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Position libérale sur les génocides


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Une intervention à l'étranger est justifiée si le peuple d'un pays X est agressé par l'Etat Y. Permettre donc au peuple X de préserver ses institutions déjà établies.

Aller sauver le peuple X de leurs hommes d'Etat implique automatiquement de devoir donner un projet collectif a ces gens-la, leur donner une porte de sortie, c'est donc faire preuve de constructivisme. Et vouloir redonner un projet collectif à la place de ces gens-la, c'est dans 90% des cas échouer, qui dit que les cambodgiens veulent la démocratie à l'occidentale?

En vérité il n'y a aucun moyen de savoir véritablement ce que veulent les peuples opprimés, seuls eux le savent, par conséquent une action armée menée par eux-mêmes est le gage d'une réussite.

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Sans parler du fait que "le peuple" n'est pas un ensemble homogène, et que le fait qu'une partie du peuple de lève contre le régime en place, ne démontre pas que "le peuple" se lève contre le régime.

Donc, pas d'ingérence étatique. Ingérence individuelle pour ceux qui veulent (c'est à dire a peu près personne).

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  Le 22/07/2012 à 17:45, Tremendo a dit :

En vérité il n'y a aucun moyen de savoir véritablement ce que veulent les peuples opprimés, seuls eux le savent, par conséquent une action armée menée par eux-mêmes est le gage d'une réussite.

Dans l'absolue on pourrait imaginer un système de donation web de grande ampleur pour financer des opérations militaires SMP. Peut-être qu'un jour les plate-forme de crowdfunding offriront cette possibilité. Encore un créneaux liberhalal à saisir :D

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F.Mas est demandé sur ce fil de toute urgence ! Je répète, F.Mas est demandé sur ce fil !

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Rester à regarder un massacre les bras croisés est très délicat. Tout comme arrêter un massacre en massacrant des gens.

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  Le 22/07/2012 à 16:42, henriparisien a dit :

C'est le - à-priori - qui pose problème. Ils sont très loin et tu as peut-être une vision très déformée de l'histoire. Tiens, en Thétchénie, qui faut-il défendre ? Les gentils Tchétchènes terrorisés par l'armée russe ? Les gens Russes terrorisés par les groupes armées Tchétchènes ? Il y a des histoires horribles qui circulent des deux cotés.

Tu as d'ailleurs eu plus récement un renversement complet : les bon talibans qui chassent les communistes corrompus d'afganistan et qui deviennent dix ans après d'horribles intégristes qui protègent Al-Quaida.

C'est vrai qu'il faut faire gaffe. C'est un peu con de soutenir des guérillas islamistes ou maoïstes pour renverser un dictateur par exemple. Il faut voir au cas par cas au niveau efficacité, mais au niveau du principe, je ne vois pas vraiment ce qui s'y oppose.

Pour l'efficacité à court terme, soutenir financièrement une faction armée d'opposition qui semble "moins pire", je pense que c'est le mieux, mais pour le long terme je pense qu'il n'y a que l'influence philosophique qui peut l'empêcher de simplement changer de tyrannie.

De toute façon à part si la "Libéralie" est vraiment énorme, ce qui est encore plus improbable que l'existence de la "Libéralie" au départ, ça m'étonnerai qu'on trouve assez de "Libéraliens" pour financer une armée capable de renverser un régime ou intervenir de façon significative dans tel ou tel conflit.

Ce serait peut-être différent en cas de génocide ou démocide, avec images atroces à la télé etc …

Sinon, je déborde, mais vous pensez que ce serait possible économiquement (ou plutôt économiquement non suicidaire) pour une très grosse entreprise (d'un pays libéral sans monopole de la force) dans l'exploitation de ressources naturelles genre pétrole, or, gaz etc…. de dégommer le régime tyrannique d'un pays très pauvre, pour y exploiter les ressources, ou c'est un truc seulement accessible aux Etats qui ont une manne financièrement quasi-illimitée ?

Posté

Pas assez rentable pour financer une guerre.

Rares sont les guerres motivées par le profit économique, car les pertes surpassent largement les profits. La plus part du temps c'est idéologique.

Et il est tout à fait pensable qu'une association privée non-lucrative amasse une quantité de dons assez conséquents pour partir en guerre contre les anti-libéraux.

Posté
  Le 22/07/2012 à 21:40, jamkan a dit :

Sinon, je déborde, mais vous pensez que ce serait possible économiquement (ou plutôt économiquement non suicidaire) pour une très grosse entreprise (d'un pays libéral sans monopole de la force) dans l'exploitation de ressources naturelles genre pétrole, or, gaz etc…. de dégommer le régime tyrannique d'un pays très pauvre, pour y exploiter les ressources, ou c'est un truc seulement accessible aux Etats qui ont une manne financièrement quasi-illimitée ?

Cela a déjà eu lieu. Les compagnies commerciales britanniques sont un exemple avec l'établissement de comptoirs et des coups de force pour obtenir des accords commerciaux.

On peut aussi évoquer la guerre des boxers en Chine.

Posté
  Le 22/07/2012 à 21:45, Tarik a dit :

Pas assez rentable pour financer une guerre.

Même pour un pays très riche en ressources, mais très pauvre et dont l'Etat tyrannique lui même est très pauvre, avec une armée pas si grande que ça avec du vieux matériels ?

Posté
  Le 22/07/2012 à 22:09, jamkan a dit :

Même pour un pays très riche en ressources, mais très pauvre et dont l'Etat tyrannique lui même est très pauvre, avec une armée pas si grande que ça avec du vieux matériels ?

Il suffit pas qu'ils viennent et dise que les ressources sont à eux, il faut en plus les exploiter et les sécuriser.

Ah, en fait même pas besoin de chasser les dictateurs pour ça. En faits, c'est encore mieux pour le business.

En revanche, dans la situation que tu cite, j'ai un mal fou à ne pas voire ça comme du racket pur et simple.

Posté (modifié)
  Le 22/07/2012 à 22:22, Tarik a dit :

Il suffit pas qu'ils viennent et dise que les ressources sont à eux, il faut en plus les exploiter et les sécuriser.

Ah, en fait même pas besoin de chasser les dictateurs pour ça. En faits, c'est encore mieux pour le business.

C'est mieux pour le bizness d'être sur le territoire d'un Etat antilibéral ?

Si l'entreprise A veut exploiter du B qui se trouve dans le sol du pays C, dans des terrains sans propriétaires, mais qui ne se trouve pas à un seul endroit en particulier, ça m'étonne fortement que l'Etat du pays C n'envoie pas son armée attaquer les exploitations.

Tu penser à arroser les dictateurs ?

  Citation

En revanche, dans la situation que tu cite, j'ai un mal fou à ne pas voire ça comme du racket pur et simple.

Hein ? Je parle de ressources inexploitées et sans propriétaire légitime.

Modifié par jamkan
Posté
  Le 22/07/2012 à 22:32, jamkan a dit :
C'est mieux pour le bizness d'être sur le territoire d'un Etat antilibéral ?

http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9publique_banani%C3%A8re

  Citation
Si l'entreprise A veut exploiter du B qui se trouve dans le sol du pays C, dans des terrains sans propriétaires, mais qui ne se trouve pas à un seul endroit en particulier, ça m'étonne fortement que l'Etat du pays C n'envoie pas son armée attaquer les exploitations. Tu penser à arroser les dictateurs ?

En effet, ou bien les menacer avec une armée. Dans tout les cas, de rentable à les renverser. Sauf bien entendu dans le cas d'un pays très faible militairement avec beaucoup de ressource ET dictatorial. Pays qui n'existe tout simplement pas parce qu'un pays dictatorial repose sur l'usage de la force brute, donc il ne sera pas simple à renverser.

  Citation
Hein ? Je parle de ressources inexploitées et sans propriétaire légitime.

Oh la la, sujet tabou.

Posté
  Le 22/07/2012 à 22:46, Tarik a dit :

En effet, ou bien les menacer avec une armée. Dans tout les cas, de rentable à les renverser. Sauf bien entendu dans le cas d'un pays très faible militairement avec beaucoup de ressource ET dictatorial. Pays qui n'existe tout simplement pas parce qu'un pays dictatorial repose sur l'usage de la force brute, donc il ne sera pas simple à renverser.

Quelques pays africains non ?

Je pense particulièrement au Congo-Kinshasa, mais je ne le connais pas si bien que ça. Il a le "GDP PPP per capita" le (ou un des) plus bas du monde, mais "the Democratic Republic of Congo is widely considered to be the richest country in the world regarding natural resources", l'armée nationale a un budget particulièrement bas et est classé comme "authoritarian regime".

  Le 22/07/2012 à 22:46, Tarik a dit :

Oh la la, sujet tabou.

La propriété privée ?

Posté
  Le 22/07/2012 à 23:08, jamkan a dit :

Quelques pays africains non ?

Non. D'ailleurs, on essaye bien d'intervenir dans ces pays, mais ça n'a rien de simple et peu coûteux.

Posté
  Le 22/07/2012 à 15:52, Jesrad a dit :

Une association armée qui va bénévolement botter les fesses des tyrans. C'est le thème des animés japonais 'Gundams'.

Je serai prêt à payer pour avoir des gundam IRL.

Après, je m'en fous un peu de qui ils iront botter les fesses :P

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Il n'y a pas de réponse simple à cette question parce qu'elle n'est pas réglée par le libéralisme, qu'on le veuille ou non.

Tout au plus dispose-t-on de données empiriques : war is the health of the state, et toussa. Mais c'est vrai aussi pour la sécurité intérieure. Tous les métiers de l'Etat sont sa "santé".

C'est tout le problème du modèle étatique, même libéral : l'intérêt d'un Etat sera toujours d'augmenter son propre pouvoir, et par définition, puisqu'il est l'Etat, il n'y a personne de taille à l'empêcher physiquement de le faire. La séparation des pouvoirs ça marche à condition que tout soit fait pour que ces pouvoirs soient en guerre permanente avec des intérêts en conflit frontal, ce qui implique de concevoir un système où, pour simplifier, il y ait une barrière étanche entre (1) police (2) justice (3) législateurs (4) gouvernement et que tous ces gens ne viennent pas du même monde. Et bien sûr, si on retient le système démocratique, les plus hauts niveau de chacun de ces groupes doivent tous avoir une légitimité élective : le shérif, le juge, le député, le ministre, qui peuvent déléguer leurs pouvoirs. Sans ça, ils n'ont pas l'indépendance requise pour s'opposer aux pouvoir élus.

Je précise que c'est bien volontaire d'inclure 4 pouvoirs au lieu des 3 traditionnels. Si le rôle de l'exécutif est de gérer la politique courante, celui du législatif de faire la loi, celui du judiciaire de l'interpréter, il ne faut jamais oublier qu'une loi n'a de puissance que par son application forcée. Et c'est pour ça qu'il est extrêmement important d'avoir des shérifs élus par la population au sein de laquelle ils utilisent la force (y compris par délégation) pour faire respecter la loi.

Posté

"Il n'y a pas de réponse simple à cette question parce qu'elle n'est pas réglée par le libéralisme, qu'on le veuille ou non."

Cette phrase pourrait synthétiser ma position sur le sujet. Comme il n'y a pas une seule position politique et institutionnelle qui puisse prétendre résumer à elle seule tous les courants libéraux sur la question, il ne peut y avoir de solution simple qui puisse y répondre.

Pour que l'intervention puisse être envisagée, il faut au minimum reconnaître l'existence d'un Etat représentatif autorisé à conduire une intervention militaire, ne serait-ce que pour protéger la vie et la propriété des sociétaires qu'il représente. Dans ce cas, l'Etat n'est pas neutre ou indifférent aux activités de sa propre société civile et doit intervenir pour empêcher une faction d'en opprimer une autre au sein de sa juridiction spéciale. C'est ce qui a été beaucoup reproché à la république de Weimar : le dogme de l'état neutre a privé l'Etat d'outils pour prévenir de l'oppression de la minorité juive par le factionisme nazi.

La question se complique sur la légitimité des actions extérieures visant à empêcher la perpétuation d'un génocide dans ou par un autre Etat. C'est beaucoup plus casse-couilles comme problème, parce qu'effectivement, non seulement l'Etat se renforce et affaiblit la société civile qu'il est censé représenter -au moins en théorie- en agissant, mais en plus, les contrôles qui existent en politique intérieure pour limiter l'intrusion arbitraire de l'Etat sur les conduites individuelles n'existent pas au sein de l'anarchie internationale. Les représentants de l'Etat sont juges et parties des expéditions militaires, et les populations civiles sont en général à la remorque de ce qu'en dit l'exécutif.

Arthur Shlesinger parlait déjà il y a trente ans de ce phénomène aux USA en parlant de "présidence impériale", c'est-à-dire de cette propension de tous les organes de la représentation (et des médias) à se mettre à la remorque de la présidence en cas de conflit extérieur. La suite logique, c'est la poursuite de la guerre non en vue de la protection de la société civile, mais des intérêts coalisés qui se trouvent à la tête de l'Etat et qui profite de ce monopole d'information et d'exécution de la décision publique.

Une fois ce schéma a l'esprit, on peut se défier légitimement de toutes les "interventions humanitaires", des "guerres pour le droit, la liberté et la démocratie" et autres montages de propagande blanche ou noire en provenance des états majors des nations, qu'elles soient démocratiques ou non.

Quand nos édiles nous disent que la France intervient en Afpak pour "défendre le droit des femmes contre les talibans", en Libye pour "libérer la population de l'oppression d'un tyran", qu'il y a urgence à intervenir en Syrie ou en Iran, ce n'est pas par charité et humanitarisme. On remarquera d'ailleurs que la plupart des guerres contemporaines sont justifiées par des finalités humanistes, démocratiques et pour ainsi dire libérales, et qu'officiellement aucun Etat ne défend d'intérêts nationaux "égoïstes". Que nos dirigeants sont moraux :)

Ce que révèle ce décalage entre intérêts des Etats et propagande, c'est que sous couvert de guerre humanitaire, il y a toujours le risque d'impérialisme. J'interviens dans tel pays pour protéger les droits de la minorité machin et puis finalement je reste un peu et me substitue au gouvernement officiel pendant genre 45 ans. Je sauve la peau de truc, mais tout ce qu'il gagne, c'est de devoir accepter de voir son pays reconstruit ou défendu uniquement avec tels ou tels entreprises nationales.

Michael Walzer suggère donc d'ajouter au lexique moral libéral (et progressiste) une condition d'autodétermination pour éviter l'impérialisme : c'est à la société civile de se libérer de l'oppression de l'Etat qui souhaite sa destruction. Ce n'est pas entièrement satisfaisant mais c'est déjà une piste. Ce n'est pas satisfaisant, car dans certains configurations, les fractions opprimées ne peuvent survivre sans secours extérieur.

S'il faut faut se méfier de toutes les interventions militaires de l'Etat, et qu'elles sont toutes dommageables à l'ordre social interne des Etats qui s'engagent dans de tels guerres, cela ne veut pas dire qu'incidemment ces guerres ne peut avoir des aspects bénéfiques, notamment quand il s'agit de prévenir un génocide.

En gardant à l'esprit que les représentants de l'Etat poursuivent leurs intérêts qui ne recoupent pas nécessairement ceux des gouvernés, on pourrait très bien imaginer dans une optique lockienne un peuple idéalement vertueux (c'est-à-dire libéral, même républicain, particulièrement vigilant) qui fasse constamment pression sur ses dirigeants pour l'empêcher d'intervenir n'importe comment, et qui soit capable de modérer les interventions extérieures conformes aux intérêts nationaux (c'est-à-dire les moins dommageables pour les gouvernés) en les doublant de principes d'humanité ou de de justes conduites dans la guerre (et donc en limitant les conflits à ceux impliquant des génocides plausibles et à grande échelle). C'est une autre piste.

Posté
  Le 23/07/2012 à 01:06, jabial a dit :

Il n'y a pas de réponse simple à cette question parce qu'elle n'est pas réglée par le libéralisme, qu'on le veuille ou non.

C'est ce que j'écrivais en 2003 à propos de la guerre en Irak, coinçé entre les pro-guerre et les anti-guerre, deux camps qui invoquaient le libéralisme comme socle de leur raisonnement.

Posté
  Le 23/07/2012 à 07:41, F. mas a dit :

"Il n'y a pas de réponse simple à cette question parce qu'elle n'est pas réglée par le libéralisme, qu'on le veuille ou non."

Cette phrase pourrait synthétiser ma position sur le sujet. Comme il n'y a pas une seule position politique et institutionnelle qui puisse prétendre résumer à elle seule tous les courants libéraux sur la question, il ne peut y avoir de solution simple qui puisse y répondre.

Pour que l'intervention puisse être envisagée, il faut au minimum reconnaître l'existence d'un Etat représentatif autorisé à conduire une intervention militaire, ne serait-ce que pour protéger la vie et la propriété des sociétaires qu'il représente. Dans ce cas, l'Etat n'est pas neutre ou indifférent aux activités de sa propre société civile et doit intervenir pour empêcher une faction d'en opprimer une autre au sein de sa juridiction spéciale. C'est ce qui a été beaucoup reproché à la république de Weimar : le dogme de l'état neutre a privé l'Etat d'outils pour prévenir de l'oppression de la minorité juive par le factionisme nazi.

La question se complique sur la légitimité des actions extérieures visant à empêcher la perpétuation d'un génocide dans ou par un autre Etat. C'est beaucoup plus casse-couilles comme problème, parce qu'effectivement, non seulement l'Etat se renforce et affaiblit la société civile qu'il est censé représenter -au moins en théorie- en agissant, mais en plus, les contrôles qui existent en politique intérieure pour limiter l'intrusion arbitraire de l'Etat sur les conduites individuelles n'existent pas au sein de l'anarchie internationale. Les représentants de l'Etat sont juges et parties des expéditions militaires, et les populations civiles sont en général à la remorque de ce qu'en dit l'exécutif.

Arthur Shlesinger parlait déjà il y a trente ans de ce phénomène aux USA en parlant de "présidence impériale", c'est-à-dire de cette propension de tous les organes de la représentation (et des médias) à se mettre à la remorque de la présidence en cas de conflit extérieur. La suite logique, c'est la poursuite de la guerre non en vue de la protection de la société civile, mais des intérêts coalisés qui se trouvent à la tête de l'Etat et qui profite de ce monopole d'information et d'exécution de la décision publique.

Une fois ce schéma a l'esprit, on peut se défier légitimement de toutes les "interventions humanitaires", des "guerres pour le droit, la liberté et la démocratie" et autres montages de propagande blanche ou noire en provenance des états majors des nations, qu'elles soient démocratiques ou non.

Quand nos édiles nous disent que la France intervient en Afpak pour "défendre le droit des femmes contre les talibans", en Libye pour "libérer la population de l'oppression d'un tyran", qu'il y a urgence à intervenir en Syrie ou en Iran, ce n'est pas par charité et humanitarisme. On remarquera d'ailleurs que la plupart des guerres contemporaines sont justifiées par des finalités humanistes, démocratiques et pour ainsi dire libérales, et qu'officiellement aucun Etat ne défend d'intérêts nationaux "égoïstes". Que nos dirigeants sont moraux :)

Ce que révèle ce décalage entre intérêts des Etats et propagande, c'est que sous couvert de guerre humanitaire, il y a toujours le risque d'impérialisme. J'interviens dans tel pays pour protéger les droits de la minorité machin et puis finalement je reste un peu et me substitue au gouvernement officiel pendant genre 45 ans. Je sauve la peau de truc, mais tout ce qu'il gagne, c'est de devoir accepter de voir son pays reconstruit ou défendu uniquement avec tels ou tels entreprises nationales.

Michael Walzer suggère donc d'ajouter au lexique moral libéral (et progressiste) une condition d'autodétermination pour éviter l'impérialisme : c'est à la société civile de se libérer de l'oppression de l'Etat qui souhaite sa destruction. Ce n'est pas entièrement satisfaisant mais c'est déjà une piste. Ce n'est pas satisfaisant, car dans certains configurations, les fractions opprimées ne peuvent survivre sans secours extérieur.

S'il faut faut se méfier de toutes les interventions militaires de l'Etat, et qu'elles sont toutes dommageables à l'ordre social interne des Etats qui s'engagent dans de tels guerres, cela ne veut pas dire qu'incidemment ces guerres ne peut avoir des aspects bénéfiques, notamment quand il s'agit de prévenir un génocide.

En gardant à l'esprit que les représentants de l'Etat poursuivent leurs intérêts qui ne recoupent pas nécessairement ceux des gouvernés, on pourrait très bien imaginer dans une optique lockienne un peuple idéalement vertueux (c'est-à-dire libéral, même républicain, particulièrement vigilant) qui fasse constamment pression sur ses dirigeants pour l'empêcher d'intervenir n'importe comment, et qui soit capable de modérer les interventions extérieures conformes aux intérêts nationaux (c'est-à-dire les moins dommageables pour les gouvernés) en les doublant de principes d'humanité ou de de justes conduites dans la guerre (et donc en limitant les conflits à ceux impliquant des génocides plausibles et à grande échelle). C'est une autre piste.

Merci pour ce commentaire complet. Ca permet de voir un peu plus clair.

Posté
  Le 23/07/2012 à 07:41, F. mas a dit :
Michael Walzer suggère donc d'ajouter au lexique moral libéral (et progressiste) une condition d'autodétermination pour éviter l'impérialisme : c'est à la société civile de se libérer de l'oppression de l'Etat qui souhaite sa destruction. Ce n'est pas entièrement satisfaisant mais c'est déjà une piste. Ce n'est pas satisfaisant, car dans certains configurations, les fractions opprimées ne peuvent survivre sans secours extérieur.

En effet, ce n'est pas satisfaisant et pour une autre raison aussi : il arrive que le dictateur soit largement soutenu par une majorité, voire la corrompe, pour opprimer une minorité (j'ai évidemment la thèse de Götz Aly en tête).

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Je réside plusieurs mois par an au Laos, je suis donc malgré moi un observateur de ce qui évolue dans ce pays :) Les français de l'étranger au Laos ont voté, à titre informatif, majoritairement pour François Normal, que ce soit au 1er ou au second tour des érections pestilentielles. Manifestement, il souhaitent étendre le degré de servitude au-delà de ce qui est humainement supportable.

Evidemment le génocide des Hmongs est condamnable. Les seuls à blâmer sont Phomvihane et les dirigeants du Pathet Lao de manière générale, tous morts ou presque. Ce meurtre de masse n'a, par contre, rien à voir avec celui orchestré par les Khmers rouges au Cambodge, mais il est passé sous silence médiatique, pas assez de morts, très certainement. L'histoire laotienne est difficilement assimilable à celui du Viet-Nam et du Cambodge, malgré que l'on eut englobé ces trois pays sous le nom d'Indochine, et que les relations Viet-Nam - Laos soient proches. Elles se ressemblent toutefois par le fait que ces Etats soient passés sous le joug communiste, de dernier étant dans les consciences directement responsable de la grande libération contre l'oppresseur colonial. Si vous passez dans la région, n'hésitez pas à faire un tour au musée national à Vientiane pour vous rendre compte de la propagande menée par le régime en place. La Thaïlande échappe à cet enfer car c'est le seul pays du coin à n'avoir jamais été colonisée.

Désormais, les Hmongs vivent parmi les lao, développent des commerces, et disposent de leurs marchés sans être persécutés. Ce sont d'ailleurs ceux qui réussissent plus vite, sans doute grâce à leur anti-communisme, même si je n'ai pas mené d'enquête à ce sujet. La chasse aux sorcières est quasiment terminée, cela doit coûter plus cher de traquer les derniers survivants que de les laisser s'intégrer. Massacre il y a eu, qui n'existe plus malgré les stigmates et des relents racistes selon les ethnies. L'article sur Contrepoints résumait partiellement la tendance en la généralisant (se cacher dans les montagnes pour fuir le bras vengeur étatique, ce n'est pas le cas de tous ceux qui veulent changer les choses de l'intérieur et qui s'exposent par la même occasion à des représailles).

Conséquemment, l'influence de la Chine est maintenant énorme dans cette région. Ce sont les chinois qui s'accaparent les contrats d'exploitation de ressources, et qui pillent les réserves souterraines de leur terrain de jeu favori. Malgré tout, la libéralisation s'accélère, notamment et étrangement grâce à la Chine en premier lieu (en tant qu'exemple à suivre), au tourisme en second (ils apportent des devises). La bureaucratie ne ralentira pas l'évolution des mentalités assez longtemps, les changements auront sa peau. Un jour ou l'autre, au rythme de l'éducation et de l'expatriation de sa population, qui commence à revenir pour créer des emplois dans leur pays d'origine ou bien celui de leurs parents, déçu par le système français, notamment, ancienne colonie franchouille oblige.

Posté

Je terminerai par cette citation d'un français irréprochable consacrée aux relations maîtres-esclaves et esclaves-esclaves, photographiée par mes soins sur la place Fa Ngum :

150480_10150969088430941_361034625_n.jpg

Posté

Les livres de François Ponchaud permettent aussi une bonne lecture de ces phénomènes sur la région. La culture est si différente qu'il est assez difficile pour un occidental de comprendre ces phénomènes et ces massacres. Ayant aussi l'occasion de me balader sur le Cambodge/Laos/Vietnam/Thaïlande, nous pourrions nous rencontrer un de ces 4!

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D'une façon générale je suis contre l'ingérence, y compris sous motif humanitaire car il ne s'agit là que d'un motif, même si des vies humaines peuvent être sauvées. Je serais plus favorable à la non ingérence et à une tradition d'accueil des réfugiés politiques.

A ce sujet un fait piquant : Russie: Poutine a signé la loi qualifiant les ONG "d'agents de l'étranger"

http://www.lepoint.f…-1487870_24.php

Politiquement parlant, je suis d'accord avec Poutine sur ce point. Il semble assez évident que les associations de type "droits de l'homme" dans un pays comme la Russie sont en bonne partie financées et orientées dans leurs choix d'actions avec des arrière-pensées géopolitiques et un modèle politique et social que l'on qualifiera gentiment d'atlantistes.

Posté
  Le 24/07/2012 à 10:09, boubou a dit :

(…)

Politiquement parlant, je suis d'accord avec Poutine sur ce point. Il semble assez évident que les associations de type "droits de l'homme" dans un pays comme la Russie sont en bonne partie financées et orientées dans leurs choix d'actions avec des arrière-pensées géopolitiques et un modèle politique et social que l'on qualifiera gentiment d'atlantistes.

Je suis bien d'accord avec toi, mais pour me faire l'avocat du diable (pour une fois), on peut tout à fait envisager que l'ingérence américaine dans la politique russe soit effectivement moins profitable au pouvoir autoritaire mais plus favorable aux populations civiles. Entre deux soumissions, la plus légère est toujours la plus souhaitable. Enfin, c'est une remarque qu'on pourrait faire à condition de croire que le passage de la tutelle d'un Etat à un autre se fasse sans coûts d'opportunité (guerre civile, subversion, etc.).

Posté
  Le 25/07/2012 à 07:35, F. mas a dit :

Je suis bien d'accord avec toi, mais pour me faire l'avocat du diable (pour une fois), on peut tout à fait envisager que l'ingérence américaine dans la politique russe soit effectivement moins profitable au pouvoir autoritaire mais plus favorable aux populations civiles. Entre deux soumissions, la plus légère est toujours la plus souhaitable. Enfin, c'est une remarque qu'on pourrait faire à condition de croire que le passage de la tutelle d'un Etat à un autre se fasse sans coûts d'opportunité (guerre civile, subversion, etc.).

Mon propos va un peu plus loin que ça. Il s'agit aussi d'un modèle hégémonique qui se prétend être meilleur que le modèle russe en place et qui cherche à tester jusqu'où il peut aller dans la modification de la société russe pour substituer un modèle venu de l'étranger au modèle local. Je voulais au passage égratigner la vision d'une idéologie des Droits de l'Homme et des Lumières considérée comme horizon indépassable du "progrès" et qu'il serait donc souhaitable d'imposer aux autres, comme si les société occidentales baignaient dans le bonheur et la lumière tandis que les russes croupissent dans l'ombre et l'ignorance.

Un peu aussi comme au "bon vieux temps béni des colonies" on l'on allait expliquer aux autochtones le bienfondé du bouleversement de leurs identités et traditions par nous autres européens les derniers venus.

Posté
  Le 25/07/2012 à 08:19, F. mas a dit :

Eh bien dans ce cas nous sommes d'accord.

Merci F.Mas. J'aurais aimé susciter plus de désaprobation et de cris au scandale pour avoir tenu des propos aussi scandaleux. Manifestement c'est raté :dentier: !

Posté

A mon avis, le problème repose essentiellement sur qui se réclame de l'idéologie des droits de l'homme : le soupçon d'impérialisme n'est pas illégitime quand le discours provient de puissances concurrentes. Seulement, il faut aussi faire le tri dans les critiques morales, y compris celles adressées à la Russie, et se dire que certaines sont quand même pertinentes, non pas au regard de la pratique des sociétés occidentales, mais de certains idéaux qu'elles prétendent défendre (par exemple le libéralisme, qui après tout vise à l'auto-émancipation des individus et de la société civile sous toutes les latitudes). Si l'occidentalisation de la Russie n'est pas souhaitable en soi, arguer de l'âme slave ou asiatique pour conserver en l'état le despotisme bureaucratique qui pétrifie son organisation relève du même type d'enfumage que l'idéologie du progrès.

Posté
  Le 25/07/2012 à 09:13, F. mas a dit :

Seulement, il faut aussi faire le tri dans les critiques morales, y compris celles adressées à la Russie, et se dire que certaines sont quand même pertinentes, non pas au regard de la pratique des sociétés occidentales, mais de certains idéaux qu'elles prétendent défendre (par exemple le libéralisme, qui après tout vise à l'auto-émancipation des individus et de la société civile sous toutes les latitudes). Si l'occidentalisation de la Russie n'est pas souhaitable en soi, arguer de l'âme slave ou asiatique pour conserver en l'état le despotisme bureaucratique qui pétrifie son organisation relève du même type d'enfumage que l'idéologie du progrès.

Cela fait partie de nos points de désaccord. La notion de despotisme asiatique initiée par Montesquieu demeure étonnamment pertinente et fructueuse pour appréhender la permanence autoritaire des régimes de Russie et d'Asie centrale, sans laquelle leur légitimité est difficilement explicable.

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