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Que fait-on pour les pauvres ?


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Posté
Rincevent affirme que c'est "tout naturellement" que les pauvres sont pris en charge par la couche privilégiée des citoyens. Pourquoi pas, mais c'est assez optimiste. Ca implique de croire que l'homme est naturellement charitable. Attention, on est chez Rousseau, là. Mais peut-être, peut-être que l'homme éprouve une sympathie naturelle pour ses semblables.

"Tout naturellement" était un raccourci rapide, mais ce n'est pas la peine de sombrer dans l'insulte. Rousseau, non mais j'te jure…

Bon, je me base sur le fait que l'empathie, la capacité à ressentir de la peine parce que d'autres sont dans la peine, fait partie de la nature humaine ; à divers degrés selon les personnes, mais tout de même. La question intéressante est désormais : qu'est-ce qui vient renforcer cette tendance, et qu'est-ce qui vient l'affaiblir ?

Peut venir en renfort le fait qu'un bienfaiteur est généralement bien considéré socialement, par une sorte d'empathie envers l'empathique, d'empathie au carré en somme ; une éventuelle émulation peut même se mettre en place, nourrissant la charité par l'égotisme de chacun. Vient aussi la présence d'une religion ou de toute autre idée-organisation promouvant les idées de charité (mais reconnaissons que les religions sont particulièrement efficaces et constituent des solutions tout à fait éprouvées).

A l'inverse, je vois un facteur (peut-être y en a-t-il d'autres) diminuant la charité : l'Etat-Providence (qui, rappelons-le, est à la charité ce que le viol est à l'amour), non seulement parce que les éventuels donateurs sont convaincus qu'on s'occupe déjà des pauvres, mais aussi et surtout parce que tout cela se fait avec l'argent des donateurs potentiels, et sans leur consentement sur le montant ou les destinataires, instillant le sentiment fatal selon lequel les pauvres vivent aux crochets des productifs, semant ainsi la discorde, la désunion et la haine des chasses au sein de la société civile.

Par ailleurs, il n'y a pas que les riches qui donnent : les gens au milieu sont au moins aussi généreux… Quand on leur laisse l'argent pour.

Posté
Je ne crois pas que ce soit la redistribution des richesses (qu'elle soit forcée ou par charité) qui a permis au commun des européens de passer d'un état de grande pauvreté au XVIIIème siècle à un état d'abondance au milieu du XXème siècle.

+1

Cette observation de bon sens est accablante pour l'idéologie dominante dont Bergame semble imbibé sans s'en rendre compte.

@ Bergame

Surtout ne prend pas mal ce que vais te dire, mais ton message de 19:04 me semble truffé d'exclusions conceptuelles péremptoires qui sont le reflet des multiples confusions intellectuelles véhiculées par la pensée médiatiquement et pédagogiquement dominante.

  • Ton approche est utilitariste et tu sembles ne pas réaliser que ce n'est pas la seule approche. Il existe des approches philosophiques ou sacrées qui ne sont nullement utilitaristes. Ainsi le libéralisme a 2 mamelles : l'amour de la liberté per se et l'efficacité de la liberté.
  • Tu sembles confondre définition et caractéristique résultante. Le libéralisme ne "consiste pas à" ce que tu dis, même si c'est une de ses caractéristiques résultantes.
  • Contrairement à ce que tu sembles penser la prospérité globale est en règle générale la réponse au problème de la pauvreté. Une forme ou une autre de redistribution [par des mécanismes de charité privée ou publique crois-je comprendre de ton discours] n'est nécessaire si on veut résoudre le problème de la pauvreté que dans le cas particulier où une partie de la population ne parviens pas à échanger de façon marchande ce qui lui est matériellement nécessaire pour sa vie biologique et, disons, une vie sociale de base. Les assurances sociales mécaniques (souscription) ou organiques (famille) répondent en règle générale aux risques individuels résiduels au sein d'un monde prospère.
  • L'Etat constitue par nature une violence et quand bien même il serait le redistributeur le plus efficace et le plus neutre (la théorie des choix publics montre qu'il devient au contraire facilement très crapuleux) ce défaut intrinsèque justifierait qu'on lui préfère d'autres solutions qui lui seraient supportablement moins efficaces.
  • etc.

Puis-je te suggérer de libérer ta capacité d'exploration de l'espace des possibles ? Ta présence ici avec nous qui avons d'autres idées que les tiennes montre que tu as l'esprit d'ouverture au dialogue mais tu donnes l'impression d'autocensurer inconsciemment ta propre pensée en conformité avec les convenances gauchies de la pensée dominante propagée par l'EdNat et les médias.

Posté
En fait presque chaque phrase que tu a énoncée contient des affirmations péremptoires, conceptuellement erronées par atrophie en plus d'être pragmatiquement et historiquement largement contestées. Puis-je te suggérer de libérer ta capacité d'exploration de l'espace des possible ? Ta présence ici avec nous qui avons d'autres idées que les tienne montre que tu as l'esprit d'ouverture au dialogue mais tu donnes l'impression d'autocensurer inconsciemment ta propre pensée.

C'est un philosophe professionnel. Il ne faut pas trop lui en demander. (Sans rancune, Bergame !)

Posté
Tu veux dire que le problème de la pauvreté est une simple question de terminologie ?

Bien sûr. C'est cela, la réponse libérale classique. Mais en ajoutant ce point fondamental sur lequel j'insiste : La prospérité globale n'est une réponse au problème de la pauvreté que s'il existe une forme ou une autre de redistribution, de manière à ce que l'ensemble d'une population, ou du moins la partie la plus large, bénéficie peu ou prou de cette croissance. C'est cette fonction de prélèvement d'une partie de la croissance et redistribution à l'ensemble de la population -du moins aux plus pauvres- qu'assure l'Etat. Par conséquent, la substitution d'un système privé de redistribution à la prise en charge publique ne peut être justifiée que par une efficacité accrue. Il est fondamental de montrer qu'un système privé est plus efficace pour lutter contre la pauvreté qu'une prise en charge publique. Or, ça nécessite de montrer que la frange privilégiée d'une société est composée d'individus responsables, ayant à coeur d'assurer la stabilité sociale du pays duquel ils sont les citoyens éminents. La doctrine libérale n'a jamais consisté à dire que les riches sont les plus beaux et les plus forts. Là, je crois qu'on confond le libéralisme avec d'autres doctrines. La doctrine libérale consiste à dire que les riches sont les plus méritants et les plus responsables, et qu'ià ce titre, ils constituent des exemples à suivre pour le reste de la population.

Pareto disait que les élites finissent toujours par creuser leur propre tombe, parce qu'elles sombrent dans la jouissance féroce et oublient leur rôle social et politique.

Pas mal du tout. ça faisait longtemps que je n'avais pas lu aussi bon et raffiné ici.

Pour rejoindre ton propos, de façon crue, le fric entre les mains des riches profitera plus à l'intérêt général - et aux pauvres - que s'il était dans les mains de l'Etat - sauf si on aime les plots et les films français.

Posté
l'Etat-Providence (qui, rappelons-le, est à la charité ce que le viol est à l'amour)

cette formule est juste géniale ! et tellement vraie ! :icon_up:

Invité jabial
Posté
La prospérité globale n'est une réponse au problème de la pauvreté que s'il existe une forme ou une autre de redistribution, de manière à ce que l'ensemble d'une population, ou du moins la partie la plus large, bénéficie peu ou prou de cette croissance. C'est cette fonction de prélèvement d'une partie de la croissance et redistribution à l'ensemble de la population -du moins aux plus pauvres- qu'assure l'Etat. Par conséquent, la substitution d'un système privé de redistribution à la prise en charge publique ne peut être justifiée que par une efficacité accrue. Il est fondamental de montrer qu'un système privé est plus efficace pour lutter contre la pauvreté qu'une prise en charge publique. Or, ça nécessite de montrer que la frange privilégiée d'une société est composée d'individus responsables

Non. C'est précisément là où le raisonnement cloche : un système libéral va liquider du chômage et créer plus de croissance pour tous non pas parce que les habitants sont plus travailleurs ou plus responsables mais simplement parce que la main invisible, ça marche pour de vrai. Traduction : quand on supprime les rigidités qui créent du chômage artificiel, ce chômage artificiel se résorbe. Et ce n'est pas par la charité qu'un système libéral aide les pauvres, mais bien par la présence d'opportunités de s'en sortir par soi-même.

Il y a de ça même pas 50 ans, des gens ont réussi sans savoir lire ni écrire. Que s'est-il passé entre temps ? Je prétends et j'affirme qu'il est plus important que les gens puissent réussir par eux-mêmes que de coller à tout le monde une école gratuite pour tous à laquelle 90% des participants y vont malgré eux et à l'issue de laquelle ces même 90% n'ouvriront plus jamais un bouquin de leur vie.

Regardez le pourcentage de salariés il y a 50 ans et maintenant. Pire encore, le pourcentage de fonctionnaires. Il n'y a pas un problème ? Non, la plupart des gens ne sont pas incapables de faire autre chose. On fait tout ce qu'on peut pour leur fermer toutes les autres voies. Regardez un peu le taux de suicide ! L'argent facile, en petite comme en grande quantité, n'a jamais fait le bonheur. Quel bureaucrate se sent vraiment utile ? Dans son cœur il sait. Dans une autre vie il aurait peut-être été un brillant inventeur. Le système socialiste gâche tout, argent, talents et bonnes volontés.

La vraie lutte contre la pauvreté, ce n'est pas de créer des autoroutes pour rejoindre la classe moyenne inférieure de façon artificielle mais bien de briser les barrières artificielles qui empêchent tout un chacun de tenter sa chance à sa manière.

Posté
Et ce n'est pas par la charité qu'un système libéral aide les pauvres, mais bien par la présence d'opportunités de s'en sortir par soi-même.

Oui et non, oui, la majorité des pauvres actuels ne le seraient pas si on ne leur mettait pas des bâtons dans les roues et si ils avaient les valeurs pour travailler.

Non, même dans un marché fluide, toute la pauvreté ne disparaitrai pas, et certains dépendraient de la charité, y compris éducative, pour aider ceux de leurs enfants qui, eux, ne sont pas irrémédiablement pauvres (les pauvres irrémédiables, ça existe…)

Posté
Non, même dans un marché fluide, toute la pauvreté ne disparaitrai pas, et certains dépendraient de la charité, y compris éducative, pour aider ceux de leurs enfants qui, eux, ne sont pas irrémédiablement pauvres (les pauvres irrémédiables, ça existe…)

Peut être, mais cette pauvreté résiduelle serait beaucoup moins importante que celle qui existe actuellement, à tel point que d'un point de vue utilitariste il n'y a pas photo (surtout en considérant que la redistribution étatique est très peu efficace, et donc que les plus démunis ne seraient pas moins bien lotis).

D'autre part, outre la charité par les "élites bourgeoises" je trouve qu'on passe un peu trop vite sur la solidarité entre proches qui représente le meilleur moyen de lutte contre la pauvreté, et qui marche au sein de n'importe quelle catégorie sociale.

Dès lors, la prise en charge de la pauvreté dans une société libérale ne devient problématique que dans le cas d'un type sans famille ni amis, incapable de travailler ou de rebondir de quelque manière que ce soit.

Ça m'évoque étrangement les digressions sur des cas de plus en plus obscures et improbables pour chercher à "réfuter" l'anarcapie…

Posté
Dès lors, la prise en charge de la pauvreté dans une société libérale ne devient problématique que dans le cas d'un type sans famille ni amis, incapable de travailler ou de rebondir de quelque manière que ce soit.

Voila, et ce n'est un probleme que si aucun etranger ne souhaite l'aider, or personne n'est etranger pour l'eglise, ou pour la croix rouge…

Ça m'évoque étrangement les digressions sur des cas de plus en plus obscures et improbables pour chercher à "réfuter" l'anarcapie…

En meme temps, les disgressions sur des cas obscurs et improbables, c'est aussi une habitude anarcap :icon_up:

Posté
Peut être, mais cette pauvreté résiduelle serait beaucoup moins importante que celle qui existe actuellement, à tel point que d'un point de vue utilitariste il n'y a pas photo (surtout en considérant que la redistribution étatique est très peu efficace, et donc que les plus démunis ne seraient pas moins bien lotis).

D'autre part, outre la charité par les "élites bourgeoises" je trouve qu'on passe un peu trop vite sur la solidarité entre proches qui représente le meilleur moyen de lutte contre la pauvreté, et qui marche au sein de n'importe quelle catégorie sociale.

Dès lors, la prise en charge de la pauvreté dans une société libérale ne devient problématique que dans le cas d'un type sans famille ni amis, incapable de travailler ou de rebondir de quelque manière que ce soit.

Ça m'évoque étrangement les digressions sur des cas de plus en plus obscures et improbables pour chercher à "réfuter" l'anarcapie…

Il ne me semble pas inintéressant de noter que ta réponse est en contradiction directe avec celle de jabial.

Que dit en effet jabial : Que la main invisible est efficace. Sur quoi repose la main invisible ? L'égoïsme. Tout le monde connaît la phrase de A.Smith : "Nous ne nous adressons pas à leur humanisme, mais à leur égoïsme." La main invisible, c'est ce mécanisme quasi-providentiel qui arrange tout au mieux dans le dos des hommes, dont le comportement intentionnel est orienté par le self-interest.

Ce que tu dis, toi, est très différent : Tu affimes que les hommes sont altruistes. Du moins, dans une certaine mesure, dans le cercle de leurs proches, famille et amis.

Alors ? Faut-il compter sur l'égoïsme des individus, pour résoudre le problème de la pauvreté, ou sur les liens sociaux ? Pour ma part, je suis plutôt d'accord avec Lancelot. Je ne vois pas d'exemple historique ou culturel qui puisse nous faire croire que la pauvreté se résoud par l'égoïsme -nous parlons bien de la pauvreté, et non de l'élévation générale du niveau de vie.

Mais je suis quand même étonné de voir que vous avez du mal, apparemment, avec la thèse de la responsabilité des élites. Aux Etats-Unis, par exemple, on n'imagine pas les choses autrement. Enfin, je veux dire, ça fait vraiment partie de la culture américaine que ce leadership des élites. Il est vrai que j'ai lu, jabial, que tu identifiais les fondations et ces initiatives de charité typiquement américaines comme des "machins gauchistes". Qualifier les Rockefeller, Vanderbilt et autres Carnegie de gauchistes, je trouve sincèrement que c'est mécomprendre quelque chose d'important.

Enfin, il est juste de lire de l'utilitarisme dans ce que je dis. xavdr, tu dois comprendre qu'à mon avis, cette responsabilité a pour horizon la paix sociale et la stabilité, toujours meilleure pour l'économie qu'autre chose. C'est juste. Mais il n'y a pas que cela. Le sens de la responsabilité me semble aussi avoir une résonnance sociale : Lorsque les philantropes sus-cités donnaient à leur communauté des batiments publics qu'ils faisaient construire à leurs frais, il y avait aussi quelque chose qui avait à voir avec le prestige et le leadership, un certain sens de l'honneur.

Merci Apollon. Ca fait plaisir d'être bien lu :icon_up:

Posté
Il ne me semble pas inintéressant de noter que ta réponse est en contradiction directe avec celle de jabial.

Que dit en effet jabial : Que la main invisible est efficace. Sur quoi repose la main invisible ? L'égoïsme. Tout le monde connaît la phrase de A.Smith : "Nous ne nous adressons pas à leur humanisme, mais à leur égoïsme." La main invisible, c'est ce mécanisme quasi-providentiel qui arrange tout au mieux dans le dos des hommes, dont le comportement intentionnel est orienté par le self-interest.

Ce que tu dis, toi, est très différent : Tu affimes que les hommes sont altruistes. Du moins, dans une certaine mesure, dans le cercle de leurs proches, famille et amis.

Alors ? Faut-il compter sur l'égoïsme des individus, pour résoudre le problème de la pauvreté, ou sur les liens sociaux ? Pour ma part, je suis plutôt d'accord avec Lancelot. Je ne vois pas d'exemple historique ou culturel qui puisse nous faire croire que la pauvreté se résoud par l'égoïsme -nous parlons bien de la pauvreté, et non de l'élévation générale du niveau de vie.

Mais je suis quand même étonné de voir que vous avez du mal, apparemment, avec la thèse de la responsabilité des élites. Aux Etats-Unis, par exemple, on n'imagine pas les choses autrement. Enfin, je veux dire, ça fait vraiment partie de la culture américaine que ce leadership des élites. Il est vrai que j'ai lu, jabial, que tu identifiais les fondations et ces initiatives de charité typiquement américaines comme des "machins gauchistes". Qualifier les Rockefeller, Vanderbilt et autres Carnegie de gauchistes, je trouve sincèrement que c'est mécomprendre quelque chose d'important.

Enfin, il est juste de lire de l'utilitarisme dans ce que je dis. xavdr, tu dois comprendre qu'à mon avis, cette responsabilité a pour horizon la paix sociale et la stabilité, toujours meilleure pour l'économie qu'autre chose. C'est juste. Mais il n'y a pas que cela. Le sens de la responsabilité me semble aussi avoir une résonnance sociale : Lorsque les philantropes sus-cités donnaient à leur communauté des batiments publics qu'ils faisaient construire à leurs frais, il y avait aussi quelque chose qui avait à voir avec le prestige et le leadership, un certain sens de l'honneur.

Merci Apollon. Ca fait plaisir d'être bien lu :icon_up:

La main invisible n'interdit pas aux hommes d'être altruistes.

J'irai même jusqu'à écrire que faire reposer cette main invisible sur l'égoïsme est une faute… de traduction. En effet le mot employé par smith n'est pas egoism mais self-love.

On ne sait pas exactement ce que smith voulait dire à travers la métaphore de la main invisible. J'en retiens que l'homme, qui ne recherche que son intérêt (qui peut être altruiste), produit sans le vouloir l'intérêt général, autrement dit du chaos des passions individuelles émerge paradoxalement l'ordre.

En ce qui me concerne cela est vrai dans la mesure où l'homme qui agit ainsi n'est pas un homo oeconomicus mais un homme culturel, qui connait de préjugés et des institutions. Pour Smith, c'est probablement un donné évident.

Posté
En ce qui me concerne cela est vrai dans la mesure où l'homme qui agit ainsi n'est pas un homo oeconomicus mais un homme culturel, qui connait de préjugés et des institutions. Pour Smith, c'est probablement un donné évident.

:icon_up:

Posté
La main invisible n'interdit pas aux hommes d'être altruistes.

J'irai même jusqu'à écrire que faire reposer cette main invisible sur l'égoïsme est une faute… de traduction. En effet le mot employé par smith n'est pas egoism mais self-love.

On ne sait pas exactement ce que smith voulait dire à travers la métaphore de la main invisible. J'en retiens que l'homme, qui ne recherche que son intérêt (qui peut être altruiste), produit sans le vouloir l'intérêt général, autrement dit du chaos des passions individuelles émerge paradoxalement l'ordre.

En ce qui me concerne cela est vrai dans la mesure où l'homme qui agit ainsi n'est pas un homo oeconomicus mais un homme culturel, qui connait de préjugés et des institutions. Pour Smith, c'est probablement un donné évident.

"Probablement". :icon_up: Disons qu'au vrai, ce qui était évident pour Smith, on n'en sait rien. En revanche, c'est un problème pour nous, d'ailleurs, on l'a appelé comme ça : Le problème d'Adam Smith. En France, nous avons un bon spécialiste de cette question, Jean-Pierre Dupuy, par exemple dans "Le Sacrifice et l'Envie" ou "Libéralisme et Justice Sociale" -enfin, "en France", il enseigne à Stanford, bien sûr. L'énoncé du problème est assez simple : Les deux grands ouvrages de Smith, la Théorie des Sentiments Moraux d'une part, et la Richesse des Nations d'autre part, présentent deux anthropologies qu'il peut sembler difficile de faire tenir ensemble, à savoir qu'elles reposent d'un côté sur le sentiment de "sympathie", et de l'autre sur le "self-love" ou "self-interest" -je ne pense pas que la solution du problème se trouve dans la traductologie pour ma part. Cette difficulté, propre à la réception de l'oeuvre de Smith et son usage, amène à réfléchir par extension à la représentation anthropologique induite par les différentes doctrines libérales. Dans les deux réponses de jabial et de Lancelot, nous avions en effet l'exemple de deux discours qui pensent communiquer et peut-être même aller dans le même sens, et en fait, lorsqu'on creuse et qu'on fait émerger les présupposés, on se rend compte qu'ils disent des choses très différentes. Qui se répercutent ensuite, comme j'ai rapidement tenté de le montrer, dans les solutions théoriques apportées à des problèmes concrets. L'exemple est anecdotique, je ne veux pas embarrasser jabial ou Lancelot, mais simplement montrer que "libéralisme", ça veut dire des choses très différentes, au niveau même des principes.

Quant à moi, je suis parfaitement d'accord avec toi sur le fond. Il ne faut jamais perdre de vue -voeu pieux, mais enfin, ça ne coûte rien de le rappeler- que l'homo oeconomicus est un réductionnisme méthodologique. Càd une manipulation théorique, qui ne peut être justifiée que par son adéquation ou disons, sa fructuosité pour appréhender une certaine classe de problèmes -par exemple économiques. D'ailleur, la réponse la plus convaincante au "Problème d'Adam Smith" à mes yeux est celle qui affirme que, puisque Smith traite de deux domaines différents dans l'un et l'autre ouvrage -la morale, et l'économie- il est judicieux d'avoir adopté des postulats différents. Ainsi, le problème de la pauvreté étant plutôt un problème social qu'un problème économique, il peut apparaître comme non-pertinent d'adopter pour l'appréhender, une représentation anthropologique qui exclut l'intersubjectivité, le lien social, ou l'appartenance culturelle.

Posté
Cette difficulté, propre à la réception de l'œuvre de Smith et son usage, amène à réfléchir par extension à la représentation anthropologique induite par les différentes doctrines libérales. Dans les deux réponses de jabial et de Lancelot, nous avions en effet l'exemple de deux discours qui pensent communiquer et peut-être même aller dans le même sens, et en fait, lorsqu'on creuse et qu'on fait émerger les présupposés, on se rend compte qu'ils disent des choses très différentes. Qui se répercutent ensuite, comme j'ai rapidement tenté de le montrer, dans les solutions théoriques apportées à des problèmes concrets. L'exemple est anecdotique, je ne veux pas embarrasser jabial ou Lancelot, mais simplement montrer que "libéralisme", ça veut dire des choses très différentes, au niveau même des principes.

En quoi la réponse d'Apollon ("La main invisible n'interdit pas aux hommes d'être altruistes.") n'est-elle pas pertinente ?

Il y a bien deux niveaux différents en ce sens que la main invisible est un mécanisme impersonnel et inconscient tandis que l'altruisme est volontaire et dirigé (principalement vers les proches), mais les deux sont complémentaires et découlent du même principe : l'individu cherche à suivre ce qu'il ressent être son intérêt. Dans l'altruisme, cette recherche passe pas l'empathie, la confiance, la volonté de s'intégrer dans la société etc.

Dans les deux cas, la conclusion pratique est d'ailleurs la même : laissez faire.

Invité jabial
Posté
Alors ? Faut-il compter sur l'égoïsme des individus, pour résoudre le problème de la pauvreté, ou sur les liens sociaux ? Pour ma part, je suis plutôt d'accord avec Lancelot. Je ne vois pas d'exemple historique ou culturel qui puisse nous faire croire que la pauvreté se résoud par l'égoïsme -nous parlons bien de la pauvreté, et non de l'élévation générale du niveau de vie.

C'est quoi que tu appelles la pauvreté et qui ne se résout pas par l'élévation générale du niveau de vie ?

Si le problème pour toi ce sont les inégalités en soi et non pas la misère objective, alors je te répondrai que non seulement ça ne sera jamais résolu mais qu'il n'est pas souhaitable que ça le soit. Il est souhaitable que le niveau de vie des pauvres augmente. Il n'est pas du tout souhaitable que tout le monde ait à peu près le même niveau de vie.

Posté
En quoi la réponse d'Apollon ("La main invisible n'interdit pas aux hommes d'être altruistes.") n'est-elle pas pertinente ?

Mais bien sûr qu'elle est pertinente, enfin à mon avis : Je suis d'accord avec elle. Pas forcément dans ta reformulation, mais dans la version d'Apollon, oui, assez.

Si le problème pour toi ce sont les inégalités en soi et non pas la misère objective, alors je te répondrai que non seulement ça ne sera jamais résolu mais qu'il n'est pas souhaitable que ça le soit. Il est souhaitable que le niveau de vie des pauvres augmente. Il n'est pas du tout souhaitable que tout le monde ait à peu près le même niveau de vie.

Ah oui, dans tous les cas ? C'est parce que tu assimiles l'équilibration du niveau de vie à un processus de redistribution public ou c'est un principe général ? Je veux dire : Dans la société anarchiste que tu prônes, tu envisages le fait qu'un système parfaitement ouvert tende globalement vers une moyenne, ou tu penses au contraire qu'une société sans Etat aboutirait à de larges disparités de niveaux de vie ?

Posté
redistribution

Les mots t'égarent. Parler de redistribution, c'est supposer que les revenus sont distribués. Or, la plupart d'entre eux ne sont pas distribués, mais gagnés.

[Troll] Il faut vraiment n'avoir jamais rien fait de bien productif de sa vie pour croire que les revenus sont distribués plutôt que gagnés. [/Troll]

Posté
Mais bien sûr qu'elle est pertinente, enfin à mon avis : Je suis d'accord avec elle. Pas forcément dans ta reformulation, mais dans la version d'Apollon, oui, assez.

Si elle est pertinente, alors il n'y a de contradiction à aucun niveau (ni dans les principes, ni dans le raisonnement, ni dans l'application) entre ce que ce que dit jabial et ce que je dis. Partant de là, je peine à voir quel est le problème.

Posté
"Probablement". :icon_up: Disons qu'au vrai, ce qui était évident pour Smith, on n'en sait rien. En revanche, c'est un problème pour nous, d'ailleurs, on l'a appelé comme ça : Le problème d'Adam Smith. En France, nous avons un bon spécialiste de cette question, Jean-Pierre Dupuy, par exemple dans "Le Sacrifice et l'Envie" ou "Libéralisme et Justice Sociale" -enfin, "en France", il enseigne à Stanford, bien sûr. L'énoncé du problème est assez simple : Les deux grands ouvrages de Smith, la Théorie des Sentiments Moraux d'une part, et la Richesse des Nations d'autre part, présentent deux anthropologies qu'il peut sembler difficile de faire tenir ensemble, à savoir qu'elles reposent d'un côté sur le sentiment de "sympathie", et de l'autre sur le "self-love" ou "self-interest" -je ne pense pas que la solution du problème se trouve dans la traductologie pour ma part. Cette difficulté, propre à la réception de l'oeuvre de Smith et son usage, amène à réfléchir par extension à la représentation anthropologique induite par les différentes doctrines libérales. Dans les deux réponses de jabial et de Lancelot, nous avions en effet l'exemple de deux discours qui pensent communiquer et peut-être même aller dans le même sens, et en fait, lorsqu'on creuse et qu'on fait émerger les présupposés, on se rend compte qu'ils disent des choses très différentes. Qui se répercutent ensuite, comme j'ai rapidement tenté de le montrer, dans les solutions théoriques apportées à des problèmes concrets. L'exemple est anecdotique, je ne veux pas embarrasser jabial ou Lancelot, mais simplement montrer que "libéralisme", ça veut dire des choses très différentes, au niveau même des principes.

Quant à moi, je suis parfaitement d'accord avec toi sur le fond. Il ne faut jamais perdre de vue -voeu pieux, mais enfin, ça ne coûte rien de le rappeler- que l'homo oeconomicus est un réductionnisme méthodologique. Càd une manipulation théorique, qui ne peut être justifiée que par son adéquation ou disons, sa fructuosité pour appréhender une certaine classe de problèmes -par exemple économiques. D'ailleur, la réponse la plus convaincante au "Problème d'Adam Smith" à mes yeux est celle qui affirme que, puisque Smith traite de deux domaines différents dans l'un et l'autre ouvrage -la morale, et l'économie- il est judicieux d'avoir adopté des postulats différents. Ainsi, le problème de la pauvreté étant plutôt un problème social qu'un problème économique, il peut apparaître comme non-pertinent d'adopter pour l'appréhender, une représentation anthropologique qui exclut l'intersubjectivité, le lien social, ou l'appartenance culturelle.

Je connais superficiellement la controverse sur l'unicité ou non de la doctrine de Smith. Je réserve mon opinionsur ce point.

Le problème que je soulevais n'a pas besoin d'impliquer cette controverse. Il est remarquable de voir que Smith parle de self-love et pas d'egoism. L'égoïsme c'est le vice qui consiste à rechercher son intérêt aux dépens d'autrui tandis que le self-love, qui n'est pas un vice, consiste simplement à rechercher son bien,a priori indépendament d'autrui.

Mais dans un monde comprenant les institutions, les comportements obéissent à des règles qui produisent certains effets qui ne sont pas délibérés. L'institution qui permet à la recherche de l'intérêt de produire le bien d'autrui c'est le marché : elle conditionne l'obtention de ce que nous voulons au service d'autrui. En d'autres termes il faut produire ce qu'autrui désire pour être payé en retour et échanger à son tour ce revenu contre les biens et services que nous voulons.

C'est en ce sens que le jeu de tous ces hommes attachés à la satisfaction de leur intérêt, largement irrationnel et dans cette mesure passionnel, débouche sur l'intérêt de tous : parce que la satisfaction de l'intérêt devient à travers le marché le service de l'autre. Exit la force, exit la volonté d'un ordonnateur.

On devrait être d'accord là-dessus. En revanche je ne te suis pas sur la fin : l'homo oeconomicus n'est pas toute l'économie, il n'est qu'un modèle néoclassique. Partant il me parait illogique de déduire de l'impertinence de ce modèle pour apprécier la pauvreté - ce qui reste à montrer - que la solution au problème de la pauvreté passe par l'adoption des postulats qui ne seraient pas économiques. Pareille idée me semble en plus conduire à l'affirmation qu'il y aurait une vérité économique et une vérité sociale, deux mondes séparés, un wishful thinking qui excuse bien des aberrations - tout particulièrement dans le débat politique actuel où l'on se flatterait presque d'ignorer l'économie parce qu'on veut du social.

Posté

Oui, ok pour la terminologie, d'ailleurs, je crois en effet que l'"egoism" anglais est plus marqué négativement encore qu'"égoïsme" en français, donc il est vrai qu'il faut le noter.

Sur ton dernier paragraphe, tu vas beaucoup trop vite à mon goût, en plus pour finir par m'accuser d’"excuser des aberrations", c'est po sympa. :icon_up: J'excuse rien du tout, moi, je discute et expose mon opinion, voila tout. Je vais essayer de sérier les questions.

1. Je n’ai pas parlé de "mondes séparés" mais de "classes de problèmes". C’est très kantien ou popperien, en tous cas rationaliste critique : Faire de la science, ça consiste à proposer des solutions à des problèmes. Donc d’abord, bien identifier le problème, et bien le formuler. A différents problèmes correspondent différentes approches méthodologiques, qui correspondent à différentes "disciplines" et même éventuellement, différents "paradigmes". La formulation du problème oriente déjà vers une approche plutôt qu’une autre. Ex : Lorsqu’il s’agit de prédire la position d’un astéroïde dans l’espace, la biologie cellulaire n’est pas pertinente, ni ses méthodes, ni ses outils, ni a fortiori ses postulats

2. Alors existe-t-il des classes de problèmes différents en économie, en sociologie, en histoire, en sciences politiques, en psychologie, etc. ? Ma réponse personnelle est "oui". Pourquoi ? Parce que l’objet de ces différentes disciplines n’est pas le même. Je ne pense pas en particulier que toutes les interactions sociales soient de type économiques. Il ne s’agit pas –pour moi- d’ignorer l’économie –pourquoi donc ?- il s’agit de dire que l'existence humaine et sociale ne se réduit pas à l’économie.

3. Maintenant, que le problème de la pauvreté constitue un problème pour la sociologie, pour la science politique, ou pour l’économie, c’est un sujet ouvert. Pour ma part, je crois que tout dépend de la manière de le formuler–cf. 1. Si tu le formules comme le fait jabial, càd en le faisant dépendre d’une augmentation générale du niveau de vie, alors je pense que c’est un problème économique. Mais neuneu2k disait que l’élévation générale du niveau de vie ne résorbera jamais totalement la pauvreté. Dans ce cas, la pauvreté devient, à mon avis, un problème social –en tous cas, c’est ainsi que j’ai commencé à l’aborder dans ce thread, si tu me suis bien : En plaçant mon opinion au niveau du choix dans le système de redistribution, soit privé soit public, et en tranchant par une solution mettant en jeu la responsabilité des élites, j’ai bien dit qu’à mon avis, il s’agissait d’un problème social.

4. Enfin, je ne crois pas être le seul à pointer l’hégémonie de la théorie orthodoxe en économie. Tu penses à quoi ? Institutionnalisme, apparemment, non ?

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Si elle est pertinente, alors il n'y a de contradiction à aucun niveau (ni dans les principes, ni dans le raisonnement, ni dans l'application) entre ce que ce que dit jabial et ce que je dis. Partant de là, je peine à voir quel est le problème.

Eh bien il me semble qu'on oublie souvent ici quelque chose qui est pourtant simple :

si une société sans état peut être viable, il ne s'ensuit pas que toute société sans état est viable. Elle doit être doté d'un certain corpus d'institutions, au rang desquels une conscience de classe des classes supérieures tournée vers les plus pauvres. Et en effet ces pratiques de distribution semblent au moins aussi universelles et intemporelles (hors l'État providence moderne) que les trois piliers du droit Hayekien.

Ensuite, la défense de ces institutions me semble absolument indissociables de la critique de l'État. Et le problème est que c'est un point dont l'analyse ne peut se contenter de l'individualisme méthodologique.

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Si une société sans état peut être viable, il ne s'ensuit pas que toute société sans état est viable.

Certes.

Elle doit être doté d'un certain corpus d'institutions, au rang desquels une conscience de classe des classes supérieures tournée vers les plus pauvres. Et en effet ces pratiques de distribution semblent au moins aussi universelles et intemporelles (hors l'État providence moderne) que les trois piliers du droit Hayekien.

Je ne crois pas que la notion de charité par des classes supérieures responsables soit nécessaire au bon fonctionnement d'une société. Ou, en tout cas, c'est quelque chose de marginal par rapport à des institutions comme la famille qui sont selon moi le vrai support de l'altruisme (et qui fonctionnement quel que soit le niveau social).

Quoi qu'il en soit, on ne peut certainement pas parler de redistribution.

Posté
Je ne crois pas que la notion de charité par des classes supérieures responsables soit nécessaire au bon fonctionnement d'une société. Ou, en tout cas, c'est quelque chose de marginal par rapport à des institutions comme la famille qui sont selon moi le vrai support de l'altruisme (et qui fonctionnement quel que soit le niveau social).

En l'absence d'Etat la charité - ainsi que l'hospitalité dans les sociétés traditionnelles - constitue une institution régulatrice qui est un pilier de la cohésion sociale, mais elle ne remplace évidemment pas le noyau de protection qu'est la famille, premier filet de sécurité contre la pauvreté. C'est pourquoi le socialisme vise l'atomisation des liens familiaux (par exemple via la subvention des mères célibataires) afin de modeler la société à sa guise en supprimant les médiations naturelles qui se dressent entre l'Etat et les individus, ce qui a pour effet d'accroître leur dépendance.

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1. Je n’ai pas parlé de "mondes séparés" mais de "classes de problèmes". C’est très kantien ou popperien, en tous cas rationaliste critique : Faire de la science, ça consiste à proposer des solutions à des problèmes. Donc d’abord, bien identifier le problème, et bien le formuler. A différents problèmes correspondent différentes approches méthodologiques, qui correspondent à différentes "disciplines" et même éventuellement, différents "paradigmes". La formulation du problème oriente déjà vers une approche plutôt qu’une autre. Ex : Lorsqu’il s’agit de prédire la position d’un astéroïde dans l’espace, la biologie cellulaire n’est pas pertinente, ni ses méthodes, ni ses outils, ni a fortiori ses postulats

2. Alors existe-t-il des classes de problèmes différents en économie, en sociologie, en histoire, en sciences politiques, en psychologie, etc. ? Ma réponse personnelle est "oui". Pourquoi ? Parce que l’objet de ces différentes disciplines n’est pas le même.

L'objet de ces disciplines se recoupe. Surtout on ne peut pas prétendre réfuter les lois économiques en tentant de chercher de nouveaux points de départ. A défaut, on ne cherche pas la vérité, on cherche des rationalisations aux conclusions recherchées, fixées en amont.

D'ailleurs ne nous faisons pas d'illusion, la recherche de la vérité est très rare. pour la plupart des gens (à part nous, cela va de soi) les arguments sont postérieurs aux conclusions et la pensée ne sert que de rationalisation des préjugés.

Je ne pense pas en particulier que toutes les interactions sociales soient de type économiques. Il ne s’agit pas –pour moi- d’ignorer l’économie –pourquoi donc ?- il s’agit de dire que l'existence humaine et sociale ne se réduit pas à l’économie.

Mais personne n'a soutenu le contraire.

3. Maintenant, que le problème de la pauvreté constitue un problème pour la sociologie, pour la science politique, ou pour l’économie, c’est un sujet ouvert. Pour ma part, je crois que tout dépend de la manière de le formuler–cf. 1. Si tu le formules comme le fait jabial, càd en le faisant dépendre d’une augmentation générale du niveau de vie, alors je pense que c’est un problème économique. Mais neuneu2k disait que l’élévation générale du niveau de vie ne résorbera jamais totalement la pauvreté. Dans ce cas, la pauvreté devient, à mon avis, un problème social –en tous cas, c’est ainsi que j’ai commencé à l’aborder dans ce thread, si tu me suis bien : En plaçant mon opinion au niveau du choix dans le système de redistribution, soit privé soit public, et en tranchant par une solution mettant en jeu la responsabilité des élites, j’ai bien dit qu’à mon avis, il s’agissait d’un problème social.

Je connais le problème. La définition du taux de pauvreté est très politique. Alors qu'aux US on adopte un seuil objectif, on a en France et en Europe un seuil qui correspond à une fraction du revenu médian. C'est éminemment criticable à plusieurs titres. J'avais écrit un article sur mon blog pour lister les problèmes posées par une telle définition qui débouche régulièrement sur des contre-sens dans les médias. En ce qui me concerne je proposerai volontiers l'indice de pauvreté suivant :

Taux de pauvreté réel = 1 / taux de pauvreté calculé par l'INSEE.

Eh bien il me semble qu'on oublie souvent ici quelque chose qui est pourtant simple :

si une société sans état peut être viable, il ne s'ensuit pas que toute société sans état est viable. Elle doit être doté d'un certain corpus d'institutions, au rang desquels une conscience de classe des classes supérieures tournée vers les plus pauvres. Et en effet ces pratiques de distribution semblent au moins aussi universelles et intemporelles (hors l'État providence moderne) que les trois piliers du droit Hayekien.

Ensuite, la défense de ces institutions me semble absolument indissociables de la critique de l'État. Et le problème est que c'est un point dont l'analyse ne peut se contenter de l'individualisme méthodologique.

Je suis d'accord avec toi sauf sur un point. Si il faut en effet que l'élite aide les pauvres pour que le système soit stable, il n'est pas requis qu'il y ait pour cela une conscience de class ni un processus rationnel d'aide.

Pour que l'équilibre se fasse, il faut que chaque classe génère sa propre sédition. Tel le lemming qui empêche la génération de son prédateur en se suicidant régulièrement, la classe dirigeante génère une contestation qui transforme en farce l'action de ses ennemis. On n'a jamais fini de s'amuser à comparer la classe sociale et les idées défendues par une personne.

Plus pratiquement il faut que la doctrine qui se proclame héraut du pauvre soit le vecteur de son oppression. Et c'est le socialisme.

En l'absence d'Etat la charité - ainsi que l'hospitalité dans les sociétés traditionnelles - constitue une institution régulatrice qui est un pilier de la cohésion sociale, mais elle ne remplace évidemment pas le noyau de protection qu'est la famille, premier filet de sécurité contre la pauvreté. C'est pourquoi le socialisme vise l'atomisation des liens familiaux (par exemple via la subvention des mères célibataires) afin de modeler la société à sa guise en supprimant les médiations naturelles qui se dressent entre l'Etat et les individus, ce qui a pour effet d'accroître leur dépendance.

Là où ça devient comique, c'est que le phénomène des mères seules sera imputé au libéralisme par les socialistes, qui augmenteront les primes. Or le remède est la cause réelle du mal : en octroyant de l'argent, l'Etat détruit le lien social et atomise l'individu.

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Là où ça devient comique, c'est que le phénomène des mères seules sera imputé au libéralisme par les socialistes, qui augmenteront les primes. Or le remède est la cause réelle du mal : en octroyant de l'argent, l'Etat détruit le lien social et atomise l'individu.

Ce qui nous permet de conclure à deux mains sur une vérité qui dérange les préjugés libéraux : si dans une société où l'Etat est modeste, les liens sociaux doivent être forts pour en assurer la stabilité et éviter que les classes dangereuses fassent la révolution, le salut du libéralisme passe donc par la promotion de la religion et des valeurs familiales.

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Ce qui nous permet de conclure à deux mains sur une vérité qui dérange les préjugés libéraux : si dans une société où l'Etat est modeste, les liens sociaux doivent être forts pour en assurer la stabilité et éviter que les classes dangereuses fassent la révolution, le salut du libéralisme passe donc par la promotion de la religion et des valeurs familiales.

A moins que l'on puisse canaliser ailleurs l'énergie des classes que tu qualifies de "dangereuses".

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Ce qui nous permet de conclure à deux mains sur une vérité qui dérange les préjugés libéraux : si dans une société où l'Etat est modeste, les liens sociaux doivent être forts pour en assurer la stabilité et éviter que les classes dangereuses fassent la révolution, le salut du libéralisme passe donc par la promotion de la religion et des valeurs familiales.

Les classes dangereuses ? Tu vises les intellectuels :icon_up:

Plus sérieusement n'oublie pas que le libéralisme au-delà de sa polysémie s'attaque bien à l'Etat avant de s'attaquer aux autres pouvoirs. A notre époque où le phénomène est celui de l'aborption par l'Etat de toutes les institutions, le libéralisme passe par la défense de la liberté de culte et de ne pas suivre le troupeau individualiste.

Ce qui me fait penser au fameux débat-épouvantail : créationniste contre rationaliste, qui n'est que l'envers d'un débat autrement plus important sur la responsabilité finale de l'éducation : parent ou Etat.

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Les classes dangereuses ? Tu vises les intellectuels :icon_up:

Les intellectuels réputés progressistes ont surtout une fonction d'idiots utiles, ils ne font que traduire le rapport de force social du moment et participer à la circulation des nouvelles élites qui les mettront au placard une fois que leur travail sera accompli. C'est une classe de frustrés qui décompose la matière organique pourrie, un peu comme les champignons, finalement la plupart sont comestibles bien que sans qualité et très peu sont vénéneux.

Plus sérieusement n'oublie pas que le libéralisme au-delà de sa polysémie s'attaque bien à l'Etat avant de s'attaquer aux autres pouvoirs. A notre époque où le phénomène est celui de l'aborption par l'Etat de toutes les institutions, le libéralisme passe par la défense de la liberté de culte et de ne pas suivre le troupeau individualiste.

Oui, le problème étant que le libéralisme ne comprend pas ses conditions sociales de possiblité et la nécessité des anciens préjugés dans un ordre spontané. Il tend ainsi à adopter le parti de l'atomisation plutôt que celui de la médiation institutionnalisée et de la tradition, dont il conteste l'autorité à partir du paradigme de l'individu rationnel. En cela il fait bien souvent le jeu du socialisme.

A moins que l'on puisse canaliser ailleurs l'énergie des classes que tu qualifies de "dangereuses".

Comme leur donner des terrains pour jouer au ballon, ou leur laisser cramer des voitures pour canaliser cette belle énergie. Ah mais n'est-ce pas déjà ce que fait l'Etat?

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Comme leur donner des terrains pour jouer au ballon,ou leur laisser cramer des voitures pour canaliser cette belle énergie. Ah mais n'est-ce pas déjà ce que fait l'Etat?

Plutôt en leur proposant une économie en pleine expansion dans laquelle ils ont plus à gagner qu'en devenant un délinquant qui se fera prendre et punir.

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Plutôt en leur proposant une économie en pleine expansion dans laquelle ils ont plus à gagner qu'en devenant un délinquant qui se fera prendre et punir.

Vision sympathique de l'économie, tant il est vrai que le libre échange et le marché sont les seules forces capables de réduire durablement la pauvreté et d'accroître la classe moyenne. Il n'en reste pas moins qu'une economie en pleine expansion connaît des cycles de destruction créatrice et des phases d'adaptation qui générent des pauvres en masse. D'autre part même une société dynamique avec un fort niveau d'éducation, d'investissement et de mobilité connaît une part incompressible de marginaux, d'individus moins doués et moins prévoyants, ou d'accidentés de la vie. La question "que fait-on pour les pauvres" reste donc pertinente dans une société riche.

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