ci est un bloc, et qu'on aurait pu s'en passer (sans expliquer comment) c'est de l'idéologie, pas de l'histoire. La monarchie de Louis XVI était en pratique moins absolutiste que celle de Louis XIV. Que le roi tînt à son rang, c'est une chose - mais comment le lui reprocher (lui qu'on a présenté - à tort - comme un faible, de surcroît) ?
Taranne Posté 27 janvier 2008 Signaler Posté 27 janvier 2008 Ronnie Hayek a dit : La monarchie de Louis XVI était en pratique moins absolutiste que celle de Louis XIV. Louis XVI n'était pas non plus Louis XIV. Quid s'il avait eu une personnalité plus affirmée?
Ronnie Hayek Posté 27 janvier 2008 Signaler Posté 27 janvier 2008 Taranne a dit : Louis XVI n'était pas non plus Louis XIV. Quid s'il avait eu une personnalité plus affirmée? Ce n'était pas non plus l'être falot qu'on a souvent dépeint (comme je l'ai écrit dans ma précédente réponse). Ceci dit, effectivement, ce n'était pas Louis XIV. Nous disons donc ici la même chose, étant donné que la monarchie dépendait aussi de la personnalité de celui qui l'incarnait, de son tempérament, de son sens politique, etc. D'où la difficulté - me semble-t-il - de parler de l'absolutisme de manière figée (y compris comme idéal-type, contrairement à d'autres types de régimes). Or nous avons souvent tendance à la concevoir à partir de nos catégories d'hommes d'après 1789. In fine, j'ajouterais que ton reproche selon lequel nous assimilons la Révolution à un bloc intrinsèquement destructeur (ce qu'elle fut, qu'on le veuille ou non) peut se retourner contre ta perception de l'absolutisme, qui me semble - elle - très idéologique (libéralement correcte, si je puis m'exprimer ainsi).
Ronnie Hayek Posté 27 janvier 2008 Signaler Posté 27 janvier 2008 Sinon, je trouve que - dans ce débat récurrent -, l'attitude des libéraux est souvent étonnante. Nombreux sont ceux qui se préoccupent plus de pleurer sur les "idéaux trahis" par les méchants jacobins que de se soucier des victimes provoquées par l'application de ces idées grandioses dès le début du cycle révolutionnaire. Cela ne vous rappelle rien ?
Domi Posté 27 janvier 2008 Signaler Posté 27 janvier 2008 Ronnie Hayek a dit : Sinon, je trouve que - dans ce débat récurrent -, l'attitude des libéraux est souvent étonnante. Nombreux sont ceux qui se préoccupent plus de pleurer sur les "idéaux trahis" par les méchants jacobins que de se soucier des victimes provoquées par l'application de ces idées grandioses dès le début du cycle révolutionnaire.Cela ne vous rappelle rien ? En effet, je me demande s'il est permis de dissocier un projet des "dérives" survenues lors de son accomplissement. Réflexion valable pour : - la révolution française, - la colonisation, - le révolution bolchévique. On pourra estimer cependant qu'il y a eu réellement une pensée libérale trahie du côté de la révolution française, alors que la révolution bolchévique est une application du Marxisme. Mais que répondrions-nous à un Marxiste estimant que le Bolchévisme n'est pas une application du Marxisme sinon que l'on juge l'arbre à ses fruits ? Si l'on applique la même approche à la révolution française, il est alors vain de vouloir dissocier les réalisations du projet initial. En l'occurence celui des lumières ?
Taranne Posté 27 janvier 2008 Signaler Posté 27 janvier 2008 Ronnie Hayek a dit : Ceci dit, effectivement, ce n'était pas Louis XIV. Nous disons donc ici la même chose, étant donné que la monarchie dépendait aussi de la personnalité de celui qui l'incarnait, de son tempérament, de son sens politique, etc. D'où la difficulté - me semble-t-il - de parler de l'absolutisme de manière figée (y compris comme idéal-type, contrairement à d'autres types de régimes). D'où également le caractère pratiquement irréformable du système, puisqu'on en est réduit à attendre/espérer un souverain qui fasse preuve d'ouverture d'esprit, ce qui peut prendre du temps - beaucoup de temps. Même si la Révolution n'avait pas eu lieu et que les choses aient suivi leur cours normal, il y a très peu de chance que le successeur de Louis XVI se soit montré plus moderne dans sa conception de la monarchie; il n'aurait eu qu'à faire preuve d'un peu plus de fermeté pour que le statu quo persiste encore très longtemps. Citation In fine, j'ajouterais que ton reproche selon lequel nous assimilons la Révolution à un bloc intrinsèquement destructeur (ce qu'elle fut, qu'on le veuille ou non) peut se retourner contre ta perception de l'absolutisme, qui me semble - elle - très idéologique (libéralement correcte, si je puis m'exprimer ainsi). Je n'ai pas de perception particulière - "libéralement correcte" ou non - de l'absolutisme. Je ne suis pas précisément un sans-culotte, comme tu as pu le remarquer. Je constate simplement que le système était à bout de course, n'était plus moralement ni politiquement justifiable, et peu susceptible de se réformer autrement que par une… impulsion extérieure. Comme le disait Revel à propos du communisme, le seul moyen d'améliorer l'absolutisme c'est de s'en débarrasser. Maintenant on aurait pu s'y prendre autrement et de manière plus efficace - mais ce n'est pas la question. Le problème, c'est la manière dont la Révolution a eu lieu et a été menée, pas la nécessité d'un changement.
José Posté 27 janvier 2008 Signaler Posté 27 janvier 2008 Domi a dit : …que répondrions-nous à un Marxiste estimant que le Bolchévisme n'est pas une application du Marxisme… Qu'il ment par la gueule : chaque fois que l'on a vraiment essayé d'appliquer le marxisme (nationalisation des moyens de production, dictature du prolétariat et toussa) dans un pays, cela a donné le bolchévisme. À chaque fois. Donc, oui, le bolchévisme, le léninisme, le stalinisme sont des conséquences directes, immédiates et systématiques du marxisme appliqué.
Taranne Posté 27 janvier 2008 Signaler Posté 27 janvier 2008 Lucilio a dit : Qu'il ment par la gueule : chaque fois que l'on a vraiment essayé d'appliquer le marxisme (nationalisation des moyens de production, dictature du prolétariat et toussa) dans un pays, cela a donné le bolchévisme. À chaque fois. Donc, oui, le bolchévisme, le léninisme, le stalinisme sont des conséquences directes, immédiates et systématiques du marxisme appliqué.
Ash Posté 27 janvier 2008 Signaler Posté 27 janvier 2008 Taranne a dit : Maintenant on aurait pu s'y prendre autrement et de manière plus efficace - mais ce n'est pas la question. Le problème, c'est la manière dont la Révolution a eu lieu et a été menée, pas la nécessité d'un changement. Dans ce cas comment aurait-il pu se faire autrement que dans la violence ?
Harald Posté 27 janvier 2008 Signaler Posté 27 janvier 2008 Ronnie Hayek a dit : Sinon, je trouve que - dans ce débat récurrent -, l'attitude des libéraux est souvent étonnante. Nombreux sont ceux qui se préoccupent plus de pleurer sur les "idéaux trahis" par les méchants jacobins que de se soucier des victimes provoquées par l'application de ces idées grandioses dès le début du cycle révolutionnaire.Cela ne vous rappelle rien ? L'idée monarchique a bien terminé d'être trahie par Louis XIV qui a apporté la touche finale à l'évolution que les rois successifs depuis Louis XI avaient menée. Cette trahison s'est soldée par les sanglantes guerres de religion qui ont inscrit dans l'inconscient du pays une fracture qui n'existait pas auparavant et qui se révèlera lourde de conséquences. Si le bien aimé ne ressemblait pas au XIVème, il n'en reste pas moins vrai qu'il fit ce qu'il put pour maintenir l'édifice en l'état. Louis XVI, quant à lui n'était peut-être pas aussi faible qu'on a bien voulu le dire, seulement il manquait de discernement et restait par trop attaché à une certaine idée passablement datée de l'ordre pour voir que le moment de changer était inévitable. Pour le reste, le mot de la fin revient à Madame Royale : " Si mes parents avaient écouté M. de La Fayette, ils seraient encore vivants aujourd'hui ".
Ronnie Hayek Posté 27 janvier 2008 Signaler Posté 27 janvier 2008 Taranne a dit : D'où également le caractère pratiquement irréformable du système, puisqu'on en est réduit à attendre/espérer un souverain qui fasse preuve d'ouverture d'esprit, ce qui peut prendre du temps - beaucoup de temps. Même si la Révolution n'avait pas eu lieu et que les choses aient suivi leur cours normal, il y a très peu de chance que le successeur de Louis XVI se soit montré plus moderne dans sa conception de la monarchie; il n'aurait eu qu'à faire preuve d'un peu plus de fermeté pour que le statu quo persiste encore très longtemps. Je n'ai pas de perception particulière - "libéralement correcte" ou non - de l'absolutisme. Je ne suis pas précisément un sans-culotte, comme tu as pu le remarquer. Je constate simplement que le système était à bout de course, n'était plus moralement ni politiquement justifiable, et peu susceptible de se réformer autrement que par une… impulsion extérieure. Comme le disait Revel à propos du communisme, le seul moyen d'améliorer l'absolutisme c'est de s'en débarrasser. Maintenant on aurait pu s'y prendre autrement et de manière plus efficace - mais ce n'est pas la question. Le problème, c'est la manière dont la Révolution a eu lieu et a été menée, pas la nécessité d'un changement. Il me semble plutôt que la France était redevenue bien plus une société d'ordres et avait progressivement cessé d'être gouvernée de manière absolutiste. Les contre-pouvoirs existaient… et ne suivaient d'ailleurs pas vraiment une orientation libérale - cf. la querelle entre Turgot et les parlements. Notons que là où des monarques ont voulu faire passer en force des mesures libérales, ils se sont comportés en despotes éclairés, avides de bouleversements sociaux divers (je pense à Joseph II, en particulier). Ce ne fut pas le cas de Louis XVI. En France, je le répète, bien que des traces d'absolutisme - d'ordre essentiellement symboliques - persistassent, celui-ci était révolu dans les faits.
Taranne Posté 27 janvier 2008 Signaler Posté 27 janvier 2008 Harald a dit : L'idée monarchique a bien terminé d'être trahie par Louis XIV qui a apporté la touche finale à l'évolution que les rois successifs depuis Louis XI avaient menée. Cette trahison s'est soldée par les sanglantes guerres de religion qui ont inscrit dans l'inconscient du pays une fracture qui n'existait pas auparavant et qui se révèlera lourde de conséquences. Si le bien aimé ne ressemblait pas au XIVème, il n'en reste pas moins vrai qu'il fit ce qu'il put pour maintenir l'édifice en l'état. Louis XVI, quant à lui n'était peut-être pas aussi faible qu'on a bien voulu le dire, seulement il manquait de discernement et restait par trop attaché à une certaine idée passablement datée de l'ordre pour voir que le moment de changer était inévitable. Pour le reste, le mot de la fin revient à Madame Royale : " Si mes parents avaient écouté M. de La Fayette, ils seraient encore vivants aujourd'hui ". On peut toutefois porter au crédit de Louis XVI l'Edit de Tolérance, qui ®établit la liberté de culte dans le royaume. Ce n'est pas rien - et aurait dû être retenu en sa faveur lors de son procès.
Toast Posté 27 janvier 2008 Signaler Posté 27 janvier 2008 Ronnie Hayek a dit : Il me semble plutôt que la France était redevenue bien plus une société d'ordres et avait progressivement cessé d'être gouvernée de manière absolutiste. Les contre-pouvoirs existaient… et ne suivaient d'ailleurs pas vraiment une orientation libérale - cf. la querelle entre Turgot et les parlements. Notons que là où des monarques ont voulu faire passer en force des mesures libérales, ils se sont comportés en despotes éclairés, avide de bouleversements sociaux divers (je pense à Joseph II, en particulier). Ce ne fut pas le cas de Louis XVI. En France, je le répète, bien que des traces d'absolutisme - d'ordre essentiellement symboliques - persistassent, celui-ci était révolu dans les faits.La société d'ordres sous Louis XVI n'existait plus : le clergé, la noblesse et le tiers état n'avaient plus aucune unité interne, à la fois du point de vue idéologique (opposition entre conservateurs et libéraux, entre noblesse d'épée et de cour, etc.) et du point de vue matériel (la noblesse, la bourgeoisie et le haut-clergé faisaient peu ou prou parti de la même élite, tandis que les différences s'estompaient à la base, entre hobereaux, paysans et membres du bas-clergé qui menaient à dire vrai la même vie). Si l'on s'attache d'ailleurs aux titres de noblesse, sensés représenter une hiérarchie, on remarque d'ailleurs qu'eux aussi ne signifiaient plus rien (on pouvait être simple baron et avoir une influence bien plus importante que certains nobles bourgeois pompeusement titrés marquis…)Pour ce qui est de l'absolutisme, il ne signifie pas (et n'a jamais signifié) que le roi détenait tous les pouvoirs. À en juger à la faiblesse du pouvoir royal sous Louis XV puis Louis XVI, ça ne voudrait effectivement rien dire ; l'absolutisme, c'est l'idée selon laquelle la monarchie se suffit à elle-même (absoluta = sans liens). Les contre-pouvoirs existaient, c'est vrai, mais cela ne réfute pas en soi l'absolutisme du pouvoir royal, et j'ajouterai que si l'on en juge au rôle néfaste qu'ont joué les parlementaires (qui ne défendaient in fine que leurs petits intérêts, comme on a pu le vérifier lors du refus d'accorder le vote par tête aux états généraux au début de l'an 1789), on se demande presque s'il n'aurait été préférable qu'ils n'existassent pas… Il y a bien eu de la part du pouvoir royal une volonté de passer outre (ne serait-ce que via la réforme Maupeou de 1771, si ma mémoire est bonne) mais bon, Louis XVI manquant quelque peu de poigne et ayant été conseillé par des imbéciles (Maurepas et sa femme, entre autres), ça ne pouvait que mal se passer.
Ronnie Hayek Posté 27 janvier 2008 Signaler Posté 27 janvier 2008 Toast a dit : La société d'ordres sous Louis XVI n'existait plus : le clergé, la noblesse et le tiers état n'avaient plus aucune unité interne, à la fois du point de vue idéologique (opposition entre conservateurs et libéraux, entre noblesse d'épée et de cour, etc.) et du point de vue matériel (la noblesse, la bourgeoisie et le haut-clergé faisaient peu ou prou parti de la même élite, tandis que les différences s'estompaient à la base, entre hobereaux, paysans et membres du bas-clergé qui menaient à dire vrai la même vie). Si l'on s'attache d'ailleurs aux titres de noblesse, sensés représenter une hiérarchie, on remarque d'ailleurs qu'eux aussi ne signifiaient plus rien (on pouvait être simple baron et avoir une influence bien plus importante que certains nobles bourgeois pompeusement titrés marquis…)Pour ce qui est de l'absolutisme, il ne signifie pas (et n'a jamais signifié) que le roi détenait tous les pouvoirs. À en juger à la faiblesse du pouvoir royal sous Louis XV puis Louis XVI, ça ne voudrait effectivement rien dire ; l'absolutisme, c'est l'idée selon laquelle la monarchie se suffit à elle-même (absoluta = sans liens). Les contre-pouvoirs existaient, c'est vrai, mais cela ne réfute pas en soi l'absolutisme du pouvoir royal, et j'ajouterai que si l'on en juge au rôle néfaste qu'ont joué les parlementaires (qui ne défendaient in fine que leurs petits intérêts, comme on a pu le vérifier lors du refus d'accorder le vote par tête aux états généraux au début de l'an 1789), on se demande presque s'il n'aurait été préférable qu'ils n'existassent pas… Il y a bien eu de la part du pouvoir royal une volonté de passer outre (ne serait-ce que via la réforme Maupeou de 1771, si ma mémoire est bonne) mais bon, Louis XVI manquant quelque peu de poigne et ayant été conseillé par des imbéciles (Maurepas et sa femme, entre autres), ça ne pouvait que mal se passer. Tu parles ici de l'origine sémantique de l'absolutisme, qui remonte loin (princeps legibus solutus). Or ce que les révolutionnaires et, plus généralement, les hommes des Lumières ont contesté est que le pouvoir reposât dans les mains d'un seul homme - ce qui était faux, pour les raisons explicitées et que tu reprends d'ailleurs à ton compte -… quand il ne défendait pas leurs thèses. Au passage, les lois du Royaume furent bien plus efficaces pour encadrer l'action du roi que ne le sera n'importe quelle constitution républicaine pour cadenasser le pouvoir démocratique.
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