Mégille Posté 18 octobre Signaler Posté 18 octobre On devrait, je crois, en compter 4, plutôt que 2 ou 3. Ou 5, en comptant le capital, mais on a raison de souvent l'en exclure, puisqu'il reste une combinaison des précédents. Les autrichiens ont aussi raison d'en exclure l'entreprenariat, mais pas pour les bonnes raisons. Les quatre facteurs sont : la nature, le travail, et il faut y ajouter l'idée et la décision. (la correspondance aux quatre causes d'Aristote n'est pas accidentelle) Considérer l'idée comme un facteur en son propre droit permet de comprendre la différence de productivité gigantesque entre le travail d'un paysan dans une société non-industrialisée (et ce, même s'il travaille énormément et dans une nature très féconde) et celle d'un ouvrier-technicien moderne. On a tendance, je crois, à considérer l'idée comme une simple qualité du travail, à la façon de Marx qui considère le travail d'un ouvrier non-qualifié comme une fraction du travail d'un ingénieur -malgré que même un très grand nombre d'ouvriers ne fassent pas un travail d'ingénieur (autrement, on aurait sans doute des chemins de fer au lieu des menhirs et des dolmens). Et en effet, qu'un effort laborieux puisse être plus ou moins utile est tout à fait analogue à ce qu'un bout de matériau naturel puisse lui aussi l'être. Mais pour la nature aussi bien que pour le travail, c'est l'idée qui accorde cette valeur supplémentaire. Sans l'idée de ce qu'on pourrait en faire, le pétrole n'a pas beaucoup plus de valeur que le sable du désert au dessus de lui. Mais surtout, l'idée est essentiellement différente travail, quel que soit la définition qu'on ait de lui. On le pense tantôt comme la transformation volontaire de la nature, tantôt comme l'occupation du temps humain, tantôt comme l'effort fourni, mais non seulement il est tout à fait possible de faire tout ça sans avoir la moindre nouvelle idée (et c'est la condition générale de l'humanité jusqu'à la révolution industrielle), mais il est aussi possible, quoi que rare, d'avoir une nouvelle idée sans particulièrement avoir à y consacrer temps et effort. Partant de là, on peut concevoir l'idée comme le résultat possible du travail sur la nature, et le travail, comme l'effort pour donner à la nature la forme d'une idée. A ceci, il faut encore ajouter la décision de réaliser une certaine idée plutôt que d'autres. Bien qu'en elle-même immatérielle comme l'idée, elle en est qualitativement différente, puisqu'il s'agit d'un acte de la volonté là ou la saisie de l'idée est un acte de l'entendement, et qu'elle réside dans l'acceptation de l'incertitude concernant les résultats de la tentative de la réalisation de l'idée, c'est à dire, dans l'imperfection de la saisie de l'idée. C'est en partie ce qu'on désigne par entreprenariat quand on le considère comme un facteur, mais il y a deux raisons de plutôt parler de la décision elle-même. D'abord, parce que l'activité générale de l'entrepreneur ne consiste généralement pas en la seule décision, mais en une combinaison de décision, d'idée et de travail. Ensuite, parce que l'entrepreneur n'est le fournisseur de décision que dans une économie de marché. Or, les économies planifiées produisant aussi de la richesse -peu importe qu'elles en produisent moins, ou en détruisent plus au passage- tous les facteurs nécessaires doivent aussi y être. La décision en l'occurrence est simplement accaparée au planificateur, et c'est précisément parce que ce facteur est moins bien mobilisé que le produit est inférieur, même lorsque chacun des trois autres facteurs est là. L'omission des facteurs immatériels, l'idée et la décision, par les économistes du XIXème, est sans doute due à leur zeitgeist matérialiste. Mais les intégrer à la théorie est nécessaire, puisque c'est eux, bien plus que les deux premiers, qui expliquent les fortunes actuelles, au niveau micro aussi bien que macro. C'est par eux qu'on peut répondre aux sophismes voulant qu'un ouvrier, travaillant plus que son patron (le cas n'est pas systématique, mais il existe), devraient gagner plus que lui, ou que l'Afrique, au sous-sol plus riche que l'Europe, devrait être plus prospère. Et c'est généralement de cette façon qu'on répond, mais on ne les identifie comme facteur de la production qu'implicitement, et on a tort de s'y limiter. 1
Daumantas Posté 18 octobre Signaler Posté 18 octobre Pour la décision c'est intéressant, pour l'idée je ne vois pas bien la distinction que tu sembles faire avec le facteur technologique déjà pris en compte depuis quelques décennies (modèle de Solow etc.)
Mégille Posté Lundi at 21:50 Auteur Signaler Posté Lundi at 21:50 Le 18/10/2025 à 14:54, Daumantas a dit : Pour la décision c'est intéressant, pour l'idée je ne vois pas bien la distinction que tu sembles faire avec le facteur technologique déjà pris en compte depuis quelques décennies (modèle de Solow etc.) C'est parce que 1- j'avais surtout très envie de pouvoir plaquer tout ça sur Aristote, et 2- les manuels que j'avais lu étaient déjà vieux et ne parlaient pas de la technologie ou du savoir comme de facteurs de production en eux mêmes. Il faudrait que j'en lise plus. Je vais peut-être dire une bêtise, mais à vu de nez, je dirais que la notion de technologie est moins pure que celle d'idée, puisqu'elle inclue un mélange d'autres facteurs de production. En l'occurrence, à la fois des machines, infrastructures, et autres dispositifs techniques qu'on a sous la main (et donc du capital, qui est une sommes de tous les facteurs) et à la fois plus spécifiquement de l'idée de comment ça marche et de ce qu'on peut en faire. De fait, les facteurs de production sont toujours concrètement mélangé les uns aux autres. On aura du mal à trouver une pure production du travail sans matière première naturelle, et idem, un élément naturel et intouché, non seulement est très rare, mais se retrouve mêlé de travail sitôt qu'on va le chercher. Mais tout l'intérêt de chercher à identifier les facteurs de production en eux mêmes est, il me semble, de les abstraire les uns les autres pour les comprendre de la façon la plus générale possible. Et si j'abstrais de la technologie ce qui relève de la nature et du travail -parce que j'ai envie d'en voir dans la technologie- il me semble que ce qui reste ressemble plutôt à ce qu'on appellera une idée, dans un sens technique ou non.
Lameador Posté Mardi at 10:30 Signaler Posté Mardi at 10:30 Celà me paraît bien abstrait. Sur la décision, je pense qu'il existe tout une littérature riche en théories variées sur la monnaie, l'échange, la valeur, les coûts d'opportunité .... Mais, tu magnifies un peu trop le rôle du grand homme qui appuie sur le bouton, que la séparation d'une idée en tant que concept autonome tend à surétherer et isoler de tout composante matérielle (notamment liée au fait qu'il va devoir y coltiner son travail à lui). Bref, la décision ne ma paraît pas aussi isolable de tout un contexte bien plus matérialiste. Tes autres facteurs qui ne sont pas du travail, entre nature et idée, me semble abstraits. Par exemple intéressons nous à la production de bois de chauffage. Pour couper du bois, il ets bien d'avoir une tronçonneuse. La tronçonneuse est-elle une idée ? Le philosophe texan Leatherface semble y associer une matérialité plus concrète, quand bien même il refuse de circonscrire le champ d'application de l'objet tronçonneuse à la seule production de bois de chauffage. Ce n'est pas non plus un truc purement naturel, les gisements de tronçonneuses sauvages étant fort peu documentés dans l'archéologe universitaire. Bref, les notions de matières premières, de capital technique, de technologie ... me paraissent quand même hétérogènes, et trop hétérogène. Si je devais réorienter ta théorie, je mettrais comme facteurs * des ressources consommables. Le fait qu'elles soient naturelles ou non me paraît secondaires, et ce d'autant plus qu'un diamant naturel miné à 10000 kms d'ici à 2000 mètres sous terre est naturel alors qu'une tranche de viande fumée ou un sac de charbon de bois ne le sont pas * des outils et ressoruces non consommables (par exemple un champ ou une tronçonneuse). Les plus concrets d'ente nous observeront qu'un sol s'appauvrit et qu'un outil s'use. * du travail disponible . Ce qui inclut l'idée que le travail soit dépensé ET ne soit pas aliéné (par exemple par des besoins plus urgents, comme glander ou travailler à un autre besoin ou se soigner). Le travail est lui même une donnée complexe, tant il n'est pas complètement substituable. * du savoir faire (ce qui inclut la technologie) * je serais presque tenté de rajouter "un lieu ou s'effectue la produdtion", qui me semble être un type d'outil assez spécifique et commun a presque toutes les activités de production. Ce lieu pouvant être dans le cyberespace. L'usage/l'accès à chacune de ces ressource speut-être un facteur limitant ou bloquant. La décision entrepreuneuriale vient ensuite pour décider si cette combinaison de facteur de production, qui incluera presque toujours (sauf en régime socialiste) une participation du décideur.
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